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  • 38 écrivains journalistes d’un jour




    LIBÉ DES ÉCRIVAINS 19 mars 2014 à 21:36

    Héctor Abad l’Oubli que nous serons Gallimard, 2012.

    Renata Adler Hors-bord L’Olivier, 2014.

    Bruno Nassim Aboudrar Comment le voile est devenu musulman Flammarion, 2014.

    Nelly Alard Moment d’un couple Gallimard, 2013.

    François Beaune la Lune dans le puits Verticales, 2013.

    Yves Bichet l’Homme qui marche Mercure de France, 2014.

    Samuel Brussell Soliloques de l’exil Grasset, 2014.

    Charlie Buffet l’Ours qui a vu l’homme Paulsen, 2013.

    Manuel Candré le Portique du front de mer Joëlle Losfeld, 2014.

    Antoine Chainas Pur Gallimard «Série noire», 2013 ; Une histoire d’amour radioactive Folio, 2014.

    Frédéric Ciriez Mélo Verticales, 2013.

    Thomas Clerc Intérieur L’Arbalète/Gallimard, 2013.

    Julie Douard Usage communal du corps féminin POL, 2014.

    David Fauquemberg Manuel El Negro Fayard, 2013.

    Aiat Fayez Un autre POL, 2014.

    Rubén Gallo Freud au Mexique Campagne première, 2013.

    Hélène Gaudy Plein Hiver Actes Sud, 2014; Si rien ne bouge Babel, 2014.

    Faïza Guène Un homme, ça ne pleure pas Fayard, 2014.

    Yannick Haenel les Renards pâles Gallimard, 2013.

    Pierre Jourde la Première Pierre Gallimard, 2013.

    Maylis de Kerangal Réparer les vivants Verticales, 2014

    Andrei Kourkov le Jardinier d’Otchakov Liana Levi «Piccolo», 2013.

    Sébastien Lapaque Théorie de la carte postale Actes Sud, 2014.

    Marin Ledun l’Homme qui a vu l’homme Ombres noires, 2014 ; les Visages écrasés Seuil, 2011.

    Robert Littell Requiem pour une révolution BakerStreet, 2014.

    Philippe Mezescaze Deux Garçons Mercure de France, 2014.

    Céline Minard Faillir être flingué Rivages, 2013.

    Emmanuelle Pagano Nouons-nous POL, 2013.

    Yves Pagès Souviens-moi L’Olivier, 2014.

    Emmanuelle Pireyre Féérie générale L’Olivier, 2012

    Maël Renouard la Réforme de l’opéra de Pékin Rivages poche, 2013.

    Patrick Roegiers la Traversée des plaisirs Grasset, 2014.

    Jacques Roubaud Tokyo infra-ordinaire Le Tripode, 2014 ; Octogone Gallimard, 2014.

    Jane Sautière Dressing Verticales, 2013.

    Joy Sorman Comme une bête Gallimard, 2013 ; Lit national Bec en l’air, 2013.

    Sylvain Tesson S’abandonner à vivre Gallimard, 2014

    Chantal Thomas l’Echange des princesses Seuil, 2013 ; Un air de liberté Payot, 2014.

    Anne Vallaeys Le loup est revenu Fayard, 2013.

    Tanguy Viella Disparition de Jim Sullivan Minuit, 2013.

  • artpress I novembre 2020

    Extinction des feux à 21h. Alors, Sarah Sze allume ses petites lumières à la fondation Cartier à Paris (jusqu’au 7 mars) et, non contente de nous émerveiller avec ses vastes installations faites de petites bricoles, nous entraîne dans le tourbillon de ses nouvelles peintures. Interview de l’artiste par Eleanor Heartney.

    Annulation des grandes foires d’art. Nous restons attentifs au travail des galeries avec Christian Berst qui fête 15 années d’activité et ouvre à cette occasion un second espace, The Bridge, pour jeter un pont entre art brut et art contemporain ; nous avons demandé son avis sur l’évolution du marché à l’un des meilleurs spécialistes du sujet, reconnu internationalement, Josh Baer ; et nous nous sommes inquiétés de la situation de la pratique la moins négociable, la performance

    "Au travail", dit en substance le Premier Ministre. Les artistes ne chôment pas, à en juger par les derniers travaux d’Abdelkader Benchamma, de Nicolas Floc’h, de Pauline Bazignan.

    Limitation des voyages. Heureusement, Thibaud de Ruyter habite Berlin et a visité pour nous la biennale qui s’y tient jusqu’au 1er novembre. Mais n’ayant pu se rendre à Moscou, il a demandé à l’artiste Katia Issaïeva de lui raconter la triennale, ouverte jusqu’au 17 janvier.

    Longues soirées de lecture. Ça tombe bien, il n’y a que l’embarras du choix avec l’Homme aux trois lettres de Pascal Quignard que Jacques Henric a rencontré à l’occasion de la sortie de ce livre et de l’exposition que la Bnf consacre à l’écrivain, avec Roue libre de Cécile Guilbert, avec une biographie de Piero Heliczer, incroyable personnalité de l’Underground américain à découvrir, enfin avec la Voyageuse de nuit, ouvrage de Laure Adler qui parle de la vieillesse – puisqu’il faut bien prendre notre mal en patience…

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  • Françoise Sagan: dernières révélations

    f3b65e6ab24976758904b117880bffe5.jpgpar Tristan Savin
    Lire, février 2008

     Trois ans après sa disparition, le «charmant petit monstre» fait de nouveau l'actualité, à travers un film de Diane Kurys dont la sortie en salle est prévue au printemps, l'adaptation par Florian Zeller de Château en Suède pour la télévision et plusieurs ouvrages. Le purgatoire n'aura pas été long. Sauf de son vivant: vingt ans de souffrances et d'oubli en librairie, après vingt ans de succès mondial. Lire a mené l'enquête pour faire la lumière sur un écrivain dont la vie flamboyante ne doit pas occulter l'oeuvre.

    "Je ner pas beacou de chose à te dire parce que jan é pas beaucou invanté dans ma tête ma chère maman.» Ce mot d'enfant de cinq ans pourrait résumer à lui seul Françoise Sagan: franche mais portée sur le mensonge, espiègle, peu diserte quand il est question de parler de soi. On peut aussi y voir la définition - précoce - d'un écrivain. Françoise est née Quoirez, dans le Lot, en juin 1935. Son père, ingénieur, dirige une compagnie d'électricité. Sa mère, frivole, toujours gaie, laisse à sa gouvernante les tâches domestiques et l'éducation des enfants. L'éditeur Jean Grouet fit la connaisance de Sagan à ses débuts, avant de devenir son secrétaire: «Elle aimait beaucoup ses parents. Elle habitait encore chez eux trois ans après le succès de Bonjour tristesse. Son père était insupportable, un peu hussard, Françoise le trouvait très drôle. Sa mère était exquise... mais un peu réac.» Ils avaient des principes bourgeois, rapporte aujourd'hui Denis Westhoff, le fils unique de Sagan (voir l'entretien page 32): «On ne prononçait pas de gros mots, on ne devait pas dire du mal de quelqu'un. A table, il était interdit de parler de politique, de religion ou d'argent.»

    Françoise n'est pas seulement la petite dernière des trois enfants Quoirez. Sa naissance, miraculeuse aux yeux de ses parents, survient après la perte d'un bébé. Du coup, père et mère lui passent tous ses caprices. Sa soeur Suzanne confie à la biographe Marie-Dominique Lelièvre: «Elle était une enfant pourrie-gâtée. Toute sa vie, elle a joui d'une totale impunité.» A neuf ans, elle peut conduire la voiture de son père. La secrétaire de monsieur Quoirez doit lui apprendre à taper à la machine. L'écriture, la vitesse. La légende commence à germer. Sa mère racontera plus tard à son petit-fils, Denis: «A deux ans, elle s'emparait d'un livre pour essayer de le lire. Mais elle ne le tenait pas dans le bons sens. Très tôt, elle a inventé des contes de fées et s'est mise à écrire un roman de chevalerie, en vers. Elle pouvait citer Le Cid par coeur.» La petite princesse adore amuser ses proches avec ses jeux de mots. Paradoxe, pour une intellectuelle: c'est aussi un garçon manqué, un meneur de bande. Adulte, gâtée par le succès, elle restera un Petit Poucet androgyne, qui sème des trous de cigarettes partout sur son passage.

    Ses meilleurs amis, qui constitueront sa garde rapprochée toute sa vie, ont pour nom Florence Malraux et Bernard Frank. Même âge, mêmes origines bourgeoises, même amour des livres. A cette différence près: ils sont juifs. La lucidité, face aux horreurs du monde, aux mensonges des adultes, les rapproche tous les trois. «J'avais tout compris à douze ans», déclarera Bernard Frank. Françoise aussi. Mais elle semble taraudée par la culpabilité: «Elle disait que son père avait été résistant, ce qui n'était pas vrai. Elle m'en a toujours voulu de l'avoir démentie à ce sujet au cours d'un dîner», rapporte Jean Grouet. Avant de lâcher, dans un sourire complice: «Elle était menteuse.» Sur ce point, la honte est légitime: la fillette imaginative resta hantée toute sa vie par la découverte des camps de la mort, à travers un film d'actualité projeté dans un cinéma quand elle avait dix ans. Comment ne pas faire le rapprochement avec le début de l'occupation allemande lorsqu'elle avait cinq ans? Comment composer avec une famille qu'elle perçoit comme banalement antisémite?

    Expulsée du couvent des Oiseaux pour «dégoût de l'effort», la jeune fille extralucide au visage de musaraigne fuira à sa manière un milieu trop rigide. D'abord en séchant les cours de la Sorbonne, à la rentrée 1953. Et en écrivant, sous Maxiton, son premier roman, en partie inspiré par Gatsby le magnifique. Puis en changeant de patronyme. «Tu ne mets pas mon nom sur ton livre», lui aurait dit son père. Elle en choisit un dans A la recherche du temps perdu. Et brouille déjà les pistes: s'identifie-t-elle au dandy Boson de Talleyrand-Périgord, prince de Sagan? Ou à la princesse de Sagan?

    La femme pressée
    En 1954, François Nourissier était lecteur chez Denoël. Il reçoit le manuscrit de Bonjour tristesse mais ne l'ouvre pas. Quelques jours plus tard, il finit par le lire sur les conseils d'une amie. Trop tard. Sagan vient de signer chez Julliard. Elle a demandé 25 000 francs, au hasard, mais René Julliard lui en a offert le double. L'éditeur a flairé en elle un nouveau Raymond Radiguet, qui avait fait la fortune de la maison. Rien n'est laissé au hasard: le bandeau du livre, sorti le 15 mars 1954, porte la mention «Le diable au coeur». Le succès est immédiat, grâce au prix des Critiques. Parmi les jurés: Georges Bataille, Marcel Arland, Maurice Nadeau, Jean Paulhan et Roger Caillois. La lauréate est trop jeune, 19 ans, pour toucher le chèque de 100 000 francs. Qu'à cela ne tienne, on les lui verse en espèces.

    Une semaine plus tard, le Prix Nobel de littérature, François Mauriac, évoque dans sa chronique du Figaro la «férocité lucide» de la «terrible petite fille», dont le talent littéraire «n'est pas discutable». L'autre consécration vient du clan des Hussards, quand Jacques Chardonne écrit à Roger Nimier: «Cette jeune fille est de bonne famille. La famille des grands écrivains.» La presse grand public s'empare du phénomène. Le Vatican met à l'index ce «poison qui doit être tenu à l'écart des lèvres de la jeunesse». Le scandale fait vendre: en un an, 500 000 exemplaires vont partir. Michel Déon, reporter à Paris Match, visite le prodige en vacances - et tombe amoureux. Premier «écrivain people», Sagan lance la mode Saint-Tropez avec Juliette Gréco, avant Brigitte Bardot. Elle passe ses nuits chez Régine, s'affiche avec Trintignant, se lie avec Jacques Chazot, Jules Dassin. Otto Preminger adapte son roman au cinéma.

    Etait-ce la bonne vivante que l'on a dit? Jean Grouet se souvient des fameux repas de la bande à Sagan: «Elle se foutait complètement de manger et demandait toujours l'avis de Bernard Frank pour le vin. Elle était habile pour conduire, pas pour cuisiner.» Ses bolides symbolisent son mode de vie et contribuent à fixer la légende: Jaguar X/440, Mercedes, Gordini, Ferrari 250 GT achetée grâce au succès de La chamade. Mais - à l'instar de Roger Nimier - c'est avec une Aston Martin qu'elle a son accident, en 1957. Coma, fractures du crâne, du bassin, du thorax... Une rescapée. «Rien ne paraît désespérément souhaitable que l'imprudence», écrivait-elle un an plus tôt dans Un certain sourire. Le rapprochement avec La fureur de vivre est facile. Mais l'écrivain a pris James Dean de vitesse: son succès le devance d'un an. «Sans Sagan, la vie serait mortelle d'ennui», écrit Bernard Frank.

