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Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, Les polars

« La capture du tigre par les oreilles » de Jean-Bernard Pouy, illustré par Florence Cestac

 

LE MONDE | 05.09.2014 à 17h55 • Mis à jour le 05.09.2014 à 20h06 | Par Macha Séry

 

« La capture du tigre par les oreilles » de Jean-Bernard Pouy, illustré par Florence Cestac.

« La capture du tigre par les oreilles » de Jean-Bernard Pouy, illustré par Florence Cestac. | LE MONDE

Jamais tranquille

 

Bernard n’est pas un type exigeant. A la vie, il ne demande pas grand-chose. Juste se baigner tout nu dans le golfe du Morbihan, le corps caressé par la brise du matin, et descendre une bouteille de muscadet. Plaisir toujours différé tant le monde abonde en casse-pieds. Et il est en première ligne, Bernard, au front tous les jours.

Hier, ce médiateur de la République désamorçait une assemblée de copropriétaires du centre-ville de Rennes, ce genre de réunions où les gens s’étripent à propos d’ascenseur à deux places ou de tuyaux d’évacuation vétustes, menaçant d’en venir aux mains à chaque désaccord brutalement formulé. Le voilà à présent appelé en urgence près de Lorient, pour raisonner un patron de PME furibard. Après avoir criblé de chevrotines un délégué syndical, celui-ci s’est retranché dans son bureau. Rien n’y a fait. Le placide Bernard va devoir dompter la bête.

Illustration de « La capture du tigre par les oreilles » de Jean-Bernard Pouy, illustré par Florence CestacIllustration de « La capture du tigre par les oreilles » de Jean-Bernard Pouy, illustré par Florence Cestac | LE MONDE

DISCIPLE DE QUENEAU

Jean-Bernard Pouy, lui, est un homme exigeant. Plus il est soumis à des contraintes, plus il doit franchir d’obstacles, meilleur il est. Ainsi dans La Capture du tigre par les oreilles, il enchaîne des phrases (après un point) qui débutent par les lettres de l’alphabet prises dans l’ordre, à la manière de l’Oulipo.

 
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Disciple de Queneau, le créateur du personnage de détective Gabriel Lecouvreur, alias Le Poulpe, une série libertaire apparue en 1995, aux éditions Baleine, dont il est l’un des cofondateurs, semble coutumier du fait. Nombre de ses œuvres appliquent une règle cachée, tels les incipit de romans en ouverture de chapitres ou le cadavre exquis que ce fils de cheminot a conçu avec Daniel Pennac et Patrick Raynal, sous le pseudo de J.-B. Nacray, pour La Vie Duraille (Fleuve noir, 1980).

On le sait, le romancier insurgé, monté sur les barricades en Mai 68, goûte peu l’esprit de sérieux. En témoignait, dès 1983, le titre de son premier livre : Spinoza encule Hegel (Albin Michel). La Capture du tigre par les oreilles débute ainsi : « Aaah, les belles questions : qu’y a-t-il de plus chiant qu’une communication d’Alain Minc au symposium “L’avenir radieux des délocalisations ?” » La drôlerie de ce récit est renforcée par les illustrations loufoques de Florence Cestac, l’auteur du Démon de midi (Dargaud, 1997) et du Démon du soir ou la ménopause héroïque (Dargaud, 2013).

A déguster bien frais, avec un verre de muscadet.

Retrouvez « Les Petits Polars du “Monde” avec la SNCF », saison 3, « Comme un crabe, de côté », de Marin Ledun, samedi 6 septembre à 21 heures, sur France Culture. A réécouter et à podcaster sur Franceculture.fr.


Jean-Bernard Pouy et Florence Cestac vus par Florence Cestac.Jean-Bernard Pouy et Florence Cestac vus par Florence Cestac. | LE MONDE

L'auteur : Jean-Bernard Pouy

Né en 1946 à Paris, Jean-Bernard Pouy est titulaire d'un DEA en histoire de l'art (cinéma). Avant de devenir romancier et scénariste, il fut animateur culturel, professeur de dessin, graphiste concepteur et journaliste. Il est également poète et homme de théâtre, mais c'est dans le domaine du roman noir qu'il est reconnu, dès 1983, avec un titre qui donne le ton : Spinoza encule Hegel (Albin Michel), suivi, en 1984, de Nous avons brûlé une sainte, où il fait ses débuts dans la « Série noire », chez Gallimard. Il y signe, entre autres, La Clef des mensonges ou La Belle de Fontenay, des polars originaux et fantaisistes, à la fois noirs et ironiques.

