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  • J'ai fini cet après-midi:Le Jardin de Machiavel, Mark Crick

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    CULTIVER SON JARDIN AVEC LES GRANDS ÉCRIVAINS

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    Date de parution : novembre 2010 • ISBN : 978-2-917559-14-7 • Prix TTC France : 16 euros • 145 x 195 mm, relié • 112 pages

     

    ►  TROUVER CE LIVRE EN LIBRAIRIE

    Chaque pastiche est traduit de l’anglais par un spécialiste ou un fin connaisseur de l’écrivain pastiché.

    Le jardinage est une passion anglaise, dit-on, et la littérature une passion universelle. Il était donc naturel que Mark Crick, londonien et amoureux des livres, les réunisse dans ce troisième recueil de pastiches littéraires qui fait suite au succès des savoureuses recettes de La soupe de Kafka et des surprenants travaux manuels de La Baignoire de Goethe.

    Dans Le Jardin de Machiavel, Mark Crick nous initie aux subtilités de l’art du jardinage en compagnie des grands écrivains. Avec le redoutable penseur politique florentin, le lecteur apprendra comment devenir le prince de son jardin. Pablo Neruda lui enseignera que tailler un rosier en automne est la plus élégante manière de se séparer d’un amour d’été. Avec Bret Easton Ellis, il assistera à une frénétique chasse aux pucerons et autres parasites sur les toits branchés de l’Upper East Side…

    Mark Crick brille une nouvelle fois par sa fantaisie, son humour et un sens de la dérision jubilatoires. Ses dons graphiques continuent à servir son œuvre : chaque texte est accompagné d’une illustration à la manière de grands artistes, de Munch à Lichtenstein ou Rivera.

    CE QU’ILS EN ONT PENSÉ :

    « Encore un écrivain qui se nourrit du travail et de la sueur de ses confrères. J’accuse ! » – Émile Zola

    « Une influence corruptrice. » – Ibsen

    « Cela ne vaut pas un sou. » – Bertolt Brecht

    « La fin ne justifie pas les moyens. » – Machiavel

    Visuel Mark Crick - John Foley
    ©John Foley/Opale

    Mark Crick

    En raison de l’asthme chronique qui a accompagné son enfance, la première éducation de Mark Crick s’est davantage illustrée par ses absences que par ses succès scolaires. De longues nuits d’insomnie passées à lire à la lueur de la bougie ont remplacé les leçons ; les chevaliers de la Table ronde, J.R.R. Tolkien et Jack London ne quittaient pas le chevet du jeune Crick. Épuisé par ses lectures nocturnes, ce dernier passait ses heures diurnes sur un canapé, à boire du sherry de Chypre et à suivre les aventures de ses camarades de classe : Brer Rabbit, Long John Silver, Héraclès, Gandalf, sans oublier l’endurant Ulysse aux mille tours. Adolescent, il a atterri au lycée Condorcet, à Paris, où il a découvert les écrivains français : Alain-Fournier, Camus, Colette et Cocteau. Plus tard, il a fait des études de lettres à l’université de Warwick et à l’université de Londres. Après avoir travaillé successivement comme employé de bureau, infirmier, enseignant, peintre, décorateur et charpentier, Crick a commencé sa carrière d’auteur en tant que journaliste photographe.

    Le Jardin de Machiavel rend hommage à quelques-uns des grands écrivains qui lui ont tenu compagnie pendant ses longues et nombreuses nuits d’insomnie et ses longues heures passées à parler aux roses comme aux cactus.

    Traduit de l’anglais par :

    Raymond Carver Geneviève Brisac

    Bertolt Brecht Jean-Yves Masson

    Isabel Allender Michel Wagner

    Machiavel Jacques Attali

    Henrik Ibsen Jean Pavans

    Bret Easton Ellis Brice Matthieussent

    Sylvia Plath Camille Laurens

    Émile Zola Patrice de Méritens

    Alan Bennett Isabelle D. Philippe

    Mary Shelley René de Ceccatty

    Martin Amis Bernard Hœpffner

    Pablo Neruda Michel Wagner 

    http://editionsbakerstreet.com/le-jardin-de-machiavel-mark-crick/

     

  • L'art se découvre en automne

     
    <i>Le Quartet</i>, <i>hommage du peintre à l'art de la musique,</i> Albert Joseph Moore, 1868.

    Le Quartet, hommage du peintre à l'art de la musique, Albert Joseph Moore, 1868. Crédits photo : Studio Sébert Photographe

    De Braque à Richter, des Étrusques aux Kanaks, notre sélection des temps forts de la rentrée.

    À quoi rêvent les critiques d'art en cette rentrée va-t-en-guerre, qui pousse Braque et Jordaens en avant pour rappeler la valeur première de la peinture après les triomphes des expositions Hopper, Dali et Basquiat? Une rentrée qui promet de revisiter le surréalisme - cette mine d'or - à travers son objet, qui mise encore et toujours sur la Renaissance et la grâce préraphaélite? À l'émotion pure, au renouveau, «à la peinture qui vous emporte et ne vous quitte plus», dirait Michel Ragon qui signe à point nommé son Journal d'un critique d'art désabusé(Albin Michel). Un exercice nostalgique. Les confessions d'un promeneur solitaire. Il y a beaucoup à apprendre des digressions de ce grand critique, ami de Soulages, Atlan, Poliakoff, Zao Wou-ki et Dubuffet, qui navigua sans cesse des grands textes aux grandes amitiés, se risqua à l'aventure de l'art, discuta avec Asger Jorn et défendit la France contre Dotremont dans les rangs de COBRA, dansa avec Ca lder comme «deux ours se piétinant les orteils» et comprit «l'Outrenoir» tout seul, sans qu'on lui fasse un dessin. Homme de lettres, il cite son cher Soulages, géant bien français qui «aime répéter ce mot d'Ingres: “Les artistes qui ont du talent font des merveilles ; moi qui ai du génie je fais ce que je peux”».

    En suivant ses visites de 2009 à 2011, en visitant ses pensées, même les plus narcissiques, le lecteur ouvre une boîte de Pandore. Moins acide et exterminatrice que celle de Jean Clair, cette bulle du temps passé contient une vision haute de l'art et de ses fidèles. Elle témoigne d'un esprit inlassablement curieux qui défend, après examen et réflexion, ce que tout le monde aime critiquer en ville: la rétrospective d'Arman au Centre Pompidou, les colonnes de Buren au Palais-Royal ou le «Monumenta» désolé comme la Shoah de Boltanski au Grand Palais. Ce penchant naturel le pousse à applaudir les réprouvés du XXe ressuscités pour les besoins des musées, Chirico, tout Chirico, le surréaliste et le pompier, Bernar Venet au culot royal jusqu'à Versailles! L'ennemi? Point tant l'art contemporain, ses installations (ses «environnements», dit-il), ses attitudes psychanalytiques parfois délirantes de creux, que son marché exponentiel mené à la baguette par la finance. Quand l'argent mène le monde, l'art et les artistes ne ressemblent plus à Van Gogh, Modigliani ou Yves Klein. François Pinault et Bernard Arnault n'y gagnent pas les flatteries habituelles.


