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  • Êtes-vous Larousse ou Robert ?

    Par Sebastien Lapaque
    28/07/2010 | Mise à jour : 18:42

    DUELS AU SOLEIL (16) - D'un côté, pages roses, petits drapeaux et une orthographe immuable, ou presque. De l'autre, les mystères de l'alphabet phonétique et le souvenir des dissertations difficiles. C'est le jour et la nuit. 

     

     

    Le lecteur du Petit Larousse, c'est d'abord quelqu'un qui aime retrouver son enfance et ces longs après-midi méditatifs passés dans les pages de la fin, avec la reproduction en couleur des drapeaux de tous les pays du monde. Qui s'en souvient? C'était l'époque où l'on apprenait à voyager autour de sa chambre en s'appliquant à reproduire le drapeau du Vanuatu, de la Syrie, du Zimbabwe ou du Pakistan.

    Pour rêvasser en lisant Le Petit Larousse, pas besoin de savoir lire. Il y a des photographies, des schémas, des cartes, des images. On ne peut pas en dire autant du Petit Robert. Ses concepteurs se retrouvent avec Jacques Tati pour penser que trop de couleurs distrait le spectateur. Mettez-le entre les mains d'un petit garçon de quatre ans un jour de pluie ou de vent cet été, il pourrait de ne pas rêver très longtemps. Même sa grande sœur de huit ans risque de s'y perdre dans tous ces hiéroglyphes, ces prononciations phonétiques entre crochets, ces abréviations et ces étymologies latine, grecque, allemande, italienne, espagnole ou arabe. Pour ce qui est de l'aîné, le grand frère de seize ans qui s'apprête à entrer en première, espérons qu'il comprenne tout ça, mais les laborantins fous de l'expérimentation pédagogique ont fait tant de ravages depuis vingt ans qu'on ne le jurerait pas.

     

     

    Après les drapeaux, ce qu'affectionne le lecteur du Petit Larousse, ce sont les pages roses et cette belle collection de maximes latines que Goscinny a glissées dans les phylactères des pirates jetés sur la route d'Astérix et Obélix: Non omnia possumus omnes; Desinit in piscem; Donec eris felix, multos numerabis amicos; Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant. M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Grâce au Petit Larousse, nous sommes quelques-uns à avoir marmonné du Virgile (Non omnia), du Horace (Desinit), du Ovide (Donec eris) ou du Tacite (Ubi solitudinem) sans savoir ce qu'étaient un verbe déponent ou un gérondif. Revenir au Petit Larousse c'est retrouver la maison de son enfance. C'était tellement mieux avant. Le souvenir embellit les choses à mesure qu'elles s'éloignent. Les pages roses le disent: Majore longinquo reverentia, «L'éloignement augmente le prestige» (Tacite, Annales I, 47).

    L'ami du Petit Robert aime lui aussi renouer avec le passé, mais celui des premières rédactions au collège, des dissertations difficiles au lycée, des devoirs en classe préparatoire ou à l'université. Le vert paradis des journées passées à la bibliothèque Sainte-Geneviève. Forcément moins ensoleillé. Choisir entre Le Petit Robert et Le Petit Larousse, c'est un peu choisir entre l'hiver et l'été. On se voit volontiers feuilleter celui-ci dans un hamac, pas celui-là.

    En mai 1968, nous rappelait récemment Jean Dutourd, les insurgés du Quartier latin proclamaient: «L'orthographe est un mandarinat». Les enfants gâtés de la génération lyrique ont rangé leurs drapeaux rouges mais ils se sont accrochés à ce slogan. Ouvertement réformateur, Le Robert est leur dictionnaire de prédilection. Faut-il écrire charriot ou chariot? Sèche-cheveux ou sèche-cheveu? Dans les maisons d'édition et les journaux, les correcteurs octroient souvent l'avantage au Petit Larousse en cas de litige. C'est le dictionnaire des gens rigoureux qui aiment les choses stables. Ses lecteurs n'ont pas le culte de la nouveauté, ils n'aiment guère qu'on leur parle de «corpus» ou de «balisage logique». Le Larousse est d'avant-hier et d'après-demain. Tellement intemporel qu'il ne sera jamais démodé. Dans le film François Ier de Christian-Jaque (1937), il permet à Honorin, le personnage interprété par Fernandel, de lire dans l'avenir après avoir remonté le temps jusqu'au XVIe siècle avec son «livre magique» sous le bras.

     

     

    LIRE AUSSI :

    » Les précédents «Duels au soleil»

     

  • Jean-Marc Roberts est mort

    Publié le 25 mars 2013 par cf

    (Photo : Jean-Marc Roberts en 2011 © O.Dion)

    L’écrivain et éditeur, patron de Stock, est décédé lundi 25 mars en fin de matinée des suites d’un cancer.

    Disparu à 58 ans, lundi 25 mars en fin de matinée des suites d’un cancer, le directeur général de Stock Jean-Marc Roberts venait de publier son 22e roman Deux vies valent mieux qu’une (Flammarion) dans lequel il tisse habilement le quotidien de la maladie qui s’était déclarée à l’été 2011 avec ses souvenirs d’adolescence en Toscane. Un livre à la fois léger, souvent drôle, et grave, maîtrisé jusque dans la nonchalance. (1)

    Ecrivain réputé, surtout depuis le prix Renaudot attribué en 1979 à Affaires étrangères porté à l’écran par Pierre Granier Deferre en 1981 sous le titre Une étrange affaire, puisant toujours ses sujets dans sa vie pour en faire une sorte d’autofiction à sa façon, avec pirouettes et chausse-trappes, Jean-Marc Roberts a été également un grand éditeur, aimant notamment soutenir des textes d’autofiction, au risque du scandale, comme l’œuvre de Christine Angot.

