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Ces Boulonnaises qui se sont hissées au pinacle de la célébrité

mercredi 09.03.2011, 14:00

Jenny Dacquin, boulonnaise comédienne et chanteuse. Jenny Dacquin, boulonnaise comédienne et chanteuse.

 

Al'évidence, peu de femmes ont joué un rôle prépondérant dans l'histoire du Pays boulonnais, hormis les comtesses au moyen âge.

Ce sont les moeurs des temps anciens qui ont voulu cela. Néanmoins, quelques-unes ont réussi à s'imposer.
Mais qui connaît Lady Kate Wood, femme d'un général anglais, native du comté du Sussex ? Le couple fréquentait régulièrement la station balnéaire de Boulogne sur mer « sans doute attiré, écrit Philippe Monchy dans son histoire du tennis club boulonnais, par la vie culturelle et multicolore que Boulogne offrait aux étrangers en mal d'amusements et de loisirs. On note sa présence rue Neuve-Chaussée, rue Siblequin pour s'installer définitivement Grand Rue en 1885. Il est possible que les séjours de Lady Wood à Boulogne correspondent aux campagnes que son mari menait en Inde ».
A cette époque, on connaît à peine cette nouvelle discipline sportive appelée Lawn Tennis. La femme du militaire anglais adore ce jeu et mène tambour battant une campagne pour son implantation dans la ville de son coeur. Elle s'adresse au maire pour obtenir un terrain « indispensable, écrivait-elle dans une de ses lettres, pour satisfaire aux besoins de la colonie anglaise et des visiteurs de Boulogne ».
Ce que femme veut... Le 1er juillet 1885 était inauguré le plus vieux club de tennis du continent européen, le Tennis Club Boulonnais. En toute discrétion d'ailleurs car la presse locale ignore totalement cette cérémonie.
Jusqu'à sa mort, survenue en 1905, Lady Wood apportera un soutien indéfectible à ce club, sollicitant les corps constitués et les sponsors, n'hésitant pas à puiser dans sa propre bourse pour faire face aux difficultés financières qu'il rencontre.

Son combat pour la survie du tennis à Boulogne dura 21 ans mais ce fut une victoire quand le maire, répondant à une demande de subvention, déclara que le tennis méritait d'être soutenu.
Les qualités de la lady anglaise forçaient l'admiration et lors de son décès, "La France du Nord "en lui rendant hommage, ajoutait : « En même temps qu'une fidèle amie de Boulogne, Mrs Wood était une femme de coeur dont l'inépuisable charité restera légendaire parmi ceux qui furent à même de l'approcher et de l'apprécier à son juste mérite ».
Un quart de siècle plus tôt, un ouvrage très curieux fut publié en 1873 sous le titre : "Lettres à une inconnue", de Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments historiques et aussi écrivain, dont l'un des romans les plus célèbres est Colomba. Cette correspondance suscita bien évidemment une immense curiosité. Quelle était donc cette mystérieuse inconnue ? Très vite les regards se tournèrent vers Boulogne car les plus futés avaient repéré dans les épîtres, des allusions au pays natal de la destinataire qui ne resta donc plus une inconnue.
C'était Jeanne Françoise Dacquin, dite Jenny, née le 25 novembre 1811 à Boulogne, fille de Julien Dacquin, substitut et de Jeanne Paillet, fille d'un armateur. Jenny était donc une jeune fille de la bourgeoisie ; on la disait instruite, fine et intelligente. Ses parents étaient des artistes. Elle les suivit à Paris et entama une carrière sur les planches, à la fois comme comédienne et comme chanteuse.
Ses débuts furent enthousiasmants mais les pièces qu'elle joua ne furent pas toutes des succès. « On discutait l'artiste, dit H. Réveillez, mais la jolie femme qu'elle était recevait dans sa loge les hommages d'admirateurs et son nom sur l'affiche suffisait pour faire salle comble ». Louis Schneider, l'un de ses biographes dit « qu'elle figure parmi les gloires de la scène à côté de celles qui brillent au premier rang dans le chant, dans le drame, dans la comédie et dans la danse ».
Parmi ceux qui chantaient les louanges de Jenny Colon, il y avait un certain Gérard de Nerval qui deviendra follement amoureux au point d'en perdre la raison. Il devint un hôte assidu des salles parisiennes où elle était en représentation et chaque soir, il s'enivrait, il s'exaltait, il éprouvait un bonheur ineffable. Pour mieux la voir il achetait toutes sortes de lorgnettes et pour mieux l'applaudir, il se fit confectionner des cannes spéciales richement décorées. Il créa même un journal, "Le monde dramatique "pour chanter les louanges de l'artiste.
Se doutait-elle de cette idolâtrie ? Pas un mot, pas une lettre n'accompagnait le bouquet de fleurs qu'il envoyait quotidiennement et, plus tard, lorsque Théophile Gautier qui était l'ami de Nerval, lui parla de cet amour si peu ordinaire, elle répondit : « J'ai vu Gérard une seule fois lorsqu'il m'offrit d'écrire pour moi "La reine de Saba ". Je recevais ces bouquets sans trop savoir d'où ils venaient. J'ai entendu parler de son amour dans les coulisses mais je n'y ai pas attaché d'importance ? Ne m'accusez pas de l'avoir fait souffrir : quand celui qui aime reste muet, celle qui est aimée devient sourde... ».
Quand Jenny épousa un musicien de l'Opéra Comique, ce fut atroce pour Gérard de Nerval. Le plus extraordinaire, c'est qu'il poussa l'obsession en achetant chez un brocanteur un lit magnifique de style renaissance, espérant sans doute, qu'un jour... Mais il espéra en vain.
Jenny Colon lisait beaucoup, s'intéressait à la littérature et même à la politique, voyageait aussi beaucoup, s'étonnait beaucoup et jouissait pleinement des plaisirs de la vie. Fatiguée par une vitalité débordante, elle s'éteignit le 5 juin 1842. M.M Lagarde et Michard, dans le cadre de leurs ouvrages sur les grands auteurs français disent à propos de Gérard de Nerval qu'il aima Jenny jusqu'à la folie mais qu'il eut le sentiment, qu'à travers elle, il aima l'image passagère d'une éternelle figure féminine.

André VERLEY

http://www.lasemainedansleboulonnais.fr/actualite/boulogne/2011/03/09/article_ces_boulonnaises_qui_se_sont_hissees_au.shtml

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