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Catégories : CE QUE J'AIME. DES PAYSAGES, Des librairies

Albertine retrouvée à New York

 

La librairie française Albertine, ouverte à New York le 27 septembre.La librairie française Albertine, ouverte à New York le 27 septembre. (Photo Jessica Nash)

LIEU

Antonin Baudry, coauteur de la BD «Quai d’Orsay» et conseiller culturel à l’ambassade, a ouvert une librairie française aux Etats-Unis.

 

C’est ce que l’on pourrait appeler un petit accès de coquetterie. Sur la première étagère, à l’entrée d’Albertine, la nouvelle librairie française de New York, au-dessus des derniers ouvrages de Maylis de Kerangal ou d’Emmanuel Carrère, trône ainsi le dernier volume de Quai d’Orsay, la bande dessinée de Christophe Blain et d’Abel Lanzac, nom de plume d’Antonin Baudry, le conseiller culturel français au Etats-Unis et tout juste nommé directeur de l’Institut français, la vitrine culturelle du ministère des Affaires étrangères dans le monde.

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Baudry, qui a longtemps gardé son identité secrète, avait tombé le masque en février 2013, quand l’ouvrage avait été élu «meilleur album de l’année» au festival d’Angoulême. Ce qui lui avait valu un portrait de der dans ce journal (lire Libération du 19 mars 2013) dans lequel il dévoilait son prochain projet : ouvrir une librairie pour «mieux faire connaître la littérature française aux Américains».

Dix-huit mois plus tard, l’éclectique Antonin Baudry a réussi son pari. Albertine, du nom de l’héroïne insaisissable et inclassable d’A la recherche du temps perdu, a ouvert ses portes le 27 septembre et a déjà eu les honneurs d’un long article dans le New York Times. Deux étages tout de bois et de cuir, logés au cœur de l’immeuble particulier dans lequel siègent les services culturels de l’ambassade de France, à quelques encablures de Central Park. Un défi qui n’était pas évident au vu des coupes budgétaires en cours en France, mais dont Baudry dit lui-même qu’il l’a relevé «à l’américaine», en prenant son bâton de pèlerin pour trouver de l’argent privé. «Cela a coûté plus de 5 millions de dollars [3,9 millions d’euros, ndlr], raconte-t-il sans détour. Je ne pouvais pas faire cela avec des fonds publics, tout simplement parce qu’il n’y en a pasde fonds. Et puis, pourquoi mettre ça sur le dos du contribuable ? Je ne me voyais pas demander cette somme au Quai d’Orsay, ce n’est pas possible. Aux Etats-Unis, les choses fonctionnent avec l’argent de la philanthropie. Il faut en profiter.»

Tabac. L’endroit invite à la flânerie, avec «une salle de lecture Marcel-Proust» au premier étage, qui propose aussi bien des ouvrages pour enfants que des livres rares, comme une édition de 1718 des œuvres de Molière. Au total, près de 14 000 ouvrages, dont deux tiers en français et un tiers traduits. Sur une table, on trouvele Capital au XXIe siècle, le dernier livre de Thomas Piketty, qui a fait un tabac outre-Atlantique, en versions française et anglaise. «Nous visons évidemment un double public, précise François-Xavier Schmit, le libraire, qui a laissé en gérance sa librairie de Toulouse pour s’exiler à Manhattan. D’une part, les Français désespérés qui ne peuvent plus trouver de livres en français à New York [la dernière boutique française, La Librairie de France, du Rockefeller Center, a fermé en 2009]. D’autre part, nous voulons montrer au public américain qu’il y a des choses très bien actuellement dans la jeune littérature française. Quelquefois, on a l’impression que les Américains se sont arrêtés à Camus ou à Marguerite Duras.»

L’initiative est louable dans une Amérique qui lit avant tout dans sa langue. Actuellement, aux Etats-Unis, 97% des livres publiés sont en anglais. Même à New York, qui a toujours entretenu une relation particulière avec le cinéma, la mode ou la cuisine de l’Hexagone, on ne connaît que très peu les jeunes auteurs français, à part Houellebecq, peut-être, qui fait office d’exception.

«Les écrivains français ? Moi, j’aime beaucoup Sartre, dit cette Américaine qui vient d’entrer dans la librairie Albertine. Mais j’avoue que je ne sais pas ce que les Français lisent aujourd’hui. C’est pour cela que je suis ici. Pour découvrir.» «Il ne faut pas trop se plaindre quand même, tempère Antonin Baudry. En fait, 300 livres français par an sont traduits aux Etats-Unis, ce qui n’est pas déjà si mal, et les auteurs français sont ceux qui sont le plus traduits, même si les proportions restent faibles. L’un des problèmes, c’est que les livres français sont très peu visibles. Nous, nous voulons leur ouvrir un espace pour leur donner une meilleure exposition aux Etats-Unis. Et cela poussera peut-être les maisons d’édition américaines à prendre plus de risques pour promouvoir les auteurs de chez nous.»

Créneau. L’affaire n’est pas gagnée dans un marché du livre américain en pleine crise, dans lequel les grandes librairies ferment les unes après les autres, face à la concurrence d’Amazon, notamment. Mais Albertine semble plutôt jouer sur le créneau de la libraire indépendante, espace de discussion et de rencontres culturelles de tout genre. Cette semaine, elle inaugure son premier festival, entre intellectuels français et américains, avec des invités aussi divers qu’Olivier Assayas, Joseph Stiglitz ou Marjane Satrapi. «On a toujours quelque chose à apprendre des Français, assure John, un professeur qui sort d’Albertine. D’ailleurs, c’est bien un Français qui vient d’avoir le prix Nobel de littérature, non ? Je ne me souviens pas de son nom mais c’est bien, même si j’aurais préféré que ce soit Philip Roth»

a ecouter Fabrice ROUSSELOT De notre correspondant à New York
 
 
http://www.liberation.fr/livres/2014/10/20/albertine-retrouvee-a-new-york_1125832

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