    Dans l'existence de Françoise Sagan, la drogue a très tôt côtoyé l'ivresse de la vitesse. Elle en est aussi la conséquence. A la clinique, pour calmer ses douleurs, on lui a administré de la morphine, des mois durant. Après une première cure de désintoxication, elle se met à boire. «Je suis une bête qui épie une autre bête, au fond de moi», note-t-elle dans Toxique. Elle confiera à son ami Massimo Gargia avoir continué à se droguer à cause du succès: «La curiosité de la presse l'a écrasée. La drogue lui donnait du courage. Elle était timide, à ses débuts», précise Gargia. Celle qui incarnait la femme libre de l'après-guerre est devenue dépendante.

    L'adrénaline lui sert de moteur. Le jour de ses vingt et un ans, elle découvre le jeu. L'impassibilité vitale du joueur lui convient: il faut dissimuler ses sentiments. Elle en abuse au point de se faire interdire de casino en France. «J'ai une vision très romanesque de ma ruine éventuelle», confie-t-elle à Télérama. Son chiffre fétiche: le huit. Après avoir tout misé sur lui, en 1958, elle gagne 80 000 francs en une nuit. A huit heures du matin, elle achète ainsi le manoir du Breuil, à Equemauville, près de Honfleur. Elle vit d'excès, y compris dans le travail, devient dramaturge (Roger Vadim adaptera Château en Suède), critique cinéma à L'Express, joue les figurantes aux côtés d'Ingrid Bergman et d'Yves Montand dans l'adaptation d'Aimez-vous Brahms..., écrit le scénario de Landru pour Claude Chabrol. Sagan cherche les émotions fortes, elle les aura toutes. En 1961, elle signe le manifeste des 121, approuvant l'insoumission des appelés en Algérie (voir l'encadré page 24). Peu après, l'immeuble de ses parents, boulevard Malesherbes, est plastiqué. Denis Westhoff se souvient du témoignage de son grand-père: «Il avait aperçu un étrange paquet dans le hall. Il le laisse, monte chez lui. Juste après avoir fermé la porte de l'appartement, il entend une explosion. Tous les carreaux de l'immeuble ont volé en éclats. Ce jour-là, ma mère s'était absentée...» Rescapée, à nouveau.

    L'insupportable solitude
    Ses frasques amoureuses, également menées tambour battant, défraient la chronique, de son idylle avec l'homme d'affaires Pierre Bergé à son projet de mariage avec le play-boy italien Massimo Gargia. «Je l'ai rencontrée en 1965, se souvient ce dernier. Coup de foudre. Elle était très jolie, très gentille. Elle voulait s'amuser avec moi. On ne parlait surtout pas de littérature! Elle voulait oublier ses problèmes...» Elle a aussi du goût pour les femmes. En 1955, Florence Malraux organise une rencontre avec Juliette Gréco. L'égérie de Saint-Germain-des-Prés chante déjà Prévert, Queneau et Sartre. Sagan lui écrit quatre chansons, dont Sans vous aimer, première déclaration chantée d'anamour, dix ans avant Serge Gainsbourg. C'est aussi le titre d'un livre de Michaël Delmar (voir l'extrait p. 37) consacré à la rencontre de la chanteuse avec l'auteur de La femme fardée. «Nous étions deux jeunes femmes insouciantes et nous aimions l'amour. Nous le faisions souvent et pas toujours avec le même partenaire», y déclare Juliette Gréco. «Françoise a toujours eu dans le privé ce mélange de gravité innée et d'humour acide. On a immédiatement trouvé un langage commun et partagé une complicité d'enfants.»

    L'écrivain lui offre un tigre en peluche. «Je l'ai gardé longtemps, jusqu'à ce que les mites le dévorent.» Delmar a fréquenté l'entourage de Sagan pendant vingt ans: «Je ne l'ai pas connue autrement que lesbienne. Elle a longtemps vécu avec la styliste Peggy Roche, qui ressemblait à Juliette. C'est frappant. Sagan ne le reconnaissait pas facilement, elle n'aborde pas non plus la question des rapports féminins dans ses romans, contrairement à Colette. Pour elle, c'était honteux.» Prêche-t-il pour sa paroisse? Massimo Gargia dément: «Elle a eu beaucoup d'hommes. Elle a même eu une histoire avec Delon. Ce n'était pas une lesbienne, contrairement à Garbo, qui ne supportait pas l'organe masculin. Françoise était très portée sur le sexe, très active, avec beaucoup d'imagination. Elle m'emmenait dans les hôtels de passe. Toutes les expériences l'amusaient. Elle voulait même faire du parachute...» On s'est longtemps interrogé sur la nature de la relation entre Françoise Sagan et l'écrivain Bernard Frank, qui a presque toujours logé chez elle. Le mieux placé pour répondre est sans doute son ami Jean Grouet, qui l'a soigné jusqu'à sa disparition en 2006: «Bernard était pudique, il ne m'en parlait pas mais je suis certain qu'il ne s'est jamais rien passé entre eux. Ils n'étaient pas le genre l'un de l'autre. Ils s'engueulaient souvent mais s'adoraient. Pour ma part, Sagan a été la femme de ma vie, de manière spirituelle. Le jour où je lui ai juré que je ne coucherai jamais avec elle, elle m'a montré la porte...» Quand ils ont fait connaissance, Grouet assistait Vadim sur le tournage d'un film avec Bardot. Françoise travaillait avec le réalisateur à un projet de ballet, Rendez-vous manqué. «Elle m'a dit: "Vous connaissez la danse? Moi non plus. On va faire semblant." Elle voulait Picasso pour le décor. Mais gratuitement. J'ai réussi à le joindre et il a refusé. Elle a finalement pris Bernard Buffet.»

    Capricieuse, Sagan s'avère également une séductrice manipulatrice, parfois perverse. Annick Geille (voir ci-contre), séduite par son «allure de garçonnet avec sa chemise de cow-boy et son ceinturon de cuir», en fera les frais. Françoise est infidèle, elle ne peut jamais se passer de compagnie. Michaël Delmar, que Sagan avait interrogé sur l'influence des astres, rappelle qu'elle est née le même jour que Sartre, à trente ans d'écart: «Ils sont Gémeaux, donc très joueurs. Elle est dans la duplicité, elle se masque, reste fuyante.» La franchise de ses textes parle pour elle. L'amour? C'est comme l'argent: «Il se dépense. Et plus tard, il se pense.» Après avoir analysé l'un de ses livres, Romain Gary écrira: «Françoise est complètement dépourvue de culpabilité.1»

    Coup de théâtre: un beau jour, Sagan épouse l'éditeur Guy Schoeller, plus âgé mais réputé grand séducteur. Explication de Massimo Gargia: «Il la protégeait, comme un père.» Schoeller dira plus tard au biographe Jean-Claude Lamy: «On n'a jamais pu la prendre en flagrant délit de bêtise.» Leur entente est brève, un homme d'affaires ne peut pas suivre sa femme au casino... L'espiègle Lili (le mot est de Sartre) se marie en 1962 à un beau sculpteur américain. Jean Grouet l'a fréquenté à l'époque: «Bob Westhoff était homosexuel. Il a vécu avec François Gibault, le biographe de Céline. Françoise s'est retrouvée enceinte de lui, il lui fallait se marier vite. C'était un bon père. Mais il est mort à cause de l'alcool.»

    Ancien soldat, acteur puis mannequin, ce personnage de roman fut, aussi, l'un des traducteurs de Sagan en langue anglaise. De leur union naquit un fils, Denis. «Elle voulait vraiment cet enfant, elle n'aurait pas pu vivre sans en faire un,» estime Massimo Gargia. Modeste, sensible et courtois, l'enfant a aujourd'hui 45 ans et ressemble à sa mère, surtout quand il sourit. Il conserve le souvenir d'une femme toujours présente: «Elle savait en permanence où j'étais. Elle s'inquiétait pour moi.» Irresponsable pour elle-même, elle ne l'était pas avec lui et l'éleva selon ses principes: «Quand elle a réalisé que je traînais un peu trop dans les bars, elle a tenu à ce que je fasse mon service militaire.» Sans omettre une bonne instruction: «Elle m'a fait lire ses romans préférés, en commençant par La chartreuse de Parme. A la maison, il y avait des livres partout.»

    L'écriture, malgré tout
    La légende de la «mademoiselle Chanel de la littérature», comme l'a surnommée Frank, a souvent occulté l'oeuvre, pourtant placée dès les débuts sous les auspices de Proust et de Stendhal. Bertrand Poirot-Delpech l'avait rappelé: Sagan est d'abord, et surtout, un écrivain. Et ses livres n'ont pas vieilli, soulignait dans Lire en 2004 notre regretté confrère Jean-Jacques Brochier. Réputée oisive, Sagan publia un livre tous les dix-huit mois - sans compter les scénarios, les poèmes, les chansons. On ne la voyait pas écrire car elle remplissait ses cahiers Clairefontaine la nuit. A partir de 1970, elle dicte ses textes et n'hésite pas à convoquer sa secrétaire à quatre heures du matin. Laure Adler se souvient de ses débuts aux côtés de l'éditeur Christian Bourgois, en 1991: «J'ai travaillé avec Sagan sur son roman La laisse. Elle était très demandeuse, aimait être lue, discutée, corrigée. Pour elle, les critiques étaient nécessaires, vitales. La forme littéraire n'était pas le fruit du deuxième ou du troisième jet mais de ce work in progress, ce chantier en construction. Elle réécrivait beaucoup, redemandait des relectures et corrigeait encore au moment où le texte partait à l'impression. On avait une impression de grande incertitude, d'humilité. En fait, c'était une petite fille. Perdue.» Le genre de femme qu'on a envie de protéger, tellement elle semble s'excuser de sa gloire. Le phénomène Sagan? «Il s'agit avant tout d'un phénomène sociologique», répondait l'intéressée. Pourtant, elle intimidait Simone de Beauvoir. A cause de l'acuité de son regard, peut-être... «Rien ne lui échappait. J'avais l'impression qu'elle percevait tout», se souvient Annick Geille. Sagan aurait même fait la conquête d'Ava Gardner, révèle Marie-Dominique Lelièvre: «Par la force de l'esprit, elle avait séduit une des plus belles femmes du monde.»

    L'intelligence revient sans cesse à son propos. La définition qu'elle en donnait dans Répliques, le recueil d'entretiens édité par Grouet, est celle du coeur: «Avec de l'imagination, on se met à la place des autres, et alors on les comprend, donc on les respecte. L'intelligence, c'est, d'abord, comprendre au sens latin du terme.» Elle applique elle-même ce principe, atteste Laure Adler: «Elle avait un rapport simple, modeste et direct avec les gens. Elle se mettait à égalité avec vous. Même si vous n'étiez rien.» Annick Geille nuance: «Elle avait un tel souci de ne blesser personne qu'elle déployait des trésors d'hypocrisie pour faire croire au moindre raseur que son commerce était divin.» Pourtant, quand Sagan s'ennuie trop, c'est-à-dire souvent, il lui arrive d'abandonner ses invités pour bouquiner. Cette curieuse solitude imprègne toute son oeuvre. Les écrits lui servent de refuge. «Quand nous habitions ensemble à Rome, rapporte Gargia, elle passait des heures à lire devant le Colisée.» Parmi ses «milliers de livres préférés»: Les palmiers sauvages de Faulkner, Adolphe de Benjamin Constant et Les mots de Sartre. Elle se rêve en héroïne proustienne - d'où son attirance pour les noms à consonance aristocratique, comme les Rothschild. Mais depuis le duc de Guermantes, l'époque a changé: avec Bernard Frank, elle forme une sorte de couple à la Scott et Zelda Fitzgerald. Zelda n'est-il pas le nom de l'héroïne de sa pièce Il fait beau jour et nuit? Sagan a toujours aimé le théâtre. Et la chanson. Elle admire Billie Holiday, Orson Welles, Tennessee Williams. Elle se lie avec eux lors de ses séjours américains et en brosse de mémorables portraits dans Avec mon meilleur souvenir. Elle s'entend avec les écorchés car, au fond, elle leur ressemble. «Aux yeux des filles de ma génération, poursuit Laure Adler, c'était l'icône de la liberté sexuelle, de la rapidité d'écrire (avec grâce), elle conduisait à tombeau ouvert, aimait le sable chaud et les beaux mecs. Mais dans la réalité, elle n'avait pas ce côté solaire qu'on a tant décrit. Elle n'était pas sûre d'elle - et ce n'était pas de la fausse modestie, elle ne composait pas. Elle était dans la déchirure de l'être.» Et n'était rigoureuse que dans l'écriture.

