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Catégories : Le paysage

Gabriele Basilico, de ville à trépas

13 février 2013 à 21:06

Par BRIGITTE OLLIER

Disparition. Le photographe documentariste milanais, amoureux de l’urbanisme et auteur de plus de soixante livres, est mort hier, à l’âge de 68 ans, d’un cancer des poumons.

Rio, 2011. - Gabriele Basilico. Galerie Anne Barrault

Roberto Koch, fondateur de l’agence Contrasto, a annoncé «avec tristesse» la mort du photographe documentariste Gabriele Basilico à l’âge de 68 ans, d’un cancer des poumons. «C’était un architecte de formation qui est devenu un architecte de la lumière. Il possédait la rigueur de l’école allemande, celle des Becher, et la poésie de son pays, l’Italie», a aussitôt souligné Jean-Luc Monterosso, le directeur de la Maison européenne de la photographie, à Paris, qui lui avait consacré une exposition remarquable en 2006. Où l’on put apprécier combien cet Italien francophile, auteur de plus de soixante livres, avait imaginé sa propre géographie. Amoureux du noir et blanc, Gabriele Basilico détestait le ciel bleu, et se sentait heureux sur les trottoirs en toutes saisons : «C’est la condition humaine idéale !»

Hauteurs. La ville était son point de repère, qu’elle s’appelle Paris, Dunkerque, Istanbul, Rio de Janeiro, San Francisco ou Milan, sa ville natale :«Une ville un peu moche mais très vivante.» C’était un homme d’une sensibilité électrique, à la fois très silencieux et volubile, qui aurait pu faire un formidable enseignant tant il voulait se faire comprendre.

Il était toujours disponible pour expliquer son travail, qui le menait aux quatre coins du monde. Parfois même à des hauteurs vertigineuses, comme lorsqu’il photographia Monte-Carlo du haut d’un gratte-ciel de trente étages : «Et je vois toute la structure. Là, le sens physique disparaît complètement et s’impose alors une dimension plus spirituelle.»

Il se définissait comme «un photographe d’architecture», même s’il fut aussi aux rendez-vous de l’histoire. Ainsi, en 1984 et 1985, lorsqu’il participa à la mission photographique de la Délégation à l’aménagement du territoire (Datar) montée par le gouvernement français pour documenter «la transformation du paysage contemporain». Ou, en 1991, lorsqu’à la demande de l’écrivaine Dominique Eddée, il photographia Beyrouth après-guerre, aux côtés de Robert Frank, de René Burri, de Fouad Elkoury et de Josef Koudelka. «Je n’ai pas cherché à rendre compte d’un désastre, expliquait Gabriele Basilico. Cette photogénie-là ne m’intéressait pas, je cherchais la vie, les gens plutôt que les ruines. Prenez Walker Evans, le gourou de ma génération, il s’approche des gens et des lieux de la même façon, avec une distance éthique, une égale dignité.»

Son Beyrouth en était fantomatique, et la violence palpable dans chaque photographie, car il savait saisir la majesté d’un espace, fût-il dévasté, et le restituer sur papier. Confidence de Gabriele Basilico, ce jour de 1994, alors qu’il venait de visiter l’exposition consacrée à Charles Marville, le photographe impérial de Paris : «Un minimaliste de la première heure. Certains lieux inspirent confiance, on y cherche de l’amitié, des correspondances, des communications. D’autres sont ingénus ; ainsi, pour moi, les Etats-Unis d’Amérique. Ou racontent des histoires, comme l’Italie qui est une superposition des cultures dans le temps.»

Il avait ce talent de montrer le visible et de le «décodifier», comme il aimait dire, essentiellement préoccupé par le présent. Il avait avoué qu’il avait été longtemps «prisonnier de la lumière» et de ses ombres fatales.

Rivage. Exigeant, mais jamais maniaque, Gabriele Basilico aura imposé la photographie comme un document énigmatique, à échelle humaine. C’est ce mystère qui fascinait lorsqu’on se retrouvait debout, face à ses grands formats. On se demandait comment Basilico avait pu réussir à ne pas se laisser engloutir par la mélancolie d’un rivage, ou la sauvagerie de ces grands ensembles qui défigurent les tissus urbains. Mais lui avait confiance, malgré tout, dans l’énergie artistique : «Le problème de notre culture, c’est la perte irrécupérable de l’imaginaire. Or, pour comprendre la réalité, il faut de l’imagination.»

diaporama | 14 février 2013

Gabriele Basilico, architecte de la lumière

Par DOMINIQUE POIRET

Photographe documentariste spécialisé dans les paysages urbains et industriels, Gabriele Basilico est mort mercredi à Milan, sa ville natale, à 68 ans.

http://next.liberation.fr/photographie/2013/02/13/gabriele-basilico-de-ville-a-trepas_881652

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