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Rechercher : Lamennais

  • La vérité

    « La vérité est comme le soleil. Elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder[1]. »

    Accueillez ces vérités dites par ceux qui l’ont cherché.

     

    « Vérité dans un temps, erreur dans un autre[2]. »

    « En vérité, le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout[3]. »

    « Rien de plus rare chez les hommes que l'amour de la vérité[4]. »

    « Il ne faut pas dire toute la vérité, mais il ne faut dire que la vérité[5]. »

    Toute vérité n’est pas bonne à dire

    Et lisez ces auteurs qui se sont parfois trompés.

     



    [1] Victor Hugo; Tas de pierres.

    [2] Montesquieu; Lettres persanes.

    [3] Albert Camus; Le Mythe de Sisyphe.

    [4] Hugues-Félicité Robert de Lamennais

    [5] Jules Renard; Son Journal.

    Pour lire d'autres textes de moi, cf. mes 11 livres en vente sur ce blog

  • Sainte-Beuve (Pour Elisabeth)

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    A la suite de ses notes :

     
    http://boulevarddesresistants.hautetfort.com/archive/2007/07/04/charles-sainte-beuve-1804-1869-premier-amour.html

     

     

    http://depoesiesenpoesies.hautetfort.com/archive/2007/06/01/la-rime.html#comments

    http://boulevarddesresistants.hautetfort.com/archive/2007/07/04/sainte-beuve-la-rime.html

     

    http://depoesiesenpoesies.hautetfort.com/archive/2007/06/02/premier-amour.html#comments
     

    Le poème « Premier amour » est tiré des « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme »(1829).

    La citation sur la rime est aussi tiré de ce livre. Il publiera d’autres recueils mais sans succès.

    Je parle de Sainte-Beuve dans mon mémoire de maîtrise (« Le paysage dans les œuvres poétiques de Baudelaire et Nerval » en vente chez Lulu :

    http://stores.lulu.com/store.php?fAcctID=617288) à propos de « Baudelaire et l’illuminisme » (2 e partie,  Le paysage entre visible et invisible ; 1.Les correspondances ; 1.1. Les références occultistes ; 1.1.2.L’illuminisme, 1.1.2.2.).

     

    En ce qui concerne, l’illuminisme, Baudelaire a été influencé (entre autres) par ses admirations littéraires, Sainte –Beuve (et Balzac) dont les œuvres sont imprégnées de martinisme(mon mémoire, 1.1.2.3.4. Saint-Martin). Sainte-Beuve connaît l’illuminisme et le martinisme par Lamennais(mon mémoire toujours à propos de Saint-Martin)  qui le reçut dans sa propriété de la Chesnaie, près de Dinan.

     

    C’est dans « Volupté », son unique roman(1834) que l’on sent l’influence de Lamennais. C’est « l’histoire d’une âme, de ses inquiétudes et de ses doutes, un adieu à la jeunesse et au romantisme. Le héros du roman, Amaury, se fait prêtre : Sainte-Beuve, lui aussi, choisit une voie austère où il pourra donner sa mesure : la critique littéraire. (Lagarde et Michard, 19 e siècle) »  

    Sainte-Beuve a notamment critiqué l’art de Baudelaire (qui l’admirait tant)  dans  un article du   Constitutionnel du 22 janvier 1862.

     M. Baudelaire a trouvé moyen de se bâtir, à l'extrémité d'une langue de terre réputée inhabitable et par delà les confins du romantisme connu un kiosque bizarre, fort orné, fort tourmenté, mais coquet et mystérieux, où on lit de l'Edgar Poe, où l'on récite des sonnets exquis, où l'on s'enivre avec le haschich pour en raisonner après, où l'on prend de l'opium et mille drogues abominables dans des tasses d'une porcelaine achevée. Ce singulier kiosque, fait en marqueterie, d'une originalité concertée et composite, qui, depuis quelque temps, attire les regards depuis l'extrême pointe du Kamtchatka littéraire romantique, j'appelle cela la folie Baudelaire.   Sur Sainte-Beuve : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Augustin_Sainte-Beuve

     

      Sur Sainte-Beuve et Baudelaire, lire l’extrait du « Contre Sainte-Beuve » de Proust :http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Charles-Pierre_Baudelaire--Sainte-Beuve_et_Baudelaire_par_Marcel_Proust

     

      Sur le « Contre Sainte-Beuve » de Proust : http://fr.wikipedia.org/wiki/Contre_Sainte-Beuve   Sur l’illuminisme et le martinisme : cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Illuminisme

     

      Sur Lamennais, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9licit%C3%A9_Robert_de_Lamennais

     

        Si Baudelaire a admiré Sainte-Beuve, a été influencé par lui, ce dernier lui a bien mal rendu, on l’a vu. Proust dans son « Contre Sainte-Beuve », constate que le critique littéraire a encensé des artistes maintenant tombés dans l’oubli alors qu’il a méprisé Baudelaire et…. Nerval.     Sur Nerval dans le « Contre Sainte-Beuve » de Proust : http://agora.qc.ca/reftext.nsf/Documents/Gerard_de_Nerval--Gerard_de_Nerval_par_Marcel_Proust

     

      Source de l’image : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Augustin_Sainte-Beuve      
  • George Sand et ”L'orgue du Titan”