    Biennale de Lyon

    Mondialisation culturelle oblige, la Biennale de Lyon a confié sa 12e édition à un homme du Grand Nord, Gunnar B. Kvaran, Islandais et francophone, directeur du Musée Astrup Fearnley à Oslo. Il a mis la jeunesse de l'art au programme tandis que Lyon célèbre les aménagements le long des berges de la Saône. Du 12 sept. au 5 janv., Lyon. www.biennaledelyon.com

    Préraphaélites

    Fidèle au musée, le financier mexicain Pérez Simón prête ses excentriques Alma-Tadema, ses lascifs Leighton, ses suaves Burne-Jones et ses délicats Moore. Soit une cinquantaine de fleurons du mouvement anti-académique victorien. Corps lascifs, symboles à foison, couleurs sophistiquées… Une ode à la beauté pour elle-même. Du 13 sept. au 20 janv., Musée Jacquemart-André. www.musee-jacquemart-andre.com

    Étrusques

    Avant les Romains, il y avait les Étrusques. On en sait plus sur eux aujourd'hui mais leur mystère reste entier. Cela tient surtout à la surprenante beauté de leur art. Il émaillait le quotidien de cités-États du centre de l'Italie fondées et développées par ces marins et marchands rivaux des Grecs. Une époque, notamment l'apogée des VIIe et VIe siècles av. J.-C., synthétisée en 250 œuvres. Du 18 sept. au 9 fév., Musée Maillol. www.museemaillol.com

    Braque

    <i>L'oiseau noir et l'oiseau blanc </i>(détail), Georges Braque, 1960

    L'oiseau noir et l'oiseau blanc (détail), Georges Braque, 1960 Crédits photo : Leiris SAS Paris / Adagp, Paris 2013

    Il reste le peintre des oiseaux qui volent sur le plafond du Salon étrusque au Louvre et, bien sûr, l'initiateur du cubisme et l'inventeur des papiers collés. Mais sa gloire est atténuée par celle de Picasso, son «compagnon de cordée» de l'avant-garde. C'est tout le souffle d'un artiste synonyme d'esprit français, héritier de Cézanne, Corot et Chardin, qu'entend faire renaître le Grand Palais. Du 18 sept. au 6 janv. Grand Palais. www.grandpalais.fr

    Jordaens

    Rubens et Van Dyck lui font de l'ombre. De surcroît, par la faute de quelques chefs-d'œuvre comme Le roi boit, ce maître s'est trouvé enfermé dans son rôle de noceur d'Anvers. La synthèse qui embrasse une carrière courant sur près des trois quarts du Grand Siècle devrait permettre de montrer un artiste engagé, au service de grandes familles entrepreneuriales et de la Contre-Réforme. Du 19 sept. au 19 janv., Petit Palais. www.petitpalais.paris.fr

    Nu masculin

    <i>Jeune assis au bord de la mer</i>, Hippolyte Flandrin

    Jeune assis au bord de la mer, Hippolyte Flandrin Crédits photo : Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Angèle Dequier

    En allant au-delà de l'histoire de ce thème, fondamental dans la formation académique, pour révéler toute la puissance du désir homosexuel dans l'art de 1800 à nos jours, Guy Cogeval conçoit sans doute l'exposition la plus polémique de la rentrée. Alors que la France demeure divisée sur le statut des gays, certains diront qu'il instrumentalise son musée au profit d'un discours militant. D'autres trouveront qu'il n'en fait pas assez, qu'il existe d'autres œuvres, contemporaines notamment, capables de mieux faire sauter les tabous. Du 24 sept. au 2 janv., Musée d'Orsay. www.musee-orsay.fr

    Kahnweiler

    Portrait d'une figure mythique de l'art moderne naissant. Le marchand des cubistes «héroïques», Braque et Picasso, ouvre sa première galerie en 1907. Léger, Gris et plus tard Henri Laurens rejoignent son «écurie»… Une histoire étroitement liée à celle de la collection d'art moderne du LaM et de ses grands mécènes Roger Dutilleul et Jean Masurel. Du 27 sept. au 12 janv., LaM, Villeneuve-d'Ascq. www.musee-lam.fr

    Hans Richter

    Cinéaste, peintre, écrivain, il fut dès les années 1910 au carrefour des avant-gardes. Sa trajectoire façonne et raconte, à elle seule, une histoire de l'art du XXe siècle. Du creuset de Dada à Zurich à l'Internationale constructiviste, de l'effervescence de la révolution spartakiste au départ de l'Allemagne nazie puis à l'exil américain. Un passeur et un catalyseur. Du 28 sept. au 24 fév., Centre Pompidou-Metz. www.centrepompidou-metz.fr

    Vallotton

    Un trait aussi coupant que son ironie, des cadrages aussi audacieux que ses couleurs, ce graveur et peintre suisse, figure de Montparnasse et des Nabis, charge les impressionnistes comme les symbolistes par la grâce d'une œuvre prolifique (1700 tableaux). Arabesques, lumières et teintes nettes, compositions bidimensionnelles au service d'une célébration de la vie quotidienne. Du 2 oct. au 20 janv., Grand Palais. www.grandpalais.fr

    Napoléon

    Élisa, Pauline et Caroline, sœurs de Napoléon et, par la grâce toute stratégique de ce dernier, princesses et reines d'Italie, prennent le thé à Marmottan (du 3 oct. au 26 janv., www.marmottan.fr) tandis que Joséphine revit à la Malmaison les quatre premières années de son mariage avec Bonaparte. Lorsque le couple habitait à la Chaussée d'Antin une maisonnette aujourd'hui disparue. Du 16 oct. au 6 janv., www.chateau-malmaison.fr

    Diderot

    Double actualité à l'heure du tricentenaire de sa naissance: sa ville natale de Langres ouvre le 5 octobre un musée (www.maisondeslumieres.org) tandis que Montpellier célèbre le premier des critiques d'art. Du 5 oct. au 12 janv., Musée Fabre de Montpellier. www.museefabre.fr

    Matthew Barney

    Né en 1967, star de l'art contemporain américain (et conjoint de Björk), il s'est distingué par ses performances ­alliant le sport et l'art. Comme lorsqu'il crée des dessins en se suspendant au plafond de sa galerie ou en escaladant les murs. Matthew Barney a créé son onde de choc avec son cycle de films «Cremaster» (1994-2002) où il se ­métamorphose en chimères d'un monde onirique, baroque et hypnotique. Première rétrospective de dessins en France. Du 8 oct. au 5 janv., BnF François-Mitterrand. www.bnf.fr

    Kahlo/Rivera

    Florence Cassez étant revenue en France, le différend diplomatique s'étant éteint, le projet phare de l'année France-Mexique 2011 a pu reprendre. Il se concrétise à l'Orangerie où le muraliste, chantre des ouvriers et des «péones», Diego Rivera, retrouve sa muse infirme Frida Kahlo. Retour sur un couple mythique du XXe siècle, entre trotskisme et gratte-ciel, entre engagement et individualité. Du 9 oct. au 13 janv., Musée de l'Orangerie. www.musee-orangerie.fr

    Kanaks

    Considéré jusqu'après-guerre comme un des plus arriérés de la planète, si sauvage qu'il passait pour à peine humain, le peuple kanak a depuis retrouvé identité et fierté, notamment grâce aux ethnologues de l'Hexagone. Des contes aux sculptures, des techniques de pêche ou de chasse aux danses, son patrimoine culturel est immense. Quai Branly, il fait l'objet d'une exposition très riche et précautionneuse à l'heure où l'archipel prend le chemin de la décolonisation tracé par l'accord de Nouméa. Autonomie ou indépendance? Réponse entre 2014 et 2018. Du 15 oct. au 26 janv., Musée du quai Branly. www.quaibranly.fr

