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Catégories : La littérature

Montaigne, père des blogueurs

 
Pour Sarah Bakewell , «lire Montaigne, ce n'en est pas moins éprouver maintes fois le choc de la familiarité». <i> Gravure du XIXe siècle représentant le philosophe. </i>

Pour Sarah Bakewell , «lire Montaigne, ce n'en est pas moins éprouver maintes fois le choc de la familiarité».  Gravure du XIXe siècle représentant le philosophe. Crédits photo : ©Bianchetti/leemage

L'Anglaise Sarah Bakewel a écrit la biographie du philosophe sous la forme d'un guide spirituel

Montaigne précurseur du blogueur d'aujourd'hui? La thèse iconoclaste émane d'une Anglaise, Sarah Bakewell, qui le laisse entendre dans son livre Comment vivre? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse, voyant en lui «le plus humain des écrivains et le plus sociable».

À l'époque du moi triomphant qui papillonne sur les réseaux sociaux et monopolise la Toile, quoi de plus accrocheur pour parler d'un humaniste de la Renaissance que de le lier au dieu Internet. Aux États-Unis, où les Essais du philosophe français sont pourtant loin de se vendre comme des petits pains à hamburgers, ce livre a fait un tabac. Sa présentation sous forme de guide de vie spirituel, en vingt réponses à la question «Comment vivre?» - soit «Ne pas s'inquiéter de la mort», «­Réfléchir à tout et ne rien regretter», «Lâcher prise», «Être ordinaire et imparfait», «Lire beaucoup», «oublier l'essentiel de ce qu'on a lu…» - n'est certainement pas étranger à ce succès.

C'est ainsi, de manière totalement décomplexée, que cette ancienne bibliothécaire a réussi à taire le nom de «biographie» derrière un ouvrage qui s'en approche pourtant. Elle ne manque pas de rappeler que d'autres qu'elles, plus proches de nos contemporains, comme Virginia Woolf ou Stefan Zweig, en sont aussi tombés amoureux. Le tour était joué et la statue du grand penseur totalement dépoussiérée, mise au goût du jour.

«Lire Montaigne, ce n'en est pas moins éprouver maintes fois le choc de la familiarité, au point que les siècles qui le séparent du nôtre sont réduits à néant. Les lecteurs continuent de se reconnaître en lui», écrit l'auteur, charmé par l'homme dont les écrits le rendent «aussi vivant qu'un personnage de roman», comme le soulignait déjà un critique anglais au XIXe siècle.

Petit cours accéléré d'histoire de France

Au fil des chapitres, elle revient sur la vie de Montaigne, sa personnalité, sa carrière littéraire et sur ses expériences personnelles à la source des Essais : la mort de son ami Étienne de La Boétie et sa chute de cheval qui faillit le faire passer à trépas pour adopter la bonne attitude face à la peur de la mort ; la lecture passionnée des auteurs et philosophes de l'Antiquité qui l'installe dans la posture de l'humaniste ; l'évocation de son éducation et la figure de son père qui souhaitait qu'il abordât tout «en toute douceur et liberté sans rigueur et contrainte» pour expliquer cette recherche du plaisir.

Dans un souci flagrant de didactisme, Sarah Bakewell remet chaque élément de biographie dans le contexte agité du XVIe siècle de Montaigne. Le lecteur est alors ferré pour un petit cours accéléré d'histoire de France. Si l'auteur ne perd pas de vue le fil rouge du Comment vivre?, elle choisit de manière subjective un épisode de la vie de Montaigne ou une anecdote pour apporter sa réponse. Ce faisant, l'auteure anglaise laisse éclater son admiration. «Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors», disait Montaigne, promoteur de la défense de l'instant présent. «Quand j'aime, j'aime», ajoute, définitivement conquise, Sarah Bakewell.

Comment vivre? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponses, de Sarah Bakewell, traduit de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Albin Michel, 490 p., 23,50€.

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