    Tout récemment, il était remonté au créneau, trouvant la force de répondre à quelques interviews pour voler au secours de Marcela Iacub et de son livre Belle et Bête, qu’il avait publié chez Stock et qui, mettant en scène une supposée liaison avec Dominique Strauss-Kahn, a défrayé la chronique pendant plusieurs semaines.

    Cela lui avait permis de définir une nouvelle fois sa conception du métier d’éditeur. A la question de Sylvain Bourmeau, pour «Le Mag» de Libération le 9 mars dernier, «C’est quoi votre catalogue?», il avait répondu: «Un goût. Parfois un bon goût, parfois un mauvais goût. Un goût, c’est ce qu’il y a de plus difficile à avoir. J’en connais tant qui n’en ont aucun. Qui demandent leur avis à tout le monde avant de publier un livre. Comme si, amoureux d’une fille, tu demandais leur avis à dix personnes».

    Jean-Marc Roberts a commencé sa carrière d’éditeur en 1973, chez Julliard, presqu’en même temps que sa carrière d’écrivain, puisque son premier roman, Samedi, dimanche et fêtes a été publié au Seuil en 1973 également. Il a ensuite été éditeur au Seuil où, au cours des seize années qu’il y a passé, il s’est fait une solide réputation de «faiseur de prix».

    Après un court passage chez Grasset, puis au Mercure de France, il est appelé par Claude Durand, P-DG de Fayard, pour y développer un département de littérature française. En 1998, il prend la direction de Stock, où il transporte sa collection et la célèbre couverture bleue qui signe depuis les romans français de la maison.

    Au cours de ses quarante ans d’édition, Jean-Marc Roberts a imprimé sa marque personnelle dans un grand amour de la littérature et des écrivains, prêt à tout pour valoriser ses auteurs, revendiquant toujours sa liberté.

    Parti sur un ultime combat et un dernier livre, quintessence de son talent, Jean-Marc Roberts laisse l’image du «grand éditeur à la française», proche de ses auteurs et professionnel avisé, grand séducteur devant l’éternel.

    Dans leur communiqué, Stock et sa maison mère, Hachette Livre soulignent: «Il nous a quitté comme il a vécu, avec lucidité et panache, en auteur et éditeur de grand talent.»

    La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, qui a publié deux ouvrages chez Stock, a rendu un hommage ému à son éditeur :« Je voudrais dire mon éternelle gratitude pour celui qui m’a entourée de ses conseils avisés et de ses encouragements incessants, pour me donner la force et la confiance d’écrire, celui qui, depuis dix ans maintenant, était devenu mon ami, a-t-elle souligné. Je voudrais rendre hommage à cet homme qui aimait si passionnément les livres qu’il consacrait autant d’énergie et de talent à les écrire et à les éditer et servait avec la même passion les livres des autres et les siens. S’il était un éditeur remarquable, fidèle, attentif, généreux, toujours si disponible, c’est parce qu’il était lui-même un très grand écrivain. »

    (1) Voir notre article dans Livres Hebdo n°943, du 1.3.2013, p. 61.

    http://www.livreshebdo.fr/les-gens/actualites/jean-marc-roberts-est-mort/10346.aspx

  • Robert DESNOS Recueil : ”Chantefables” , Le crapaud”

    Sur les bords de la Marne
    Un crapaud il y a
    Qui pleure à chaudes larmes
    Sous un acacia.

    — Dis-moi pourquoi tu pleures
    Mon joli crapaud ?
    — C’est que j’ai le malheur
    De n’être pas beau.

    Sur les bords de la Seine
    Un crapaud il y a
    Qui chante à perdre haleine
    Dans son charabia.

    — Dis-moi pourquoi tu chantes
    Mon vilain crapaud ?
    — Je chante à voix plaisante,
    Car je suis très beau,
    Des bords de la Marne aux bords de la Seine
    Avec les sirènes.

  • Hommage national à Robert Badinter

     https://www.france.tv/france-2/direct.html

    Le Président sera présent ce mercredi midi, place Vendôme, pour un hommage national à Robert Badinter, un «sage» et une «conscience républicaine», mort la semaine dernière. Le chef de l’Etat a promis de s’exprimer, dans son discours, sur une éventuelle entrée au Panthéon de l’ancien ministre de la Justice et avocat, ce temple républicain qui proclame sur son fronton «Aux grands hommes, la patrie reconnaissante». 

    https://www.la-croix.com/france/direct-hommage-national-robert-badinter-macron-aujourdhui-justice-ceremonie-20240214

    Requête Le PS demande officiellement la panthéonisation de Robert Badinter, Emmanuel Macron y réfléchit

    Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a adressé ce mardi 13 février un courrier au président de la République - que «Libération» a pu consulter - pour demander que l’ancien garde des Sceaux rejoigne Victor Hugo au Panthéon. Lire plus

    La UneLa une du jour

    Robert Badinter : la force du droit, rempart contre le populisme

     

    L'essentiel ce matin

    13/02/2024 à 10:00

    Chronique Dans cette période de fragilisation des démocraties, il faut se souvenir du combat de Robert Badinter pour que le droit entre pleinement dans la République, via le Conseil constitutionnel. Non pas un « gouvernement des Juges » comme on a pu lui reprocher, mais la force du respect des grands principes fondamentaux.   >> Lire la suite