    Aurore Dupin est née à Paris en 1804 mais a passé toute son enfance dans le Berry, à Nohant. Son éducation s’achève dans un couvent parisien. En 1822, elle épouse le baron Dudevant avec lequel elle a deux enfants mais elle se détache vite de son mari. C’est à Jules Sandeau(1811-1883) qu’elle doit son pseudonyme. Ils écrivent ensemble un roman. Sur Jules Sandeau, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Sandeau En 1832,  « Indiana » est le premier  des romans romanesques et romantiques de George Sand. Elle y exprime aussi ses révoltes politiques et ses revendications féministes. Après ses rencontres avec Lamennais et Pierre Leroux, elle publie des romans d’inspiration socialiste comme « Le Compagnon du Tour de France » (1841) ou mystiques comme « Consuelo » (1842). Sur Lamennais, cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9licit%C3%A9_Robert_de_Lamennais Sur Pierre Leroux, cf. http://www.educreuse23.ac-limoges.fr/sand/leroux.htm En 1838, elle s’est installée à Nohant et sa sensibilité socialiste s’oriente vers les paysans du Berry qui la vénère comme « la bonne dame de Nohant » mais jusqu’à sa mort en 1876, son activité intellectuelle reste intense comme l’atteste sa correspondance et l’intérêt qu’elle témoigne aux écrivains de la nouvelle génération comme Flaubert, About(« L’homme à l’oreille cassée » que j’ai lu quand j’étais enfant) et Fromentin(dont je parle comme peintre surtout dans mon mémoire de maîtrise). A Nohant, elle écrit les romans champêtres  ou régionalistes comme « La mare au diable » (1846) ou « Les Maîtres Sonneurs »(1853), un chef d’œuvre.

    Après avoir publié ses souvenirs (« Histoire de ma vie », 1854), elle revient sous le second Empire au roman romanesque  avec entre autres « Le Marquis de Villemer »(1860).

    Dans ses romans champêtres ou régionalistes notamment, George Sand trouve dans la peinture de paysages et d’êtres chers la meilleure expression de son talent. Elle a le don de traduire avec naturel la poésie des paysages familiers et des cœurs purs. Défendant contre Flaubert les « droits du cœur » en littérature, elle n’a jamais connu la tentation de l’art pour l’art, ni celle du réalisme cru ou pessimiste. Par tempérament et par principe, elle a tendance à embellir la réalité et à idéaliser ses personnages. On trouve dans « L ‘orgue du titan » ce qui charme encore aujourd’hui dans les récits de George Sand : une intrigue attachante et bien conduite, la note pittoresque et gracieuse des mœurs et traditions rustiques, la description des paysages. La description du paysage (des roches basaltiques) n’efface pas la méditation idéaliste devant la beauté, la poésie et la grandeur du spectacle. Cette partie descriptive m’a particulièrement frappé et intéressé bien sûr. Ce conte ressemble sans doute un peu à ceux qu’on racontait lors des veillées dans le Berry de George Sand (ou d’ailleurs). Rappelons que la région évoquée dans « L’orgue du titan » n’est pas si éloignée du Berry. « L’orgue du titan » m’a fait pensé aux « Maîtres sonneurs » à cause de la place centrale que tient dans le conte et dans le roman(où Sand a tenté de reproduire par son style la manière des conteurs du Berry), la musique.   « Les maîtres sonneurs »   Tiennet, la jolie Brulette sa cousine et Joset sont amis depuis l’enfance. Mais Joset n’est pas un garçon comme les autres : distrait et renfermé, il paraît un peu simple ; il rêve de musique mais il n’a pas de voix. Brulette devine qu’il a un secret et révèle à Tiennet la vérité de la chose : « c’est que Joset prétend inventer lui-même sa musique, et qu’il l’invente, de vrai. »   Ca fait évidemment penser au jeune Angelin qui joue un morceau inconnu de son maître et du vicaire mélomane.   « Il a réussi à faire une flûte de roseau, et il chante là-dessus. » Un mois plus tard, Joset consent à leur faire entendre sa musique. Quand il s’arrête de jouer, Tiennet s’écrie : « Où diantre prends-tu tout ça ! à quoi ça peut servir, et qu’est-ce que tu veux signifier par là ? » Joset interroge Brulette.   George Sand célèbre ici « le merveilleux pouvoir de la musique » qui ouvre les portes magiques du souvenir et du rêve, et permet à l’auditeur de communier  avec l’artiste, lui-même transfiguré par l’inspiration créatrice.    La magie de la musique   est un point commun entre le roman et le conte qui  tiennent  tous deux du roman d’apprentissage. Sur l’importance de la musique dans l’œuvre de George Sand, on est obligé de penser aux musiciens qu’elle a connus : Chopin, Liszt, Gounot, Berlioz etc. Sur son amour de la musique et des musiciens, cf.  http://www.georgesand.culture.fr/fr/ar/ar01.htm5(il  y aussi sur ce site, des pages sur ses amours) George Sand est très liée également à Pauline Viardot, célèbre cantatrice contralto qui connaît un succès international. Elle sert de modèle pour « Consuelo », roman qui raconte l’itinéraire d’une artiste qui trouve sa voie en vouant son existence à la musique. Mais ce qui différencie le jeune Angelin de Joset c’est que le premier est déjà initié à la musique  alors que le second est une « âme simple » et c’est l’effet de l’art sur les « âmes simples », les paysans qui intéresse George Sand dans « Les maîtres sonneurs. » (qui sont lisibles en poche, Folio, je crois et dans la bibliothèque numérique, Gallica).   La scène du curé bon vivant dans « L’orgue du titan », qui a les charmes de la comédie, introduit le rapprochement avec le roman picaresque. Sur le « picaresque », cf. Wikipedia à ce mot   La comparaison du début et de la fin de la nouvelle conduisent à mettre en évidence le procédé du retour en arrière ou flash-back que l’on retrouve dans « Mauprat. »   La découverte d’une vocation musicale par un récit fantastique met en évidence la notion de romantisme et la place accordée à l’artiste, l’explication du génie romantique. La figure du Titan (symbolisant le génie romantique) est essentiel.   Sur le titan, cf. wikipedia à ce mot    