Amateur de romans populaires et nostalgique des grands feuilletons du XIX7e siècle, il fonde, en 1995, en compagnie de Patrick Raynal et Serge Quadruppani, la collection « Le Poulpe », avec son héros récurrent, l'enquêteur libertaire Gabriel Lecouvreur. Il inaugure cette longue aventure avec La petite écuyère a cafté, aux éditions Baleine. Jean-Bernard Pouy aime les aventures éditoriales. C'est ainsi qu'il imagine, en 2006, un hommage à la « Série noire » qui abandonne au même moment son format poche. Il lance donc « Suite noire », aux éditions La Branche, une belle collection cartonnée où il réunit des auteurs de la « Série noire » comme Didier Daeninckx, Marc Villard, Tito Topin ou Patrick Raynal.

Les jeux verbaux et les détournements littéraires l'inspirent également : il participe à l'émission Des Papous dans la tête (sur France Culture) et s'amuse à glisser des contraintes inattendues dans ses romans noirs. C'est entre autres pour cette raison qu'il s'associe à Marc Villard dans trois livres édités chez Rivages/Noir : Ping pong, Tohu bohu et Zigzag, où chaque fois les deux auteurs se répondent à coups de cadavres exquis, duels burlesques ou détours thématiques.

Jean-Bernard Pouy écrit également pour le cinéma, adaptant, par exemple, Le Poulpe, réalisé par Guillaume Nicloux.
En 2012, il a publié la novella Le Bar parfait (éditions Atelier In8), Samedi 14 (collection Vendredi 13 aux éditions La Branche) et Sous le vent (éditions Lattès), sur des illustrations de Joe Pinelli. En 2013, il a publié Blonde(s), aux éditions Terre de brume, puis Calibre 16 mm chez In8. Christine Ferniot

L'illustratrice  : Florence Cestac

Née à Pont-Audemer, Florence Cestac intègre d'abord les Beaux- arts de Rouen avant d'entrer aux Arts décoratifs de Paris. Elle dessine pour des magazines comme Salut les copains ou Lui, avant d'ouvrir en 1972, avec Etienne Robial, la première librairie de bandes dessinées parisienne. En 1975, le duo fonde les éditions Futuropolis, qu'elle codirigera jusqu'en 1994. Parallèlement, elle crée le personnage Harry Mickson, héros mythique avec gros nez et salopette qui fera les beaux jours d'A Suivre, Métal hurlant, ou Charlie. En 1989, elle reçoit l'Alph'Art de l'humour au Festival d'Angoulême pour Les Vieux Copains pleins de pépins. Elle travaille également pour Le Journal de Mickey en créant la bande dessinée des Déblok, qui sera ensuite publiée en album chez Dargaud.

En 1997, elle reçoit une seconde fois l'Alph'Art de l'humour pour Le Démon de midi (Dargaud), où l'on suit la vie quotidienne de Noémie, lâchée à la quarantaine par son mari pour une fille beaucoup plus jeune. La bande dessinée est d'abord adaptée au théâtre par Michèle Bernier et Marie Pascale Osterrieth, avant d'être portée à l'écran en 2005. Après la publication d'albums comme La Vie en rose, Du sable dans le maillot ou Les Phrases assassines (avec Véronique Ozanne), elle reçoit en 2000 le Grand Prix de la ville d'Angoulême. Suivront des ouvrages comme La Vie d'artiste, Super catho (avec René Pétillon) ou Le Démon d'après midi.

Elle continue de dessiner pour les enfants et les ados en créant La Fée Kaca et son mal Cuit-cuit (dans Pif Gadget puis aux Humanoïdes associés) ou Les Ados Laura et Ludo (dans Le Monde des ados, puis en album chez Dargaud). En 2007, elle publie La Véritable Histoire de Futuropolis, puis, en 2009, avec Jean Teulé, elle réalise la très belle biographie de Charlie Schlingo, auteur disparu en 2005, sous le titre Je voudrais me suicider mais je n'ai pas le temps (Dargaud).

En 2011, avec Nadège Beauvois, elle publie On va te faire ta fête, maman ! (Dargaud), puis, avec Tonino Benacquista, Des salopes et des anges (Dargaud). Elle a également publié en 2013 Le Démon du soir ou la ménopause héroïque (Dargaud), nouvelles aventures de Noémie à l'aube de la soixantaine. Une leçon de vie sacrément drôle.
Chr. F.

 
  • Macha Séry
    Journaliste au Monde

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