    Robert Badinter : la force du droit, rempart contre le populisme

     

    guillemet.png  Par

    Chronique Dans cette période de fragilisation des démocraties, il faut se souvenir du combat de Robert Badinter pour que le droit entre pleinement dans la République, via le Conseil constitutionnel. Non pas un « gouvernement des Juges » comme on a pu lui reprocher, mais la force du respect des grands principes fondamentaux.   >> Lire la suite

    La Croix A vif

  • J'ai aimé lire hier:Masaccio - Adam et Eve chassés du Paradis

    Le Musée du Monde - vol. 33

    Cette scène appartient à l’ensemble de fresques, évoquant le péché originel et la vie de saint Pierre, qui ornent, à Florence, les murs de la chapelle fondée par Pietro Brancacci, en 1386, au sein de l’église Santa Maria del Carmine (Sainte-Marie-du-Carmel). Ce cycle de peintures murales, exécuté dans les années 1424-1428, est le fruit d’une collaboration entre Masolino da Panicale et Masaccio. Il sera complété entre 1480 et 1485 par Filippino Lippi, élève de Botticelli. Les fresques de la chapelle Brancacci marquent une étape cruciale dans l’essor de la peinture florentine de la Renaissance. Elles concentrent en effet les premières applications des principes de la perspective, découverts et développés par l’architecte Filippo Brunelleschi, au début du XVe siècle. Le renouveau apporté par le langage artistique de Masaccio provient également d’une représentation attentive et minutieuse de la nature et des sentiments, traduisant en images les idées nouvelles qui vont caractériser la culture de la Renaissance et placeront l’homme au centre du monde.

     

    http://boutique.lemonde.fr/livres/musee-du-monde/musee-du-monde-33-masaccio.html

  • J'ai commencé hier soir et arrêté ce matin:Sisters / Michelle Adams(médiathèque)

    Sisters / Michelle Adams | Adams, Michelle

    Michelle Adams ; traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Nicolas Jaillet

    Edité par Bragelonne , DL 2017

    Irène n'avait que trois ans lorsqu'elle a été abandonnée par ses parents. Sa soeur, elle, est restée. Ils lui ont préféré cette soeur tyrannique, destructrice et méchante. Près de trente ans ont passé. Une nuit, Irène reçoit un coup de téléphone de cette soeur qu'elle n'a pas revue depuis si longtemps. Eleanor lui apprend que leur mère vient de mourir, et la presse de revenir dans la maison familiale, en Ecosse, pour l'enterrement. En acceptant de renouer avec sa famille, Irène ne se doute pas qu'elle va découvrir une vérité plus traumatisante que celle qu'elle recherche depuis toujours. Elle pensait que ses parents ne voulaient plus d'elle. Et si la vérité était plus horrible encore ?

    http://mediatheques.saint-etienne.fr/EXPLOITATION/Default/rsc/393574/sisters-michelle-adams

  • Robert Redeker, l'appel au soldat

    Home MON FIGARO Mon Figaro
      • Par Charles Jaigu
      • Mis à jour le 15/01/2014 à 19:15
      • Publié le 15/01/2014 à 18:33

    En cet après-midi de janvier, une averse passe dans la rue de Richelieu où se trouve le petit bureau de l'éditeur Pierre-Guillaume de Roux. Dans un immeuble où vécut jadis Diderot, se tient un homme rondouillet, un appareil de photo à la main. Il pourrait être un badaud de passage. Il a fait la route depuis Toulouse pour cet entretien, avant de repartir incognito dans les profondeurs du Sud-Ouest, vers une adresse inconnue.

  • De François Mauriac à Robert Bresson

    Anne Wiazemsky raconte comment, à 17 ans, elle fut choisie par Bresson pour jouer dans « Au hasard Balthazar »

     

    Rien n'est plus difficile, pour un écrivain parvenu à la pleine possession de ses moyens, que de reconstituer, sans le fausser par les rajustements de l'expérience, l'état de fragilité, de précarité psychologique traversé dans l'adolescence. Le danger serait de le raconter de haut, avec l'autorité du jugement. Or Anne Wiazemsky raconte son histoire d'autrefois en restant au niveau de ses émotions d'autrefois : c'est le miracle de ce livre. Elle se met dans la peau, les yeux, le coeur d'une jeune fille de 17 ans qui se trouve dans la presque intimité d'un monstre sacré (65 ans, cheveux blancs). Bresson ne l'a pas seulement choisie : il ne se contente pas de la diriger, il entend la former, la façonner, la plier à sa volonté, la déconstruire et reconstruire à sa guise, avec une souveraineté manipulatrice qui frise la tyrannie.
    Il est vrai qu'Anne n'est pas la première venue : elle est la petite-fille de François Mauriac. Ce qui complique les choses pour elle. A cette époque, on voyait d'un mauvais oeil, chez les grands bourgeois, leur enfant se risquer dans les milieux forcément louches du cinéma. Que de pièges pour sa vertu... La jeune fille les déjouera avec la virtuosité de l'innocence, quitte à franchir le pas redouté par sa mère : ce qui donne lieu à une délicieuse scène de comédie, entre mère et fille, un morceau d'anthologie pour comprendre les moeurs de 1965.

