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Barbey d'Aurevilly Jules

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    Au seuil de l’œuvre aurévillienne se tenaient Racine & Huysmans…

    Philippe Richard

    Céline Bricault, La Poétique du seuil dans l’œuvre romanesque de Jules Barbey d’Aurevilly, Paris : Honoré Champion, coll. « Romantisme et modernités », 2009, 546 p., EAN 9782745318817.
     

    Envisageant les multiples regards de la critique aurévillienne actuelle et forant les traits saillants de l’œuvre romanesque composée par celui auquel elle consacra sa thèse de doctorat (soutenue en 2006, à l’Université de Clermont-Ferrand, sous la direction de Pascale Auraix‑Jonchière), Céline Bricault se propose de cerner ici le schème unificateur capable de structurer en une dynamique commune les grands thèmes de l’univers fictionnel de Barbey d’Aurevilly — le mythologique et le politique, le tragique et le fantastique, la dissimulation et la fascination. Renaît ainsi ce passage mouvant qu’est le « seuil », déjà poursuivi chez Bernanos par Pierre Verdiel1 et chez Dostoïevski par Dominique Arban2, et apparaissant dans cet ouvrage pour désigner ce point nodal accueillant les enjeux esthétiques et idéologiques de l’œuvre aurévillienne. Par cette métaphore spatiale désignant autant le cadre concret d’un roman que son déploiement purement verbal, les dualités ambiguës qui tissent la poétique de textes comme L’Amour impossible, Un prêtre marié ou Une histoire sans nom, pourraient bien en effet cohabiter. C’est toutefois à un effort de compréhension plus globale que nous invite l’ouvrage, au‑delà de la simple volonté de réduire tel hiatus incessible ou de présenter telle dualité structurante. Au cœur du récit, le seuil, lieu de transition qui autorise pourtant la station, provoque en effet l’effacement de l’unicité du temps comme de la primauté du lieu, et nous lègue comme un chronotope à l’impossible régi par ces diverses structures littéraires d’enchâssements, de mises en abyme, de marques d’oralité ou de procédés de rétention qui érigent la dissonance en valeur axiale. C’est pourquoi volonté de vivre et attirance pour la mort opèreront de part et d’autre du seuil — mais seulement visibles grâce à lui — une synthèse de l’œuvre romanesque aurévillienne, en une poétique hantée par cet espace-limite.

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    Une autre guerre du goût

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    Par Philippe Sollers

    Barbey d'Aurevilly, l'auteur des «Diaboliques» adore Balzac et Stendhal, n'aime ni Zola ni Tocqueville, déteste George Sand, et il est souvent clairvoyant.

     

    Qui se soucie encore de Barbey d'Aurevilly (1808-1889) qui a passé son temps à déranger son époque ? Romancier, nouvelliste, critique, journaliste, il aura pourtant été un des grands réfractaires du XIXe siècle avec Baudelaire et Bloy pour ne citer qu'eux. Il détestait tous les conformismes. Il aurait aujourd'hui fort à faire.

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    Littérature, Jules Barbey d'Aurevilly:Les épées sont sorties

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    ÉTIENNE DE MONTETY.
     Publié le 31 mai 2007
    Actualisé le 31 mai 2007 : 11h11

    Jules Barbey d'Aurevilly - Le portrait des académiciens de son temps fut l'occasion pour le polémiste de régler son compte à la société littéraire.

