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Catégories : Livre

Les Mille et une nuits

medium_mille_et_une_nuits.jpg Il y a tout juste 300 ans, Antoine Galland publiait sa traduction française des Mille et une Nuits, faisant ainsi connaître ce recueil de contes en Europe et suscitant du même coup un véritable engouement pour l'Orient. Pour cet anniversaire, l'orientaliste allemande Claudia Ott sort une nouvelle traduction en allemand de la plus ancienne version arabe des 1001 Nuits. Un beau succès en perspective… Interview de Claudia Ott

Madame Ott, vous êtes orientaliste et venez de traduire en allemand les Mille et une Nuits. Comment vous est venue l'idée de traduire cet ouvrage ?
Les Mille et une Nuits est l'un des fleurons de la littérature mondiale, et tout traducteur qui se voit proposer un tel « petit bijou » se doit au moins de réfléchir sérieusement à la question. En ce qui me concerne, j'ai été sollicitée par mon éditeur. Les Mille et une Nuits ont été traduites pour la première fois d'arabe en français en 1704, suscitant un formidable engouement pour l'Orient dans la littérature européenne. La plupart des traductions en allemand réalisées aux 18e et 19e siècles sont basées sur la traduction française d'Antoine Galland. À l'occasion du 300e anniversaire de cette première traduction des Mille et une Nuits, l'éditeur a décidé en 2004 de publier une traduction allemande faite à partir de l’original arabe.

Au 18e siècle, Les Mille et une Nuits étaient le livre le plus lu en Europe après la Bible. Comment est-ce possible ?
Je ne suis pas une sommité en matière de littérature, mais je pense qu'il y avait alors un certain goût pour des univers lointains et exotiques. C'était une tendance très forte dans l'art, y compris dans la musique ; les opéras étaient très influencés par l'Orient, et cela dès l'époque baroque. Les Mille et une Nuits étaient tout simplement dans l'air du temps.

Les traductions de l'époque donnaient volontiers dans le lyrisme. Qu'y a-t-il de différent dans la vôtre ?
D'abord, la langue y est tout à fait différente. J'ai essayé de rendre au plus près le style de l'original arabe, dont les passages narratifs utilisent un langage simple et clair, empreint de vivacité et d'action. Nous sommes ici en présence non pas de ce lyrisme dont vous parliez, mais bel et bien d'une sorte de roman policier qui se lit très vite. Ce style narratif sans fioritures, les traducteurs d'autrefois n'ont pas osé le reprendre tel quel. Ils ont préféré opter pour un langage plus littéraire. Quant à moi, j'ai utilisé beaucoup de termes modernes, je n'hésite pas par exemple à employer les mots « agent » ou « immobilier », là où d'autres traducteurs ont peut-être – sûrement même – utilisé des termes différents. D'ailleurs, on me le reproche parfois. Mais je me défends toujours en indiquant que même en arabe, les Contes des Mille et une Nuits ont toujours été très proches de l'époque dans laquelle ils ont été écrits, lus et reçus.

L’action des Mille et une Nuits se déroule dans le « royaume insulaire de l'Inde et de la Chine ». Pendant mille et une nuits, Shéhérazade tient le roi en haleine en lui racontant des histoires, espérant ainsi qu'il ne la tuera pas. Par son intelligence et sa sagesse, Shéhérazade se montre très supérieure au cruel monarque. Quel rôle jouent les femmes dans les histoires qu'elle raconte ?
Avant tout, il y a bien sûr Shéhérazade elle-même, la narratrice, qui parvient à faire plier le roi avec les « armes de l'esprit », et non pas avec les armes féminines qu'elle aurait sans doute pu aussi utiliser. Bien au contraire, elle se hasarde dans le monde d'ordinaire réservé aux hommes. Les femmes des Mille et une Nuits, celles dont il est question dans les narrations de Shéhérazade, ont toutes des rôles très différents. Il y a des femmes stéréotypées, le plus souvent sans nom, dans le rôle d'odieuses sorcières ou de bonnes fées. Mais il y aussi des femmes que l'on croit vraiment voir devant nous quand on lit ces histoires. Je pense par exemple à ces trois femmes dans l'histoire du portefaix et des trois dames : des femmes sensuelles, voluptueuses et ingénieuses qui jouent un jeu subtil avec les hommes qui croisent leur chemin. Enfin, il y a des personnages féminins très typés, dont un que j'aime beaucoup : Anis al-Jalis, d'abord vendue comme esclave à un vizir, qui est ensuite déflorée par le fils ce dernier. Mais privée de sa virginité, elle ne peut plus être revendue comme esclave. Cette histoire commence donc par un énorme scandale. Mais Anis al-Jalis tire adroitement son épingle du jeu, en menant une sorte de vie clandestine avec ce jeune homme dont elle finit par s'éprendre. C'est une merveilleuse liaison qui n'a vraiment rien à envier à celles qui existent de nos jours.