    Les portraits de François Mauriac (oh ! ce regard «à la fois tendre et féroce, qui avait le pouvoir de décontenancer tout le monde»), de Robert Bresson, exigeant jusqu'au sadisme, sujet néanmoins à des accès de faiblesse, de Pierre Klossowski, figurant dans le film, tout cabossé et avec l'air d'un crabe, du jeune Jean-Luc Godard, venu sur le tournage en visiteur, la mauvaise volonté de l'âne, second héros du film, tout ce pittoresque relaté avec saveur et drôlerie fait de ce livre un document inappréciable. L'essentiel, pourtant, est ailleurs : dans l'évocation de ce bref passage de l'enfant à l'adulte.
    Imaginez cette actrice débutante : elle n'était jamais sortie de sa famille catholique, très enveloppante, sinon étouffante, et la voilà lancée dans le monde des faux-semblants, sous la direction toutefois d'un homme droit et vrai, modèle de rectitude malgré son absolutisme. Première contradiction, premier trouble. Elle profite du fait qu'elle est en vacances de son foyer pour devenir femme, à l'aide d'un jeune gars de l'équipe. Deuxième mutation. Revenue parmi les siens, elle s'aperçoit qu'elle est devenue radicalement autre. Grâce au cinéma, qui prend ici figure de symbole : avant de monter sur le plateau, elle se tenait dans l'ombre de sa famille. Une fois sous les projecteurs, elle découvre la lumière d'une nouvelle vie.
    « Jeune Fille »n'est pas seulement l'histoire des débuts d'Anne Wiazemsky dans un métier qu'elle illustrera avec un talent notoire. Si ce livre est aussi émouvant, c'est qu'il est celui de toutes les jeunes filles, l'histoire universelle du passage d'un âge à un autre, le récit de l'initiation au bout de laquelle on cesse d'appartenir à son milieu d'origine pour n'être plus que soi-même.


    «Jeune Fille», par Anne Wiazemsky, Gallimard, 224 p., 16,90 euros.

    Née en 1947, Anne Wiazemsky, comédienne et romancière, a tourné avec Godard, Pasolini, Deville, et reçu le grand prix du roman de l'Académie française en 1998 pour « Une poignée de gens ».

     



     

    Dominique Fernandez

    Le Nouvel Observateur - 2201 - 11/01/2007

     

    http://livres.nouvelobs.com/parutions/p2201/a2201_062.html

     

  • ”Les colosses de Memnon ”de David Roberts

    David_Roberts_Memnon.jpgDavid Roberts (1796 - 1864)
    Vue sur les colosses de Memnon pendant la saison de l’inondation
    Egypt and Nubia 1846-1849

    Jusqu’à la construction du barrage d’Assouan, la crue du Nil inondait chaque année les terres fertiles. Les flots atteignaient souvent la bordure du désert et recouvraient entièrement le temple funéraire d’Aménophis III dont on ne voit plus que les deux colosses.

    http://www.jmrw.com/Abroad/Egypte/Louxor/Site_Louxor/pages/David_Roberts_Memnon.htm

  • ”Une belle saloperie” de Robert Littell

    Robert Littell : "Sous la bonne étoile de Chandler"

    Le Monde | 08.05.2013 à 18h24 • Mis à jour le 09.05.2013 à 10h45

    Par Franck Nouchi

     
     

     Ce mardi 30 avril, il fait froid et gris sur Paris. Robert Littell nous a donné rendez-vous à La Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad. "C'est bien, souligne-t-il, d'avoir gardé ce nom de Stalingrad, et d'avoir voulu ainsi rendre hommage au courage des soldats russes."

    Robert Littell.

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    Avec Robert Littell, l'histoire, la grande histoire, n'est jamais loin. Dans son maître-livre, La Compagnie. Le grand roman de la CIA (Buchet-Chastel, 2003), l'ancien journaliste de Newsweek, autrefois spécialisé dans les affaires soviétiques, a démontré à quel point espionnage et littérature pouvaient faire bon ménage. En 2009, il s'est aventuré loin des services secrets avec un merveilleux livre intitulé L'Hirondelle avant l'orage (Baker Street) consacré au poète russe Ossip Mandelstam (1891-1938). Deux ans plus tard, il est revenu à "son" sujet, consacrant un livre étonnant à Kim Philby, l'un des cinq "espions de Cambridge", ce groupe d'étudiants britanniques qui travailla pour le compte de l'URSS (Philby. Portrait de l'espion en jeune homme, Baker Street).

    Robert Littell - Une belle saloperie.

    Et voilà qu'aujourd'hui Littell publie Une belle saloperie, un polar de facture on ne peut plus classique. On lui rappelle ce qu'il avait dit un jour à propos de John le Carré : "J'adore ses premiers livres sur la guerre froide, qui est son sujet favori. Ses romans qui ont suivi la chute du communisme, je les trouve moins percutants. Tout comme la CIA a perdu son ennemi, le Carré a perdu son sujet." La même mésaventure ne lui serait-elle pas arrivée, expliquant ce passage au roman policier ? Il nous coupe : "Permettez-moi de retirer cette opinion à propos de John le Carré. J'ai dit cela alors qu'il était au début d'un nouveau cycle. Je le retire. C'est un grand écrivain de roman, peu importe le sujet. Ses personnages sont incroyables, son écriture superbe."

    LA CHAISE À BASCULE, LE BANJO ET LE ROMAN POLICIER

    Cette précision apportée, la question demeure : pourquoi, lorsque l'on est un des maîtres du roman d'espionnage, se mettre tout à coup à écrire un roman dont le héros est un détective privé ? Dans un français presque parfait en dépit d'un fort accent américain, Littell explique : "Vous savez, les Américains ont inventé trois choses remarquables : la chaise à bascule, le banjo et le roman policier. Comme Kennedy, j'aime les chaises à bascule. J'aime aussi la musique de banjo. Et comme je suis un écrivain américain, je me suis dit que j'allais essayer d'écrire dans ce style inventé par Edgar Allan Poe, puis, un siècle plus tard, par Raymond Chandler. On ne se rend pas compte, je crois, à quel point Chandler est un grand écrivain. Il a eu plus d'influence qu'Hemingway, que je n'aime pas, et que Fitzgerald, que j'adore."