    C'EST l'exercice le plus convenu depuis la création de l'Académie française : railler son principe et sa composition. On se souvient des mots cruels de Cyrano sur les Immortels de son temps : « Porcheres, Colomby, Bourzeys, Bourdon, Arbaud.../Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c'est beau ! » Et Clemenceau et Bernanos de se joindre au choeur des moqueurs. De leur côté, les quarante peuvent exciper de la présence parmi eux de Corneille, Buffon, Montesquieu, Tocqueville, Bergson, Dumézil, Louis de Broglie. Alors ? Au moment de son élection, Cocteau, funambule qui avait décidé de s'asseoir, se justifiait ainsi : « Être académicien et décoré de la Légion d'honneur ôte à mon allure libre tout air conventionnel de révolte. » Académicien mais pas académique, la porte est décidément étroite.
    Dans ces méandres byzantins, où se situe Barbey d'Aurevilly ? On s'en doute. Le connétable porte l'épée à toute heure du jour et de la nuit. Il n'a nul besoin de fréquenter les bicornes du Quai de Conti pour se sentir coiffé. En 1863, dans Le Nain jaune, journal créé par des journalistes du Figaro en rupture de ban, l'écrivain se lance à l'assaut de l'ancien collège des Quatre-Nations. Personne ne l'avait prévenu que la voie lui était ouverte. À moins qu'il n'ait préféré par tempérament l'escalade des hauts murs. Pour le beau geste. Une façon aussi de faire son intéressant.
    Contempteur de l'Académie, Barbey ne mâche pas ses mots. Les quarante assiégés sont passés au fil de l'épée pour faits de collaboration. Collaboration avec quoi ? La médiocrité, la vanité, la mondanité, on en passe. Feu sur Vitet, Mignet, Legouvé, feu sur Cousin, Dupin, Patin, Villemain. Et Rémusat : « M. de Rémusat est un des ministres sans emploi, interné à l'Académie, cette Salpêtrière de ministres tombés et de parlementaires invalides dont l'orléanisme est incurable. » Barbey gagne à tous les coups, mais en s'étonnant qu'un homme de cette trempe s'abaisse à choisir si piteuses cibles.
    C'est quand il s'attaque aux grandes figures des lieux que l'exercice prend de la consistance. Enfin des sujets à sa mesure. Il excelle alors : « Comme il y a en littérature des questions d'honneur autant que partout, quelle réponse fera l'histoire littéraire de l'avenir à la question de savoir pourquoi M. Victor Hugo a sollicité d'être académicien ? (...) Est-ce l'amour du costume, de ce costume qu'avait porté le Grand Empereur ? » Même sort pour Mérimée que l'auteur admire et dont la présence sous la Coupole le déconcerte : « M. Mérimée a le mépris le plus honorable pour tout ce qui est vulgaire, mais c'est un mépris gouverné qui ne l'a pas empêché d'entrer dans une compagnie où les grands talents, par le fait qu'ils y sont, y sont déplacés. » La mansuétude n'est pas son fort. À peine s'applique-t-elle aux poètes. De Lamartine au milieu des quarante, il écrit : « Il y fait une énorme tache de lumière » ; et à la disparition de Vigny : « M. de Vigny est mort hier. On s'étonnait qu'il fût de l'Académie française où, par parenthèse, un Villemain ou un Saint-Marc Girardin, des professeurs ! avaient plus d'influence que lui. »

    Au nom du malheureux Baudelaire
    Comment lire aujourd'hui ces savoureux médaillons dont l'acrimonie a toutefois quelque chose de décourageant ? Avec le plaisir de côtoyer un écrivain à la plume vigoureuse, chargeant avec bonne humeur, renversant les chaises, les vases et les bibelots. Avec humilité aussi. Car enfin ricaner en 2007 de la présence d'un Laprade, d'un Falloux d'un Nisard, d'un Sandeau, est-ce accabler l'Académie pour son manque de clairvoyance ou afficher son inculture, son ignorance des mérites possibles de ces hommes en leur temps ?
    D'ailleurs, l'Académie française doit-elle être un concentré de génies ou une photographie de la France ? Et peut-on éternellement, au nom du malheureux Baudelaire, dédaigner un aréopage qui accueillit Vigny, Hugo, Lamartine, Mérimée, mais aussi Guizot ou Sainte-Beuve ?
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    Adaptation cinématographique de Jules Barbey d'Aurevilly:Catherine Breillat : "Je suis un dandy ultraromantique"

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    MARIE-NOËLLE TRANCHANT.
     Publié le 30 mai 2007
    Actualisé le 30 mai 2007 : 10h14

    Son adaptation de Barbey d'Aurevilly avec Asia Argento sort aujourd'hui, après son passage dans la compétition cannoise.

