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Catégories : Lyon(Rhône,69:études,travail)

"Lyon m'est apparue comme une ville magique"

"Mes premiers souvenirs de cette ville sont des impressions liées à des sons. Le bruit des bombes pendant la guerre, qui provoquait notre repli dans un abri situé dans le jardin. Celui des fusées éclairantes qui annonçait l'entrée des troupes américaines, en 1944. Mes parents m'avaient fait monter sur la terrasse de la maison que nous habitions alors, rue Chambovet, à Montchat. Je n'ai jamais pu, par la suite, séparer la notion de lumière de toutes ces émotions, tout ce tumulte, toute une vie qui semblait renaître.

Lyon m'est aussi apparu comme une ville magique à cause de ses tramways. J'ai appris à lire et à compter avec eux, je connaissais par coeur leurs numéros, leurs lignes, les trajets, les arrêts : Tassin-la-Demi-Lune, les Cordeliers, le Gros-Caillou, les Trois-Renards. Enfin, Lyon est liée aux appartements ou aux propriétés où ont habité les gens de ma famille. Là encore, je me souviens des sons : les craquements de parquet, les échos venant des pièces un peu lointaines, le bruit de la machine à faire des bugnes... Et puis aussi les rais de lumière filtrés par les volets, les grands corridors désertiques et sombres. Toute une atmosphère que j'ai voulu recréer dans Un dimanche à la campagne.

Mes parents ont quitté Lyon quand j'avais 5 ans, mais j'y suis revenu souvent, et à chaque séjour je me replongeais dans un univers qui n'avait pas les mêmes valeurs que celles auxquelles j'étais habitué, une ambiance assez religieuse. Je me revois en train d'aider à faire des meringues pour des ventes de charité, ou des promenades au parc de la Tête-d'Or où je ramassais des marrons pour les donner à manger aux biches.

Henri Béraud disait à propos de Lyon : "C'est la ville des sentiments secrets et des amours fidèles." Moi j'aime faire des films qui, derrière leur exubérance, soient un peu secrets. Et je me sens à l'aise dans cette ville mystérieuse. Une ville dont on n'arrive pas à percer les murs. Au détour d'une rue qui ne paie pas de mine, vous tombez sur une cour aux couleurs florentines, vous découvrez des murs ocre, une tour rose. Lyon a mauvaise réputation à cause de sa bourgeoisie, mais au-delà de ses quartiers riches, c'est une ville extrêmement généreuse. Quand j'ai tourné L'Horloger de Saint-Paul, j'ai voulu détruire certains clichés. Montrer Lyon en évitant Fourvière ou la place Bellecour. J'ai voulu retrouver l'atmosphère de ces appartements aux plafonds hauts, de ces cours d'où l'on entend les enfants faire des gammes, de ces restaurants aux tables en marbre.

On associe trop souvent Lyon à la gastronomie, au gangstérisme, à la soierie. Dans Lyon, le regard intérieur, j'ai voulu évoquer un autre Lyon, de manière oblique, avec des voix, celle de mon père René (résistant, fondateur de la revue Confluences, comme l'atteste aujourd'hui une plaque à l'endroit de la maison de Montchat, rasée), un homme dont l'attitude, la pudeur, l'ironie me semblent incarner la ville, celle de Gabriel Chevallier, écrivain méconnu. Lyon s'est bonifiée ces dernières années, depuis Michel Noir. Elle s'est mise enfin à intégrer son passé. Longtemps par exemple, le seul hommage rendu aux frères Lumière était un monument érigé sur la place de Montplaisir, bâti à ses frais par le ferrailleur mécène Napoléon Bullukian."

Propos recueillis par Jean-Luc Douin

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