     Robert Littell.

    Alors, justement, puisqu'il cite Chandler et qu'en lisant Une belle saloperie on y a souvent pensé, voyons ce que l'auteur du Grand Sommeil écrivait à propos de son personnage fétiche, Philip Marlowe : "Je crois qu'il aura toujours un bureau minable, une maison solitaire, des aventures mais pas de liaison durable. Je crois qu'il sera toujours réveillé à une heure insolite par des gens insolites pour faire des choses insolites. Je crois que c'est sa destinée – pas la plus enviable peut-être, mais c'est la sienne." "C'est incroyable !, rigole Robert Littell en attrapant mon exemplaire des Lettres de Chandler (Christian Bourgois, 1980). Il faudra que je me procure ce livre ! Marlowe était un homme moral aux prises avec des situations immorales. Lemuel Gunn lui ressemble beaucoup."

    Lemuel Gunn, un drôle de nom, non, pour un détective privé ? "Je commence toujours par nommer mes personnages. Lemuel, ça vient de Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, un livre que j'aime énormément. On s'y fait la guerre juste parce qu'un roi a voulu imposer le côté par lequel devaient être cassés les oeufs à la coque ! Il y a chez Lemuel Gulliver quelque chose de l'ordre de la naïveté, de l'innocence, que je voulais retrouver chez mon personnage." Et Gunn ? "C'est l'autre facette de l'Amérique. La plus violente. Songez qu'il y a chez nous 314 millions d'habitants et autant d'armes à feu (gun, en anglais) !"

    Gunn nous fait penser à ce que disait Chandler, encore lui, à propos du détective privé tel qu'il apparaît dans les romans : "C'est une créature fantastique qui agit et qui parle comme un homme réel. Il peut être tout à fait réaliste dans tous les sens du terme, sauf un : dans la vie comme nous la connaissons, il ne serait pas détective privé." "Au fond, je crois que j'ai essayé d'écrire un roman sous la bonne étoile de Chandler", sourit Littell.

    QUELQUE PART DANS UN TROU PERDU

    Il raconte comment l'idée d'Une belle saloperie lui est venue lors d'un voyage dans l'ouest des Etats-Unis avec sa femme. D'abord à Santa Fe puis quelque part dans un trou perdu à la frontière du Nevada et de la Californie. Certains détails figurant dans le roman – l'hôtel abandonné, ces immenses trains de marchandises de plus de 150 wagons, les deux casinos de part et d'autre de la route, paumés en plein désert – c'est au cours de ce voyage qu'il les a repérés. Il avait le décor, restait à créer les personnages. "C'est le plus important. Il faut les suggérer, focaliser sur les détails, de manière à ce que, peu à peu, ils s'installent dans la tête du lecteur. Je pense souvent à Fitzgerald, qui disait que pour construire un personnage de fiction, il lui fallait huit personnages de la vraie vie. Darryl Zanuck, le producteur d'Hollywood, insistait lui sur l'importance cruciale des seconds rôles. "Quand ils apparaissent sur l'écran, disait-il, ce sont eux les vedettes du film."" Mais alors, que se passe-t-il quand un texte est adapté pour le cinéma ou la télévision ? Robert Littell, dont la Fox a voulu transformer le roman Légendes (Flammarion, 2005), en série – seul un pilote a été tourné pour le moment –, est ambivalent : "Je crois beaucoup à l'idée que le lecteur devient en quelque sorte le coauteur du livre qu'il lit. Au cinéma, on voit un personnage à l'écran et on n'a aucun travail à faire..."

    On n'a pas tous les jours l'occasion de converser avec Robert Littell. Depuis la lecture de Philby. Portrait de l'espion en jeune homme, une question nous taraudait : qui était vraiment cet Anglais a priori démasqué comme agent soviétique ? Un agent double ? Un agent triple ? "Je ne sais pas... Tout ce que je raconte dans le post-scriptum, à la fin du livre, est exact : les liens entre l'ancien maire de Jérusalem, Teddy Kollek, et le chef légendaire du contre-espionnage américain, James Angleton ; leur rencontre à Washington, en 1952, et ce moment incroyable où, avant d'entrer dans le bureau d'Angleton, Kollek croisa Philby dans le couloir. Angleton avait-il personnellement retourné Philby ? Philby était-il depuis le début un agent britannique se livrant à la désinformation vis-à-vis de Moscou ? Je n'en sais rien... Tout est possible..."

    Tout est possible aussi pour son prochain livre, à propos duquel Robert Littell ne veut rien révéler. Seul indice : Gunn ne sera pas de la partie. L'écrivain cite La Tempête"Le passé est un prologue " –, et ajoute : "Le plus étonnant, c'est que des gens, après avoir lu Shakespeare, aient encore l'audace d'écrire !" A se demander s'il n'existe pas des romanciers doubles, comme il existe des agents doubles !

    Une belle saloperie (A Nasty Piece of Work), de Robert Littell, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Cécile Arnaud, Baker Street, 316 p., 21 €.

    Parcours

    1935 Robert Littell naît à New York.

    1964 Il entre comme journaliste à l'hebdomadaire Newsweek.

    1973 Il publie La Boucle, son premier roman d'espionnage (Presses de la Cité, et récemment réédité chez J'ai lu sous le titre La Défection de A. J. Lewinter).

    2002 La Compagnie. Le grand roman de la CIA (Buchet-Chastel, 2003).

    2011 Philby, portrait de l'espion en jeune homme (Baker Street).

     

    Extrait

    ""(...) La rumeur m'a dit qu'il vous arrivait d'accepter d'être payé au résultat...