    Aimer perdre
    Vingt ans après Bonjour tristesse, toujours en avance sur son époque, Sagan mène une existence de punkette boulimique. Amphétamines, anxiolytiques, cocaïne, piqûres de morphine, crises de delirium tremens, asile. Elle devient intime avec la veuve d'un gangster, fréquente des toxicomanes. La brigade mondaine perquisitionne chez elle. L'égérie de Sartre se réveille avec la nausée. Entre-temps, elle s'est fâchée avec Flammarion. «Il a retiré tous ses livres de la vente, allant jusqu'à casser les plaques d'impression», raconte Denis Westhoff. Massimo Gargia la retrouve en 1985: «Elle était déjà fatiguée à quarante ans, n'avait plus la force de sortir. Elle ne supportait plus les boîtes de nuit, les mondanités. Elle n'aimait pas ce milieu de la jet-set, au fond. Comme Bardot, elle préférait vivre dans la simplicité, le désordre.»

    Les années Mitterrand seront son chant du cygne. A l'époque, Laure Adler est conseiller culturel de l'Elysée: «Ils étaient très liés, Mitterrand et elle. Nous avons fait ensemble des voyages en hélicoptère. Elle arrivait en retard et faisait attendre tout le monde, y compris le Président. Cela l'amusait. Ils avaient une relation très tendre - pas amoureuse. Il me parlait d'elle avec admiration, il avait lu tous ses livres.» Cette amitié vaudra à Sagan de nombreux déboires. Et contribuera à brouiller un peu plus son image auprès du public. En 1985, tombée dans le coma lors d'un voyage officiel du Président en Colombie, elle est rapatriée d'urgence. Les médias évoquent une overdose, Jack Lang parle de mal d'altitude.

    En 1991, André Guelfi, l'un des protagonistes de l'affaire Elf (sous le nom de Dédé la Sardine), demande à l'écrivain d'intervenir auprès de François Mitterrand pour favoriser l'activité de la compagnie pétrolière en Ouzbékistan. Endettée jusqu'au cou, Sagan accepte, contre la promesse d'une commission de 5,5 millions de francs. Selon Marc Francelet2, qui servit d'intermédiaire, seule une partie de la somme aurait été versée, sous forme de travaux dans son manoir normand, qu'elle omet de déclarer aux services fiscaux. «Elle avait un petit côté coquin et aimait les filouteries. D'ailleurs, Mitterrand l'a un jour comparée à Mata Hari. Mais, dans cette histoire, on s'est servi d'elle pour blanchir de l'argent. Les travaux ont été facturés quatre millions de francs, il y en avait à peine pour le tiers...» plaide son ayant droit Denis Westhoff. En février 2002, Françoise Sagan est condamnée à un an d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale et doit rembourser, aggravés des pénalités, les revenus dissimulés. «Elle a dû vendre ses bijoux et les plus beaux cadeaux qu'elle avait reçus dans sa vie. Les droits sur ses derniers livres partaient directement aux impôts», témoigne Massimo Gargia. Amie des grands de ce monde, elle se croyait au-dessus des lois, la voici officiellement insolvable.

    Jean Grouet, à la fois agent et éditeur, tente d'endiguer les problèmes financiers: «Françoise écrivait quand elle était acculée par les dettes. Elle m'a fait vendre trois fois la même nouvelle. Elle avait toujours besoin d'argent. Quand elle m'en empruntait, elle disait: "Je ne vous le rendrai jamais mais je ne vous en voudrai pas." CBS a accepté de payer 20 000 dollars une interview d'elle avec Brigitte Bardot. Le problème, c'est qu'elles n'avaient rien à se dire...» Massimo Gargia garde le souvenir d'amusants trafics: «Françoise revendait les cadeaux en or, en argent ou en cristal de sa grande amie Marie-Hélène de Rothschild, qui avait financé sa pièce Château en Suède. Le jour où Marie-Hélène s'en est rendu compte, elle s'est mise à lui offrir de fausses fourrures. Et lorsque Françoise a préfacé le livre d'une amie très riche, elle a demandé à être payée au noir...»

    Pourtant, l'oeuvre de Sagan généra longtemps des sommes colossales, aux quatre coins du monde. Bonjour tristesse fut un best-seller en Italie, dans sa version... française. Et se vendit à deux millions d'exemplaires aux Etats-Unis, où la Fox déboursa 100 000 dollars pour les droits du roman Le garde du coeur. Traduite en Corée du Sud et en Chine, Sagan fut aussi l'un des seuls écrivains français autorisés en Russie pendant la guerre froide. Le journaliste Guillaume Durand est l'un de ses ardents défenseurs: «Ce n'était pas une tricheuse. Elle ne s'est pas installée en Suisse, comme d'autres. Elle distribuait son argent à ses copains. Elle ne possédait rien à part ses voitures et une maison bizarre. Tellement de gens ont profité d'elle, chacun se prétendait son meilleur ami.» Tous les proches de l'écrivain conservent le souvenir de sa grande générosité. «Sa table était toujours ouverte, avec les meilleurs vins et du caviar», précise Gargia. Elle offrait bijoux, vêtements... jusqu'à ses propres manuscrits. Son fils n'en a récupéré qu'un seul, un inédit illisible. Bonne joueuse, elle se contentait de proclamer, à propos des biens matériels: «J'aime perdre.»

    A la fin de sa vie, la star déchue loge avenue Foch, chez son amie Ingrid Mechoulam, épouse d'un millionnaire. Ruinée, privée de chéquier, elle peut à peine s'acheter ses cigarettes. «Cette amie l'a soignée, emmenée à l'hôpital et sauvée financièrement - mais elle l'a coupée du monde, juge Denis Westhoff. Massimo Gargia défend l'amie qu'il présenta à Sagan: «On est possessif, quand on est amoureux. Ingrid l'a quand même soutenue pendant douze ans, jusqu'à la fin... "Il n'y a que des preuves d'amour", disait Cocteau!» Guillaume Durand fréquente l'écrivain déchu à cette époque, pour un projet de livre: «Sa principale blessure venait de cette histoire avec le fisc. Elle se sentait coincée. Elle s'est enfermée dans un désenchantement élégant. Démunie, au bout de sa vie, dans un écrin de luxe. Et personne n'a rien fait, soi-disant à cause de ses problèmes de cocaïne. Elle avait une ébriété à l'égard de l'argent. Ce n'est pas toléré par la société. Charasse (NDLR: alors ministre du Budget) s'est vanté de ne pas l'avoir aidée!» Selon Laure Adler, la Présidence aurait eu les moyens d'annuler une dette, mais l'ancienne conseillère n'en dit pas plus. Gargia est plus explicite: «Quand Mitterrand est tombé, c'est devenu très dur pour Françoise.» Durand poursuit: «Seuls des amis un peu voyous lui ont tendu la main. Francelet lui a fait vendre une chanson à Johnny.» Ce sera son dernier texte... «Elle déclinait physiquement et devenait très difficile d'accès. La porte ne s'ouvrait plus, même pour François Mitterrand.» Pour Durand non plus: son livre d'entretiens ne sortira jamais. «Elle restait en pyjama, lisait les grandes romancières anglaises et écrivait au lit, sa célèbre Kool à la main. Elle demeurait pourtant pudique et coquette, se remaquillait un peu avant de me recevoir.» Laure Adler se rend avenue Foch au même moment: «Elle était affaiblie et bouleversante. Elle marchait à petits pas, mettait un temps fou à ouvrir la porte. Je venais pour écrire une biographie mais je n'osais pas prendre de notes... Je me souviens de conversations sur des sujets profonds, comme la religion. A la fin de la journée, elle continuait à parler dans l'obscurité, elle n'allumait même pas la lumière.»

    Françoise Sagan s'éteint le 24 septembre 2004, à Equemauville, d'une embolie pulmonaire. Elle repose désormais auprès de Peggy Roche. Juliette Gréco, présente aux obsèques avec les derniers fidèles, en a donné l'explication au Monde: «Elle a demandé à être enterrée à Cajarc (Lot), dans le pays où elle est née, qu'elle aimait, avec une femme qu'elle a aimée et qui l'a aimée jusqu'au bout.» Pourtant, le nom de ce grand amour n'est pas inscrit sur la tombe. Pudique jusqu'au bout. A propos de Sarah Bernhardt, dont elle se fit la biographe, Sagan écrivait: «Ce que j'aime en elle, c'est cet humour qu'elle a gardé jusqu'au bout. Elle a eu une vie gaie et heureuse et elle n'a pas été punie parce qu'elle avait plein d'amants.» Souhaitait-elle, secrètement, qu'on en dise autant d'elle?

    1) Cité par J.-C. Lamy dans Sagan. 2) Cité par M.-D. Lelièvre dans Sagan à toute allure.

    Sans vous aimer par Michaël Delmar, 192 p., Scali, 16 euros 5, rue des Italiens par Bernard Frank, 714 p., Grasset, 24,50 euros Les femmes qui écrivent vivent dangereusement par Laure Adler et Stefan Bollmann, 150 p., Flammarion, 29 euros Sagan par Jean-Claude Lamy, 340 p., Mercure de France, 22 euros

    Les oeuvres complètes de Françoise Sagan sont publiées par Robert Laffont, dans la collection Bouquins créée par son premier mari, Guy Schoeller.

    http://www.lire.fr/enquete.asp?idc=52055&idR=200&idG=

  • Le Journal des Arts N°430

    Le Journal des Arts
    Le Journal des Arts N°430
    27 février 2015

    Le calcul se tient : les musées, ces temples de la culture bénéficient d’une image de respectabilité bâtie sur des collections d’art a priori consensuelle et un discours savant. Oui, mais cette confiance ne risque-t-elle pas de s’effriter à mesure que ces institutions investissent les sujets de société ? Si les controverses sur l’attribution à Goya d’un de ses autoportraits dépassent rarement le cercle des spécialistes, le grand public est plus directement concerné par l’histoire, les religions, l’anthropologie et peut donc être facilement manœuvré par des pétitionnaires de bonne ou mauvaise foi. L’universitaire Camille Mazé, dans un ouvrage consacré aux musées de l’Europe (page 37) parle de « théâtre d’affrontement » quand il s’agit de se mettre d’accord sur une histoire de l’Europe. Lorsque le Musée d’Orsay organise des expositions temporaires sur les thèmes du crime (« Crime et châtiment »), Sade et demain la prostitution, il s’aventure sur un terrain plus miné que les champs colorés des impressionnistes. Même la Cour des comptes, ce scrupuleux auditeur des comptes publics, évoque à demi-mot la difficulté du positionnement des musées de société dans le rapport ...

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    Actualité
  • M

    MUn insaisissable tueur en série kidnappe et tue de façon abjecte des fillettes. Il est activement recherché par la police. Mais le mécontentement des habitants est tel, que la pègre de Lss Angeles craignant également que la police ne finisse pas fouiller dans ses affaires, ne tarde pas à s’en mêler. Débute alors une chasse à l’homme haletante.

    Date de reprise 17 février 2016 - Version restaurée

    Date de sortie inconnue (1h 27min)
    Nationalité Américain

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    Séances

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    David Wayne
    David Wayne
    Rôle : Martin W Harrow
    Howard Da Silva
    Howard Da Silva
    Rôle : Inspecteur Carney
    Martin Gabel
    Martin Gabel
    Rôle : Charlie Marshall
    Luther Adler
    Luther Adler
    Rôle : Dan Langley
    Casting complet et équipe technique
    chrischambers86
    Critique positive la plus utile

    par chrischambers86, le 31/07/2012

    4,0Très bien

    Alors que Joseph L. Mankiewicz tournait la même annèe le mythique "All about Eve", Joseph Losey s'essayait au remake de "M... Lire la suite

    cylon86
    Critique négative la plus utile

    par cylon86, le 01/03/2016

    3,0Pas mal

    Pas facile de passer après "M le maudit" de Fritz Lang et pourtant Joseph Losey s'attaqua au projet sans ciller. Réalisé... Lire la suite

    Toutes les critiques spectateurs 10 Critiques Spectateurs
    M
    Envie de voir M ?
    M : AfficheM : photo David Wayne, Joseph LoseyM : photo David Wayne, Joseph LoseyM : photo David Wayne, Joseph Losey

    Remake

    M est le remake américain du film culte M le maudit de Fritz Lang sorti en 1931. Cette version a transposé l'action de Berlin à Los Angeles et a aussi changé le nom du tueur en série (Hans Beckert est devenu Martin W. Harrow). accepter. Le metteur en scène Joseph Losey se souvient : "Je parlai avec Fritz Lang, à qui cette idée de remake ne plaisait pas beaucoup. A moi non plus. Le producteur, Nebenzal, déclara qu’il ne pourrait pas faire accepter le film au Breen Office, chargé du contrôle des films, puisqu’il s’agissait d’un meurtre sexuel, à moins de suivre strictement le scénario original, qui était un « classique ». J’avais donc le problème d’être fidèle à la structure du scénario original, tout en le situant à Los Angeles, ce qui est assez incohérent. J’avais aussi sur un criminel sexuel un point de vue différent de celui qu’avait Fritz Lang vingt ans plus tôt : lui le voyait comme un monstre qu’allaient juger les criminels et les membres des bas-fonds."