Au fond, cela ne ressemble pas tellement à des contes. Les vieilles traductions faisaient souvent de ces histoires de gentils contes de fées pour enfants. Peut-on vraiment comparer ces récits à des contes européens ?
Il peut y avoir une similarité dans la mesure où les Mille et une Nuits ont souvent servi de modèle à des contes européens. Des écrivains conteurs comme Christoph Martin Wieland ou Wilhelm Hauff par exemple, mais aussi bien d'autres encore, ont puisé leur inspiration dans les Mille et une Nuits. Mais en fait, ce livre n'est pas vraiment un recueil de contes. Je préfère simplement l'appeler (à l'instar du titre arabe) « Histoire des Mille et une Nuits », ce formidable récit qui est l'histoire de Shéhérazade et Chahriyar, et où viennent s'insérer les différents contes d'inspirations très diverses. Ils plongent généralement leurs racines dans la littérature arabe, mais avec des sources très hétérogènes, des époques, des lieux et des genres littéraires différents.

Quelle était et quelle est la place des Mille et une Nuits dans le monde arabe ?
A l'âge d'or de la littérature arabe classique, les contes des Mille et une Nuits n'avaient pas vraiment la cote. Ils passaient pour de la littérature triviale face à la grande littérature savante arabe, qui d'ailleurs est elle-même à la source de maintes histoires racontées dans les Mille et une Nuits. Mais voilà, le titre était bien mal choisi : les Mille et une Nuits, c'était un titre accrocheur qui promettait un agréable divertissement, sans plus. Tout citoyen arabe cultivé aurait rechigné à mettre ce livre dans sa bibliothèque, en tout cas, il ne l'aurait pas fait de façon ostentatoire, tout au plus dans un endroit bien discret. Bien sûr, on lisait quand même les Mille et une Nuits, mais ce livre ne prit une place éminente dans la littérature arabe qu'à partir du moment où les écrivains arabes modernes commencèrent à s'intéresser à la littérature européenne et découvrirent combien les Mille et une Nuits y tenaient une place importante aux 18e et 19e siècles. Alors seulement, le monde arabe réalisa quel prodigieux trésor dormait dans sa propre littérature.

Propos recueillis par Angelika Schindler en avril 2004.

http://www.arte.tv/fr/art-musique/Les-mondes-arabes/mille-et-une-nuits/665788.html

Commentaires

  • Tu as fait vite, Laura, je venais de terminer de mettre en ligne ce merveilleux poème de CARCO quand tu es venue mettre un commentaire. Je te remercie beaucoup. Je venais de ranger ma cuisine... Bon, cela n'a rien à voir avec les Mille et une nuits que tout le monde connaît... mais la conclusion de ta note sur ces contes montre à quel point les auteurs, les artistes se dévalorisent par rapport à leur oeuvre, quelquefois. Comme moi, par rapport à mon blog.... Je te fais des bizzz et j'espère qu'elles arriveront au Maroc !!!

  • ce n'est pas tout à fait ça: ce sont les lecteurs qui se sont rendus compte à quel point ce livre était important....
    bonne après-midi
    bisous

  • En effet laura les mille et une nuit a ete decouvert par l'occident pour apres devenir un merveilleux ouvrage arabe qui a fait et qui fera couler beaucoup d'encre et comme tu dis si bien lu longtemps sous cape il devint une reference lorsque les ecrivains arabes prirent conscience de son importance
    merci pour tout

  • merci à toi de confirmer ma compréhension de l'article.

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