    Angkor

    L'épopée de Louis Delaporte des berges du Mékong à celles de la Seine. Ou comment Angkor est devenu, par la ténacité et le génie de cet explorateur français, l'attraction phare des expositions universelles et, plus généralement, un mythe. Du 16 oct. au 13 janv., Musée Guimet. www.guimet.fr

    Poliakoff

    Hommage à cet artiste majeur de l'École de Paris, cher aux historiens de l'abstraction et aux collectionneurs français, dopé par les Nouveaux Russes en quête de patrimoine pictural. Les débuts tumultueux d'un jeune émigré russe, l'ambiance artistique d'après guerre et, enfin, les années de succès au cours desquelles ses œuvres séduisent les personnalités du monde politique, de la mode et du cinéma (Yves Saint Laurent, Greta Garbo, Yul Brynner, Anatol Litvak)… sa vie est un roman! Du 18 oct. au 23 fév., Musée d'art moderne de la Ville de Paris. www.mam.paris.fr

    Joseph Cornell

    Souvent présenté comme un satellite dans la constellation surréaliste, Joseph Cornell (1903-1972) est un pionnier américain du collage, du montage et de l'assemblage, comme le prouve sa création de 1930 à 1950. Près de 200 œuvres le confronteront à Dalí, Duchamp, Ernst et Man Ray alors installés à New York. D u 18 oct. au 10 fév., Musée des beaux-arts de Lyon. www.mba-lyon.fr

    Le surréalisme et l'objet

    Autour d'une centaine de sculptures et d'une quarantaine de photographies, l'histoire du mouvement surréaliste depuis sa fondation dans les années 1920 à sa reconnaissance à New York pendant la Seconde Guerre mondiale, en passant par son succès international dans les années 1930, à travers le prisme original du rapport à l'objet. Masson, M iró, Arp, Bellmer, Calder, Cornell, Dalí, Duchamp, Ernst, Giacometti, Man Ray incarnent les fortunes de la sculpture surréaliste qui plonge dans l'inconscient humain. Du 30 oct. au 3 mars, Centre Pompidou. www.centrepompidou.fr

    Sigmar Polke

    Figure de premier plan de la peinture contemporaine, Sigmar Polke (1941-2010) a grandi en Allemagne de l'Est avant de passer à l'Ouest en 1953. Après une formation auprès d'un maître verrier, il fréquente au début des années 1960 les Beaux-Arts de Düsseldorf, institution alors sous le charme du chamane Joseph Beuys. Il y rencontre Gerhard Richter et Konrad Lueg avec lequel il fonde le Réalisme capitaliste, réponse germanique au Pop-Art américain. Un peintre aux faux désordres, tout en sensualité et en rêve. Du 9 nov. au 2 fév., Musée de Grenoble. www.museedegrenoble.fr

  • La troisième vie de Jacqueline Lamba

    Choses lues, choses vues
    Lundi, 17 Mai 2010 21:39
     
    Jacqueline Lamba et André Breton,
    photographie de Claude Cahun
    et couverture du livre.

    Entre 1934 et 1942, Jacqueline Lamba fut la compagne d'André Breton. Man Ray la photographia lumineuse et nue, son époque estimait qu'elle était "scandaleusement belle". Longtemps confondue avec quelques-unes des plus vives incarnations du surréalisme, son aventure la plus personnelle ne fut pas immédiatement visible. Les désirs de création et l'impétuosité qui l'habitaient la situent à présent dans la fascinante proximité de trois grandes artistes de sa génération qui furent ses fidèles amies, Frida Kahlo, Dora Maar et Claude Cahun. Georgina Colville qui publiait en 1999 chez Jean-Michel Place un ouvrage à propos de "trente-quatre femmes surréalistes" affirmait qu'elle était d'abord peintre et qu'elle fut "scandaleusement oubliée".

    Après d'autres recherches comme celles de Salomon Grimberg ou bien grâce aux images de deux réalisateurs de courts métrages - Teri Wehn Damish qui l'interviewa en octobre 1987, et Fabrice Maze qui a mis en diffusion un DVD de 2 x 55 minutes - l'historienne d'art italienne Alba Romano Pace achève de faire sortir de l'oubli la trajectoire de Jacqueline Lamba. Issu d'une thèse soutenue à Palerme, son livre vient de paraître chez Gallimard, dans la collection Témoins de l'art de Jean-Loup Champion, "Jacqueline Lamba, peintre rebelle, muse de l'amour fou".

    Entre Nuit du Tournesol et Maison bleue

    Jacqueline Lamba était née le 17 novembre 1910. D'origine italienne, son père mourut alors qu'elle avait à peine trois ans et demi. Française, sa mère succomba à la tuberculose en 1927. Jacqueline suivit des cours à l'union centrale des arts décoratifs ainsi que dans l'atelier d'André Lhote où elle se lia d'amitié avec Dora Maar. Son cousin André Delons (1909-1940) qui fut proche du Grand Jeu et de l'AEAR, l'initia à la littérature d'avant-garde et renforça ses convictions politiques proches de l'extrême-gauche : celui qu'elle désignait comme "le seul de la famille à qui je parlais" lui prêta Nadja et Les Vases communicants. José Corti avait par ailleurs publié depuis la Place Clichy des photographies de Jacqueline dans sa revue Du Cinéma.

    La suite nous est familière, les biographes d'André Breton ainsi qu'un chapitre de L'Amour fou en témoignent. Pendant la Nuit du Tournesol, le 29 mai 1934, Jacqueline Lamba provoque sa rencontre avec André Breton au Café Cyrano de la Place Blanche. "Je l'avais déja vu pénétrer, écrivit Breton, deux ou trois fois dans ce lieu : il m'avait à chaque fois été annoncé, avant de s'offrir à mon regard, par je ne sais quel mouvement de saisissement d'épaule à épaule ondulant jusqu'à moi à travers cette salle de café depuis la porte ... Ce mouvement, que ce soit dans la vie ou dans l'art, m'a toujours averti de la présence du beau". Entre "Café des oiseaux", place d'Anvers, du côté des Halles et de la Tour Saint Jacques, depuis Pigalle jusqu'à la rue Gît-le-Coeur, une longue promenade nocturne s'ensuivit. Jacqueline a 24 ans. A cette époque, comme le rappellent des photographies de Rogi André qui fut la compagne de Kertesz, plusieurs soirs par semaine, on pouvait l'apercevoir plongeant entièrement nue et dansant dans l'eau : elle joue le rôle d'une "ballerine aquatique", rue Rochechouart, dans le cabaret / music hall du Coliseum. André Breton est bouleversé par l'apparition de cette jeune femme qu'il nomme "Ondine". Eluard et Giacometti sont les témoins de leur mariage le 14 août, à la mairie du IX° arrondissement. Leur fille unique Aube naîtra le 20 décembre 1935. La plus magnifique des photographies de Jacqueline et d'André est évidemment celle qui figure en couverture du livre d'Alba Romana Pace. Tous deux sont rêveusement émus, Claude Cahun a rapproché leurs profils : sur les deux bords de son image, des jeux de miroirs transfigurent et multiplient leurs visages.