    Douglas Sirk pressenti

    Avant de choisir Joseph Losey à la mise en scène, le producteur Seymour Nebenzal avait sollicité Douglas Sirk qui accepta à condition de pouvoir réécrire l'histoire de ce tueur d'enfants. Ce qui était impossible et même si Losey voulait lui aussi changer l'histoire d'origine, c'est lui qui fut finalement choisi pour faire ce remake.
    4 Secrets de tournage
  • ÉNORME SUCCÈS POUR CETTE 10ÈME ÉDITION des quais du polar à Lyon(j'y suis passée:cf. mon blog des 4, 5 et 6 avril)

    La 10e édition du festival international Quais du Polar qui s’est tenue à Lyon les 4, 5 et 6 avril a attiré 65000 visiteurs qui se sont pressés tout le week-end dans les allées de  la grande librairie installée au Palais du Commerce, et à l’atrium de l’Hôtel de Ville qui accueillait pour la première fois livres rares, DVD, affiches et vinyles. Les conférences, projections, rencontres, lectures, expositions et animations littéraires organisées à travers toute l’agglomération ont remporté un vif succès et les auteurs invités se sont tous prêtés au jeu des dédicaces dans une ambiance détendue et chaleureuse. Les libraires indépendants ont vendu plus de 25 000 livres en trois jours et la grande enquête littéraire et urbaine a réuni plus de 10 000 personnes parties à la découverte de l’histoire, du patrimoine et des mystères de la ville. 
     
     
      
     
     L’équipe de l’association Quais du Polar remercie chaleureusement ses partenaires publics et privés, les auteurs, les éditeurs, les libraires, les journalistes, l’ensemble des acteurs culturels, économiques et associatifs, le public… et les 150 bénévoles du formidable gang de Quais du Polar.

    Un grand bravo à Jean-Luc ADLER, Evelyne ADREANI VALLET, Aicha AMIRI, Bianca ALTAZIN, Séverine AMIOT, Léna AMLY, Marie-Line ARRAGON, Garance AULAGNE, François BACHELLIER, Franziska BAUR, Clara BEDDELEEM, Makhlouf BELHAMEL, Zahra BELKADI, Carole BERNABE, Raphaëlle BILLON-KERAVEC, Célia-Marine BLES-GAGNAIRE, Yannick BONNIER, Angélique BOTTI, Laurent BOUCHARD, Elise BOUVIER, Nathalie BROUILLAT, Rémi BRUN, Renée BRUNEL, Agnès CHARBONNIER, Nicole CHASTRETTE-MILLION, Charlotte COLAS, Michelle COLIN, Nina COLIN, Cédric COLPO, Lucie COMERRO, Marie CONSTANCIAS, Nathalie CONSTANS, Noémie COVO, Sophia DALLOULI, Marie-Hélène DANVE, Amélie DAUVERGNE,  Julie PEYRON, Ludovic DEBAUMARCHEY, Vanessa  DELAMARE, Christine DELHOLME, Léa DE SAINT JEAN, Martine DIQUELOU, Véronique DUFETRE, Martine DUJARDIN, Maryse DUPIRE, Diana EBEL, Jérémy ENGLER, Jean-Michel ERMIDE, Macarena ESPINAR LOPEZ, Nadia ES SAADI, Agathe EUVRARD, Paloma FABREGAS GOLLONET, Sarah FAOU, Cécile FEYEUX, Laurence FILIPPI, Mickaël FOULON, Laurence FOURDRAIN, FOURNET Etienne, Claude FOURNIER, Michel FONTAINE, Florence FUX, Paul Etienne GARDE, Audrey GAUBERT, Fanny GAUDIN, Stéphanie GAUTHERET, Brigitte GAVOILLE, Laurence GAYSINSKI, Bénédicte GESLIN, Maryline GIRARD, Sandrine GLEYSE, Julie GOUAZE, Marie-Camille GOURRIN FAYET, Michelle GRANGE, Marie GRAVEZAT, Anne GRETH, Cécile GUIGNIER-MELLET, Christophe HALLEZ, Malika HAMICHE, Colin HARKAT, Valérie HEED, Marion HERNANDEZ, Mathieu HERROU, Blandine HERVOUIN, Jean-Claude HUGUES, Léandra HUGUES, Jean-Luc JEANNE, Maxime JOUVE, Adrien LACHAUD, Georges LAJARA, Audrey LARCADE, Anne LASSIGNARDI DUMONCEAU, Joëlle LAUFER, Marion LECLERC, Mathilde LEFRANÇOIS, Samir LEKRIM, Marie-Noëlle LOGUT, Bernard LOPEZ, Agnès MABILON, Julien MAFILLE, Gérard MARIGNIER, Marianne MARTIN, Julien MAILLOT, Nathalie MAZZOLI, Hélène MEJEAN, Marine MELSEN, Maud MENS, Fanny MERCERON, Angèle MEURGUE GUYARD, Desislava MILEVA, Nathalie MIQUEL, Evelyne MISERY, Pauline MODET, Christine MONS, Joss MOTRET, Tiffany MOUA, Ingrid MUNOZ, Elisabeth NIKOLOVA, Ona OLLIVET LLACH, Jeanne ORTONNE, Marie-Jo PAGES, Léna PANZANI, Florian PEALLAT, Céline PELLOUX-PRAYER, Hugo PAPAZIAN, Marine PERNEY, Marie PERRET, Julie PEYRON, Charlotte PIPEREAU, Corinne PONCET, Laudine POSA, Edwige PRINCE, Christiane RACLET, Jean-Luc RENÉ, Marie-Christine RETHORET, Mathilde RIOT, Martine ROBERT, Victor ROUVIÈRE, Cyril ROUX, Aurélie ROZAIN, Alix RUYANT,  Elsa SABOUREAU, Nabil SAHLI, Clémence SOUID-PONCELIN, Laura STAUFFER, Martina STELLA, Rita TAN, Marion TARDY, Coralie TAUTE, Chloé TEINTURIER, Sandrine THESILLAT, Jérémy THOUEMENT, Gaëlle TYCZINSKI, Margot TOURBIER, Pauline TREMBLAY, Gilles TRICAUD, Gaëlle TYCZINSKI, Emmanuelle UNAL, Elodie VAQUERO NOURRISSON, Nicolas VALAT, Perrine VARET, Christine VERCHÈRE, André VILBOUX, Anne Marie WORMS, Lou XENARD, Elisa ZULIANI !
     
     
     
     Potraits de trois auteurs 
     
    LES PRIX
     
    Le Prix des lecteurs Quais du Polar
    20 minutes 2014
    a été décerné à
    Ian Manook pour Yeruldelgger
    publié par Albin Michel.



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    Le Prix BD Polar Expérience 
    Le Petit bulletin
    a été attribué à Tyler Cross de Fabien Nury et Brüno,
    publié par Dargaud.




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    Le Prix Le Point du Polar européen
    a été remis lors de l'inauguration du festival par James Ellroy à Hervé Le Corre
    pour Après la guerre publié par Rivages.

     

     

     
     
     
     Potraits de trois auteurs 
     

    LES RENDEZ-VOUS D’AVRIL

    AVANT-PREMIÈRE CINÉMA
    96 heures, de Frédéric Schœndoerffer
    Mardi 15 avril à 20h30 - Pathé Bellecour
    Quais du Polar est partenaire de l'avant-première du film 96 heures, de Frédéric Schœndoerffer, avec Gérard Lanvin, Niels Arestrup, Syvlie Testud. Séance en présence de l’équipe du film, et débat animé par Vincent Raymond.
    En savoir +
     

    CERCLE DES LECTEURS
    Mardi 22 avril à 19h30
    café - Librairie Un Petit noir

    Au programme, une discussion autour du dernier festival : découvertes, coups de cœur…
    En savoir +

     
    EXPOSITION
    «WEEGEE, THE FAMOUS »

    Jusqu’au 21 juin 2014
    Galerie Le Bleu du ciel

    Quais du Polar est partenaire de l’exposition-événement de tirages exceptionnels du photographe Weegee, pionnier du photojournalisme et avant-gardiste des années 20.  
    En savoir + 

     
     
    Ce copyright concerne mes textes et mes photos. Si vous souhaitez utiliser un de mes textes ou photos, merci de me contacter au préalable par e- mail et de citer mon nom et le mon adresse URL... comme je m'efforce de le faire pour les créations des autres.

    Mes essais

    tirés de mes recherches universitaires
    ISBN:978-2-9531564-2-3

    Notes récentes

    ISBN :978-2-9531564-9-2

    Mai 2024

     
  • La rentrée littéraire entre les lignes

    Par Thierry Gandillot | 19/08 | 06:00
     
    « Les Perroquets de la place d'Arezzo » (Albin Michel), d'Eric-Emmanuel Schmitt.
    « Les Perroquets de la place d'Arezzo » (Albin Michel), d'Eric-Emmanuel Schmitt.

    Moins de romans français, mais plus de jeunes auteurs : ainsi parle la statistique, scrupuleusement établie depuis des lustres, par l'indispensable « Livres Hebdo ». On y apprend que le nombre de romans, français et étrangers, qui se présentent sur la ligne de départ des grands prix d'automne, a drastiquement chuté - de 646 en 2012 à 555 cette année, soit un recul de 14 %. L'étiage le plus bas depuis au moins vingt ans !

    Une crise de lucidité semble avoir frappé, enfin, l'édition, trop longtemps lancée dans une fuite en avant qui avait fini par lasser libraires, journalistes et, surtout, les lecteurs. Combien de fois avons-nous entendu les éditeurs de la place jurer qu'ils allaient « réduire la voilure », sans résultat… Eh bien cette fois, c'est historique, c'est fait ! Le nombre des romans français, qui flirtait avec la barre des 500 en 2007, année du début de la crise économique, chute à 357 ; celui des romans étrangers, de 234 (à cette même date) à 198.

    Pour autant, les éditeurs ne font pas l'impasse, loin de là, sur l'avenir : ils choisissent au contraire de privilégier les premiers romans, dont le nombre bondit de 69 à 86, ce qui laisse augurer de jolies découvertes pour qui saura être curieux… Gallimard publie pas moins de quatre nouveaux romans ; Fayard, Buchet-Chastel, Stock, L'Harmattan, Intervalles, Le Manuscrit, trois. Parmi les « primo-romanciers » connus, citons Laure Adler avec « Immortelles » (Grasset), l'histoire sur plusieurs décennies de trois femmes, trois amies, aux destins tragiques. Marie Modiano, chanteuse de talent et fille de l'auteur de « La Place de l'Etoile » signe « Upsilon Corpii », titre énigmatique (chez Gallimard, comme papa, le 26 septembre).

    Romanciers et romancières confirmé(e)s sont, bien sûr, nombreux au rendez-vous. Avec la métronomique Amélie Nothomb qui donne son 21 e roman « La Nostalgie heureuse », retour aux sources japonaises, où la romancière se livre un peu plus que de coutume - sans bouleverser pour autant. Ce n'est pas du niveau de « Stupeur et Tremblements », loin de là…

    Parmi les auteurs attendus de cette rentrée, citons, sans prétendre épuiser la liste : Jean d'Ormesson (« Un jour, je m'en irai sans avoir tout dit ») dont la présentation a beaucoup ému, dit-on, les représentants de sa maison d'édition Robert Laffont. Le nouvel occupant du siège 33 de l'Académie royale de la langue et littérature française de Belgique, occupé avant lui par Colette et Cocteau, Eric-Emmanuel Schmitt, livre un gros roman qui se veut « encyclopédie des désirs, des sentiments  et des plaisirs », (« Les Perroquets de la place d'Arezzo », Albin-Michel). Marie Darrieusecq (« Il faut beaucoup aimer les hommes », chez POL) se balade entre l'Afrique et Hollywood en compagnie d'un cinéaste noir qui veut adapter « Au coeur des ténèbres » de Joseph Conrad et dont son héroïne - la Solange de « La Princesse de Clèves » - est amoureuse. La merveilleuse Véronique Ovaldé, déjà récompensée à plusieurs reprises par des prix littéraires majeurs, pourrait bien décrocher cette fois le graal (« La Grâce des brigands », à L'Olivier), et ce serait justice. Nancy Huston, elle aussi multiprimée, fait le grand écart entre l'Irlande, le Canada et le Brésil avec une « Danse noire », rythmée par les codes de la capoeira, chez son fidèle éditeur Actes Sud.

     Le virtuose des éditions de Minuit, Jean-Philippe Toussaint, clôt avec « Nue » sa série amoureuse (« Faire l'amour », « Fuir », « La vérité sur Marie »). La subtile Sylvie Germain nous emmène, le temps d'un demi-siècle, sur les traces d'une petite fille adoptée, née dans l'immédiat après-guerre (« Petites scènes capitales » chez Albin-Michel). Yasmina Khadra, qui délaisse un instant les drames contemporains de l'Algérie ou de la Palestine, s'essaie au roman grand public avec la tragique histoire d'un boxeur berbère dans le Oran des années 1920. Le fantasque Jean Rolin a abandonné Britney Spears à Los Angeles, pour se mettre cette fois dans le sillage d'un improbable personnage nommé « Wax » qui prépare une traversée du détroit d'Ormuz à la nage (« Ormuz », POL). La prometteuse Karine Tuil se lance dans une fresque ambitieuse autour de trois personnages, amis d'enfance, au destin tragique (« L'invention de nos vies », Grasset). Et le non moins prometteur Tristan Garcia « Faber le destructeur » (Gallimard) s'empare lui aussi de la figure du trio d'amis, autour d'un personnage charismatique et destructeur, Mehdi Faber, qui lui donne l'occasion de brosser un portrait plutôt désabusé de sa génération.