    - Et la rumeur vous a dit quoi d'autre ?

    - Que vous aviez l'air jeune, mais parliez comme un vieux. Que vous aviez été un brillant enquêteur de la brigade criminelle du New Jersey, avant que la CIA ne vous persuade de devenir une sorte d'espion. Que vous ne vous répandez jamais là-dessus. Que vous avez été viré sans indemnité à la suite d'un incident en Afghanistan qui a été promptement étouffé. Que vous avez porté le chapeau pour avoir suivi des ordres sans pouvoir prouver qu'ils vous avaient été donnés. Que vous étiez un fouteur de merde dans une guerre déjà assez merdique sans vous. Que vous êtes venu dans l'Ouest pour travailler comme détective, afin de découvrir la manière de vivre à laquelle vous vouliez vous habituer. Que vous êtes un malin, un dur à cuire, que vous avez de la chance et ne vous découragez pas facilement. Que ce que vous faites, vous le faites bien, et que ce que vous faites mal, vous ne le faites pas. En d'autres termes, vous êtes contre l'idée que si une chose se doit d'être faite, elle se doit d'être mal faite. (...)

    — Juste par curiosité, vous voulez bien identifier la rumeur ?"

    Elle m'adressa un autre de ces demi-sourires contrits. "Euh, il vaut mieux pas. Si je vous le disais, vous risqueriez de m'envoyer promener. C'est ce qu'a affirmé la rumeur. Elle a dit que vous lui en vouliez d'être trop disponible. Que, psychologiquement parlant, vous portiez des cols empesés et que vous aimiez les femmes qui aimaient les hommes qui leur tenaient la porte. Elle a dit que vous étiez né dans le mauvais siècle.""

    "Une belle saloperie", page 22

     

    "Une belle saloperie", critique

    Agent de la CIA en poste en Afghanistan, Lemuel Gunn est le témoin d'atrocités commises par des militaires américains sur des civils afghans. Non seulement personne, à Washington, ne prête la moindre attention à son rapport, mais, en plus, l'Agence préfère le virer. "Vous vouliez savoir d'où vient ma colère, elle vient des tripes", explique Gunn.

    Le revoilà plus tard devenu détective privé, sa plaque apposée sur une caravane tout alu, utilisée dans les années 1930 par Douglas Fairbanks Jr. quand il tournait Le Prisonnier de Zenda. Elle est à présent garée à Hatch, Nouveau-Mexique. L'histoire commence lorsque Lemuel entraperçoit "une paire de chevilles nues et bien galbées" plantée dans le sable devant "Il était un toit" – c'est le nom de sa caravane.

    Inutile de raconter la suite, Littell a le savoir-faire des meilleurs auteurs de polars. Avis tout de même aux aficionados du maître (américain) de l'espionnage : passez votre chemin si l'idée de ne pas vous retrouver aux prises avec une histoire d'espion compliquée à souhait vous insupporte. Une belle saloperie est un exercice de style (réussi), un de ces romans policiers d'un grand classicisme que l'on dévore en une journée, le temps de savoir si Gunn parviendra à retrouver Emilio Gava qui doit 150 000 dollars à Ornella Neppi, une intrigante comtesse aux pieds nus d'origine corse.

    "Nul besoin d'être Philip Marlowe pour savoir que j'étais dans le pétrin", dit Gunn. Sur un air de Chandler, voilà bien un roman noir aussi sympathique que palpitant. F. N.

    Une belle saloperie (A Nasty Piece of Work), de Robert Littell, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Cécile Arnaud, Baker Street, 316 p., 21 €.

     

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  • Robert Crumb: «la plupart des artistes intéressants sont des gens déséquilibrés»

    The Art Newspaper France

    La sélection du week-end

    Robert Crumb: «la plupart des artistes intéressants sont des gens déséquilibrés»

    Par Stéphane Renault.



    Légende vivante de la contre-culture américaine, Robert Crumb expose pour la première fois en famille - avec sa femme et sa fille -, à la galerie David Zwirner, à Paris. Retour sur un parcours hors normes.

    À lire dans le mensuel The Art Newspaper de mars 2022.

     


    Témoignages: être un artiste ukrainien en temps de guerre

    Par Liza Premiyak.


    Confrontés à l’invasion russe, les artistes ukrainiens sont contraints de s’abriter dans des bunkers, de s’exiler à la campagne ou de traverser les frontières pour échapper aux bombardements.

    À lire dans le Daily numérique du mardi 8 mars 2022.

     


    L’art d'interroger ce que nous prenons pour acquis

    Par Carole Blumenfeld.


    L’inventeur du terme «trompe-l’œil» nous trompe encore et encore dans une rétrospective, au musée Cognacq-Jay, pensée comme une promenade dans l’œuvre de Louis-Léopold Boilly.

    À lire dans le mensuel The Art Newspaper de mars 2022.

     
     


    À Bourges, Chiachio et Giannone exposent une famille élargie à six couleurs

    Par Christian Simenc.


    Au centre d’art Transpalette, à Bourges, les Argentins Chiachio et Giannone proposent avec l’exposition «Hope Will Never Be Silent» de retisser l’histoire de l’art queer.

    À lire sur le site Internet www.theartnewspaper.fr

     


    Au Centre Pompidou, l’exposition «Réseaux-mondes» explore les interactions entre humains et non-humains

    Par Ben Luke.



    L’exposition collective «Réseaux-mondes» au Centre Pompidou, à Paris, cinquième de la série Mutations/Créations, réunit une soixantaine d’artistes, architectes et designers qui interrogent la place du réseau dans nos sociétés.