    Pendant les cinq années qui précèdent la guerre, André Breton quitte assez souvent l'hexagone, Jacqueline l'accompagne. Leur couple voyage à Prague (mars 1935) aux Iles Canaries en compagnie de Péret et de Dominguez (mai 1935) ainsi qu'au Mexique où ils rencontrent dans la Maison bleue Frida Kahlo, Diego Rivera et Léon Trotsky (septembre 1938). Ces débuts de notoriété internationale n'empêchent pas de grandes difficultés financières. Au lendemain de son mariage, Breton accepte de vendre à Joë Bousquet une aquarelle de Kandinsky et une sanguine de Derain. L'année suivante, Alfred Barr et le Moma de New York lui achètent deux tableaux de Tanguy. En 1937 l'aide d'un ami notaire lui permet d'ouvrir au 27 de la rue de Seine la galerie Gradiva qui lui valut maintes désillusions comme l'indique ce fragment de courrier adressé à Jacqueline : "On nous laisse fort tranquilles : on ne voit toujours pas tomber la pluie d'étoiles qui nous permettra de partir en vacances".

    Les rêves et les espérances du Front Populaire, la fréquentation d'artistes comme Ernst et Masson ou bien d'écrivains souverainement atypiques comme Artaud, toute l'effervescence de l'entre-deux guerres furent favorables à sa création picturale. Pas plus qu'une "ondine", Jacqueline Lamba refusait clairement d'être considérée comme une muse ou bien comme une mère. Elle ne savait qu'une chose : "la peinture est pour moi un besoin", sentiment qu'André Breton n'admit jamais véritablement pour ce qui la concernait. Il lui fallut constamment lutter pour ne pas être marginalisée dans les expositions et les revues surréalistes, parmi les cadavres exquis d'un univers principalement masculin : il arriva que ses oeuvres soient accrochées sans que son nom figure dans le catalogue.

    Leur vie conjugale restait précaire et passionnelle pour ne pas dire chaotique. Aube pour laquelle il n'y eut jamais de baby-sitter se souvient avoir maintes fois accompagné les réunions de ses parents sous les tables des cafés, jusqu'à très tard dans la nuit. Le dialogue avec Breton fut souvent orageux. D'autres aventures la requéraient, Jacqueline n'était pas fidèle : elle menaçait de quitter le 42 rue Fontaine et fit plusieurs fois ses valises.

    Son témoignage est infiniment précieux lorsqu'elle évoque les journées pendant lesquelles Breton découvrait le Mexique en compagnie de Léon Trotsky, Diego Rivera et Frida Kahlo. A propos de ce séjour au Mexique, Marguerite Bonnet avait réuni dans le catalogue André Breton du Centre Georges Pompidou (1991) quelques-uns des indices qui furent également livrés à Arturo Schwarz. On retrouve dans son article un texte de Jacqueline Lamba qui se souvient de leur première rencontre avec Trotsky : "Un des Américains a demandé de prendre des photos. Sur quelques-uns de ces clichés on peut remarquer sur le visage d'André un état de tension, d'émotion et de surprise émerveillée, presque douloureuse. Je voyais qu'il devait souvent se maîtriser pour retenir ses larmes".

     

     

    Jerzey, Antibes et Villa Air Bel

    Imaginer ce que pouvaient être les options personnelles et les combats de Jacqueline Lamba implique qu'on puisse songer précisément aux moments de forte intensité qu'elle vécut sans que Breton soit à ses côtés : par exemple, lorsqu'entre le 25 avril et le 26 mai 1939, elle vient retrouver à Jersey Claude Cahun et Suzanne Malherbe, ou bien quelques semaines plus tard, à Antibes lors d'un mois d'août vécu auprès de Pablo Picasso et de Dora Maar. Grâce au grand travail biographique de François Leperlier (1) qui l'avait interrogée, quelques-unes des minutes heureuses de cette époque nous sont restituées. La guerre était imminente : dans l'île lointaine, ce furent pourtant des journées de détente et de création qui furent rapportées lors d'une longue lettre de Claude Cahun envoyée en 1946 chez Gaston Ferdière (2) : "près des mimosas dont je viens juste de vous parler, nous avons souvent discuté d'Antonin Artaud avec qui elle correspondait. Jacqueline aimait ce jardin, elle l'ornait de petites épaves déposées par la mer. Les plus fréquentes étaient ce que nous appelions des "porcelaines", des coquillages et des fragments de miroir ; tout cela, lié à l'aide d'un peu de ciment, s'incrustait entre les dalles de granit du sentier qui menait à la plage".

    "Elle vint à nous qu'elle connaissait peu, convalescente d'une bronchite, pâle et maigrie ; Aube assez fatiguée du voyage. Ici, elles prirent bonne mine toutes les deux. L'amitié de Jacqueline pour nous se manifesta par-delà son séjour ici. Elle nous écrivit jusqu'en juin 1940, et cela avec une enfance et une continuité singulières." Pour celles qui furent arrêtées par la Gestapo et emprisonnées entre juillet 1944 et mai 1945, le souvenir de ces journées était extrêmement vif, comme le rappelle une seconde lettre adressée en 1946 à André Breton : "nous parlons souvent de Jacqueline, Suzanne et moi. Dans la maison et le jardin que les évênements ont rendus plus favorables aux "oublis" qu'aux immortelles fleuries dans ses cheveux, les heures vivaces de juin 1939 ressuscitent notre insouciance. Elles eurent ce pouvoir jusque dans la cellule n°5". Les photographies qu'avait réalisées Claude Cahun lors de ce séjour à "La Rocquaise" furent brutalement détruites par les nazis en 1944 : subsiste tout de même, reproduite en page 58 du Photopoche de Claude Cahun une image de Jacqueline "prise sous l'eau dans la mer ; son corps nu est strié par les reflets du soleil, son visage sort de l'ombre".

    A la fin de juillet 1939, Jacqueline partait seule pour rejoindre à Antibes Picasso et Dora Maar qui habitaient alors un ancien atelier de Man Ray, le troisième étage d'une maison qui donnait sur la mer. En ce temps-là, Dora Maar n'était pas "La Femme qui pleure" que Pablo délaissa. Celle qui fut la maîtresse de Georges Bataille et d'Yves Tanguy ressemblait au portrait qu'en donna autrefois Brassaï. "Encline aux orages et aux éclats", dotée d'une voix "ferme, gutturale, catégorique" elle "avait des mains magnifiques aux longs ongles vernis de rouge" : pour L'amour fou, Dora Maar avait auparavant magiquement photographié L'objet invisible d'Alberto Giacometti.

    Quatre photographies et puis la grande toile de la Pêche de nuit à Antibes - où l'on aperçoit sur le côté droit Dora et Jacqueline, adossées sur des bicyclettes en train de croquer des cornets de glace - témoignent des moments de rémission de ce mois d'août. On retrouve les ombres et les jeux de lumière de ces quatre photographies dans l'ouvrage d'Ann Marie Caws, en page 142 des Vies de Dora Maar. Les trois personnages sont réunis dans l'intimité d'une chambre, Jacqueline Lamba est assise nue par terre, elle porte un collier de coquillages. Ou bien elle est auprès d'un lit, aux côtés de Dora Maar qui porte une merveilleuses couronne de fleurs : l'ombre silhouettée qu'on aperçoit à gauche de l'un de ces clichés permet d'identifier Pablo, auteur de ces images infiniment complices. Pour Jacqueline qui souhaitait souvent, pour sa peinture, se dégager du surréalisme, l'immense espagnol fut "l'être que j'ai le plus admiré au monde, aimé comme ami". En ce temps-là la relation de Picasso avec André Breton était chaleureuse : pendant son temps de mobilisation entre janvier et juillet 1940, André Breton passa tous ses jours de permission à Royan auprès de Jacqueline et d'Aube qui étaient hébergées par Picasso et Dora Maar. Alors que Breton se trouvait une fois de plus désargenté, Pablo lui offrit l'un de ses tableaux pour qu'il puisse le vendre immédiatement.