     Les grands reporters de guerre que sont Sorj Chalandon et Jean Hatzfeld, deux ex-« Libé », poursuivent leur incursion dans le roman. Le premier, décidément bien talentueux, raconte l'histoire d'un jeune Français qui veut monter l'« Antigone » d'Anouilh dans le Beyrouth à feu et à sang des années 1980 avec des chiites, des sunnites, des druzes, des chrétiens. Un roman dont on ne sort pas indemne. Le second replonge dans la guerre de l'ex-Yougoslavie pour évoquer l'histoire tragique de deux athlètes de l'équipe de tir de Yougoslavie  - elle est serbe ; il est musulman ; ils s'aiment - qui se préparent pour les JO de Barcelone (« Robert Mitchum ne revient pas », Gallimard).

    Que serait enfin une rentrée littéraire sans DSK ? Après « Chaos brûlant » de Serge Zagdanski en 2012, c'est Marc Weitzman qui s'y colle cette année avec « Une matière inflammable », chez Stock. Où l'on suit la progression psychologique et matérielle depuis le début des années 1990 d'un certain Frank Schreiber, apprenti écrivain qui fait le nègre pour un économiste à succès lequel gravite dans l'ombre du patron du FMI. L'incipit est incisif : « Anne Sinclair »...

    Thierry Gandillot

    http://www.lesechos.fr/culture-loisirs/livres/0202952539088-la-rentree-litteraire-entre-les-lignes-596055.php

  • Un roman retrouvé de Marguerite Duras?

    717598c766e94f0c784e9fdadcb6b5f6.jpgFrançoise Dargent
    13/02/2008 | Mise à jour : 17:57

    (François Bouchon/ Le Figaro)

    Un mystérieux roman signé M. Donnadieu, publié en 1941, intrigue les passionnés de l'auteur de «L'Amant». L'écrivain Dominique Noguez, qui a trouvé l'ouvrage chez un bouquiniste, soutient que Marguerite Duras aurait pu l'écrire, pendant la guerre, à des fins alimentaires. Qu'en pensent les spécialistes? Voici l'étonnante histoire d'un roman en quête d'auteur

    La traque a duré dix ans. Une décennie est le temps qu'il a fallu à l'écrivain Dominique Noguez pour mettre la main sur un roman au parfum d'inédit, peut-être un ouvrage de jeunesse de Marguerite Duras. Lorsqu'il tombe, il y a deux ans, sur une mise en vente sur Internet de ce livre signé M. Donnadieu dont un ami lui a déjà parlé en 1996, Dominique Noguez n'hésite pas une seconde. Il pense alors tenir enfin l'un de ces fameux romans de gare que Marguerite Duras aurait écrit pendant la guerre. Nous sommes en 2006. Noguez passe commande. Quelques jours plus tard, il rend visite au libraire de livres anciens tenant boutique près du marché d'Aligre à Paris. Le roman l'attend sous la forme d'un petit volume sans prétention de 195 pages imprimées, à la couverture jaunie. Son titre écrit à l'encre verte, Heures chaudes, et plus encore cette lettre, M. devant Donnadieu, imprimée comme une promesse d'énigme à résoudre, relancent d'emblée la curiosité de l'acquéreur. «Je l'ai payé 25 €. Au vendeur qui s'étonnait, j'ai dit que Donnadieu était le vrai nom de Marguerite Duras. Il a fait une drôle de tête», se souvient Dominique Noguez.

    L'écrivain a pris un plaisir évident à raconter comme une farce cette aventure dans le dernier numéro de La Revue littéraire (n° 33). Il rapporte comment il a endossé l'habit de détective littéraire et comment il s'est laissé prendre au jeu, traquant les indices dans cet ouvrage publié en 1941 par «Les Livres nouveaux», éditeur parisien qui périclita peu de temps après. «Une colonne pour et une colonne contre. J'ai fait très simplement en prenant des notes tout au long de la lecture. À la fin, j'ai été surpris de constater que les deux colonnes étaient égales.»

    Une certaine météorologie des passions

     

    Les indices tombés dans l'escarcelle de la colonne durassienne sont débusqués par un fin connaisseur. On doit notamment à cet auteur féru de cinéma expérimental un recueil intitulé Duras Marguerite (Flammarion) dans lequel est passée au crible son œuvre littéraire et cinématographique. Dominique Noguez croit d'emblée reconnaître la patte de l'auteur de L'Amant dans le titre qui laisse présager du climat de l'histoire. Dans le tableau, cet indice signale un auteur sensible à une certaine « météorologie de la passion». Tout devient possible. La citation apposée sur la couverture est ainsi directement portée au bénéfice de la colonne des «pour». «Vous saurez qu'en ce pays on ne voit guère d'amours médiocres. Toutes les passions y sont démesurées. » Cette épigraphe de Racine pourrait avoir été écrite par Marguerite Duras.

    Dominique Noguez se replonge dans les biographies pour ferrer sa «romancière des amours extrêmes». Celle de Laure Adler le conforte: l'auteur y rappelle que Duras fréquentait assidûment la Comédie-Française, qu'elle aimait plus que tout le tragédien. Devenue cinéaste, ne citera-t-elle pas Bérénice comme une source d'inspiration pour son court-métrage Césarée? Las, le miracle Racine ne dépasse pourtant pas la couverture et c'est finalement du côté de Delly que Noguez se range après avoir lu cette histoire d'amour triangulaire. Pourquoi Delly? Parce que son livre Magali «a joué un rôle capital dans ma jeunesse. C'était le plus beau/le seul que j'eusse lu…» a écrit un jour Marguerite Duras.

    Pour Noguez, l'indice est à prendre en considération. Il repasse l'intrigue d'Heures chaudes à la moulinette durassienne. Mona, l'héroïne, serait Magali qui attise la passion de Pierre pourtant fiancé à Lucienne Vadier. Dans la foulée, il continue à noircir la colonne des « pour » : Pierre est bien le prénom du frère de Marguerite, Lucienne Vadier a bien les mêmes initiales que Lol. V et le tout se passe bien à Sète comme certaines scènes du Marin de Gibraltar. Opiniâtre, il tient jusqu'à la fin, jusqu'à la dernière phrase du roman où l'auteur chute sur une tournure durassienne, un « sans réaction aucune » très littéraire qui ponctue le roman et ferme victorieusement la colonne des «pour».

    Dans la balance des «pour» et des «contre»

     

    À ce stade, notre détective devrait donc sauter de joie et rendre la nouvelle publique: Heures chaudes a de fortes chances d'être un roman caché de Marguerite Duras. Mais la colonne des «contre» est là, rappelant à un lecteur qui se serait emballé que quelques indices, aussi troublants soient-ils, ne sont pas suffisants pour clore l'enquête. D'autant quela colonne des «contre» clignote à côté des «pour» comme une alarme à incendie. Il y a d'abord l'avalanche des clichés et des poncifs relevés dans le style, les références littéraires qui, passé Racine, ne mentionnent que des écrivains oubliables. Il y a enfin ce petit côté machiste qui plane sur l'œuvre avec un amant malheureux fustigeant «la femme éternelle menteuse». Marguerite Duras, misogyne primaire? La chose est si difficile à croire qu'elle en devient décourageante.

    L'affaire aurait pu s'arrêter là si Dominique Noguez n'avait pas décidé de jouer avec cette découverte. En 2007, il décide de faire une conférence lors des journées Duras à l'abbaye d'Ardenne, au siège de l'Imec (Institut pour la mémoire de l'édition contemporaine). Il affronte là un public de spécialistes, forcément alléchés par la perspective de découvrir un inédit de la grande romancière. Certains se souviennent de cette phrase lue dans le recueil Outside (Albin Michel) : «Il y a eu aussi tous ces romans que nous avons faits pendant la guerre, une bande de jeunes, jamais retrouvés non plus, écrits pour acheter du beurre au marché noir, des cigarettes, du café.» Alimentaire mon cher Noguez ! chuchote le fantôme de Duras à l'oreille du détective qui conclut pourtant devant l'auditoire dépité que M. pourrait être aussi bien Marcel, Maurice ou Marius. Mais quel que soit son prénom, ce ou cette Donnadieu-là a aujourd'hui rejoint Marguerite Duras à l'abbaye d'Ardenne. Admirateur trompé mais pas rancunier, Dominique Noguez a en effet versé les photocopies d'Heures chaudes à l'Imec.

    http://www.lefigaro.fr/livres/2008/02/13/03005-20080213ARTFIG00542-un-roman-retrouve-de-marguerite-duras-.php

  • Franz Hessel / Walter Benjamin : Camp des Milles, Marseille et Sanary, derniers jours en France

    Choses lues, choses vues
    Mercredi, 05 Janvier 2011 21:58
    "Promenades dans Berlin", livre provisoirement introuvable, préface de Jean-Michel Palmier.

    Voici 70 ans, le 6 janvier 1941, Franz Hessel vécut les ultimes heures de sa vie à Sanary, dans le Var. Ses parents relevaient d'une famille juive établie en Allemagne depuis plusieurs générations. Il naquit en 1880 et passa une grande partie de sa jeunesse à Munich et à Berlin. La césure de la première guerre mondiale n'altéra jamais son amour profond pour la France et pour Paris qu'il habita fréquemment. François Truffaut et Oskar Werner qui immortalisèrent sa présence dans Jules et Jim, de grands spécialistes et biographes de Walter Benjamin - Gershom Sholem, Jean-Michel Palmier, Bernd Witte - Manfred Klügge qui a beaucoup publié pour faire connaître l'exil des écrivains allemands à Sanary (1), et puis le fils cadet de Franz, Stephane Hessel ont maintes fois évoqué pour des connaisseurs de plus en plus nombreux son émouvante trajectoire. 

    On a souvent écrit pour silhouetter l'oeuvre de Franz Hessel qu'avec ses récits d'inlassables promenades urbaines, ce flâneur perpétuel avait inventé un nouveau genre littéraire. A propos de Berlin et de Paris, les deux cités qu'il parcourait à la manière d'un lecteur avide de retrouver l'intensité d'un livre passionnément élu, Hessel fut un irrépressible découvreur. Un peu comme son compatriote et ami Kracauer qui travailla dans des champs de grande proximité, il n'ignorait pas que "la valeur d'une ville se mesure au nombre de lieux qu'elle réserve à l'improvisation".

     

    En compagnie de Walter Benjamin, une magnifique commande lui fut confiée, la tâche aussi redoutable qu'exaltante de livrer à partir de 1926 et pendant trois années consécutives la première version allemande d'A l'ombre des jeunes filles en fleurs et de La Duchesse de Guermantes. Les lecteurs d'outre-Rhin doivent également à Hessel des traductions d'André Salmon, d'Honoré de Balzac, de Baudelaire, de Stendhal, de Jules Romains, d'Yvette Guilbert et de Casanova. 

    Franz Hessel fut un familier de Marie Laurencin, de Kurt Weill et de Marlène Dietrich. Parmi les amis artistes qu'il fréquenta à Montmartre et Montparnasse, il y eut Marcel Duchamp, Moïse Kisling, Jules Pascin et Man Ray. Ernst von Solomon estimait qu' "il vivait de Paris et de Berlin comme on vit de deux poumons, c'est là qu'il se sentait chez lui. Cet homme déja âgé restait, avec une inébranlable modestie, fidéle à son monde, qui était celui de la brume soyeuse sur la Seine et celui des feuilles mortes des marronniers sur le Landwehrkanal. Une violente nostalgie lui faisait quitter Berlin pour Paris et une non moins violente nostalgie lui faisait regagner Berlin".

    Le tourbillon de la vie

    La plus troublante love affair de son existence fut l'imprévisible ménage à trois, la tumultueuse passion qu'il éprouva, en compagnie du collectionneur et courtier d'art Henri-Pierre Roché, pour Helen Grund qu'il épousa en 1913 et qui fut la mère de ses deux enfants, Ulrich et Stéphane. Roché transposa les fils indémêlables de leur aventure dans un livre publié par Gallimard qui demeura inaperçu pendant quelques années. Henri-Pierre avait auparavant principalement écrit des critiques d'art, son premier roman parut en 1951. Parmi les premières pages de ce livre-culte, il est écrit que "Jules et Jim se virent tous les jours. Chacun enseignait à l'autre, jusque tard dans la nuit, sa langue et sa littérature. Ils se montraient leurs poèmes et traduisaient ensemble... Ils causaient sans hâte, et aucun d'eux n'avait jamais trouvé un auditeur si attentif"

    François Truffaut éprouva une manière de coup de foudre lorsqu'il découvrit en 1955 la couverture blanche et rouge de ce roman parmi les invendus de la librairie Stock (aujourd'hui, Delamain) de la Place du Palais-Royal. Après plusieurs saisons de mâturation pendant lesquelles il devint l'un des confidents d'Henri-Pierre Roché, Truffaut sut avec son co-scénariste Jean Gruault convertir les phrase laconiques de ce livre en un merveilleux chef d'oeuvre cinématographique. 

