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lieux littéraires

  • Catégories : Des lieux, La littérature, Paris(75,Ile de France):vécu,études

    L'esprit des lieux: Saint-Sulpice

    Les secrets de Saint-Sulpice

    par Tristan Savin
    Lire, juillet 2007


     Située à Saint-Germain-des-Prés, l'église de ce quartier de Paris est devenue un lieu hautement touristique depuis le Da Vinci Code. Bien avant cela, les Trois Mousquetaires ou Victor Hugo avaient laissé leurs traces sur des pavés aujourd'hui foulés par Umberto Eco ou Mario Vargas Llosa.

    Il y a des engouements populaires plutôt sympathiques. Par exemple, celui des adorateurs du petit sorcier Potter se rendant sur ses traces à Oxford. Ou quand des pèlerins aux allures de païens, en quête des secrets du Da Vinci Code, découvrent notre patrimoine. L'église Saint- Sulpice, à Paris, n'a pourtant pas attendu Dan Brown: elle attire les hommes de lettres depuis des lustres. Viennent-ils s'abreuver à la fontaine des orateurs sacrés (Bossuet, Fénelon, Fléchier et Massillon)? Ou remercier les pères qui sauvèrent la Corporation des maîtres-écrivains au XVIIIe siècle?

    C'est ici, au coe; ur de SaintGermain-des-Prés, et non à Notre-Dame-de-Paris, que Victor Hugo épousa Adèle Foucher en 1822. Il y situera plus tard une scène des Misérables. Le marquis de Sade et Charles Baudelaire y furent baptisés. Ernest Renan fréquenta le séminaire de Saint- Sulpice. Et les Trois Mousquetaires patrouillèrent dans le quartier: «L'on rencontrait toujours les inséparables se cherchant du Luxembourg à la place Saint-Sulpice» (chapitre VII). Ce n'est pas un hasard si Michel Déon vécut vingt ans rue Férou: «C'était la rue d'Athos, dans un ancien hôtel particulier accoté à l'hôtel de Mme de La Fayette.»

    De nos jours, on y croise Umberto Eco ou Mario Vargas Llosa. Celui-ci réside derrière l'église et lui rend des hommages déguisés: «Flora Tristan, le personnage principal de mon dernier roman, voyait de ses fenêtres les tours de Saint-Sulpice.» Ces tours, Henry Miller les prit pour des beffrois: «Les gros clochers, les affiches gueulardes sur la porte, les cierges flambant à l'intérieur. La place si aimée par Anatole France, avec ce ronron bourdonnant de l'autel, le clapotis de la fontaine, le roucoulement des pigeons, les miettes qui disparaissent comme par enchantement [...] Saint-Sulpice n'avait pas alors grand sens pour moi» (Tropique du Cancer, p. 42.).

    Joris-Karl Huysmans, adepte de l'occultisme, y planta le décor d'un roman: «Il fréquentait volontiers cette église [...] parce qu'il pouvait, loin des foules, s'y trier en paix. L'horreur de cette nef, voûtée de pesants berceaux, disparaissait avec la nuit; les bas-côtés étaient souvent déserts, les lampes peu nombreuses éclairaient mal; l'on pouvait se pouiller l'âme sans être vu, l'on était chez soi...» (En route).

    Le sanctuaire de saint Sulpicius le Pieux servit de siège social à de nombreuses sociétés secrètes. Rendez-vous des alchimistes, rosicruciens et francs-maçons, le lieu fut surnommé «Nouveau temple de Salomon». Et ses fresques restent une énigme. Jean-Paul Kauffmann leur consacra un ouvrage: «L'intérieur de l'église, sa couleur grise de vieux papier journal. Immédiatement, à main droite, la chapelle des Saints-Anges. Le vitrail est nu. Seules les murailles peintes par Delacroix resplendissent.» (La lutte avec l'ange, p.13.) Le tableau avait déjà inspiré un roman à Anatole France: «J'ai pénétré les antiquités orientales, la Grèce et Rome, j'ai dévoré les théologiens, les philosophes, les physiciens, les géologues, les naturalistes. J'ai su, j'ai pensé, j'ai perdu la foi» (La révolte des anges). Longtemps suspecté d'être l'un des Grands Maîtres du Prieuré de Sion, lié à Saint-Sulpice, Victor Hugo déclarait: «C'est par la souffrance que les êtres humains deviennent les anges...» Comment percer autant d'obscurité? Anatole France dut s'en convaincre: «Une certaine connaissance des sciences occultes devient nécessaire à l'intelligence d'un grand nombre d'oe; uvres littéraires de notre temps.»

    Carnet d'adresses à Paris
    Le café de la Mairie
    8, place Saint-Sulpice
    Fréquenté par les surréalistes, Beckett, Perec, Hemingway, Fitzgerald... Djuna Barnes en fit un théâtre dans Le bois de la nuit.

    Hôtel Louis II
    2, rue Saint-Sulpice
    Pour son atmosphère XVIIIe siècle.

    Henry Miller
    Tropique du Cancer (Folio)

    Huysmans
    En route (Folio)

    Jean-Paul Kauffmann
    La lutte avec l'ange (Folio)

    Source:http://www.lire.fr/chronique.asp?idc=51486&idR=142&idG=