    Le dernier épisode heureux de la liaison de Jacqueline Lamba avec André Breton se situe pendant leur séjour à Martigues et Marseille, juste avant que le bateau du Capitaine Paul Lemerle ne les emmène vers la Martinique. Le 1 août, à la faveur de la démobilisation, Breton s'était rendu dans le Sud à Salon de Provence chez son ami le docteur Pierre Mabille. L'émancipation de Jacqueline était déja fortement entamée, comme le rappelle l'un des propos qu'elle livrera à Teri Wehn Damisch : "j'ai quitté les autres - le couple Picasso - à mon grand regret, j'aurais préféré rester". Les retrouvailles des époux sont pourtant émouvantes, tous deux décident d'habiter les alentours de Martigues : "A Martigues, c'était très beau. Il y avait des paysans à moitié italiens qui nous prêtaient une masure avec un puits pour l'eau et je faisais la cuisine au feu de bois dans la cheminée, c'était exquis". Jacqueline écrit presque tous les jours une lettre à Dora Maar. Voici ce qu'elle relate le 8 septembre 1940 : "j'ai fait une aquarelle. André a commencé un poème magnifique très long, vraiment très très beau".

    André Breton écrivait alors Fata Morgana dont la première parution en revue fut assumée par les Cahiers du Sud, en dépit des dangers que représentait la censure de Vichy. Quelques jours après la nouvelle de l'assassinat de Trotsky survenu le 20 août, Breton décidait d'habiter Marseille où il devait négocier son visa et ses réservations de bateau pour s'exiler à New-York. Fin octobre Aube, André et Jacqueline s'installaient au 63 de l'avenue Alfred Lombard, dans une chambre de la Villa Air Bel dont quelques-uns des pensionnaires furent Daniel Benedite, Varian Fry, Mary Jane Gold, Victor Serge, Vlady et Laurette Séjourné. Dans La Filière Marseillaise, Benedite décrit Jacqueline "très blonde, vive et loquace, d'une beauté sauvage ... elle porte souvent des jupes longues, se laque les ongles des orteils, parsème sa coiffure de petits morceaux de verre ou de glace, adore les colliers en dents de tigre et les bracelets tintinnabulants de médailles, de camées, de pierres brutes".

    Chaque fin de semaine, Air Bel devenait le rendez-vous de tous les amis d'André Breton et du surréalisme réfugiés dans la proche région de Marseille : René Char, Benjamin Péret et Remédios Varo, Victor Brauner, Oscar Dominguez, Jacques Herold, Sylvain Itkine, Marcel Duchamp, Max Ernst, Peggy Guggenheim ou bien Frédéric Delanglade rejoignent La Pomme et l'avenue Alfred Lombard. Wifredo Lam qui était chargé d'illustrer Fata Morgana trace un portrait aigu de Jacqueline, André Masson qui habitait un pavillon de la Campagne Pastre dessine le couple Breton-Lamba : la tête de Jacqueline est amoureusement renversée tandis que le front léonin d'André semble indiquer qu'une proue reste valide. Rétrospectivement, sans doute parce qu'au milieu des féroces dangers qui se tramaient dans toute l'Europe, un climat de révolte, d'estime et de solidarité se perpétuait entre Villa Air Bel et Café du Brûleur de loups, Jacqueline ressentait de manière positive ce fragment de son existence. Les jeux multiples, les amitiés, les provocations et les discussions ardentes qui faisaient l'ordre du jour des réunions parisiennes gardaient leur prégnance : sur fond de terribles inquiétudes, la très sérieuse injonction de Breton qui exigeait que l'on joue gardait sa force d'apaisement et son pouvoir d'invention. Comme en témoigna plus tard Jacques Hérold dans une conversation avec Alain Jouffroy, pendant ces fins de semaine, "on se trouvait un chemin, une étincelle qui donnait lieu à une autre étincelle, qui court ailleurs".

     
    Jacqueline Lamba, à la Villa Air Bel
    (archives Aube Breton).

    Ici encore, l'entretien avec Teri Wehn Damisch dont on aurait aimé pouvoir lire l'intégralité restitue d'importants indices. Jacqueline Lamba qu'on aperçoit souvent sur les photographies qui évoquent la vie quotidienne à la Villa Air Bel est une femme de trente ans incroyablement libre, sa beauté et son sourire sont éclatants, il lui arrive souvent de faire du trapèze dans le grand parc : "toutes les choses désagréables, je ne m'en souviens pas ... la vie à Air Bel était merveilleuse. Et j'ai le regret de le dire parce que c'était une époque terrible ... Avec le Secours américain, nous y avons joué, rêvé, créé avec un sentiment de calme et de bonheur comme sont les maisons d'enfance". Dans son souvenir, la présence et le charisme involontaire de Varian Fry revêtent une importance particulière : "un homme extraordinaire d'altruisme, de courage, de ténacité et qui menait cette lutte avec une simplicité qui forçait l'admiration, une modestie, une gaieté permanente ... sur son visage, dans les yeux, ce regard ouvert qu'il avait et ... doux ... Nous étions tous, les plus divers, sous la protection de bons génies".

    Tout n'était certes pas idyllique entre André et Jacqueline, des témoins rapportent qu'il arrivait que surgissent entre eux de violentes disputes. L'un des points d'orgue du séjour en Villa Air Bel restera la création du Jeu de cartes de Marseille à l'intérieur duquel Jacqueline Lamba fut pleinement associée. Deux atouts de première importance lui furent confiés, "L'As de la Révolution" ainsi que "Baudelaire, le génie de l'amour". Sa Révolution fut une roue avec des taches d'encre rouge projetées sur le papier, son Baudelaire est une figure qui frôle l'abstraction, une gouache, des couleurs primaires et de l'encre de Chine.

    Depuis les Etats-Unis jusqu'à Simiane la Rotonde

    Le départ de Marseille s'effectua le 24 mars 1941, l'arrivée à Fort de France survint le 24 avril, New York fut atteint au tout début de juin. Dans les lettres qu'elle continue d'écrire à Dora Maar, Jacqueline raconte : "nous parlons avec tendresse de Picasso ... André s'ennuie mortellement". Vis à vis du nouveau Monde, ses sentiments sont partagés, comme l'indique un courrier adressé à Varian Fry "L'Amérique est vraiment l'arbre de Noël du monde... mais je ne sais pas si j'aime vraiment New York, chaque chose y est excessivement neuve et semble avoir la prétention de vous plaire à tout prix".

    Son élégance vestimentaire continue de s'affirmer : "Dans les soirées, elle portait des vêtements du XVIII° siècle achetés chez les costumiers de théatre, toujours longs, avec la taille étroite, et ample sur les hanches". Simultanément son statut personnel se modifie, les américains apprécient sa mâturité, son indépendance et ses multiples capacités : elle parle anglais et devient dans des moments-clés "la voix de Breton" qu'elle éclipse partiellement puisque ce dernier refuse de s'exprimer dans une langue qu'il pratique mal. Pendant toute la préparation de la revue VVV dont le premier numéro paraîtra en juin 1942, son rôle d'interprète est capital : elle s'entretient constamment avec David Hare, un jeune homme de vingt-cinq ans, un sculpteur et photographe auquel Breton a décidé de confier le secrétariat de la revue.