    "Oskar Werner et Jeanne Moreau, scène de Jules et Jim"

    "Je suis morte et je vis encore", voilà ce qu'écrivait Helen Hessel dés 1964 : le roman de Roché devint un best-seller rapidement traduit en anglais, en espagnol, en italien et en allemand. Jim fut interprété par Henri Serre. Personne n'oublie que dans ce tourbillon de vie, parmi les géniales ellipses du film de Truffaut, Jeanne Moreau joua avec une extraordinaire simplicité le rôle de Catherine alias Helen Hessel. Avec son visage poupon, son étrange tranquillité, ses yeux clairs et son inimitable accent, Oskar Werner que Truffaut avait préalablement remarqué parmi les acteurs de la Lola Montès de Max Ophuls, incarna miraculeusement la figure de Jules, l'ami incomparable que fut dans la vie courante le très attachant Franz Hessel. 

    Dans la préface du livre majeur d'Hessel, Promenades dans Berlin qu'il faudrait bien évidemment rééditer et qui fut publié en 1989 par les Presses Universitaires de Grenoble, Jean-Michel Palmier saluait l'exceptionnelle justesse d'Oskar Werner. Il soulignait qu' "il est vrai que toute sa vie, Franz Hessel fut d'une étrange générosité. Tous ceux qui l'ont connu soulignent l'impression de gentillesse extrême, de bonté qui émanait de sa personne ... Cette bonté irradiante, ce sens de l'ironie, cette tendresse, on les retrouve à chaque ligne du portrait de Jules par Henri-Pierre Roché : Franz - comme Jules - semble perpétuellement vivre un rêve et rêver sa vie. Sa femme, Helen, restera à jamais celle dont les lèvres portent l'empreinte de ce sourire grec archaïque, contemplé sur une statue. Toute sa vie, il s'entourera d'êtres étranges, célèbres ou insignifiants, qui avaient en commun de l'avoir touché ou fait rêver". Quelques lignes plus loin, Jean-Michel Palmier rappelait que Walter Benjamin avait mis en relation Hessel "avec Ernst Bloch, Erns Shoen et Siegfried Kracauer. Comme tous ceux qui approchèrent Hessel, Benjamin éprouvait à son égard un mélange d'admiration et de fascination". 

    1939, retour en France

    Hessel habita Berlin entre 1928 et 1938, l'éditeur Rowohlt l'employait comme lecteur et traducteur. Il n'avait pas d'immenses convictions politiques, assez peu d'illusions lorsque la République de Weimar fut proclamée. Il n'avait pas non plus immédiatement cru que les victoires du national-socialisme seraient durables, il ne se résignait pas à devoir s'exiler loin de Berlin. Les nazis interdisaient aux éditeurs d'employer des collaborateurs juifs, Ernest Rowolht affectionnait son traducteur du Cousin Pons : Hessel tenta de dissimuler sa situation personnelle. Ses amis et sa famille s'inquiétaient vivement de la précarité de son existence quasiment clandestine. In extremis, ils parvinrent à le persuader de quitter l'Allemagne. 

    Helen Hessel avait sollicité l'aide de Jean Giraudoux et accompli pour lui de laborieuses démarches afin qu'il puisse regagner la France en novembre 1938, quelques jours avant la Nuit de cristal. Franz Hessel passa l'été de 1939 en compagnie de son épouse et de ses deux enfants : dans la proximité de Paris, Maurice Betz qui fut le traducteur de Rilke, leur prêta sa maison de campagne. L'automne venu, puisque le gouvernement français décidait d'interner en tant que "citoyens ennemis" tous les allemands dans des camps, il se rendit en compagnie d'autres exilés au centre de rassemblement du stade de Colombes. Ce fut une première alerte, le pire pouvait survenir, il fallait quitter Paris afin de se rendre dans la zone que l'on disait "libre".

    Sanary, Les Milles, le train fantôme.

    Franz Hessel a 60 ans lorsqu'Aldous Huxley qui possédait depuis 1929 une villa à Sanary et qui travaillait désormais pour Hollywood, l'invita à séjourner sur les bords de la Méditerranée : l'auteur du Brave new world craignait très justement que les pouvoirs de cette époque ne réquisitionnent sa villégiature. L'expression vient de Ludwig Marcuse qui séjourna pendant six ans et rédigea là-bas une vie d'Ignace de Loyola, Sanary fut au milieu des années trente une manière de petite capitale secrète pour la littérature allemande. La vie quotidienne et les locations n'étaient pas onéreuses, les terrasses des cafés et les hôtels étaient accueillants : des peintres comme Walter Bondy ainsi que l'historien d'art Julius Meier-Grafe, des écrivains comme Thomas et Klauss Mann, Lion Feutchwanger, Berthold Brecht, Herman Kesten et Ernst Toller, Alma et Franz Werfel séjournèrent parmi les maisons de ce port de pêche de 4.000 habitants.

    Helen et Franz Hessel arrivèrent à Sanary en avril 1940. Leur fils aîné Ulrich les accompagnait, Stephane combattait sur le front de guerre en tant qu'aspirant-officier. Les Hessel ne restèrent pas longtemps chez Huxley, le couple prit assez vite un plus modeste logement situable comme son nom l'indiquait, sur une pente raide : le mas Carreiredo leur fut loué par une ancienne chanteuse d'opéra qui s'appelait Madame Richarme. L'endroit était spacieux, un escalier conduisait jusque vers une petite tour où Franz Hessel installa son bureau. Dans un témoignage recueilli par Bernd Witte (2), Helen Hessel décrivait ainsi ses habitudes de travail : "Sur sa table, sa petite machine à écrire branlante. Derrière des livres qui s'entassaient. A côté des cahiers : cahiers d'écoliers aux couleurs vives, décolorées par le soleil. Tout avait un air un peu fantastique mais nullement désordonné".

    Tout était prêt, Franz Hessel eut trop peu de journées pour se consacrer à l'écriture. Un mois plus tard, il se trouve interné dans la briqueterie du Camp des Milles en compagnie de son fils Ulrich qui a raconté (3) comment sa mère refusa de se soumettre aux autorités françaises. "Lorsque les gendarmes vinrent la chercher, ils la trouvèrent couchée, nue sous ses couvertures, et elle leur dit : "Vous n'allez pas déshonorer la France en arrêtant la mère d'un officier français ? ". Les gendarmes appelèrent un médecin qui fit un certificat attestant que pour cause de maladie elle n'était pas transportable".

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    "Les Tuileries du Camp des Milles" photo récente.

    Franz et Ulrich Hessel se retrouvèrent derrière les barbelés en compagnie de trois mille cinq cents autres détenus. Parmi eux se trouvaient d'autres "apatrides" comme Max Ernst et Hans Bellmer, des anciens des Brigades internationales de la Guerre d'Espagne, des juifs de l'Europe de l'Est, Walter Hasenclever qui se suicida pendant la nuit du 20 au 21 juin ainsi que Lion Feutchwanger qui évoqua sa détention dans Le Diable en France. Les Hessel subirent également les séquences du train fantôme qui les emmena du 22 au 27 juin jusqu'à Bayonne en passant par Sète, Toulouse et Lourdes, avant de faire retour au camp de Saint Nicolas, près de Nîmes.

    6 Janvier 1941, jour des Rois.

    Franz et Ulrich furent libérés du Camp des Milles le 27 juillet 1940. Après quoi, ce fut le retour à Sanary et très peu de rémissions : Franz Hessel est épuisé, les fatigues et les privations endurées au camp lui sont fatales, son coeur est malade. Ulrich Hessel a raconté qu' "à deux reprises, mon père se rendit au Lavandou chez Emil Alphons Rheinhardt qui était avec nous aux Milles. La première fois, c'était à la fin de l'été et il resta trois semaines". Un plus bref séjour s'effectua entre la fin novembre et le 10 décembre. "Nous passâmes agréablement Noël et le jour de l'an ensemble. Puis soudain le 6 janvier, le jour des Rois, il s'allongea au début de l'après-midi sur son lit et poussa deux ou trois soupirs. A peine une demi-heure plus tard, il était mort".

    Dans des notes qu'il utilisa pour le livre non encore traduit qu'il intitula Exil en France, Alfred Kantorowicz raconte ce qui survint sans plaintes ni lutte, à compter du 4 janvier 1941: “Hier le vieux Hessel était chez nous. Nous le rencontrons souvent au village avec une brouette, un sac à provisions et un  sac plein de bois. Le brave vieillard (que son fils et sa femme ne peuvent décharger des soucis quotidiens) supporte la faim et le froid avec la même résignation souriante que les avanies du camp des Milles, le transport dans le train-fantôme et la maladie à St-Nicolas près de Nîmes. Il a même encore des projets littéraires. Il veut nous convaincre d’écrire avec  lui, pendant ce temps d’attente, un "Décameron" moderne. Sous le titre "Récits près du feu de camp à St Nicolas", il veut parler des aventures et des destins de notre  siècle ...

    Deux jours après que j’eus écrit ces lignes, Franz Hessel mourut. Nous l’avions raccompagné chez lui sous une bise glaciale, et il a fallu le soutenir. Il plaisantait, disait que c’était la faute du gel qui le raidissait ainsi, mais nous savions qu’il avait déjà eu une légère attaque au camp. Le lendemain, un samedi, Max Schröder, très inquiet à  son sujet, lui rendit visite et le trouva, extrêmement affaibli, dans sa chambre, sans chauffage ... Lundi matin, lorsque je voulus avec Friedel aller voir ce qu’il devenait, il s’était déjà éteint, sans une plainte, sans éclat, comme il avait vécu, sans souffrir, j’espère ...

    Le jour de ses obsèques, le temps changea. Au terrible gel succédèrent des averses diluviennes. Comme Mme Hessel avait demandé que le cortège funèbre ne traversât pas le village, nous avons attendu, transis de froid et trempés, près du mur du cimetière : Hans Siemsen, Hilde Stieler, les peintres Räderscheidt et Kaden, Mr Klossowski, Hans Arno Joachim, Max Schröder, une famille Benedikt, Friedel et moi. Lorsque le cercueil arriva avec Mme Hessel et ses deux fils, le plus vieil ami du défunt, Hans Siemsen, prononça quelques mots d’adieu, sans grande émotion ...  Nous avons serré la main à Mme Hessel et à ses fils, remis nos chapeaux, et nous nous sommes rapidement éloignés, pour nous réchauffer avec un grog au café de Lyon en compagnie des Räderscheidt et de Kaden. Personne ne parlait". 

    Walter Benjamin, rue Beauvau et quai du Vieux Port

    Franz Hessel connut le dernier été de sa vie en 1940. Son ami Walter Benjamin passa par Marseille pendant la seconde quinzaine du mois d'août de la même année. Un mois plus tard, le 26 septembre 1940, il se donnait la mort près de la frontière espagnole. On rappellera aussi que Carl Eistein acheva sa vie le 3 juillet 1940. Il faudrait l'immense talent de W.G Sebald pour évoquer sobrement des circonstances et des coïncidences à ce point désarmantes.

    Tout porte à croire que Franz Hessel et Walter Benjamin ne se retrouvèrent pas à Marseille pendant cet ultime été. Les rencontres que put faire Benjamin se révélèrent pourtant étrangement nombreuses lors de ses semaines passées près du Vieux Port, puisqu'il y croisa Arthur Koestler, Hannah Arendt et Heinrich Blücher ainsi que Lili et Siegfried Kracauer. Dans une lettre qu'il adressa plus tard à Pierre Missac (3), le 28 juillet 1945, Jean Ballard s'est souvenu être passé le voir pour lui transmettre un message à l'Hôtel Continental de la rue Beauvau. Le directeur des Cahiers du Sud raconte que Walter Benjamin était venu le voir dans son local du 10 du quai du Vieux Port "deux ou trois fois ; et comme il souffrait du coeur, il s'imposait une ascension ralentie de dix minutes dans mes escaliers, plutôt que de me voir à l'air libre".

