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Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE

Retour au Luxembourg




 

S'il y a une longue histoire d'amour entre les écrivains et le jardin du Luxembourg, c'est peut-être parce que tous rêvent d'y avoir un jour leur statue comme Baudelaire, Sainte-Beuve ou José-Maria de ­Heredia: une statue au Luco dure plus longtemps qu'un fauteuil à l'Académie. La semaine dernière, je vantais les mérites du dernier ­roman de Kundera, La Fête de l'insignifiance, qui s'y déroule presque intégralement. C'était aussi l'unique décor de L'Enfant grec de Vassilis Alexakis , il y a deux ans. Avant eux, Matzneff publia Nous n'irons plus au Luxembourg en 1972 (je ne remonte pas plus loin, par manque de place). Ces trois auteurs mériteraient bien d'y être sculptés. Cette semaine, Jean Echenoz publie un recueil de «sept récits, sept lieux», dont le quatrième texte est consacré à «Vingt femmes dans le jardin du Luxembourg et dans le sens des aiguilles d'une montre». Il s'agit d'une description minutieuse des statues de reines de France qui entourent le parc du Sénat. J'y ai relevé une erreur à propos de Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre («bijoux: néant», alors qu'elle porte un collier de perles); en outre Echenoz attribue les plus gros seins à Anne d'Autriche, reine de France, alors qu'à mon avis Valentine de Milan, duchesse d'Orléans, faisait au moins du 95D. Ces petites négligences étaient pardonnables, mais pas sa principale faute, qui est d'avoir négligé la plus jolie fille du Luco: l'allumeuse de pierre dont le décolleté aguiche le monument à Watteau. (Pour mes lecteurs parisiens, je précise qu'elle se trouve entre le rucher et le verger, près de l'entrée ­Vavin.) Aucune des reines, saintes et célébrités du Luxembourg n'arrive à sa cheville gracile. J'ai lu Caprice de la reine en face de l'espiègle créature, assis sur une chaise verte. Le reste du recueil de Jean Echenoz condense la vie de l'amiral Nelson, résume ­Babylone, survole la campagne mayennaise, utilisant tantôt un style télégraphique, tantôt ­celui d'un inspecteur administratif chargé du cadastre. Ce type d'écriture objective à la nouveau roman est aujourd'hui aussi moderne qu'un tableau de Vasarely. La froideur d'Echenoz n'est pas ­désagréable quand elle se réchauffe à l'ironie: un gros plan sur des fourmis, la combinaison salée d'une plongeuse sous-marine, une excursion au Bourget qui rappelle Perec et Queneau. Bien tenté d'avoir gardé le meilleur pour la fin, mais dans l'ensemble, Caprice de la reine laisse tout de même une impression d'inachevé, de littérature en kit, à assembler soi-même: un livre Ikea.

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