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Catégories : CEUX QUE J'AIME, Goethe Johann Wolfgang von, Le paysage

Goethe dans la campagne romaine de J. H. W. Tischbein

Jeanne Desto nous présente aujourd’hui un tableau allemand très connu des Allemands et quasiment inconnu des Français, regardez bien !

Regardez ces images : une pochette de CD, une campagne d’incitation aux économies d’énergie, une campagne pour l’extension de l’aéroport de Francfort, la contre-campagne des opposants à cette même extension, une publicité pour la bière Köstritzer, une autre pour la bière Licher, ou encore ces sérigraphies d’Andy Warhol.

Bien sûr, vous l’avez vu, elles reprennent toutes le même motif, celui d’un tableau extrêmement présent dans l’imaginaire allemand et quasiment inconnu des Français. C’est un très grand tableau. Par sa taille d’abord : 2 m06 sur 1 mètre 64, Par son sujet surtout : il représente Le plus grand écrivain de langue allemande : Johann Wolfgang von Goethe. Goethe dans la campagne romaine a été peint en 1787, à Rome, par Johann Heinrich Wilhelm Tischbein. Le tableau se trouve dans la ville natale de Goethe, à Francfort sur le Main, au Städel Museum.

Revenons une seconde sur les conditions de sa création. En 1786, Tischbein est à Rome. A l’époque, il est courant que les peintres aillent étudier sur place à la fois la peinture de la Renaissance et l’art de l’Antiquité romaine. Goethe, lui, est déjà un écrivain très renommé : il a publié quelques grands drames comme Iphigénie en Tauride ou Torquato Tasso et depuis quelques années, il est à Weimar où il a pris des responsabilités très importantes : il est ministre des finances. Goethe sent que le moment d’un retour à son art a sonné. Il va donc réaliser son rêve : un voyage en Italie. Et c’est Tischbein qui l’héberge à Rome à l’automne 1786. D’ailleurs voici une très jolie aquarelle de Tischbein, un moment pris sur le vif, Goethe de dos, se penchant par la fenêtre sur la rue romaine. Mais Tischbein est plus ambitieux : il propose au grand poète Goethe de réaliser de lui un portrait grandeur nature. Dans une lettre à son amie Charlotte von Stein, Goethe écrit : "Tischbein est en train de me peindre. Ce sera un beau tableau, juste trop grand pour nos appartements nordiques."

Regardons de plus près ce si grand tableau : Goethe est allongé dans la campagne romaine sur les ruines d’une obélisque. Il porte un grand manteau blanc, un manteau de voyageur et un chapeau à large rebord, un chapeau de peintre qui permet à Tischbein d’encadrer le visage du poète. Son regard se porte sur le lointain, on ne sait trop s’il se porte vers l’avenir ou sur le passé incarné par les ruines, l’aqueduc, le chapiteau corinthien ou le bas-relief évoquant Iphigénie, le dernier succès de Goethe. Dans une lettre, Tischbein écrit : "J’ai commencé son portrait, je vais le faire grandeur nature, assis sur des ruines, en train de réfléchir au destin des œuvres humaines." Dans ce paysage idéalisé, les couleurs sont plutôt ternes, et la végétation qui vient animer quelque peu les pierres, est elle aussi d’un vert un peu sombre. Tout est calme, pondéré, sans effets inutiles.

C’est une œuvre du classicisme, du retour à la clarté des formes antiques. Alors, est-ce un grand tableau ? Sa facture, très classique ne masque pas certaines imperfections de peinture : ainsi par exemple, on ne sent pas vraiment le poids du corps sur l’avant bras droit de Goethe, appui qui devrait d’ailleurs se ressentir au niveau de l’épaule, elle devrait être un plus haute. On remarquera l’appui très inconfortable et donc très improbable du bas du mollet sur l’arête de la pierre. On remarquera les deux pieds gauches, s’agit-il d’une approximation de peinture ou du fait qu’à l’époque, les chaussures n’étaient pas différenciées ? Les spécialistes divergent. Mais surtout ce qui saute aux yeux, c’est la longueur exagérée de la cuisse gauche, vous le voyez ? Ce détail pittoresque inspirera d’ailleurs à l’artiste contemporain John Radevitch ce détournement irrévérencieux : en fait, le grand Goethe cacherait derrière sa difformité sa maîtresse italienne…

Quelques soient ses défauts, ce tableau s’imposera. Son gigantisme incarnera celui du génie de Goethe. Et pour les Allemands, l’image de Goethe se confondra souvent avec ce portrait de Tischbein. Un autre portrait, celui de Goethe plus âgé, peint par Joseph Karl Stieler, viendra compléter l’image que nos voisins se font de leur grand homme.Tischbein, le peintre, le portraitiste, sera auréolé par son sujet. D’ailleurs on l’appellera dorénavant souvent le Goethe-Tischbein pour le distinguer des autres peintres de la dynastie Tischbein.

Texte : Elsa Clairon & Christian Henry & Émilie Daniel
Image : Claire Doutriaux & Arnaud Lamborion & Claude Delafosse


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