    Lisa Fittko qui fut son passeur vers Le Chemin des Pyrénées (éd. Maren Sell, 1985, pages 151-152) a restitué quelques séquences de ce séjour dans la fournaise des rues et des quais écrasés de chaleur. Elle n'oubliait pas que "dans l'ambiance apocalyptique de ce Marseille de 1940, chaque jour apportait sa moisson de plans rocambolesques et d'histoires insensées ... Malgré tout nous ne pouvions pas nous empêcher de rire, parfois du côté burlesque de pareilles tragédies. Imaginez le spectacle : le Dr Fritz Fräenkel, frêle silhouette aux cheveux gris, et son ami Walter Benjamin, allure un peu pataude, tête d'intellectuel, regard scrutateur derrière des lunettes aux verres épais, déguisés en matelots français. Et cet étrange couple embarquant - moyennant un joli pot de vin - sur un cargo. Ils n'étaient pas allés loin. Et s'ils avaient réussi à s'en tirer, c'est à la faveur de la pagaille générale".

    Stéphane Hessel a plusieurs fois raconté avoir conversé avec Walter Benjamin lors de l'une de ces journées de l'été 1940. Il était alors un jeune homme de vingt-quatre ans, il s'était rendu jusque vers ce petit hôtel de la rue Beauvau qu'il trouva "pauvre et minable". Au terme de son essai Walter Benjamin / Une vie dans les textes (éd. Actes-Sud, mars 2009) Bruno Tackels laisse entrevoir la sombre désespérance qui habitait le philosophe : "Stéphane Hessel, le fils de Franz, en route pour rejoindre les forces françaises libres à Londres via l'Algérie, est sans doute l'un des derniers hommes à l'avoir vu vivant, et à avoir tenu une réelle conversation avec lui. Dans un entretien récent avec Laure Adler (4), il a évoqué un homme complètement abattu, meurtri et désespéré, les sourcils  froncés en permanence, qui portait en lui la catastrophe, comme un être foudroyé, mais encore doté de quelques mouvements de vie, qui le mettaient violemment en colère, y compris contre lui-même. Son témoignage est bouleversant. Le jeune Hessel est confiant, il veut en découdre, persuadé que la liberté va triompher. Benjamin lui répond: "Certes, certes, mais là n'est pas le problème. Nous sommes au point le plus bas de la démocratie dans le monde. La France croit en Pétain. Partout c'est la guerre. L'Allemagne est vainqueur sur tous les fronts. La Grande-Bretagne ne sera pas capable de s'opposer seule. Quel espoir encore puis-je avoir pour faire connaître mes idées ? Même des amis comme Horkheimer et Adorno qui m'aident ne semblent pas avoir besoin de mes réflexions". Tout est dit. Benjamin ne voit plus aucune issue, il sait parfaitement que ce mois de septembre est "le nadir des démocraties"."

    Epilogues

    Henri-Pierre Roché quitta ce monde le 9 avril 1959. Le grand ami de Marcel Duchamp - avant de prendre son bateau pour les Etats-Unis, Duchamp fut également un habitant de Sanary - l'homme qui sut organiser la rencontre de Gertrud Stein et de Pablo Picasso n'eut pas la chance inouïe de découvrir sur l'écran le film de Truffaut qui sortit en salles le 24 janvier 1962. On sait qu'Helen Hessel fut profondément heureuse de pouvoir regarder ce film et qu'elle adressa une lettre à François Truffaut dont voici quelques extraits, une lettre comme rarement un réalisateur de films en a pu recevoir : "Assise dans cette salle obscure, appréhendant des ressemblances déguisées, des parallèles plus ou moins irritants, j'ai été très vite emportée, saisie par le pouvoir magique, le vôtre et celui de Jeanne Moreau de ressusciter ce qui a été vécu aveuglément. Que Henri-Pierre Roché ait su raconter notre histoire à nous trois en se tenant très proche de la suite des événements n'a rien de miraculeux. Mais quelle disposition en vous, quelle affinité a pu vous éclairer au point de rendre sensible - malgré les déviations et les compromis inévitables  - l'essentiel de nos mémoires intimes ? Sur ce plan, je suis votre seul juge authentique puisque les deux autres témoins ne sont plus là pour vous dire leur oui".

    Helen survécut à Franz jusqu'en juin 1982 : elle mourut à Berlin à l'âge de 96 ans et fut inhumée au cimetière de Montparnasse. Après le décés de Franz Hessel, elle avait pris contact avec Varian Fry dont elle sollicita l'aide, comme le rappellent plusieurs courriers publiés dans le livre d'Ulrike Voswinckel et Frank Berninger, Exils méditerranéens / Ecrivains allemands dans le sud de la France (éd. du Seuil, 2009, pages 264-269). Vitia, l'épouse de Stephan Hessel et ses beaux-parents, les Mirkine-Getzévitch obtinrent  grâce à Fry les visas qui leur permirent de rejoindre les Etats-Unis, Helen accompagna Varian Fry jusqu'à la frontière espagnole lorsqu'il fut expulsé de France.

    Pour tenter d'atténuer l'ineffaçable atmosphère de pluie battante et de froid qui marqua l'enterrement de Franz Hessel, il faut réécouter le générique de Jules et Jim, les premiers accords de la musique composée par Georges Delerue, ou mieux encore retrouver ce fragment miséricordieux de Walter Benjamin qui figure au terme de la préface déja citée de Jean-Michel Palmier : "C'est à lui, assurément, que pourrait s'appliquer la belle maxime de "Sens unique" : "Car qui peut dire de son existence davantage que ceci : il a traversé la vie de deux ou trois êtres aussi doucement et aussi intimement que la couleur du ciel".

    Alain Paire

    (1) Cf de Manfred Klügge, Le tourbillon de la vie /La véritable histoire de Jules et Jim, éd Albin Michel 1994 et Amer azur / Artistes et écrivains à Sanary, éd du Félin 2007. M. Klügge coordonne du 28 au 31 janvier 2011 une rencontre "Sur les pas des écrivains allemands à Sanary". 

    (2) cf la post-face de Bernd Witte pour Le dernier voyage par Franz Hessel, éd. Le Promeneur / Gallimard 1997.

    (3) Propos recueillis par Manfred Klügge, page 249 de Le tourbillon de la vie /La véritable histoire de Jules et Jim, éd Albin Michel 1994.

    (4) Pierre Missac avait connu Benjamin entre 1937 et 1940 par  l'intermédiaire de Georges Bataille. Originaire de Marseille, il publia des articles dans Critique et Les Cahiers du Sud. Il mourut en octobre 1986, quelques mois avant la parution de son premier livre, Passage de Walter Benjamin, collection Esprit/ Seuil.

    (5) Page 181, in Laure Adler Dans les pas d'Hannah Arendt, éd. Gallimard 2005.

    A propos d'Helen Hessel et d'Henri-Pierre Roché, cf une bibliographie de l'Association des Amis de Jules et Jim consultable sur ce lien ainsi que trois livres édités par André DimancheCarnets d'Henri-Pierre Roché, Les années Jules et Jim, avant-propos de François Truffaut 1990, Journal d'Helen, Lettres à Henri-Pierre Roché, traduction d'Antoine Raybaud, 1991 et Ecrits sur l'art, d'Henri-Pierre Roché, préface et notes de Serge Fauchereau, 1998. Cf également par Scarlette et Philippe Reliquet, Henri-Pierre Roché l'enchanteur collectionneur, éditions Ramsay, 1999. A propos de Jules et Jim, cf sur ce lien un dossier avec  images et entretiens en compagnie de Tuffaut et de Jean Gruault.

    Pour les livres de Franz Hessel : Promenades dans Berlin est presque introuvable. Chez Maren Sell, Romance parisienne (1990) et Le Bazar du bonheur (1993). Le dernier voyage chez Le Promeneur / Gallimard, 1997, avec une post-face de Bernd Witte. Aux éditions du Felin Marlène, un portrait.  

    Un Prix Franz Hessel vient d'être créé en décembre 2010. D'un montant de 10.000 euros, il est destiné à soutenir  des livres et des autuers capables "d'approfondir le dialogue littéraire entre l'Allemagne et la France". Il est décerné par la Fondation Genshagen et la Villa Gillet de Lyon.

    Pour Stéphane Hessel, il faut relire Danse avec le siècle (éd, du Seuil). Cf sur les liens qui suivent l'enregistrement d'un entretien de Stéphane Hessel avec Olivier Morel, ou bien à propos de Walter Benjamin, cet autre extrait sonore.

      http://www.galerie-alain-paire.com/index.php?option=com_content&view=article&id=124:franz-hessel-walter-benjamin-camp-des-milles-marseille-sanary-derniers-jours-en-france&catid=7:choses-lues-choses-vues&Itemid=6

  • Pour une histoire des représentations du livre et de la lecture. Une galerie de portraits d'Hommes au(x) livre(s) à trav

    Cécile Rabot

    Peter SCHNYDER dir., L'Homme-livre : des hommes et des livres, de l'Antiquité au XXe siècle, Paris : Orizons, 2007.
     

    Dirigé par Peter SCHNYDER, L'Homme-livre rassemble vingt articles issus de communications prononcées lors d'un colloque qui s'est tenu à Mulhouse en octobre 2005. Pour mettre en perspective la réalité actuelle du livre, « comparer ce qui est à ce qui fut », il offre un parcours chronologique de l'Antiquité au XXe siècle, dans une perspective à dominance littéraire, mais qui touche aussi à l'histoire du livre et à l'histoire des représentations. Il envisage une série de cas, une galerie de portraits d'hommes au(x) livre(s), réels ou fictifs, individus situés, à titre personnel ou institutionnel, « au plus près du livre ». Le syntagme d'« Homme-livre » suggère une relation fusionnelle entre l'individu — auteur, éditeur, interprète, lecteur, « acteurs du livre » —, et l'objet qu'il produit ou qu'il lit, le texte envisagé dans sa matérialité en même temps que dans son contenu. L'intimité va jusqu'à l'absorption réciproque : l'Homme s'approprie le livre, en tire profit, tandis que le livre absorbe celui qui en est environné. Moyen d'expérimenter d'autres mondes et de laisser des traces (monumenta), objet de prestige et contre-pouvoir potentiel, le livre a suscité des tentatives de contrôle de la part des autorités profanes et ecclésiastiques, voire des mises en cause qui ont paradoxalement contribué à en assurer la survie.

    Spécialiste des liens entre littérature et image et auteur d'un essai intitulé L'Homme aux livres, Pascal DETHURENS envisage la figure archétypale de l'Homme-livre, personnage penché au-dessus d'un livre sur lequel il concentre toute son énergie et sur lequel est attirée l'attention du spectateur. Les diverses figurations picturales et littéraires de cet homme au(x) livre(s), envisagées à travers une galerie de tableaux de la Renaissance au XXe siècle, sont autant d'interrogations sur la nature-même de l'acte de lire et de représentations de la valeur symbolique accordée au livre et à la lecture et des fonctions qui leur sont prêtées. Dans son immobilité et sa solitude, l'Homme-livre apparaît tout entier tourné vers son intériorité, coupé des autres et retiré du monde, gardien des rêves trouvant dans la lecture ce qui fait défaut à l'homme d'action absorbé par son negotium. Dans un texte littéraire, la mise en scène du livre et de l'Homme-livre est mise en abyme, représentation du livre dans le livre. En peinture, soit le tableau, narratif, est illustration du livre représenté (l'homme au livre s'y fait le relais du peintre) ou le livre commentaire du tableau, soit le livre est la clé donnant accès au sens de l'œuvre et a alors, dans l'économie de l'œuvre, une fonction d'édification ou d'avertissement. Ces représentations font l'éloge du livre, en l'associant au savoir ou à la parole de Dieu. En même temps, la lecture mise en scène échappe toujours au spectateur du tableau et garde une part de mystère. Le livre est donc moins source transparente de savoir susceptible d'apporter des réponses, d'expliquer le monde, qu'épaisseur énigmatique, « abîme de perplexité et d'indéterminé », forçant le lecteur à s'interroger, à « devenir un explorateur de l'infini ». « Je lis donc je doute », semblent nous dire ces hommes au(x) livre(s).

    Helléniste spécialiste de Dion Cassius et de la transmission des textes antiques, Marie-Laure FREYBURGER-GALLAND s'interroge sur ce qu'était un livre dans l'Antiquité. L'étymologie du mot livre (le grec biblos, le latin liber, de même que l'anglais book et l'allemand Buch) souligne la matérialité du support, renvoyant à la membrane située sous l'écorce d'un arbre. La matérialité du support a déterminé les usages. Les écrits courts étaient gravés sur des tablettes de bois (pinax en grec, tabula en latin). On connaît peu les supports utilisés pour les écrits longs avant l'époque romaine. Pline donne de précieuses précisions techniques sur les supports utilisés à son époque : les textes longs étaient écrits sur des rouleaux (kylindros en grec, volumen en latin) constitués d'un cylindre en bois autour duquel étaient enroulés environ 4,5 mètres de papier fait de feuilles (chartès en grec, charta en latin) collées les unes au bout des autres (jusqu'à vingt feuilles) et faites en papyrus puis en parchemin (en latin membrana Pergami, peau de Pergame), la rareté du papyrus et l'interdiction de son exportation par le roi égyptien Ptolémée ayant poussé à inventer un support de substitution. Les difficultés de maniabilité de ce support et la rareté des exemplaires rendaient le rapport de l'homme aux livres très spécifique : l'écrit était considéré comme « ouvrage de référence collective » plus que comme objet d'usage et moyen d'accès direct à la connaissance. L'enseignement était oral et utilisait peu le livre. La lecture était elle-même oralisée. Des bibliothèques privées se sont peu à peu constituées, entre autres la bibliothèque du Musée d'Alexandrie fondée par Ptolémée et qui comptait 500 000 volumes à la fin du IIe s. av. J.-C. Le livre s'est diffusé au Ier siècle av. J.-C. dans les milieux intellectuels et aisés. Marchands de livres et copistes portaient le même nom de librarii. La première bibliothèque publique est fondée à Rome en 39 av. J.-C. par Asinius Pollion. Entre le Ier et le IVe siècle, le volumen fait place au codex, pages reliées en cahier. C'est une révolution par laquelle le livre devient plus maniable, tout en restant rare du fait de l'indispensable travail de copie. Ce passage du volumen au codex fonctionne comme un goulet d'étranglement : seuls les textes anciens encore en usage, les « classiques », ont été recopiés sur codex, de même que, plus tard, seuls les manuscrits jugés dignes d'intérêt ont été imprimés. On voit donc comment les conditions matérielles déterminent non seulement l'usage du livre, mais même la constitution du canon.