    Je me suis aussi aidée de mon bon vieux Lagarde et Michard

    TEXTE PUBLIE CHEZ  AMBROISE DANS LE CADRE D 'UN VOYAGE DANS LE FANTASTIQUE:

    http://ambroise.hautetfort.com/archive/2007/05/30/voyage-dans-le-fantastique.html

  • GEORGE SAND - Une femme critique dans la presse du XIXe siècle

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    Table-ronde avec Olivier Bara, Christine Planté, Marie-Ève Thérenty à l’occasion de la parution de l’anthologie George Sand critique (du Lérot éditeur), présentée par une équipe de spécialistes sous la direction de Christine Planté.

    George Sand a occupé une place essentielle dans la vie littéraire et intellectuelle de son temps grâce à une activité critique soutenue, poursuivie tout au long de sa carrière, de 1833 à 1876. Elle a très tôt salué Eugène Fromentin, défendu Salammbô et L’Éducation sentimentale de Flaubert ; Balzac avait pensé lui confier la préface de La Comédie humaine . Avec une grande autorité et une constante liberté, George Sand a participé à l’invention d’une critique d’écrivain portée par l’essor de la presse au XIXe siècle. Dans le concert médiatique, sa voix de «femme critique» n’a jamais cessé de retentir pour défendre des poètes populaires, soutenir Lamennais (dans la Revue indépendante), faire découvrir l’œuvre de Maurice de Guérin ou d’Adam Mickiewicz (dans la Revue des Deux Mondes ). Tout en accompagnant l’œuvre de Senancour (Obermann), Sainte-Beuve (Volupté), Michelet (L’Oiseau) ou Hugo (Les Chansons des rues et des bois), George Sand s’intéresse aux littératures étrangères : à Shakespeare ou Byron, à Goethe ou Hoffmann, à Fenimore Cooper ou Harriet Beecher Stowe. Ses articles de critique sont aussi pour Sand l’occasion d’affirmer son esthétique romanesque et théâtrale, de défendre son idéalisme ou de s’interroger sur le réalisme.

    Olivier Bara est maître de conférences en littérature française à l’université Lyon 2 et membre de l’UMR LIRE. Ses travaux concernent le spectacle théâtral et lyrique au XIXe siècle, ainsi que les liens entre la littérature, la musique et la scène. Il a notamment publié Le Théâtre de l’Opéra-Comique sous la Restauration (Olms, 2001), Boulevard du Crime : le temps des spectacles oculaires (Orages, 2005). Vient de paraître son édition critique de deux romans de George Sand, Pierre qui roule et Le Beau Laurence (Paradigme, 2007). Il prépare actuellement un essai sur l’esthétique théâtrale et l’éthique de la scène chez George Sand.

    Christine Planté est professeure de littérature à l'université Lyon 2. Elle travaille sur les écritures, théories et représentations du masculin et du féminin, sur les écrits de femmes, leur place dans l'histoire littéraire et leur réception. Co-directrice de l'équipe de recherche sur la littérature du XIXe siècle dans l'UMR LIRE, elle est également responsable du Séminaire interdisciplinaire sur le Genre à l'Institut des Sciences de l'Homme et d'un programme «Genre et culture» de la Région Rhône-Alpes. Elle a notamment publié : La Petite Sœur de Balzac. Essai sur la femme auteur , Seuil, 1989, Lectures de Consuelo – La Comtesse de Rudolstadt de George Sand (avec Michèle Hecquet), PUL, 2004.

    Marie-Ève Thérenty, professeure de littérature française à l'université de Montpellier 3 et membre de l'Institut universitaire de France, est spécialiste des relations entre presse, édition et littérature. Elle a publié Mosaïques, être écrivain entre presse et roman , Champion, 2003, et La Littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle , Seuil, 2007. Elle a dirigé plusieurs volumes collectifs parmi lesquels Presse et plumes, journalisme et littérature au XIXe siècle (avec Alain Vaillant), Nouveau Monde éditions , 2004. Elle prépare actuellement l'édition complète des articles de presse de George Sand chez Champion et a organisé en juin 2007 à Montpellier, un colloque intitulé «George Sand. La science du journalisme».

    Cette rencontre avait été annulée le 14 novembre dernier en raison d’une grève des transports. Elle précède le colloque «George Sand critique» organisé par l’Unité mixte de Recherche LIRE (CNRS-Lyon 2), sous la responsabilité d’Olivier Bara et Christine Planté, les 20 et 21 mars à l’Institut des Sciences de l’Homme (renseignements : bara.olivier@wanadoo.fr).

    Dates (cliquez sur un lieu pour obtenir plus d'information)
     
    Le 19 mars 2008 de 19:30 à 21:30  
    Entrée libre  
    Tous publics   

    Intervenant (cliquez sur un intervenant pour obtenir plus d'information)
     
    Christine Planté
    Olivier Bara
    Marie-Eve Thérenty
    http://php.bm-lyon.fr/phpmyagenda/infoevent3.php3?id=2006

  • 1848 : des écrivains sur les barricades

    Le cabinet de travail de Lamartine (détail)

    af94c0cc4a787c14fd973020fd2f8f88.jpgJ’ai entendu dire aux pauvres : travaillez ! Je n’ai pas vu que cela leur donnât de l’ouvrage quand il n’y en a pas. Plus la propriété est divisée autour de nous, c’est-à-dire plus il y a de gens un peu aisés, plus ceux qui n’ont rien deviennent inutiles, et, on a beau dire, je vois bien que c’est toujours le plus grand nombre. […] Voilà donc où nous en sommes réduits ; c’est à demander ce que nous allons devenir, à des gens qui ne veulent pas nous répondre, et qui trouvent même insolent que nous osions leur faire cette question-là."
    Lettre d’un paysan de la Vallée noire, publiée en octobre 1844 par L’Éclaireur de l’Indre, journal créé par Sand en 1843. Citée par Jean-Denys Phillipe dans Traits pour traits.