    Entre elle et Breton, les affrontements deviennent irréversibles. Jacqueline qui se consacre plus que jamais à sa peinture et délaisse volontiers les tâches domestiques, décide de quitter définitivement Breton pendant l'automne de 1942 ; elle emmène Aube avec elle et déclare avoir noué une liaison amoureuse avec David Hare. André Breton est très affecté par son départ, Charles Duits avec lequel il lie connaissance à cette époque le décrira "sans âge, comme un arbre ou un rocher. Il paraissait las, amer, seul, terriblement seul, supportant la solitude avec une patience de bête, silencieux, pris dans le silence comme dans une lave qui achevait de se durcir". Le 9 ou bien le 10 décembre 1943, pendant un déjeuner avec Marcel Duchamp, Breton rencontrera Elisa Claro dont il célèbrera l'amour dans Arcane 17.

    Entretemps Jacqueline qui a fourni une ou plusieurs oeuvres pour chaque numéro de VVV prépare sa toute première exposition personnelle à la Norlyst Gallery de New York, exposition inaugurée le 10 avril 1944, pour laquelle elle va rédiger un Manifeste de peinture. Elle installe son nouvel atelier de peintre à Roxbury dans le Connecticut où Calder et Tanguy sont ses voisins. En 1946, elle épouse David Hare et part voyager en sa compagnie à travers l'Ouest américain, dans l'Arizona, le Montana et le Colorado, dans les réserves des Indiens Hopi et des Navajos. On voit apparaître dans ses toiles de luxuriantes forêtes, des rivières et des totems. Sa toute dernière exposition en liaison avec le surréalisme s'effectue en 1947, à la Galerie Maeght de Paris : après quoi, elle rompt toute allégeance avec le mouvement.

    Au début des années cinquante, elle doit se résoudre à se séparer de David Hare qui continuera de garder relations avec elle. Il achètera pour Jacqueline deux appartements à Paris et lui enverra un chèque chaque mois, jusqu'à sa mort qui surviendra en 1992. Elle revient définitivement vivre en France avec son fils Merlin qui était né à New York, en juin 1948. Elle déclare à son mari d'autrefois : "Si un jour tu entendras dire que je ne peins plus cela voudra dire que je suis morte". Elle loue tout d'abord une villa à Cannes, au 93 du Boulevard Eugène-Gazanaire. Sa biographe mentionne que pendant le premier été de ce retour en France, "Aube, Jean Hélion, Henri Michaux, Charles Duits et sa femme Lucy qui devient une grande amie de Jacqueline" lui rendent visite.

    Paris est son domicile permanent, son fils choisit de faire ses études aux Etats-Unis. Elle exposera ses travaux personnels en janvier 1958 à la galerie Lucy Krogh et en avril 1959 à la Galerie Saint-Placide. Une invitation de ses amis Henri Laugier et Marie Cuttoli lui permet de découvrir pendant l'été de 1963 le village de Simiane la Rotonde. Pendant dix-sept étés consécutifs, elle y fera pour sa plus grande joie de longs séjours : Laugier lui permet d'habiter parmi les escarpements du village, dans les grandes salles d'un ancien manoir du XVI° siècle, la pièce la plus haute devient son atelier. Ce sont ses toiles et les lumières de chaque été qu'elle achève de peindre dans son atelier parisien. Lors de ses derniers séjours dans les Alpes de Haute-Provence, le peintre Jacques Bibonne et la sculptrice-céramiste Martine Cazin sont ses proches amis.

    Son souci de l'engagement politique n'a pas varié. Elle fut comme André Breton l'une des signataires du Manifeste de 121 pour le Droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie. Elle s'opposa farouchement à l'installation de missiles nucléaires sur le Plateau d'Albion et milita contre l'extension du camp militaire du Larzac, le mouvement de Mai 1968 avait sa très vive sympathie.

    Conformément aux souhaits de Pablo Picasso et de Marie Cuttoli, sa dernière grande exposition personnelle se déroule au Musée d'Antibes, du 11 août au 31 octobre 1967 : cinquante toiles de 1962 à 1967 étaient réunies, la préface du catalogue fut signée par Yves Bonnefoy. En septembre 1980 Jacqueline Lamba accomplit un ultime voyage aux Etats-Unis : elle retrouve à San Diego son fils Merlin et son épouse, revoit l'Arizona et le Nouveau Mexique. Son visage bruni par le soleil s'est amaigri, ses amis disent qu'elle ressemble à présent à un "vieil inca".En page 279 de sa monographie, Alba Romano Pace écrit que jusqu'en 1988, "chaque jour, Jacqueline monte à pied les six étages de l'immeuble du Boulevard Bonne-Nouvelle ; elle sort et continue ses activités. Chaque jour elle peint du matin au soir".

    Sa vie s'achève le 20 juillet 1993. Atteinte par la maladie d'Alzheimer, elle s'est retirée dans une maison de santé de Touraine, à Rochecourbon où sa fille Aube vient lui rendre visite. Dans sa chambre, il y avait un petit chevalet. Jusqu'à sa mort, elle y travaillait des pastels. Au cimetière de Saché en Indre et Loire, on peut lire gravée sur sa tombe cette inscription "Jacqueline Lamba 1910-1993, la Nuit du Tournesol".

    Pour partie arc-boutée sur ce livre qui vient de paraître, la troisième vie de Jacqueline Lamba vient de commencer. Deux expositions de Jacqueline Lamba ont été organisées ces dernières années : au château de Tours, du 8 septembre au 4 novembre 2007 et à Simiane la Rotonde du 29 juin au 31 juillet 2008, avec un catalogue composé par Martine Cazin. Son oeuvre figurait dans l'exposition Elles@/Artistes femmes de mai 2009 au Centre Georges Pompidou.


    Alain PAIRE

    (1) Cf "Claude Cahun : l'exotisme intérieur", éd Fayard, 2006. A propos de ce livre, un article d'Agnès Lhermite dans le site "La revue des ressources".

    (2) page 667 des Ecrits de Claude Cahun, éd. Jean-Michel Place, 2002.

    Pour d'autes renseignements et plus d'iconographie, cf le site Jacqueline Lamba. Parmi les autres publications qui lui sont consacrées, cf le n° 44, décembre 2006 de la revue Pleine Marge, dossier présenté par Martine Monteau avec des lettres adressées à Jacques Bibonne et Martine Cazin.

    La Galerie 1900-2000 de David et Marcel Fleiss présente 8 rue Bonaparte, 75006 Paris, une exposition Jacqueline Lamba du 24 au 29 mai 2010. Une présentation et une signature du livre d'Alba Romano Pace sont prévues le 27 mai.

    http://www.galerie-alain-paire.com/index.php?option=com_content&view=article&id=108:la-troisieme-vie-de-jacqueline-lamba&catid=7:choses-lues-choses-vues&Itemid=6

  • J'ai lu :L’Espagne entre deux siècles de Zuloaga à Picasso (1890-1920)

     

    Paris, Musée de l’Orangerie, du 7 octobre 1011 au 9 janvier 2012.

