Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Catégories : CE QUE J'AIME. DES PAYSAGES

Erdogan rêve d’un triomphe électoral

 

En disposant de moyens financiers et médiatiques hors normes, le Premier ministre turc espère être élu président le 10 août dès le premier tour.

 

 

Le premier ministre de Turquie et candidat à la présidence Recep Tayyip Erdogan en campagne à Istanbul le 11 juillet. (AFP PHOTO/OZAN KOSE) Le premier ministre de Turquie et candidat à la présidence Recep Tayyip Erdogan en campagne à Istanbul le 11 juillet. (AFP PHOTO/OZAN KOSE)

Avec l’annonce le 1er juillet de la candidature à la présidence du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, tous les candidats à l’élection présidentielle du 10 août prochain se sont déclarés. Trois candidats représentant quatre partis vont ainsi s’affronter dans une compétition asymétrique et déséquilibrée. Les deux autres candidats sont : Ekmeleddin Ihsanoglu, candidat des deux principaux partis de l’opposition : le Parti républicain du peuple (CHP) et le Parti d’action nationaliste (MHP), et Selahattin Demirtas, soutenu par le Parti démocratique des peuples (HDP), qui a succédé au parti prokurde, le BDP.

En disposant de moyens financiers et matériels mis à son service par l’Etat, Erdogan dispose d’un grand avantage par rapport à ses rivaux. Son pouvoir médiatique constitue également un atout non négligeable. Pratiquement la moitié des titres de la presse et plus de la moitié des chaînes de télévision en Turquie sont sous le contrôle direct du gouvernement. On peut ajouter à cela l’audiovisuel public, qui, bien que tenu à un devoir de neutralité, est ouvertement pro-AKP [le parti islamiste d’Erdogan], sans oublier la censure indirecte et l’autocensure qui pèsent sur les médias grand public. La puissante et très efficace machine électorale, notamment sur le plan financier, de l’AKP est un autre avantage qui place forcément Erdogan devant ses rivaux.

Allah dans les urnes

La religion est encore un autre atout dans les mains d’Erdogan. Le discours qu’il a prononcé le 1er juillet lorsqu’il a été investi candidat en grande pompe par son parti a été marqué du début à la fin par des références islamiques. Erdogan a commencé son discours d’une heure par ces termes : “Rendons grâce à Allah, le Seigneur des deux mondes. Allah est le seul dépositaire de la victoire. Prières à mon Dieu, celui qui a permis que cette cause, ce mouvement, ce combat nous mène jusque-là où nous sommes aujourd’hui. Comme le sultan seldjoukide Alparslan [XIe siècle] drapé dans son linceul, nous nous sommes lancés dans le combat.

Comme Tariq ibn Ziyad [XIIe siècle], le conquérant de l’Andalousie, nous avons brûlé nos navires pour ne plus pouvoir rebrousser chemin et avons été de l’avant. Oh toi le Tout-Puissant, notre souhait en ce jour béni est que tu gratifies à nouveau cette nation d’une nouvelle victoire.” Le candidat à la présidence de la République a ensuite terminé son allocution en récitant la version turque de la première sourate du Coran. Aucun des deux rivaux d’Erdogan ne peut rivaliser avec lui sur le plan de la religion. Ils sont évidemment dans l’incapacité de se montrer plus islamiste que lui et d’utiliser un vocabulaire religieux aussi dense que le sien.

Vote kurde décisif

Le but d’Erdogan est de remporter cette élection présidentielle de façon indiscutable en obtenant plus de 50 % des suffrages lors du premier tour. Ce désir d’hégémonie cadre avec la vision qu’il a de sa “mission présidentielle”, qui se distingue par la fin du caractère impartial de la présidence de la République dans le système politique actuel.
Si l’on se base sur les chiffres des dernières élections municipales du 30 mars dernier, l’AKP est au coude-à-coude avec les deux partis d’opposition CHP et MHP. Dans ces conditions, la mouvance kurde détiendrait la clé d’une victoire d’Erdogan au premier tour. Erdogan et l’AKP avaient participé aux élections municipales du 30 mars dans un contexte de graves accusations de corruption et avaient finalement perdu 2,5 millions de voix par rapport au scrutin précédent de 2011. La question est donc de savoir si Erdogan va récupérer ces voix. Mais quoi qu’il en soit, il aura besoin du soutien de la mouvance kurde s’il veut être élu dès le 10 août.

Toutefois, le HDP [prokurde], en choisissant comme candidat Demirtas, un des hommes forts du parti, a voulu montrer qu’il n’a pas l’intention d’offrir à Erdogan une élection dès le premier tour. Le taux de participation sera aussi important pour Erdogan que le vote kurde. Si le CHP et le MHP avaient présenté chacun un candidat, la probabilité qu’Erdogan l’emporte au premier tour aurait été très forte. Mais les deux partis se sont mis d’accord pour choisir un homme capable de séduire également des électeurs de l’AKP. C’est ainsi qu’Ihsanoglu a émergé comme candidat surprise.

Choix entre deux régimes

Celui qui a été pendant huit ans secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) est un musulman pieux et pratiquant, mais pas un islamiste hostile à la laïcité. Ce candidat, dont le choix a tout de même fait grincer des dents au sein du CHP, est un atout qui, s’il est bien utilisé, pourrait stopper Erdogan. Ihsanoglu est en effet susceptible d’attirer également vers lui des électeurs musulmans et islamo-nationalistes mécontents d’Erdogan. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas ici véritablement d’une élection présidentielle mais d’un choix crucial entre d’une part un régime parlementaire incarné par Ihsanoglu et d’autre part un régime présidentiel autoritaire qu’Erdogan appelle de ses vœux.

http://www.courrierinternational.com/article/2014/07/20/erdogan-reve-d-un-triomphe-electoral

Les commentaires sont fermés.