    Encore une révolution qui amène un régime impérial ! Après 1789, le premier Empire. Après 1848, le second…

    Et une révolution qui met les écrivains au premier rang : on y voit un Lamartine enfanter la République contre les royalistes et les socialistes ; une George Sand plus socialiste que les socialistes ; Tocqueville, Quinet, Lamennais et Hugo sont élus députés (mais pas Vigny).
    D’autres sont aussi présents, mais plus discrets : Baudelaire [1], fusil à la main le 24 février au carrefour de Buci, essaie d’entraîner quelques hommes dans une expédition punitive contre son beau-père honni, le général Aupick… Son bref élan révolutionnaire lui donnera le temps de créer un journal qui vivra deux numéros…

    "J’ai la haine de la propriété territoriale. Je m’attache tout au plus à la maison et au jardin. Le champ, la plaine, la bruyère, tout ce qui est plat m’assomme, surtout quand ce plat m’appartient, quand je me dis que c’est à moi, que je suis forcée de l’avoir, de le garder, de le faire entourer d’épines et d’en faire sortir le troupeau du pauvre, sous peine d’être pauvre à mon tour […]."
    George Sand, citée par André Maurois, Lélia ou la vie de George Sand.
    Flaubert débarque dans la capitale le 23 février, s’engage dans la garde nationale le lendemain et court les rues avec Maxime du Camp (la conduite de ce dernier, blessé en juin 1848, lui vaudra la désapprobation de Flaubert et la Légion d’honneur), assistant horrifié à la mise à sac du palais des Tuileries et photographiant en esprit des scènes qui feront l’arrière-plan de L’Éducation sentimentale ; Sainte-Beuve se cache – toute cette violence l’effraie ; Dumas est dans la rue, comme dix-huit ans auparavant ; Chateaubriand, c’en est trop, décède le 4 juillet ; Ponson du Terrail est un garde national opposé aux révolutionnaires, etc.
    Jules Verne, lui, arrive après la bataille : en juillet, pour passer des examens de droit. Il observe alors sur les façades les traces des balles et des boulets, en spectateur désabusé et pas vraiment enthousiaste.
    L’humanité qui souffre, ce n’est pas nous, les hommes de lettres ; ce n’est pas moi, qui ne connais (malheureusement pour moi peut-être) ni la faim ni la misère ; ce n’est pas même vous, mon cher poète, qui trouverez dans votre gloire et dans la reconnaissance de vos frères une haute récompense de vos maux personnels ; c’est le peuple, le peuple ignorant, le peuple abandonné, plein de fougueuses passions qu’on excite dans le mauvais sens, ou qu’on refoule, sans respect de cette force que Dieu ne lui a pourtant pas donnée pour rien. George Sand, correspondance, 23 juin 1842.

    La révolution de février 1848 naît d’une grande lassitude, d’un banquet interdit et de coups de feu sur le boulevard des Capucines. Celle de juin 1848, par contre, même si elle ne dure que quatre jours, est un terrible déchargement de colère.

    En 1830, les républicains avaient encore trop frais à l’esprit les excès sanglants de la première République (1792-1804) et préférèrent un Louis-Philippe à une seconde expérience démocratique. En février 1848, ils s’y lancent à la dernière minute, et seulement pour quelques mois, les élections d’avril 1848 – premières élections au suffrage universel direct en France – ramenant à la Chambre une majorité conservatrice qui va paver la voie à l’Empire.

    1847 lance la vogue des « banquets républicains » qui tentent de rompre la grisaille du règne de Louis-Philippe [2]. La situation économique n’est pas florissante et Guizot, chef du gouvernement, se refuse à toute réforme. Le 22 février 1848, un défilé de la Madeleine à Chaillot et un grand banquet doivent clore la série des soixante-dix banquets qui ont eu lieu partout en France. Cette manifestation est interdite par le pouvoir, mais Lamartine déclare qu’il s’y rendra tout de même. Ledru-Rollin, leader républicain et grand animateur de ces banquets, et Louis Blanc, leader socialiste, craignent l’affrontement et se désistent la veille au soir. Mais il est trop tard pour annuler l’événement.

    Des étudiants et des ouvriers se retrouvent donc devant l’église de la Madeleine, sous la pluie, le matin du 22. Un défilé se forme, qui décide de se rendre à la Chambre des députés. Des accrochages se produisent sur les boulevards, au Châtelet, aux Champs-Élysées. Quelques barricades s’élèvent mais la ville reste calme.
    Le 23, le gouvernement déploie l’armée et la garde nationale, qui s’opposera peu aux insurgés. Composée de bourgeois plutôt hostiles au pouvoir, qui n’ont pas le droit de vote, elle penche davantage du côté des républicains modérés.
    Prenant acte du mécontentement populaire manifesté la veille, le roi renvoie Guizot et le remplace par le comte Molé. La foule redescend dans la rue, cette fois pour manifester sa joie. Mais un coup de feu tiré le soir boulevard des Capucines par un soldat déclenche une panique qui fait plusieurs morts.