    À lire dans le Daily numérique du jeudi 10 mars 2022.

     


    À New York, l'atelier de Roy Lichtenstein offert au Whitney Museum

    Par Benjamin Sutton.


    Le bâtiment dans lequel vivait et travaillait l’artiste pop, situé à quelques rues du musée, sera rénové et deviendra le siège permanent de l'Independent Study Program du Whitney Museum of American Art.

    À lire sur le site Internet www.theartnewspaper.fr

     
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  • ”Lieutenant Eve Dallas, tome 1” : de Nora Roberts

    mediumAutant les autres romans de Nora Roberts me laissent indifférentes, autant j’apprécie la série Eve Dallas qui se passe dans les années 2050.
    Le lieutenant Eve Dallas fait passer son boulot avant toute chose dans l’espoir d’oublier son passé extrêmement douloureux. On la charge d’enquêter sur une affaire très délicate: le meurtre de la petite fille d’un sénateur ultra-conservateur devenue prostituée de luxe. Son principal suspect devient Connors, l’un des hommes les plus riches de la planète (et l’un des plus séduisants, évidemment, c’est du Nora Roberts, quand même).
    Vous devinez la suite, bien sûr. Le premier tome n’est pas mon préféré, loin de là. La série se bonifie avec le temps, devenant un peu moins à l’eau de rose une fois le temps de la séduction passé. Le gros point fort de la série sont ses personnages secondaires, tous très bien définis et sympathiques: Peabody, la partenaire de Dallas, fille New-Age sentimentale; Finney, l’ancien mentor d’Eve, toujours en train de grignoter quelque chose; McNabb, le flic excentrique qui craque pour Peabody; Summerset, le majordome de Connors, l’ennemi juré d’Eve (du moins, elle aimerait le croire)…
    Les enquêtes ne sont pas d’un très bon niveau. J’avoue que je lis cette série pour les personnages récurrents (il m’arrive parfois de sauter les passages qui ne sont liés qu’à l’enquête, honte à moi…).
    J’ai mis longtemps avant de me décider à lire un livre de la série Eve Dallas (ben oui quoi, lire du Nora Roberts, ça fait pas vraiment intello, désolée…) mais je n’ai jamais regretté. Avis aux amateurs.

    http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/18748

  • Robert Laffont, la mort de l'éditeur des coups de coeur

    Par Dominique Guiou, Jean-Claude Lamy
    20/05/2010 | Mise à jour : 06:32 Réagir

    Robert Laffont dans sa maison d'édition, en février 1992.
    Robert Laffont dans sa maison d'édition, en février 1992. Crédits photo : AFP

    Considéré comme le «grand-père de l'édition française», il est décédé mercredi à Paris à 93 ans. Il avait édité plus de 10.000 titres, dont de très nombreux best-sellers, et créé des collections prestigieuses comme «Pavillons» et «Bouquins», avec son complice Guy Schoeller

    Robert Laffont est décédé hier à Paris à l'âge de 93 ans. Il avait édité plus de 10 000 titres, dont de très nombreux best-sellers, et créé des collections prestigieuses comme «Pavillons» et «Bouquins», avec son complice Guy Schoeller. Il a publié deux livres essentiels de la littérature d'après-guerre : L'Attrape-Cœurs de Salinger et Le Désert des Tartares de Dino Buzzati, sans oublier son plus grand succès, Papillon, souvenirs d'un bagnard.

    Rien ne destinait ce fils de la bourgeoisie marseillaise du début du siècle dernier à embrasser la carrière aventureuse d'éditeur. Diplômé d'HEC, titulaire d'une licence en droit, secrétaire général d'une société de remorquage et de sauvetage en mer, le jeune Robert Laffont s'ennuyait ferme à Marseille et s'interrogeait sur son avenir.

    «J'avais une femme et un enfant, une situation en vue, un appartement bien placé et la considération de tous. Soudain, la pensée d'avoir toute une vie à arpenter la rue Paradis m'a semblé intolérable. J'ai décidé de choisir au moins une chose, mon métier. C'est ce jour-là que je suis vraiment né», écrit-il dans le livre qu'il consacra à sa profession d'éditeur.

    Il avait alors 24 ans. Dans la Cité phocéenne qui l'a vu naître le 30 novembre 1916, le jeune homme côtoie un monde cosmopolite. Des milliers de fugitifs, emportés dans la débâcle de mai 1940, ont fait de la grande ville en «zone libre» leur port de salut provisoire. Parmi eux, un certain nombre d'écrivains, peintres, cinéastes, comédiens, exerçant leurs activités à Paris sont devenus des habitués de la Canebière. La présence de ces intellectuels et artistes réfugiés avait ouvert à Robert Laffont de nouveaux horizons. Ces gens de passage correspondaient à son désir de découverte, et discuter avec eux l'engagea à prendre des risques. Sa rencontre, par exemple, avec le metteur en scène André Hunebelle l'incite à s'orienter vers la production cinématographique. Mais il s'aperçoit rapidement qu'il est en train de faire fausse route. Il se tourne alors vers l'édition, conseillé par Roger Allard, un poète et critique d'art qui avait travaillé chez Gallimard, et Guy Schoeller, le responsable de l'agence Hachette de Marseille. Ce dernier essaie de le dissuader de suivre ces voies aventureuses :

    «Mon pauvre ami, vous êtes tenté par les deux chemins qui mènent le plus sûrement à la ruine : le cinéma et l'édition. Le premier est sans nul doute le plus rapide, le second le plus raffiné…»

    Des propos qui stimulèrent l'amour-propre de Robert Laffont, bien décidé à montrer de quoi il était capable. Il retrouvera quelques années plus tard Guy Schoeller, d'abord comme concurrent puis comme partenaire, et les deux hommes lanceront la collection «Bouquins». L'aventure des Éditions Laffont commence au quatrième étage d'un vieil immeuble de la rue Venture à Marseille.

