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Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, La littérature

Le «Lagarde et Michard» de la dérision

 

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    • Par F. R.
    • Mis à jour le 16/04/2009 à 11:08
    • Publié le 16/04/2009 à 11:07

«Les Morot-Chandonneur», extravagant recueil de pastiches signé Philippe Jullian et Bernard Minoret est un joyau de style.

 

Les faits et gestes historico-littéraires de la dynastie Morot-Chandonneur de Jullian et Minoret feraient penser davantage aux incarnations d'Alec Guinness dans le Noblesse oblige si joliment adapté jadis par André Maurois qu'aux acrobatiques pastiches de Reboux et ­Muller. Tant il est vrai que les deux complices de cette extravagansa dévastatrice accrochent par la noirceur indémo­dable de leur propos et par les feux d'artifice que déclenche l'association d'une érudition ébouriffante (Minoret) et d'une plume diabo­lique (Jullian).

C'est à une véri­table séance de guignol pour mordus des lettres françaises que nous convie la lecture de cet effort plutôt exceptionnel de ce côté du Channel, les Anglais ne s'en privant guère, comme en témoigne le récent et malicieux Pistache, de Sébastien Faulks.

Philippe Jullian avait le sens de la formule, Bernard Minoret celui des tics et des couacs de l'Histoire de France. Ces « deux détrousseurs d'épaves », comme les nomme Marc Lambron dans sa brillante préface, avaient en commun une irrésistible envie de confronter à trois siècles de notre tragi-comédie nationale des plumes incontournables, produisant ainsi, dès 1955, une sorte de Lagarde et Michard de la dérision.

De Sade à Ionesco

Nous retrouvons chronologiquement, du marquis de Sade à Ionesco et de Dumas père à Alain Robbe-Grillet, les étapes de la geste Morot-Chandonneur en ses incarnations successives. De l'ancêtre Hector Morot, « bâtard d'un abbé de cour et d'une duchesse », à Mme Moreau, la voyante extralu­cide de Montmartre, un véritable son et lumière ponctué de coups de cymbales se déroule sous nos yeux. Chaque scène est un petit joyau de restitution du style de l'auteur pastiché, mais amplifié jusqu'à la cocasserie. Le crayon de Jullian s'emploie de son côté à cerner au mieux le propos de son complice, y ajoutant le sel d'un graphisme « à la manière » de peintres, de sculpteurs ou d'illustrateurs célèbres. Lambron salue encore « un véritable festival de transformisme littéraire », soulignant par ailleurs la survie d'un tel projet. Les Morot-Chandonneur furent en effet portés à la scène en 1970 par Yves Gasc, électrisés par la présence d'un chanteur de rock. Un dernier avatar de cette singulière saga devait voir le jour il y a trois ans avec le film Nouvelle chance d'Anne Fontaine, Danielle Darrieux et Arielle Dombasle y incarnant respectivement mais irrespectueusement Mme du Deffand et Julie de Lespinasse.

Les Morot-Chandonneur de Philippe Jullian et Bernard Minoret. Préface de Marc Lambron Grasset, «Les Cahiers rouges» 292 p., 9,80 €.

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