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Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE

" La clôture des merveilles" de Lorette Nobécourt

 

Roman

Avec cette biographie d'une vie possible de sainte Hildegarde de Bingen, comme vécue de l'intérieur, Lorette Nobécourt semble touchée par la grâce.

On aime passionnément

Depuis quelques années, les romans de Lorette Nobécourt sont baignés d'un feu particulier. Avant, elle écrivait un peu à la lueur d'ampoules électriques, de celles qui montrent les imperfections au grand jour — notamment celles de la peau dans son premier roman, La Démangeaison (1994) —, et son style décapait, en rudesse et en beauté. Petit à petit, elle s'est mise à travailler dans des lumières venues du ciel, vivantes et diffuses, de celles qui émanent des êtres les plus simples, et sa quête d'absolu a transfiguré son écriture, toujours plus profonde et plus libre. Ses personnages ont gagné en spiritualité (En nous la vie des morts, 2006), ses confessions se sont dépouillées pour cheminer vers la vérité (L'Usure des jours, 2009), et toujours cette clairvoyance, ce don de soi, cette conscience que les mots sauvent...

Quoi de plus naturel qu'elle écrive aujourd'hui la biographie d'une sainte, sous-titrée Une vie d'Hildegarde de Bingen ? « Une » : le déterminant a son importance, car il s'agit d'une vie parmi les possibles, d'une réflexion, au sens miroitant du terme, parmi tous les éclats qui peuvent parvenir à chacun. De cette bénédictine du xiie siècle, proclamée docteur de l'Eglise en 2012 par Benoît XVI, Lorette Nobécourt semble avoir reçu la grâce. Dans son introduction en forme de prélude recueilli, écrite en une langue urgente, méditative, incantatoire, elle dit le devoir qui est le sien — et celui du lecteur — de perpétuer l'oeuvre sacrée de cette femme dont « la mémoire ne parvient que par trouées, lorsque d'être disjointes par un certain silence, les parois du temps s'ouvrent ». Comme Hildegarde voulut ­ « ouvrir le ciel » à ses contemporains de moins en moins tournés vers lui, en leur parlant une nouvelle langue, ­Lorette Nobécourt souffle à l'oreille de son prochain son appel à « aller plus loin que le réel ». Ses mots deviennent alors plantes, pierres, nuages, comme ceux d'Hildegarde en son temps, qui inventa la « lingua ignota », une langue dotée d'un alphabet ressemblant à des branches d'arbre ou à des insectes. ­Lorette Nobécourt entre dans la peau d'Hildegarde et revit de l'intérieur cette existence qui s'adressait à l'homme dans sa totalité : la musique (elle composa des chants liturgiques), l'écriture (elle écrivit sur ses visions et leurs interprétations), la science (elle soignait les malades par les plantes)...

Roman d'apprentissage, La Clôture des merveilles déplie les branches de cette vie en étoile et recueille son scintillement des années après son extinction. Comme Hildegarde qui croyait que l'homme est petit par son corps, mais immense par sa perméabilité à toutes les énergies, Lorette Nobécourt chante une nouvelle fois sa confiance en l'acuité de l'être. Ce qui semble anachronique est en réalité souvent atemporel, et l'apparition de ce petit livre courageux donne à le croire. Au même moment, la romancière publie Patagonie intérieure (1) , journal d'un voyage ­solitaire, d'une retraite au bout du monde, au service de l'écriture. Les deux livres ressemblent à deux mains tendues qu'on aurait tort de ne pas ­saisir. — Marine Landrot

 

(1) Ed. Grasset, 112 p., 12,90 €.

 

| Ed. Grasset | 160 p., 15 €.

 

Le 11/05/2013
Marine Landrot - Telerama n° 3304

http://www.telerama.fr/livres/la-cloture-des-merveilles,97010.php

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