    1. Santiago Rusinol (1861-1931)
    La Cour des orangers dit aussi Jardins arabes à Grenade, 1904
    Huile sur toile - 86,5 x 107 cm
    Castres, Musée Goya
    Photo : Castres, Musée Goya cliché P. Bru

    Si le Siècle d’or de la peinture espagnole est accroché aux cimaises de nos plus grands musées, l’histoire de l’art hispanique entre Goya et Picasso apparaît souvent comme un océan mystérieux duquel émergent quelques îles, elles-mêmes peu connues du grand public, avec pour nom Zuloaga ou Sorolla y Bastida. Il va de soi que cette image ne reflète pas la réalité mais bel et bien notre méconnaissance : au mépris ordinaire d’un certain XIXe siècle encore pratiqué par quelques cénacles retardataires, s’ajoutait jusqu’ici la distance géographique et historique d’une Espagne jugée lointaine comme vaguement marginale. La présentation au Musée de l’Orangerie, en collaboration avec la Fondation culturelle Mapfré, d’une soixantaine d’œuvres de l’art espagnol allant des années 1890 à 1920 fournit une excellente opportunité d’en découvrir ou redécouvrir la diversité et la richesse. On doit donc, avec une malice toute bienveillante, se féliciter, d’une certaine manière, qu’une brouille diplomatique de la France avec une ancienne colonie espagnole, le Mexique, ait repoussé à plus tard l’exposition consacrée à Diego Rivera et Frida Khalo initialement prévue à cette date. Le catalogue de l’exposition et le dossier de presse insistent sur une Espagne de la fin du XIXe siècle meurtrie d’avoir perdu Cuba ; voici une revanche amusante sur le Mexique ! Quelque admiration qu’on ait pour les muralistes, n’y a-t-il pas une justice à ce que l’art du XIXe siècle espagnol, si méconnu chez nous, devance ces grands noms de la peinture mexicaine souvent montrés ? Notre remarque en guise de clin d’œil a surtout pour but de féliciter l’équipe franco-espagnole qui a pu monter en un temps record cette présentation délectable.

    Dans une scénographie simple et efficace, avec un parcours agréable et des couleurs parfaitement appropriées, les œuvres présentées forment un panorama assez complet des tendances et des tempéraments qu’offre la peinture espagnole dans ces années « entre deux siècles ». Le choix des œuvres aurait pu être différent, on pourrait regretter l’absence de tel artiste ou suggérer la présence de telle œuvre, et il paraît assez audacieux de résumer trente années de l’art d’un pays en un corpus de tableaux finalement assez réduit, sans oublier qu’il y manque l’art graphique et l’estampe ; en réalité, et paradoxalement, l’aspect concentré de cette présentation a l’avantage de forcer le visiteur à intégrer rapidement l’idée même d’une Espagne active, bouillonnante et multiforme sur le plan pictural entre 1890 et 1920. S’agissant d’une visite aussi dense, la nécessité d’un synopsis avec une thématique (l’Espagne noire / l’Espagne blanche) n’apparaît toutefois pas bien nécessaire. Autant son exploitation subtile dans le catalogue paraît justifiée, avec le texte de Pablo Jimenez Burillo, qui ouvre des réflexions bien réelles et atteint à une synthèse du plus grand intérêt, autant cette dichotomie a un peu de mal à s’articuler dans le parcours de l’exposition.

    3. Ignacio Zuloaga Y Zabaleta (1870-1945)
    Portrait de Maurice Barrès devant Tolède, 1913
    Huile sur toile - 203 x 240 cm
    Nancy, Musée Lorrain
    Photo : RMN-Musée d’Orsay / Philippe Migeat

    La difficulté qu’il y a à faire coïncider, par exemple, cette notion (noir ou blanc) à la fois du point de vue du sujet et sur le plan plastique apparaît évidente. Il est significatif qu’un artiste comme Santiago Rusiñol soit présent dans les textes (y compris le dossier de presse) et les sections de l’exposition à la fois dans l’une et l’autre de ces tendances supposées : la double page du catalogue qui juxtapose sa Cour des orangers de 1904 (ill.1), à la clarté tout « impressionniste » et La Glorieta de 1909, avec son crépuscule mystérieux, ses cyprès et ses feuilles mortes symbolistes est à cet égard éloquente (ill. 2). Un même artiste, à une même période, peut produire deux œuvres d’inspiration et de contenu totalement opposés. En réalité, si l’on comprend bien la justesse du propos et cette vision dialectique de l’Espagne, l’une, sombre, catholique et solennelle, voire dramatisée, et l’autre, lumineuse, gaie et solaire des voyageurs et d’un certain « exotisme » moderniste, l’intérêt de l’exposition est surtout de montrer de la très belle peinture sans qu’il soit absolument utile d’en démêler tous les ressorts identitaires ou psychologiques. Vouloir à tout prix problématiser un parcours même lorsqu’il n’y pas absolument lieu de le faire peut être un piège. Le fait que l’on soit accueilli en dehors du parcours (pour des raisons de format, on le concède) par le grand tableau de Zuloaga représentant Maurice Barrès contemplant Tolède (ill.3), son livre sur le Greco à la main résume toutefois bien tout ce que l’on doit évidemment avoir en tête en visitant l’exposition : Espagne réelle, Espagne rêvée, Espagne du mythe, de l’histoire et de l’héritage artistique etc. Que tout ceci, toutefois, ne nous empêche pas de regarder… la peinture car on ne peut pas, à la fois, contester l’égocentrisme parisien qui aurait occulté tel ou tel pan de l’histoire de l’art européen et cantonner l’intérêt des tableaux montrés à une vision nationale et historiciste, restrictive à son tour. D’autant que la plupart des artistes présentés ont vécu ou visité Paris et participé aux salons et expositions universelles ainsi que l’étudie Dominique Lobstein avec la précision et la rigueur qu’on connaît dans un intéressant essai. Il s’agit bien, ainsi, de ne pas se cantonner à une vision « localiste » de la peinture espagnole, mais pas, non plus, d’en estimer l’intérêt uniquement à l’aune des mouvements qui triomphaient à Paris entre 1890 et 1920 quelle que soit l’évidence des rapprochements possibles. Ces artistes ont leur singularité, leur esthétique, leur talent et c’est ce qui importe.


    4. Ignacio Zuloaga Y Zabaleta (1870-1945)
    Portrait de la comtesse Anna de Noailles, 1913
    Huile sur toile - 152 x 195,5 cm
    Bilbao, Museo de Bellas Artes de Bilbao
    Photo : Photograph Archive of the Bilbao Fine Arts Museum

    5. Ignacio Zuloaga Y Zabaleta (1870-1945)
    La Naine Dona Mercedes, 1887
    Huile sur toile - 130 x 97 cm
    Paris, Musée d’Orsay
    Photo : RMN-Musée d’Orsay/Hervé Lewandowski


    Quelques très beaux paysages donnent au visiteur une entrée en matière nocturne et toutefois lumineuse. La Tombée de la nuit sur la jetée de Pinazo Camarlench (Valence, Institut Valencia d’Art Modern), la Tombée du jour de Urgell (Barcelone, MNAC) et, surtout, le sublime Paysage nocturne d’Eliseu Meifrèn y Roig (Madrid, musée Thyssen) que nous avions pu admirer à la Fondation de l’Hermitage de Lausanne récemment, témoignent d’emblée de la diversité de facture dont toute l’exposition se fera le reflet. Très vite on est happé par quelques chefs d’œuvre de Zuloaga ; après le Barrès, déjà cité, c’est l’hypnotique Portrait d’Anna de Noailles (ill. 4) qui frappe par sa modernité ; que Vélazquez (avec le portrait de La Naine Dona Mercedes)(ill. 5), Goya (Le Portrait de l’oncle et des cousines de Zuloaga [1910, Boston, Fine Arts Museum]) ou encore Le Greco (avec L’Anachorète [1907, Paris, Musée d’Orsay]) se rappellent ici à notre bon souvenir, ne fait que renforcer, au-delà de cet enracinement, le caractère unique de l’art de Zuloaga et, bien plus que son prétendu « réalisme », son sentiment dramatique et abrupt, sa picturalité essentielle.