    "On ne peut ni ne doit admettre la justice des lois qui régissent aujourd’hui la propriété. Je ne crois pas qu’elles puissent être anéanties d’une manière durable et utile par un bouleversement subit et violent. Il est assez démontré que le partage des biens constituerait un état de lutte effroyable et sans issue, si ce n’est l’établissement d’une nouvelle caste de gros propriétaires dévorant les petits, ou une stagnation d’égoïsmes complètement barbares. Ma raison ne peut admettre autre chose qu’une série de modifications successives amenant les hommes, sans contrainte et par la démonstration de leurs propres intérêts, à une solidarité générale dont la forme absolue est encore impossible à définir. […] C’est tout simple : l’homme ne peut que proposer ; c’est l’avenir qui dispose."
    George Sand, Histoire de ma vie.

    Aussitôt, de nouvelles barricades s’élèvent. Il y en aura jusqu’à 1500. Dumas, qui participe depuis 1847 à la campagne des banquets et a assisté à l’hécatombe des Capucines, court revêtir son uniforme de commandant de la garde nationale. Il encourage les manifestants à marcher à nouveau sur le ministère des Affaires étrangères où réside Guizot (situé sur le boulevard des Capucines, entre la rue des Capucines et l’avenue de l’Opéra).

    Louis-Philippe demande au maréchal Bugeaud de mater la rébellion. Au milieu de la journée du 24, une foule s’empare de l’Hôtel de Ville, encouragée par des sociétés secrètes révolutionnaires davantage que par les chefs socialistes (Blanqui et Barbès sont emprisonnés depuis leur tentative d’insurrection en 1839).

    "Les Parisiens ne font jamais de révolution en hiver." Le roi Louis-Philippe, lors des premiers incidents de février 1848.

    Devant le tour que prennent les choses et se souvenant des événements qui, dix-huit ans plus tôt, l’ont porté au pouvoir, le roi abdique en début d’après-midi en faveur de son petit-fils. Mais Lamartine le prend de court. Resté à son domicile du 82 rue de l’Université depuis le 22, il se rend à la Chambre lorsque Louis-Philippe se démet. Député depuis 1833, favorable à la régence en 1842, Lamartine s’interroge, et les députés avec lui : la France est-elle mûre pour la République ? Pour barrer la voie aux socialistes et aux « rouges », il décide de se prononcer avec éclat contre la régence de la duchesse d’Orléans (qui serait à ses yeux « la Fronde du peuple, la Fronde avec l’élément populaire, communiste, socialiste de plus »), pour le suffrage universel et pour la République, et propose aux députés un gouvernement provisoire qui exclut les socialistes. Suivis par une foule de manifestants, Lamartine et le futur gouvernement provisoire gagnent l’Hôtel de Ville. La deuxième République y est proclamée dans la nuit. La foule rassemblée obtient la nomination au gouvernement provisoire de deux nouveaux membres : le socialiste Louis Blanc et un ouvrier, Albert. En sont donc membres : Dupont de l’Eure (président), Lamartine (ministre des Affaires étrangères), Alexandre Marie (Travaux publics), Ledru-Rollin (Intérieur), Louis Garnier-Pagès (Finances), l’astronome François Arago (Marine et Colonies), Ferdinand Flocon (Agriculture et Commerce), Isaac Crémieux (Justice), Armand Marrast, Louis Blanc et Alexandre Albert.

    "Pour la première fois dans mes foyers depuis vendredi 23 ; notre bataillon n’a point cueilli de lauriers. Notre compagnie n’a eu qu’une barricade de 18 pouces de haut à enlever et nous n’avons pas tiré un seul coup de fusil. Cependant un brave officier de la ligne qui nous commandait y a reçu un coup de baïonnette dont il est bien malade. Voilà pour nos exploits."
    Prosper Mérimée. Correspondance. 28 juin 1848.

    La Chambre des Députés est dissoute et il est interdit à celle des Pairs de se réunir. Louis Blanc lance des Ateliers nationaux censés redonner du travail aux chômeurs, mais qui n’auront jamais, dans leur courte vie, les moyens de leur ambition. En effet, les projets de Blanc de créer avec les chômeurs des entreprises contrôlées par l’État ne verront jamais le jour. Les entrepreneurs craignent la concurrence et s’y opposent, ralliant Lamartine (et apparemment Hugo) à leur position.

    Une multitude de journaux et clubs républicains voient alors le jour, touchant un public où les bourgeois se mêlent parfois aux ouvriers. Raspail fonde ainsi le journal et le club L’Ami du peuple. Blanqui et Barbés, libérés, créent le leur.
    Cette période de réconciliation des classes et d’euphorie nationale dure jusqu’en avril.

    Louis Blanc et l’extrême gauche organisent le 16 avril une manifestation pour repousser la date des élections, sans succès. Pour les socialistes, ces élections arrivent trop tôt, sans que le temps ait permis d’éduquer politiquement la population, en particulier en zone rurale. Lamartine lance aussitôt sur la place de l’Hôtel de ville une contre manifestation victorieuse du gouvernement provisoire et de la garde nationale.

    Ces élections de l’Assemblée constituante le 23 avril connaissent un taux de participation de 84% ! C’est la première fois que tous les hommes votent vraiment en France.
    Elles amènent au Palais Bourbon cinq cents républicains modérés (dont Lamartine, Tocqueville, Lamennais, Quinet), trois cents royalistes et cent républicains de gauche (dont Barbès et Blanc, mais pas Blanqui ni Raspail). C’est une chambre qui se méfie des ouvriers parisiens.

