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Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, L'économie

Le Made in France se fait label

 

Par Sibylle Vincendon

Normes, étiquettes, chartes de qualité… L’industrie hexagonale entend sortir du flou et se fixe de nouvelles règles.

L’expression «made in France» est souvent une mention floue et mal définie, qui évoque pour le consommateur une arnaque possible à l’horizon. Qu’est-ce qui garantit ce que la marque prétend ? Alors que la fabrication française est devenue un enjeu économique et tandis que s’ouvre à Paris le salon Made in France, les moyens pour soutenir une industrie hexagonale des produits manufacturés commencent à se préciser.

La clarification des étiquettes est le premier d’entre eux. Le consommateur qui voudrait privilégier une production française a besoin de savoir si elle l’est vraiment. Le label Origine France garantie (OFG), créé en 2010 par l’association ProFrance, sous la houlette multipartisane du député (LR) Yves Jégo et de l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, veut donner cette assurance. Il est attribué pour trois ans avec un cahier des charges ultraprécis, dont l’application est vérifiée annuellement par le bureau de contrôle Veritas. Le produit labellisé est conçu et fabriqué en France pour au moins 50% de son prix unitaire. «Le 100% français est une chimère», rappelle Yves Jégo.

Les marques ne peuvent pas obtenir le sceau d’un coup pour toutes leurs gammes : elles doivent postuler pour des produits précis. «Aucune voiture Renault ne passe les critères, explique Yves Jégo. PSA en a labellisé neuf et a joué le jeu, parce que le constructeur veut montrer qu’il est exemplaire.» La «nationalité» des marques n’est pas un indice fiable : la Yaris du Japonais Toyota arbore le macaron OFG. Au total, ProFrance a estampillé 1 200 produits fabriqués par 400 entreprises.

Audit.Se soumettre à cette procédure coûte aux industriels une petite somme -3 500 euros -, mais le résultat vaut la dépense. «Dans notre secteur d’activité, dit Gilles Attaf, dirigeant de la marque de costumes pour homme Smuggler, on était dans un flou artistique terrible. Il existait une demande des consommateurs, mais ils se rendaient compte que l’on pouvait mettre "made in France" sur une étiquette juste avec une dernière opération dans l’Hexagone. Avec Origine France garantie, on ne peut pas tricher.» Mais on peut y gagner. Le label OFG «a propulsé notre marque à un niveau qu’elle n’aurait pas atteint sans cela», dit encore Attaf.

Aux assises du Produire en France, qui se sont tenues à la mi-octobre à Reims, des dirigeants de toutes petites entreprises présents dans la salle se sont plaints du prix de la médaille. A la tribune, Gilles Attaf leur a répondu : «La question du label n’est pas de savoir combien il coûte mais combien il peut rapporter.» A savoir, pour Smuggler : «Une croissance à deux chiffres qui est apparue quand on l’a eu.» Le label est payant «parce qu’il y a un audit», a renchéri Yves Jégo, son créateur : «S’il n’y a pas d’audit, ça ne vaut rien.» Surtout ne pas copier «Elu produit de l’année», décerné aux marques par les marques et pas crédible.

Pourquoi fabriquer encore en France ? Les industriels mettent en avant des convictions, mais n’oublient jamais qu’ils sont dans une économie de marché. Pour défendre le made in France, il faut pouvoir faire son chiffre d’affaires avec.

Philippe Peyrard, dirigeant de la coopérative d’opticiens Atol, explique à la tribune des assises qu’il a fait «un boulot d’évangélisation» auprès des marques de lunettes. 20% des produits d’Atol sont labellisés OFG. Mais l’action de la coopérative a été plus vaste : elle a revitalisé le tissu de petits fabricants de Morez (Jura) «qui était mourant». Et surtout, elle a tenu face aux concurrents : «Sur notre site de production à Beaune, nous avons réussi à être plus compétitifs sur le montage verres-monture que des sites japonais. Mais ça nous a pris sept ans.» Le statut coopératif«permet un capitalisme un peu moins pressé», a reconnu Peyrard. Atol emploie 125 personnes.

Produire en France présente aussi des avantages techniques. Vénérable entreprise née en 1930, Lafuma a connu une seconde jeunesse depuis qu’elle a appliqué son dispositif de tubes et toile, inventé pour le sac à dos, au mobilier de jardin. Le transat Lafuma est labellisé OFG, ce qui se révèle capital dans un marché envahi par les importations. «Produire en France, c’est être capable de réagir rapidement, explique Arnaud du Mesnil, le directeur général. Vous avez une idée, le prototype est là dans l’après-midi et vous pouvez le tester tout de suite dans la distribution.»

Tournée. Conséquence de la crise, souci de l’environnement, prise de conscience des dégâts d’une certaine forme de mondialisation ? Les mentalités ont changé et là réside une des clés du made in France. «Les clients veulent savoir ce qu’il y a derrière le produit», constate Gilles Attaf (Smuggler). Emery Jacquillat, qui a relancé la Camif en 2010, a fait de cette curiosité un levier commercial. Par deux fois, il a emmené ses clients dans un «tour du made in France». On voit la vidéo de leurs visites d’usines sur le site de la marque, de même que des films montrant les coulisses des fabricants. «On "discountise" nos propres modes de vie et les gens ont compris ça», assure Jacquillat.

Depuis qu’Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Economie, a lancé sa croisade pour la fabrication française en n’hésitant pas à poser en marinière Armor Lux, le thème est entré dans le débat public. «L’esprit du made in France est une forme de réconciliation», a pontifié l’ancien ministre à Reims. «N’importe qui est capable de comprendre que la mention OFG représente le salaire d’un ouvrier», a plus simplement résumé Laurent Colas, PDG des planchas Eno. Le thème remonte le moral. «C’est un anxiolytique gratuit», a-t-il conclu.

Sibylle Vincendon

 

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