    Dix-septièmiste partisane d'une critique historique et « humaniste », Madeleine BERTAUD examine le cas des imprimeurs hommes de lettres qui, de Gutenberg aux Lumières, ont cumulé les différentes fonctions liées au livre. Elle constate que le champ éditorial a été alors investi par l'auteur et observe le lien entre les pratiques de ces humanistes hommes-livres grands lecteurs qui s'emploient aussi à traduire et à diffuser le livre. Elle montre comment Rabelais a été poussé à l'écriture par ses fonctions d'imprimeur et réciproquement comment le poète et traducteur Etienne Dolet s'est lancé dans l'édition pour éviter la trahison d'imprimeurs sans culture. Elle souligne le lien étroit qui unit la lecture et la production de livres : l'écriture, nourrie de lecture, repose moins sur l'imitation que sur l'innutritition (Faguet), l'assimilation-recréation. Elle cite l'exemple de Montaigne, nourri de lectures, et de La Fontaine, qui fait œuvre de recréation à partir de fables existantes. Elle s'interroge sur quelques cas de distanciation par rapport au livre : Descartes, qui estime que les livres ne font que découvrir l'ignorance et que la vérité est à chercher en soi et dans le grand livre de monde, n'en est pas moins nourri de lectures ; la tragi-comédie de Tristan L'Hermite, La Folie du sage, critique les livres comme ne permettant pas d'apprendre à vivre ; Rousseau, dans l'Émile, condamne le livre comme outil pédagogique de seconde main (« Je hais les livres, ils n'apprennent qu'à parler de ce qu'on ne sait pas »). Mais ces exemples de prise de distance sont des cas particuliers à une période qui, de la Renaissance aux Lumières, accorde au livre une forte valeur symbolique et voit la présence d'hommes-livres cumulant lecture, étude, écriture, édition et imprimerie et dont Diderot et le projet de l'Encyclopédie sont l'exemple-même, avant qu'une nouvelle division du travail fasse apparaître la figure distincte de l'éditeur.

    Spécialiste de littérature espagnole, Mechthild ALBERT évoque la bibliomanie de Don Quichotte, en qui elle voit l'homme-livre par excellence : grand lecteur de romans de chevalerie, Don Quichotte vit les exploits imaginaires des héros et en oublie le monde ; happé par la « machine à rêves » qu'est le roman, il en vient à croire à la réalité de la fiction et à projeter la fiction sur le réel ; cherchant à imiter le roman dans la vie, il tombe dans la folie (« ainsi, à force de peu dormir et de tant lire, son cerveau se dessécha de telle sorte qu'il en vint à perdre le jugement »). La bibliothèque de Don Quichotte est pour partie condamnée et brûlée : le roman est considéré comme une fable mensongère responsable de la folie du héros – ce qui pose la question de la vérité à laquelle une fiction peut prétendre. Don Quichotte devient aussi une figure littéraire, qui, après Cervantès, fait l'objet de récréations multiples. Mechthild Albert examine la continuation du Quichotte qu'est le roman d'Andrés Trapiello Al morir don Quijote (2004), réécriture au centre de laquelle se trouve un autre homme-livre, Samson, le jeune séminariste défroqué, qui excuse l'illusion de Don Quichotte, apprend à lire à Sancho et projette l'écriture d'un livre mémoriel : le livre est plus vrai que le réel en ce qu'il permet de fixer l'éphémère (« Tant que nos vies n'ont pas été couchées sur le papier, nous n'aurons vécu qu'à demi ») mais aussi de créer une réalité sans avoir à s'appuyer sur l'expérience du réel et à se soucier du critère de vérité. Les personnages créés deviennent pour le lecteur plus vrais que leur auteur : ils s'émancipent de leur créateur et contribuent à la réalité de celui-ci en lui survivant. Le fou n'est donc pas celui qui succombe à l'illusion littéraire, mais plutôt celui qui estime « que les livres sont autre chose que la vie ».

    Spécialiste des littératures de langues allemande et yiddish, Astrid STARCK-ADLER s'interroge sur la spécificité de la femme-livre et plus spécialement de la représentation de la femme dans un livre destiné aux femmes : Un beau livre d'histoires – Eyn schön Mayse bukh, recueil d'historiettes moralisatrices et merveilleuses publié à Bâle en 1602 avec une double visée édifiante et divertissante. Écrit en yiddish (alors appelé taytsh), ce recueil était donc destiné aux lecteurs ignorant l'hébreu, langue sacrée et érudite, à savoir les hommes ignorant l'hébreu et surtout les femmes. Il intégrait des textes talmudiques (donc en principe réservés aux hommes) traduits en langue vernaculaire et offrait ainsi aux femmes la possibilité d'accéder à une éducation religieuse. Tel était le but poursuivi par les auteurs, érudits soucieux de l'éducation des femmes. Les histoires encadrant le recueil illustrent le droit des femmes à l'instruction et leur mission consistant à rappeler l'homme à son devoir. Les autres histoires mettent en scène, sous forme de contes avant de conclure par une morale en vers, l'ensemble des vices à éviter (orgueil, démesure, stupre, adultère, prostitution, méchanceté, avarice, mensonge) et des vertus à cultiver (chasteté, piété, pureté, ardeur au travail, observance du jeûne, nourriture casher). Le thème de l'adultère occupe une place importante parce qu'il cristallise les craintes de l'homme mais aussi qu'il est susceptible de susciter l'intérêt du lecteur. De manière générale, la femme était invitée à être vertueuse pour empêcher l'homme de succomber à la tentation et parce que les pensées de la mère étaient considérées comme déterminantes sur l'avenir de ses enfants. Important outil d'édification, le recueil a en outre nourri de nombreux textes hébraïques ultérieurs.

    Spécialiste de l'histoire des comportements au XVIIIe siècle, Alain J. LEMAÎTRE évoque la figure des censeurs. Niant qu'on puisse expliquer la Révolution française par l'élargissement (bien réel) du marché du livre et la diffusion d'idées nouvelles par ce biais, il s'interroge sur l'appropriation des textes par une élite fortement intégrée aux institutions et engagée dans un dispositif censorial qui fait apparaître les limites de la monarchie absolue. Il existe en effet sous l'Ancien Régime une censure préalable, émanant essentiellement du pouvoir royal. En dehors de quelques interdits majeurs (écrire contre Dieu ou contre le roi ; attenter aux moeurs), elle a surtout un rôle de régulation économique en luttant contre les productions clandestines et les contrefaçons. Les censeurs, dont le nombre a quadruplé au XVIIIe siècle, appartiennent au monde des privilégiés et surtout des talents (médecins, avocats, membres d'académie, directeurs de journaux, etc.). Ils ne sont pas de simples instruments du pouvoir, mais pratiquent une censure souple, fondée sur le dialogue avec les auteurs et les libraires, et qui est avant tout un arbitrage et une recherche de compromis. Ils constituent un espace de sociabilité dynamique qui évolue avec la société et interprète les écrits dans l'esprit des Lumières. Non qu'il n'y ait pas de répression, mais la frontière est incertaine de l'autorisé au toléré, du licite à l'illicite. Le principe-même de la censure et du système des privilèges entraîne d'ailleurs des contrefaçons et promeut l'interdit. Outre la censure préalable, la police du livre s'occupe de trois circuits de distribution : les libraires urbains, les petits métiers du livre (graveurs, colporteurs) diffusant almanachs, images et libelles, et les circuits de diffusion clandestine de livres contrefaits (qui peuvent être officialisés) ou prohibés. Mais ce contrôle est extrêmement lâche, pour des raisons techniques et parce qu'une connivence amène les agents de la censure à soutenir certains livres contre ceux qui voudraient les interdire : faisant partie du public destinataire des ouvrages prohibés, les censeurs soutiennent les ouvrages philosophiques et politiques qui font penser, les libelles critiquant ouvertement le pouvoir faisant l'objet d'une censure plus rigoureuse. C'est que l'essentiel de l'impression et de la distribution de l'écrit au XVIIIe siècle se fait dans la clandestinité, si bien que ne lire que les livres autorisés, c'est forcément être en retard sur les idées nouvelles : le débat intellectuel est pour l'essentiel nourri de la littérature secondaire (les œuvres philosophiques majeures restant bannies), prohibée mais soutenue par les censeurs eux-mêmes.

    Spécialiste de l'histoire des idées et des Lumières dans le monde anglo-saxon, Michel FAURE évoque la perception du livre à la fin du XVIIIe siècle telle qu'elle apparaît dans les écrits de John Locke sur l'éducation des enfants, écrits à l'ambition modeste mais nourris par la culture pédagogique de l'époque et par une expérience de précepteur. Lui-même nourri de livres, Locke est l'auteur d'une critique du Licensing Act de 1662, dans laquelle il défend la liberté d'imprimer et de diffuser le livre. Pourtant, pour l'éducation d'un gentleman qui n'est pas destiné à devenir un érudit, mais doit savoir gérer ses affaires et s'intégrer socialement, Locke considère que le livre est insuffisant. À la différence de Thomas More pour qui les habitants de l'île d'Utopie doivent tirer leur vertu de leurs lectures, Locke estime que l'éducation morale doit passer par l'exemple. Il affiche une certaine méfiance à l'égard des détenteurs de savoir livresque, dont l'influence peut être pernicieuse. Les lectures ne doivent mener ni à l'impertinence ni à de vaines polémiques. Locke recommande donc, pour la formation du futur gentleman, un abrégé de l'histoire sainte et des ouvrages utiles à valeur formatrice. La littérature fictionnelle est écartée avec méfiance : ses « images risqueraient de troubler l'éveil de l'enfant à la raison », car celui-ci est impressionnable comme une page vierge (blank page), comme un livre en devenir.

    Spécialiste de Laurence Sterne, Brigitte FRIANT-KESSLER s'intéresse au rapport texte-image dans Tristram Shandy et des représentations du sujet lisant que donnent à voir trois gravures insérées au milieu du texte. La première, placée en frontispice, représente une scène de lecture à voix haute pour un auditoire privé exclusivement masculin. La lecture oralisée est ici associée à la gestuelle et le texte est représenté comme un accessoire théâtral prolongeant le corps de l'acteur. La seconde scène de lecture concerne la lecture d'une formule d'excommunication par le Dr Slop contre un serviteur. Elle est représentée sur deux gravures qui offrent des interprétations très différentes. Sur la première, le livre est présent mais la parole a remplacé la lecture ; l'évocation des armées célestes a donné lieu à la représentation graphique des armées terrestres. Sur la seconde, les pages servent de masque à un Dr Slop embarrassé par le caractère blasphématoire de la malédiction et qui cherche à se cacher derrière elle. La première scène, par sa position en frontispice, n'est pas seulement une illustration d'une scène racontée par le texte : au seuil du livre, le lecteur ne sait pas encore que l'objet de la lecture est un sermon lu par Trim. La gravure prend donc une valeur plus générale : elle semble inviter à une lecture à haute voix de Tristram Shandy, à la circulation du livre, au commentaire. Mais la lecture à haute voix d'une telle œuvre est un défi compte tenu des pages impossibles à oraliser, qui s'adressent au regard, et qui font toute la difficulté à définir cette œuvre, comme en témoigne un de ses lecteurs, Thomas Turner, dans son journal.

    Spécialiste de l'ironie romantique, Judith SPENCER envisage l'œuvre baudelairienne comme autosubversion de l'Homme-livre. La double crise existentielle et poétique de la modernité conduit Baudelaire à une ironie autodestructrice qui se situe à la fois sur le plan esthétique et sur le plan éthique. Sur le plan esthétique, la Poésie s'autodétruit par le dévoilement de son propre fonctionnement, dans une dialectique permanente entre autocréation et autodestruction (Selbstschöpfung et Selbstvernichtung, selon les termes de Friedrich Sc

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