    6. Ramon Casas (1866-1932)
    La Paresse, 1898-1900 Huile sur toile - 64 x 54 cm
    Barcelone, MNAC Museu Nacional d’Art de Catalunya
    Photo : MNAC Photo Calveras/Mérida/Sagristà

    Quelques œuvres de Ramón Casas, dont la très belle Paresse (ill. 6), illustrent une veine « réaliste » et intime que l’on retrouve aussi chez Santiago Rusiñol. L’art de ce dernier, un des très beaux artistes de la période, est représenté par six tableaux, un septième, peut-être le plus saisissant, n’ayant malheureusement pu venir (mais il est reproduit dans le catalogue, il s’agit de La Morphine [1894], visible au Museu Cau Ferrat de Sitges). Comme nous l’avons déjà dit plus haut, on trouve chez cet artiste à la fois l’expression subtile d’une certaine intériorité « fin de siècle », des paysages symbolistes (sous représentés à l’Orangerie) et des vues parisiennes plus montmartroises. Un nombre restreint d’œuvres symbolistes ne suggère d’ailleurs que peu la présence de l’Espagne au sein de l’idéalisme des années 1890-1910. La Rosée d’Adrià Gual (1897, Barcelone, MNAC), avec son beau cadre parlant, et Les Hermétiques de Miguel Viladrich Vila (Barcelone, MNAC), d’inspiration préraphaélite, en attestent pourtant ; on regrette l’absence d’œuvres de Rogelio de Egusquiza, peintre wagnérien et remarquable graveur qui aurait ici eu toute sa place. Julio Romero de Torres, quant à lui, auteur d’œuvres proches de l’idéalisme, est représenté par une belle toile plutôt d’inspiration réaliste et d’un chromatisme austère. Sombres, aussi, les œuvres de Isidre Nonell dont les Deux gitanes (1903, Barcelone, MNAC) font penser à un Edvard Munch qui aurait médité Van Gogh.


    7. Dario de Regoyos (1857-1913)
    Viernes Santo en Castilla, 1904
    Huile sur toile - 81 x 65,5 cm
    Bilbao, Museo de Bellas Artes de Bilbao
    Photo : Photograph Archive of the Bilbao Fine Arts Museum

    8. Hermen Anglada Camarassa (1871-1959)
    Le Paon blanc, 1904
    Huile sur toile - 78,5 x 99,5 cm
    Collection particulière
    Photo : MNAC Museu Nacional d’Arte de Catalunya, Barcelona
    Calveras/Mérida/Sagrista


    Il va sans dire que la clarté et la lumière prévalent lorsqu’on passe aux murs consacrés à l’impressionnisme de Dario de Regoyos (ill. 7), aux paysages empâtés de Nicolau Raurich ou aux scènes parisiennes électriques et violemment colorées d’Hermen Anglada-Camarasa (ill .8). Mais c’est évidemment avec Joaquim Sorolla y Bastida que culmine cette quête libre du rayonnement, de la lumière et de la couleur. Le grand tableau de salon acquis par l’Etat français dès 1895, le Retour de pêche, le halage de la barque (ill. 9), révèle d’ores et déjà, en dépit d’une facture et d’un sujet en apparence conventionnels, cette clarté, cette transparence et ce sens du mouvement qui caractériseront bientôt les meilleures œuvres du peintre, un peu trop facilement rapproché de impressionnisme. Quelques merveilleuses peintures en attestent à l’Orangerie : la très besnardienne Préparation des raisins secs (1905, Pau, Musée des beaux-arts) avec ses couleurs acides et l’originalité de son point de vue ou l’étonnante Sieste de 1911 (ill. 10), réduite à des masses picturales mouvementées, montrent un artiste qui va bien au-delà de la nature, fût-elle « vue à travers un tempérament ».


    9. Joaquin Sorolla y Bastida (1863-1923)
    Retour de pêche, le halage de la barque, 1894
    Huile sur toile - 265 x 403,5 cm
    Paris, Musée d’Orsay
    Photo : RMN-Musée d’Orsay Gérard Blot/Hervé Lewandowski

    10. Joaquin Sorolla y Bastida (1863-1923)
    La Sieste, 1911
    Huile sur toile - 200 x 201 cm
    Madrid, Museo Sorolla
    Photo : Droits réservés


    11. Juan de Echevarria (1875-1931)
    Métisse dénudée, 1923 Huile sur toile - 111 x 162 cm
    Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia
    Photo : Archivo fotografico Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia

    Joachim Mir est aussi un artiste qui retient l’attention : plus que ses paysages post impressionnistes, ses fragments de décor pour la Casa Trinxet (Barcelone, fondation Francisco Godia) sont éblouissants de liberté. Par-delà le motif, qui se fond dans une sorte de saturation chromatique, l’artiste y atteint à une abstraction visionnaire autant qu’ornementale. On a beau tenter de garder un regard vierge sur certains de ces peintres, il est difficile de ne pas penser « Gauguin » devant Juan de Echevarria (ill. 11), « Matisse » en admirant Francisco Iturrino ou « Cézanne » en regardant Joachim Sunyer, un peintre marqué par la rétrospective consacrée en 1907 au peintre de la Sainte Victoire. Le caractère nabi d’un Daniel Vasquez Diaz n’échappera à personne non plus. Mais l’impact de l’art français sur ces artistes ne porte aucun préjudice à leur singularité. Ce ne sont en aucun cas des épigones. On peut aussi admirer trois pièces de Julio Gonzales dont l’œuvre sculpté occulte trop souvent les peintures admirables.


    12. Pablo Picasso (1881-1973)
    La Buveuse d’Absinthe, 1901
    Huile sur toile - 65,5 x 51 cm
    Collection particulière
    Photo : Succession Picasso 2011

    13. Pablo Picasso (1881-1973)
    L’Enterrement de Casagemas, vers 1901
    Huile sur toile - 150,5 x 90,5 cm
    Paris, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
    Photo : RMN / Agence Bulloz


    Si deux œuvres précoces de Dali et de Joan Miro n’apportent pas un grand souffle au parcours, sa conclusion avec une section consacrée à Picasso est éblouissante. Quatre tableaux, certes, mais quelles œuvres ! La Buveuse d’absinthe (ill. 12) et Le Moulin rouge, toutes deux de 1901 côtoient L’Enterrement de Casagemas (ill. 13), nouvel hommage au Greco. Et que dire de L’Etreinte, admirable pastel de 1903 (Paris, Musée de l’Orangerie). Le sous-titre de l’exposition, dont on comprend bien la nécessité communicationnelle, ne doit surtout pas laisser entendre que cette réunion d’œuvres illustre une sorte de progression téléologique « de Zuloaga à Picasso », ou « de 1880 à 1920 » ou encore du XIXe siècle à la « modernité ». Tous ces artistes ont t