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Catégories : A lire, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE

"Les 1001 vies des livres"

"Les 1001 vies des livres" Eric Dussert, Eric Walbecq, Collection : La Librairie Vuibert, 18 x 13 cm, 240 pages, Vuibert, 2014.

 


Histoires de livres, histoires de bibliothèques… Jorge Luis Borges n’avait-il pas imaginé avec La bibliothèque de Babel un labyrinthe vertigineux dont aucun passionné des livres n’est réellement sorti, et l’historien des religions et romancier roumain, Mircea Eliade, n’a-t-il pas, quant à lui, placé un grand nombre des mystères et autres rites initiatiques dans le cadre d’une bibliothèque, telle celle de La lumière qui s’éteint, cette bibliothèque qui sera le point de départ d’une recherche des hiérophanies, ces traces du sacré ou de l’absolu cachées dans le quotidien et qui se manifestent à l’occasion d’un incendie ou d’un rite orgiaque… Avec Les 1001 vies des livres d’Éric Dussert et d’Éric Walbecq, nous entrons en plein cœur de ces rayonnages sans fin et de ces questionnements infinis, une histoire de bibliothécaires et de livres, comme la présentent les auteurs, deux passionnés du livre et bibliothécaires eux-mêmes de métier. Car aucun des témoignages réunis par les deux auteurs n’est anodin, qu’ils relèvent de la tragédie ou de l’ironie. Pour quelles raisons ? Peut-être avec cette idée lancée comme une bouteille à la mer par les deux compères en introduction : « Le livre est une plage, une mer où l’on peut se laisser porter, se laisser couler jusqu’à disparaître, peau comprise. » Mer ou mère ? Peau ou reliure ? Les mots convoquent bien plus qu’il n’y parait, truisme incontournable. L’ouvrage débute par les riches et curieuses fantaisies du livre et déjà nous sommes happés par une rhétorique qui nous condamne à errer dans un labyrinthe sans issue : le livre a une vie, avec ses humeurs. Cette vie est bien entendu celle de ceux qui les pensent, les écrivent, les éditent et les impriment, voire les copient au Moyen-âge ou de nos jours d’un simple téléchargement… Si Sénèque dans le De Brevitate vitae s’interrogeait de savoir s’il est bien utile d’apprendre que le mot codex vient du consul Claudius Caudex qui engagea le premier les Romains à monter sur une embarcation faite d’assemblages de planches de bois, nous sommes contraints de reconnaître que l’histoire des livres a parfois tout autant à nous apprendre sur ce que nous sommes que les ouvrages eux-mêmes. Ces livres extrêmes sont ceux des passions, débridées ou maitrisées, c’est selon. Du Codex Gigas, plus connu sous le nom de Bible du Diable avec ses 75 kg et ses peaux de 160 bêtes pour en constituer les pages, jusqu’au livre Caméléon de Tchekhov au titre prédestiné pour ce genre de mutation : 0,9 mm x 0,9 mm… Les souterrains de nos bibliothèques recèlent aussi parfois d’affaires sordides tels ces livres écrits sur des peaux humaines, sans que l’on sache vraiment si cela ressort de l’amour de certain(e)s pour le macabre ou de l’imagination la plus débridée. Mais, dans tous les cas – même les plus extrêmes évoqués – demeure cette réalité résumée par ce grand amoureux des livres qu’est Alberto Manguel « Toute ma vie, et même encore maintenant, les paroles dans les livres me donnent un moyen pour saisir ce que je vis. Je conçois mal la possibilité de connaître quelque chose sans mots... » (interview Lexnews). C’est à cette passion à laquelle nous convie cette belle initiative qui démontre que le Livre a – du moins, espérons-le - encore de beaux jours devant lui.

 

Philippe-Emmanuel Krautter

http://www.lexnews.fr/leslivres.htm

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