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Catégories : Web

Raid historique d'Interpol contre les pharmacies en ligne

 

LE MONDE | 22.05.2014 à 13h58 • Mis à jour le 22.05.2014 à 14h26 | Par Chloé Hecketsweiler

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Lors de l’opération Pangea VII, entre le 13 et le 20 mai, Interpol a intercepté 20 000 paquets de faux médicaments à Singapour.
Lors de l’opération Pangea VII, entre le 13 et le 20 mai, Interpol a intercepté 20 000 paquets de faux médicaments à Singapour. | INTERPOL

C'est le plus grand raid jamais mené par Interpol contre les fausses pharmacies en ligne. Sous la houlette de l'organisation internationale, les policiers et douaniers de 110 pays ont saisi entre le 13 et le 20 mai pour près de 30 millions de dollars (22 millions d'euros) de faux médicaments. Cette opération choc, baptisée Pangea VII, a aussi abouti à l'arrestation de 239 suspects et à la fermeture de plus de 10 000 sites illicites.

Parmi les médicaments saisis : des antibiotiques, des antalgiques, des hormones thyroïdiennes, des anxiolytiques ou encore des insulines. Le catalogue des officines illicites ne cesse de s'allonger au gré des opportunités.

« En vrais businessmen, les criminels s'adaptent à la demande. En 2010, nous avons découvert de faux vaccins contre la grippe H1N1, car les trafiquants savaient qu'ils écouleraient leurs doses sans problème dans un contexte de demande massive », commente Aline Plançon, chargée de la lutte contre la criminalité pharmaceutique chez Interpol. Les anti-cancéreux sont aussi de plus en plus copiés car leur prix élevé incite les patients dont les revenus sont faibles à chercher une alternative.

Lire aussi (abonnés) : Des contrefaçons de médicaments scrutées à la loupe par Sanofi

et l'entretien (abonnés) : « 1 000 euros investis dans les faux médicaments peuvent rapporter entre 200 000 et 450 000 euros »

Le 16 avril, le laboratoire suisse Roche a ainsi révélé que des contrefaçons de son Herceptin – un traitement contre le cancer du sein – avaient été découvertes au Royaume-Uni, en Finlande et en Allemagne. Certains flacons ne contenaient pas d'ingrédient actif et d'autres une forme diluée. En 2012, Roche avait déjà été visé par des faussaires qui avaient contrefait son anti-cancéreux Avastin et réussi à introduire les fioles dans le circuit de distribution officiel aux Etats-Unis et en Europe.

Le phénomène a pris de l'ampleur il y a une dizaine d'années, suivant l'essor d'Internet. Quelques clics suffisent pour acheter en toute discrétion, n'importe quelle substance. Grâce à la technologie, les officines illicites ont pour ainsi dire pignon sur rue. Et un paquet de poste suffit à acheminer l'essentiel de la marchandise. D'où l'accent mis par Interpol sur les centres postaux : lors de l'opération Pangea VII, plus de 540 000 paquets ont été passés au crible et près de 20 000 interceptés. D'après un rapport de la Commission européenne paru en 2012, les médicaments contrefaits sont ainsi les premiers produits saisis aux frontières de l'Union européenne via le trafic postal.

D'un pays à l'autre aussi, les médicaments voyagent très « classiquement » en avion ou en bateau. En octobre 2013, un million de faux comprimés de Xanax, l'antidépresseur des laboratoires Pfizer, ont été saisis à l'aéroport de Zurich. Les quatre palettes de comprimés en provenance de Chine étaient destinées à l'Egypte.

DU SUCRE

En février, les douanes françaises ont découvert, lors d'une inspection dans le port du Havre, 2,4 millions de comprimés d'une valeur de 1 million d'euros cachés dans deux conteneurs censés transporter du thé de Chine. Un record ! Il s'agissait notamment de contrefaçons du Viagra de Pfizer et de Cialis de Eli Lilly, deux médicaments pour les troubles de l'érection.

La précédente saisie avait été faite aussi au Havre par la douane française, en mai 2013, avec plus de 1,2 million de sachets d'aspirine imitant l'Aspégic de Sanofi. Du sucre en réalité. Les marchandises « devaient être livrées au sein d'une société espagnole, localisée aux îles Baléares, présentant tous les aspects d'une société écran, et étaient sans doute destinées à être vendues dans la péninsule Ibérique, le sud de la France et l'Afrique francophone », avait alors indiqué le ministère de l'économie. Dans le monde, 6 % à 15 % du marché mondial de médicaments relève de la contrefaçon, selon l'Organisation mondiale de la santé.

CAS D'INTOXICATION AIGUË

L'impact sur la santé publique est difficile à apprécier. « Les médecins et la famille n'ont pas toujours connaissance des médicaments pris par la victime ni de leur origine », indique Mme Plançon. Au-delà des cas d'intoxication aiguë, les faux médicaments privent de nombreux patients d'un traitement adéquat, mettant en danger leur vie. En 2011, 3 000 malades ont été touchés par des antirétroviraux falsifiés au Kenya. Et récemment, au Mexique, des patients ont été hospitalisés à la suite de prise d'insulines volées aux Etats-Unis et revendues dans le pays.

Ces affaires risquent malheureusement de se multiplier tant la contrefaçon de médicaments est une activité rentable. Selon les experts, elle serait 10 à 25 fois plus rentables que le trafic de drogue. Les policiers ne se font guère d'illusion : malgré son envergure, l'opération Pangea VII ne suffira pas à décourager les faussaires.

La meilleure arme pour lutter contre la contrefaçon reste la sensibilisation des patients, qui n'ont pas toujours conscience de jouer à la roulette russe en achetant au hasard leurs médicaments.

 

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