    "Depuis soixante ans, la France allait en fait de gouvernements de mal en pis. Napoléon lui avait donné un despotisme oint de suie de poudre, mais scintillant de gloire ; la France lui pardonna. La Restauration lui avait ramené le privilège et les coups de cravache des gentilshommes ; mais elle était franche d’allures et sans hypocrisie ; quelques domestiques fidèles la suivirent sur la terre d’exil. L’infâme gouvernement qui vient de tomber voulut tenter sur la nation l’astuce, l’hypocrisie, la cupidité et toutes les basses passions ; un croc-en-jambe du Peuple a suffi pour le jeter dans la boue."
    Charles Baudelaire. Le Salut public, 27 février 1848.

    Une manifestation ouvrière contre la suppression pressentie des Ateliers nationaux est matée dans la violence à Rouen. La République fait tirer sur le peuple [3].

    En attendant qu’une Constitution ne voie le jour, l’assemblée élit le 10 mai une « Commission exécutive » modérée, composée de Arago, Garnier-Pagès, Marie, Lamartine et Ledru-Rollin. Exit Louis Blanc et Albert. Le symbole est clair.

    Lire la suite de l'article ici:
    http://www.terresdecrivains.com/1848-des-ecrivains-sur-les
  • Silvio Pellico, Mes prisons : un “best-seller” de l'édification

    Couverture Trames n°2

    La France réserva un accueil enthousiaste à la traduction du récit de Silvio Pellico (1789-1854), Le mie prigioni. Les mémoires romantiques de ce « martyr de la liberté1 » italien, incarcéré pendant dix années sous les Plombs de Venise et dans la geôle autrichienne du Spielberg, furent réédités plus de cent cinquante fois en langue française de 1833 à 1914 . Nous cumulons pour atteindre ce chiffre, les traductions de Mes prisons, les traductions augmentées de chapitres inédits, les traductions augmentées du texte Des devoirs des hommes, les œuvres complètes de Pellico. Les principales traductions fréquemment rééditées furent les suivantes : Mes prisons, Mémoires de Silvio Pellico, traduction de N. Thiel, Paris, Limoges, 1840 ; Mes prisons, traduction du Comte H. de Messey, Paris, Garnier, 1844 ; Mes prisons, traduction de l’abbé Bourassé, Tours, Mame, 1838 ; Mes prisons, traduction de Mme Woillez, Tours, Marne, 1846 ; Mes prisons, traduction d’A. de Latour, Paris, Charpentier, 1833. On se réfèrera au Catalogue général de la Bibliothèque nationale et à la Bibliographie de la France. Ce fut ce qu’il convient d’appeler un best-seller.

    Couverture de Mes prisons suivi Des devoirs des hommes

    Couverture de Mes prisons suivi Des devoirs des hommes

    Traduction nouvelle par le comte H. de Messey revue par le vicomte Alban de Villeneuve, avec une notice biographique par M. V. Philipon de la Madelaine, nouvelle édition, Paris, Garnier Frères, 1877.

    • 2  Pellico (Silvio), Mes prisons, traduction d’Alain Vuyet, (lieu ?), Édition de septembre, 1990, 224 (...)

    2Le serveur Electre présente une traduction récente2 par ces quelques mots : « Réédition d’un des plus célèbres textes du romantisme italien du XIXe siècle. L’auteur fut une figure emblématique du nationalisme italien par son adhésion au carbonarisme ». Doit-on expliquer l’engouement des lecteurs français par un élan de sympathie pour la cause des peuples européens ? Les Parisiens avaient manifesté après les Trois Glorieuses pour soutenir la lutte des Belges et des Polonais. Des insurrections avaient éclaté en Italie en 1831 et 1832. L’ouvrage de Pellico ne symbolisait-il pas le martyr des combattants du Risorgimento ? L’étude des éditions successives, la confrontation des versions destinées à un public adulte avec celles préparées pour la jeunesse incitent à privilégier d’autres raisons à ce succès. Le livre confortait les convictions des conservateurs de la « résistance » contre les libéraux du « mouvement ». Il enthousiasmait les romantiques et, parmi eux, ceux qui étaient sensibles au catholicisme doloriste. Il pouvait être utilisé par le clergé dans son entreprise d’édification morale de la jeunesse.

    • 3  Voir les tableaux des best-sellers dans Chartier (Roger), Martin (Henri-Jean) (dir.), Histoire de (...)

    3Pendant la seule Monarchie de Juillet, il fut traduit à dix-sept reprises, réédité quarante-cinq fois à Paris et en Province. La traduction d’Antoine de Latour, agrégé des classes supérieures et précepteur du duc de Montpensier, l’un des fils de Louis-Philippe, figura à partir de 1840 dans la bibliothèque Charpentier ; assurance de tirages abondants. En effet, depuis 1838, cet éditeur offrait des ouvrages à 3,50 francs, le salaire quotidien d’un ouvrier qualifié ; des ouvrages dont le format nouveau, in-18 jésus, accueillait le double de la matière d’un in-18 classique Cette révolution dans l’édition contribua à l’abondante diffusion de ce témoignage. Mes prisons figura parmi les ouvrages les plus vendus en France de 1833 à 1845, aux côtés des Paroles d’un croyant de Lamennais, des Contes de Schmid, des Mystères de Paris et du Juif errant de Sue. Les tableaux élaborés par Martyn Lyons dans l’Histoire de l’édition française offrent des fourchettes de tirages pour Mes Prisons : de 1831 à 1835, 22 000-30 000 exemplaires ; de 1836 à 1840, 28 000-40 000 exemplaires ; de 1841 à 1845, 25 000-35 000 exemplaires3.