     

    Passe d'armes avec les académiciens Goncourt 

     

    Le premier livre publié par l'intrépide et entreprenant jeune homme fut l'adaptation par Gabriel Boissy d'Œdipe roi de Sophocle. La pièce venait d'être jouée au théâtre antique d'Orange. La presse locale salua l'arrivée du nouvel éditeur à la recherche d'auteurs. Ils se manifestèrent très vite. François de Roux, Prix Renaudot en 1935, va signer un contrat pour un recueil de nouvelles qui va connaître un beau succès. D'autres écrivains suivront : Marcel Brion, Marie Mauron, Guillain de Bénouville, Kléber Haedens… Sous la houlette de Pierre Seghers, des poètes comme Georges-Emmanuel Clancier, le futur auteur du Pain noir , Luc Estang, Lanza del Vasto, donnèrent d'emblée à la jeune maison une réputation flatteuse. Mais Laffont savait que c'est à Paris que se fait vraiment une carrière d'éditeur. Le grand départ pour la capitale a lieu en septembre 1944, au 30, rue de l'Université, un immeuble vétuste avec des fenêtres en vis-à-vis sur la cour des Éditions Gallimard !

    La maison s'appuiera d'abord sur une revue, Le Livre des lettres, dirigée par Kléber Haedens qui publie en 1947 Salut au Kentucky, n'obtenant au prix Goncourt que les voix de deux jurés, René Benjamin et Sacha Guitry. Qu'importe ! Robert Laffont fait imprimer une bande «Le Goncourt de Sacha Guitry et René Benjamin». Menacé d'un procès, il la remplacera par «Le Goncourt hors Goncourt». C'est sa première passe d'armes avec les académiciens Goncourt qu'il attaquera ensuite régulièrement. La littérature étrangère prendra également un essor considérable, avec la création la collection «Pavillons». Parmi les premiers auteurs : Graham Greene et Evelyn Waugh. Malgré de beaux succès, la maison va bientôt connaître des difficultés.

    Ainsi, dès 1948, lorsque Hachette, par l'entremise de Guy Schoeller, voulut le racheter. Ce sera finalement René Julliard qui prendra le contrôle de la maison en venant s'établir rue de l'Université. Après douze années de cohabitation, Robert Laffont retrouvait sa liberté d'action grâce à Jean Lambert, un jeune banquier qui avait créé à Wall Street une société d'investissement. L'installation, place Saint-Sulpice, en 1963, correspond au 500.000e exemplaire du Jour le plus long de Cornelius Ryan.

    La grosse cavalerie des best-sellers et les chevau-légers de la littérature ont toujours fait bon ménage chez Robert Laffont. C'est une de ses caractéristiques alors que les mauvaises langues l'accusaient de ne s'intéresser qu'aux écrivains commerciaux.

     

    Un homme de la rive gauche

     

    Les noms de Jean Dutourd, Emmanuel Bove, André Pieyre de Mandiargues, La France contre les robots de Georges Bernanos, l'œuvre de Dino Buzzati depuis Le Désert des Tartares, L'Attrape-Cœurs de J. D. Salinger, Ce que savait Maisie de Henry James traduit par Marguerite Yourcenar, Le Premier Cercle d'Alexandre Soljenitsyne, les romans de Gilbert Cesbron, entre autres Il est minuit Dr  Schweitzer et Chiens perdus sans collier, Bernard Clavel, Prix Goncourt en 1968 avec Les Fruits de l'hiver, John Le Carré, Norman Mailer, Rachid Mimouni, Serge Lentz, Prix Interallié en 1985 avec Vladimir Roubaïev, Jean Raspail, Olivier Todd, tous ces auteurs et tous ces livres de qualité appartiennent bel et bien au catalogue des Éditions Robert Laffont.

    Mais il faudrait également citer la bande des Corréziens Michel Peyramaure, Claude Michelet, Christian Signol, Denis Tillinac, les têtes d'affiche de l'École de Brive. Leurs romans s'inscrivaient dans la tradition d'une littérature populaire comme l'immense succès que fut Papillon, les souvenirs de l'ex-bagnard Henri Charrière.

    Citons également la série des best-sellers de Dominique Lapierre et Larry Collins inaugurée par Paris brûle-t-il ?, les romans de Max Gallo, ou encore Françoise Dolto La Cause des enfants. Il a également acheté le Quid en 1977.

    Jusqu'au bout, alors que sa maison avait pignon sur l'avenue Marceau, rive droite, qu'il n'en était plus depuis longtemps le propriétaire, Robert Laffont resta dans son quartier de la rive gauche. Au-dessus d'une boutique des éditions, rue des Canettes, à proximité de la place Saint-Sulpice, il occupa un petit bureau tapissé de livres où il recevait ses visiteurs. C'était souvent pour leur parler de la vie après la mort, témoigner de ce monde mystérieux qu'il avait entraperçu sur son lit d'hôpital après avoir été opéré du cœur. Ce sera à la fois sa force et sa faiblesse : Robert Laffont a été avant tout l'éditeur des coups de cœur. Mais sa plus belle réussite, c'est sans doute d'avoir transmis sa passion à trois de ses enfants : Isabelle et Laurent dirigent les Éditions JC Lattès, et Anne Carrière est à la tête de la maison d'édition qui porte son nom.

  • Robert Badinter : « Les droits de l’homme, une force spirituelle »