    CINÉMA Une vieille maîtresseDrame de Catherine Breillat. Avec Asia Argento, Fu'ad Aït Aattou, Roxane Mesquida, Claude Sarraute. Durée 1 h 54.
    « JE PENSE que je suis un dandy. Ultraromantique, mais d'un romantisme noir », confie Catherine Breillat. C'est pourquoi la réalisatrice de 36 fillette et de Romance a été attirée par l'auteur des Diaboliques. Voilà longtemps qu'elle songe à porter à l'écran Une vieille maîtresse, mais avant d'arriver à faire un film présentable à un assez large public, et présenté récemment dans la compétition cannoise, il lui a fallu faire beaucoup de détours, par des chemins déplaisants.
    « J'ai toujours pensé que j'aurais été brûlée au temps où on brûlait les gens qui avaient des attitudes trop mystérieuses pour les autres, dit la réalisatrice. Je poursuivais une quête d'identité profonde qui était quelque chose de terrible à vivre autant qu'à faire exister dans mes films. Et je relevais un défi qu'on n'accepte pas d'une femme. J'ai été traitée de scandaleuse et de sulfureuse parce que j'explorais le sexe et la jouissance, et ce qu'on cherche à travers cela : une forme de déconsidération, parfois, qui est une façon de se jeter en enfer, comme le fait Maldoror parce qu'il n'arrive pas à rejoindre l'idéal par le haut. Pour moi, l'amour est une pensée transcendante. Et c'est pour cela qu'elle a ses abîmes. »
    Avec Une vieille maîtresse, Catherine Breillat s'essaie à « un cinéma plus aimable, plus accessible ». « Barbey, dit-elle, voulait faire une grande oeuvre littéraire populaire. Et moi, je voulais montrer que je pouvais faire un grand film populaire. »
    C'est une histoire de passion inarrachable plus forte que l'amour conjugal pourtant sincère choisi par le héros. D'un côté, la claire Hermangarde, ravissante aristocrate (Roxane Mesquida) : « Elle est dans les canons de la beauté et de la société. Mais elle ne sait pas sortir de son carcan de bienséance. Elle est enfermée dans ce qu'elle doit être, et incapable de rompre la glace. Sans cela leur amour aurait duré. Je ne dirais pas qu'elle est conformiste. Mais plutôt qu'elle assume d'avance un destin tragique. Et son mari sera éperdu de désespoir de lui avoir fait tant de mal. »
    Des prototypes de tous les temps
    À l'opposé, la Vellini (Asia Argento) est l'image même d'une séduction fatale, obsédante et dominatrice. « J'ai choisi Asia Argento parce qu'elle a quelque chose de flamenco, dit Catherine Breillat, mais je ne voulais pas représenter le flamenco. Je voulais un équivalent plus contemporain, donc un côté rock'n'roll. Le roman parle de sa laideur, mais je me suis dit que ce qu'on appelait ainsi était sa liberté et sa sensualité, qui faisaient d'elle une marginale provocante. » Entre ces deux femmes rivales, Catherine Breillat s'identifie plutôt au héros libertin qui tente de se ranger, Ryno de Marigny, qu'elle a choisi très androgyne en confiant le rôle au jeune Berbère Fu'ad Aït Aattou, pour la première fois à l'écran.
    « Maintenant, je peux me mettre dans la peau d'un homme, dit-elle. L'androgynie fait partie du dandysme, comme le sens du défi, un des traits de caractère de Ryno, qui a l'art de» jeter le gant à l'opinion* , écrit Barbey. » Pour la réalisatrice, même si elle a mis son talent de peintre à composer le moindre détail, Une vieille maîtresse n'est pas un film en costumes : « Ça ne m'intéressait pas de faire un film historique. Les personnages sont des prototypes de tous les temps. On pourrait y retrouver La Femme et le Pantin, ou la relation de Charles avec Camilla.
    J'espère en tout cas que tout le monde aura envie de lire ce roman fulgurant de Barbey, totalement actuel. »

    Honnêtement perverse

    M.-N. T..
     Publié le 30 mai 2007
    Actualisé le 30 mai 2007 : 10h13
    Une marquise très XVIIIe siècle (Claude Sarraute), espièglement amorale, qui ne craint pas de donner sa petite-fille à un jeune homme de mauvaise réputation en espérant qu'il a « le coeur plus élevé que les moeurs » ; une ravissante oie blanche (Roxane Mesquida), follement amoureuse de son fiancé ; un fiancé libertin (Fu'ad Aït Aattou) sincèrement épris de sa blonde promise, mais bientôt repris par le démon d'une ancienne passion. Sa maîtresse enfin, la Vellini (Asia Argento) théâtrale et vénéneuse, longtemps annoncée par des rumeurs de scandale avant d'apparaître.
    C'est sur ces personnages que repose la crédibilité de l'adaptation cinématographique d'Une vieille maîtresse, il leur revient de donner un équivalent visuel de la prose superbe de Barbey d'Aurevilly. La Vellini, surtout, est le rôle clé. Catherine Breillat a fait un choix intelligent en prenant Asia Argento pour interpréter cette femme galante, experte en caresses, à la séduction envoûtante et rusée, créature baudelairienne : elle n'est pas belle, elle peut être vulgaire, tantôt repoussante, tantôt attirante, mais on conçoit qu'elle puisse ensorceler les hommes autant par sa sensualité que par son dédain, par son ardeur possessive que par sa solitude farouche. L'androgyne Fu'ad Aït Aattou, un peu trop joli, semble fait pour s'y laisser prendre. Même si certaines scènes frisent le ridicule (en Afrique, par exemple), et si rien ne peut remplacer le style de Barbey d'Aurevilly, Catherine Breillat signe une adaptation qui ne manque pas de talent, on allait dire honnêtement perverse.
    Publié en 1851, Une vieille maîtresse marque un tournant important dans l'œuvre de Barbey d'Aurevilly. Délaissant la psychologie de boudoir, il se tourne vers la peinture d'un coin de provence non sans quelques touches d'un réalisme balzacien auquel Théophile Gautier fut sensible (« Depuis la mort de Balzac, nous n'avons pas encore vu un livre de cette valeur et de cette force »).

    Pour la première fois, la Normandie fournit un cadre à la tragédie qui se joue entre une malagaise à la laideur envoûtante et son ancien amant. Leur liaison renouée va broyer la jeune et blonde épouse "au teint pétri de lait et de lumière".

    Cette œuvre riche et complexe, dont la technique romanesque préfigure celle de l'Ensorcelée, prête à plusieurs lectures que les communications de cette quatrième rencontre aurevillienne s'efforceront d'éclairer.
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