    Mes Prisons ou Mémoires de Silvio Pellico

    Mes Prisons ou Mémoires de Silvio Pellico

    Traduction nouvelle dédiée à la jeunesse par M L’abbé Bourassé, chanoine de Tours, onzième édition, Tours, Mame, 1853.

    Silvio Pellico, Œuvres choisies

    Silvio Pellico, Œuvres choisies

    Traduction nouvelle par Mme Woillez, Tours, Mame, 1882.

    4Le succès ne se démentit pas par la suite, car le clergé catholique lui assura une ample diffusion au sein de collections destinées à la jeunesse. Les éditeurs chrétiens instrumentalisèrent ce témoignage. Le XIXe siècle fut l’âge d’or de l’apologétique et Silvio Pellico, personnage représentatif du catholicisme doloriste en vogue sous Louis-Philippe, trouva place dans la galerie des portraits édifiants proposés aux jeunes pour lutter contre l’incroyance. Vers 1860, 15 à 20 % des titres publiés en France émanaient d’éditeurs catholiques soucieux de propager « les bons livres ». Intégrer Mes prisons dans la « bibliothèque de la jeunesse chrétienne » de l’éditeur tourangeau Mame, dans « l’œuvre des bons livres » de l’éditeur nantais Merson, dans la « bibliothèque chrétienne et morale » des frères Barbou à Limoges, tous fournisseurs de livres de prix depuis la loi Falloux, impliqua quelques travestissements du texte originel, car le pieux martyr n’en était pas moins homme. Ses compagnes de détention, prostituées, filles ou femmes de geôliers ne le laissaient pas indifférent. Ce fut au prix de passages tronqués et de chapitres censurés que l’ouvrage bénéficia d’une distribution dans les écoles chrétiennes, auprès des régents de collèges, dans les couvents et séminaires, chez les libraires catholiques brevetés et dans les bibliothèques de prêt. Silvio Pellico offrait un témoignage bouleversant sur sa conversion, sur sa résignation et sa soumission. Et il incitait ses contemporains à suivre son exemple. Là résidait l’essentiel aux yeux des ecclésiastiques qui patronnaient ces collections. Nous avons choisi de présenter les libertés prises par les traducteurs de l’éditeur catholique Mame avec le texte original ; adaptations nécessaires à son intégration dans les séries destinées d’une part aux enfants, d’autre part aux adolescents.

    5Quelques mots sur l’auteur et son périple carcéral. Silvio Pellico, né en 1789 à Saluces, en Piémont, s’installa avec sa famille à Milan peu avant 1810, puis à Turin. Jeune auteur de pièces de théâtre, il fit paraître Francesca de Rimini en 1819 et la pièce fut jouée avec succès à Naples et Milan. Il publia ensuite Eufemio di Messina. Aux Plombs de Venise, il rédigea Iginia d’Asti et Esther d’Engaddi. Il avait fondé à Milan une feuille littéraire et libérale Il Conciliatore. Piero Maroncelli dans ses Addizioni au livre de Pellico offrait des précisions sur cette feuille :

    « En 1819, est fondé dans la maison de Porro le célèbre journal le Conciliateur, dont Silvio Pellico est nommé secrétaire. Ce journal avait pour but de donner aux esprits une nouvelle direction littéraire, d’étendre à l’infini l’horizon de la critique, de mieux faire apprécier aux Italiens les trésors de l’Italie, et de leur apprendre à profiter mieux des richesses étrangères, enfin de donner l’essor à de nouveaux écrivains ; et depuis 1819, tout ce qu’a produit, tout ce que produit encore de plus remarquable la littérature italienne est dû, il faut le dire, à la salutaire impulsion que donna le Conciliateur. »

    6Il était précepteur des enfants du Comte Porro, financier de cette feuille libérale en butte à la censure, chez qui se réunissaient intellectuels européens, Italiens de renom et conspirateurs carbonari. La police autrichienne l’accusa d’avoir rédigé une lettre où il précisait les conditions d’entrée dans la Charbonnerie. Condamné à mort le 21 février 1822, un rescrit impérial commua sa peine en quinze années de « carcere duro ». Il fut d’abord emprisonné au centre de Milan, à Sainte-Marguerite, le 13 octobre 1820, puis aux Plombs de Venise avant de rejoindre, en 1822, le Spielberg. Il fut élargi en août 1830. Silvio Pellico mourut le 1er février 1854. Il apporta son aide aux œuvres philanthropiques de la marquise de Barol, fondatrice d’institutions religieuses, de salles d’asiles et d’infirmeries. Le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse affirmait qu’il était passé sous la coupe des jésuites depuis sa libération.

    • 4  Bernard (Martin), Dix ans de prison au Mont-Saint-Michel et à la citadelle de Doullens, 1839-1848(...)

