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Farinelli-Caffarelli : le duel des castrats

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Philippe Jaroussky sort lundi 9 septembre, chez Erato, un album dédié à Farinelli.

Philippe Jaroussky sort lundi 9 septembre, chez Erato, un album dédié à Farinelli. Crédits photo : Jaroussky©Marc Ribes Erato-Warner Classics

Les contre-ténors Philippe Jaroussky  et Franco Fagioli font renaître la rivalité qui opposait,  au XVIIIe siècle, les deux vedettes de l'opéra.

Heureux hasard du calendrier? Ou coup marketing savamment orchestré? Le nouvel album du contre-ténor français Philippe Jaroussky, dédié à Farinelli, sort aujourd'hui chez Erato… Tout comme celui de son homologue argentin Franco Fagioli (chez Naïve), consacré à un autre castrat de légende: Caffarelli. Les deux projets sont particulièrement attendus. Jaroussky, qui s'est hissé au rang de star internationale, vient de prendre neuf mois de congés sabbatiques. Cet album marque son grand retour sur le devant de la scène. Il sera suivi d'une série de concerts dans toute l'Europe ainsi qu'en Russie. Franco Fagioli, que l'on a découvert l'an passé dans Artaserse de Leonardo Vinci, est la valeur montante du genre. Arias for Caffarelli constitue son premier album solo.

Les deux artistes se défendent d'avoir sciemment planifié la parution simultanée de leurs disques. Mais «l'anecdote est plutôt amusante», reconnaît Jaroussky. Car Farinelli et Caffarelli n'étaient pas seulement parmi les dix meilleurs castrats de l'histoire de la musique. Ils étaient les plus grands rivaux de l'époque. Avec une telle histoire à vendre, le succès discographique est quasiment garanti. D'autant que les castrats sont particulièrement en vogue depuis la sortie, en 1994, du film ­Farinelli, de Gérard Corbiau.

Une fascination qui perdure

Leur répertoire particulièrement virtuose, qui voit s'affronter les meilleurs contre-ténors et les plus grandes mezzo-sopranos du moment, fait toujours recette dans les maisons de disques. «Depuis sa sortie, nous avons vendu plus de 800.000 exemplaires de la bande originale de Farinelli : un record en matière de musique baroque», confie Didier Martin, directeur de Naïve Classique (qui distribue la musique du film). Chez Universal Classics & Jazz, on connaît aussi cette appétence du public pour les castrats. «Le répertoire qui fut écrit pour eux renvoie à une sorte d'idéal sonore perdu. La fascination qu'ils exercent nous permet de toucher un public bien plus large que celui du classique», analyse le président français du groupe, Yann Ollivier. De fait, l'album Sacri­ficium, que la diva romaine Cecilia Bartoli consacra, en 2009, à l'école napolitaine des castrats, «fait partie de la tranche haute de ses ventes». Avec 450.000 exemplaires déjà écoulés, il représente l'un des plus gros succès récents du label Decca. Si la musique pour castrats reste une valeur sûre en termes de marketing, c'est aussi parce qu'elle est défendue, depuis quelques années, par des artistes au charisme hors norme, qui ont acquis le don de raconter des histoires. Ils se livrent à une joute, au disque comme à la scène, rivalisant d'imagination pour ressusciter (chacun dans son registre) l'histoire des castrats. Pas question pour Bartoli de rester hors du ring.

Pour Sacrificium, elle n'avait pas hésité à faire figurer dans la pochette du disque des reproductions d'instruments chirurgicaux servant à la castration. Comme pour mieux mettre en scène la barbarie de l'opération que subissaient les enfants que l'on confiait - selon l'expression consacrée de Charles de Brosses - aux «diaboliques chaudronniers ayant le secret de rendre la voix flûtée». «L'histoire des castrats, c'est beauté et cruauté», nous confiait-elle alors. Et d'insister: «À Naples, on sacrifiait chaque année de 3000 à 4000 enfants sur l'autel de l'art vocal. Le tout avec une hypocrisie inouïe, puisque l'Église interdisait officiellement la castration volontaire.» On se servait alors d'alibis imagés: accident de cheval, morsure de cygne ou de sanglier…

L'ange et la diva

Philippe Jaroussky et Franco Fagioli préfèrent raconter une autre histoire. D'un côté, celle de la relation quasi filiale entre Farinelli et son maître, le compositeur Porpora. De l'autre, celle de l'indomptable bête de scène qu'était Caffarelli. Le premier était réputé pour son angélique bonté, son caractère éclairé et ses talents de diplomate. Le second incarnait la superdiva, la caricature de l'imbuvable «castrato».«Il avait la réputation de pincer ses collègues au milieu de leurs airs pour les déstabiliser, ne craignait pas de provoquer ses librettistes en duel et passait une partie de son temps à fuir les maris des femmes avec qui il avait des aventures», conte, non sans admiration, Franco Fagioli. L'un aurait subi la terrible opération sur l'insistance de son frère et de Porpora. L'autre serait une sorte d'«engagé volontaire». Leur rivalité était-elle une légende? «Dans les faits, ils ont assez peu travaillé ensemble, ce qui leur a sans doute évité d'en venir aux mains. Il est fort probable qu'ils s'admiraient autant qu'ils se jalousaient», détaille ainsi Philippe Jaroussky. Ce qui n'empêchera pas Caffarelli de provoquer régulièrement son adversaire. Comme lorsqu'il déclara au roi de Sardaigne qu'il valait bien «deux Farinelli» à lui tout seul. La guerre des castrats n'a donc pas fini de faire des émules.

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