    7Un tel sort ne pouvait qu’émouvoir l’opinion libérale. N’était-ce pas là une poignante description des tortures infligées par les États absolutistes ? Bastilles, prisons d’État, cachots et fers, tous les ingrédients étaient réunis. Surcroît de cruauté dans l’esprit du temps : le travail forcé, le costume carcéral. Sous la Restauration, les opposants avaient protesté contre le sort infligé aux journalistes Magalon et Fontan, incarcérés au milieu des réclusionnaires de la maison centrale de Poissy, couverts de la « livrée du crime », contraints à confectionner des chapeaux de paille. Victimes symboliques de la réaction ultraroyaliste, ils furent prestement oubliés. Silvio Pellico les remplaça au sein du martyrologe des jeunes talents sacrifiés sur l’autel des combats contre le despotisme. Lorsque des insurgés républicains furent incarcérés au Mont-Saint-Michel après l’insurrection de mai 1839, leurs défenseurs ne manquèrent pas de comparer cette centrale au Spielberg. Lorsque le gouvernement expérimenta sur cette catégorie de détenus l’isolement cellulaire, ils comparèrent cette torture au « carcere duro » subi par Pellico. Les prisonniers du « Spielberg français4 » lisaient Mes prisons et ne manquaient pas de comparer leur sort à celui de l’infortuné Italien. Ils espéraient susciter la pitié. Silvio Pellico avait offert un portrait du prisonnier d’État qui avait forcé l’admiration : grandeur d’âme, nobles sentiments, austérité des mœurs et du comportement. La récupération d’une telle représentation ne pouvait que bénéficier aux victimes de l’heure. Gustave Geoffroy usa du procédé, lorsqu’il rédigea la biographie de Blanqui.

    Mes Prisons ou Mémoires de Silvio Pellico

    Mes Prisons ou Mémoires de Silvio Pellico

    Traduction nouvelle dédiée à la jeunesse par M. L’abbé Bourassé, chanoine de Tours, onzième édition, Tours, Mame, 1853.

    8En Italie comme en France, les lectures politiques de l’œuvre furent cependant contradictoires. Les patriotes italiens furent étonnés et désappointés. Pourquoi tant de douceur envers l’étranger oppresseur ? Pellico n’avait-il pas renié leur foi commune ? En France, Martin Bernard, insurgé de mai 1839, incarcéré au Mont-Saint-Michel puis à Doullens, critiqua son attitude. Les prisonniers du Spielberg n’avaient que de « vagues velléités d’indépendance nationale et de libéralisme ». Leur rêve évanoui, ils tombèrent brisés par la résignation. Le républicain français affirmait que ses mémoires étaient l’antithèse de celles de Pellico : « Pour le prisonnier du Spielberg, le récit de ses tortures pouvait être une élégie attendrissante ; pour le prisonnier du Mont-Saint-Michel, ce récit ne pouvait être qu’un simple procès-verbal, si je puis ainsi dire ». La notice que le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle dirigé par Pierre Larousse consacrait au « trop doux » au « trop patient » Pellico prolongeait l’appréciation de Martin Bernard :

    « On admire cet homme bénin et inoffensif, on le voudrait cependant moins soumis, moins résigné ; on aimerait à lui trouver plus de ressort, moins de passivité. Il semble que l’énergie fait défaut au prisonnier tombé dans un profond affaissement. Son livre si estimé, si lu dans toutes les langues, est l’œuvre d’un chrétien des premiers âges, sentimental et mystique ; le patriote n’y fait pas entendre une seule parole de colère ou d’espérance. »

    9L’auteur de la notice lui reprochait son évolution politique et concluait : « Si l’Italie n’avait eu d’autres citoyens que Silvio Pellico et autres esprits mystiques, elle aurait été longtemps à conquérir son indépendance et son unité ». Les salons intellectuels parisiens admiraient plutôt l’efficacité du procédé littéraire : en se refusant à maudire ses bourreaux, il faisait planer sur eux une malédiction bien plus efficace que tous les complots. L’Autriche était ainsi mise en accusation devant le monde. La Revue des Deux Mondes, dans son numéro du 30 avril 1833, accueillit ainsi la première traduction du livre :

     « Bien des désappointements ont eu lieu sans doute à l’apparition de ce livre. Les âmes ardentes qui se sont vouées toutes entières à la grande lutte de notre époque, en apprenant qu’une des plus nobles victimes de l’Autriche allait élever la voix pour raconter ses dix années de souffrances, devaient s’attendre à quelque éloquente et amère philippique contre la tyrannie ; mais il n’en est rien : ne cherchez pas dans ce volume des renseignements sur les révolutions italiennes, sur le carbonarisme et les procès politiques de ce temps-là. Prenez et lisez-le comme vous feriez de l’œuvre d’un chrétien des premiers siècles, écrite au sortir des catacombes. On a ri quelque part de cette résignation chrétienne ; le sourire de dédain est venu sur certaines lèvres à l’aspect de cette mansuétude évangélique, de cette débonnaireté inouïe du martyr du Spielberg ? Ceux qui l’ont fait croient-ils que le poète italien eut été à court, s’il eût voulu maudire et appeler la vengeance ? Son livre n’eût pas manqué alors d’échos empressés ; mais après tout c’eût été un livre vulgaire : tel qu’il l’a fait, il est sublime et servira mieux sa patrie que vingt conspirations de carbonari. Il faut bien qu’il y ait une vertu cachée dans la victime qui pardonne à ses bourreaux, puisque ceux de Pellico ne veulent même pas qu’on sache qu’il a pardonné. À l’heure qu’il est, Le Mie Prigioni sont à l’index dans tout le royaume lombardo-vénitien. »

    • 5  Galotti (Antonio), Mémoires, Paris, 1831, 240 p.

    10Heureux présage ? Silvio Pellico rencontra en effet le succès. Ce ne fut effectivement pas le cas des témoignages plus combatifs d’autres carbonari. Les Mémoires de Galotti, carbonaro extradé de France, dont Benjamin Constant avait pris la défense à la tribune de la Chambre en 1829, ne bénéficièrent que d’un tirage confidentiel en 18315.

    • 6  Dès 1833, la traduction d’Antoine de Latour était dédicacée à la reine des Français.
    • 7  Pellico Silvio, Mes prisons suivies des Devoirs des hommes