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L’année Bruegel s’est ouverte le 2 octobre au Kunsthistorisches Museum de Vienne

Bruegel, une technique virtuose à la loupe

Par  • le 25 octobre 2018

Avec un rassemblement unique des chefs-d’œuvre du peintre flamand, l’année Bruegel s’est ouverte le 2 octobre au Kunsthistorisches Museum de Vienne. L’occasion de présenter les résultats de six années de recherches menées par le Bruegel Wiener Project sur la technique picturale de l’artiste et d’inviter le spectateur à se plonger dans l’œuvre foisonnante de cet orfèvre de la peinture. Décryptage en cinq points.

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1. De véritables machines à remonter le temps

Aussi bien pour ses paysages que pour ses fameuses Wimmelbilder, où fourmillent ses petits personnages si caractéristiques, Bruegel fait preuve d’un sens aigu de l’observation. Bien que les informations manquent concernant les éventuels modèles et les lieux réels qu’il aurait représentés, la précision avec laquelle il se fait le témoin de son époque est impressionnante. Il retranscrit en peinture avec une extraordinaire habileté les textures et les volumes, qui nous donnent l’impression très vive de participer à l’univers qu’il dépeint. Aussi, les mille et un objets de la vie quotidienne qui parsèment ses scènes de genre peuvent être très précisément confrontés aux chaussures, écumoires ou cruches utilisées dans les Pays-Bas du XVIe siècle et exposées dans les vitrines du Kunsthistorisches Museum. Évoquant la traversée des Alpes de Bruegel lors de son voyage vers l’Italie (1552–1554), Karel Van Mander (1548–1606) écrit que ce dernier aurait « avalé tous les monts et rochers pour les vomir sur ses toiles et ses panneaux ».

 
Pieter Bruegel l’Ancien, Le Peintre et le connaisseur
 

Pieter Bruegel l’Ancien, Le Peintre et le connaisseur, 1566

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2. Un savoir-faire ancestral pour la préparation du support

Avant la mise en place de la composition et la mise en couleur, l’artiste doit préparer son support. Une étape longue et fastidieuse, à laquelle il accorde toute son attention. Pour Bruegel, qui peint principalement sur des panneaux de bois, le choix d’un matériau de qualité et un assemblage parfait sont cruciaux. C’est pourquoi les très fines planches de chêne de grande qualité importées de la Baltique auront été débitées sur quartier afin d’éviter qu’elles ne se déforment, puis solidement chevillées et collées. Enfin, les joints seront renforcés par l’application de toile enduite. Une fois le support préparé, le peintre s’efforce de rendre sa surface extrêmement lisse en appliquant une épaisse pâte à base de craie. Mais, afin d’empêcher que celle-ci n’absorbe les couleurs, l’artiste appose à l’aide d’une large brosse une imprimatur, une fine couche de craie et de blanc de plomb dilués dans l’huile, qui servira d’isolant. En donnant le ton de fond, elle permettra également la réverbération de la lumière, accordant ainsi aux peintures de Bruegel leur formidable éclat.

 

 
Vue de l’exposition – Revers du Portement de croix
 

Vue de l’exposition – Revers du Portement de croix

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3. Des dessins préparatoires sous-jacents

C’est seulement une fois ces étapes effectuées que Bruegel peut s’attaquer à sa composition. Bien qu’il fût un dessinateur virtuose et prolifique, peu d’esquisses préparatoires nous sont parvenues. Toutefois, les dessins sous-jacents qui ont pu être révélés par les photographies infrarouges sont extrêmement précieux pour comprendre le processus de création du peintre. Généralement exécuté à sec, à la craie noire plutôt qu’à l’encre, celui-ci révèle dans la majorité des cas des contours extrêmement précis, indiquant que le motif a été reporté sur le support d’après une composition travaillée en amont. Dans les œuvres plus tardives transparaît néanmoins une plus grande liberté du geste, suggérant que l’œuvre a peut-être été directement réalisée sur le panneau sans travail préparatoire. Un savoir-faire hérité d’une vie consacrée à la peinture !

 

 
Pieter Bruegel l’Ancien, Chasseurs dans la neige (détail photographie en lumière visible et photographie en réflectographie infrarouge)
 

Pieter Bruegel l’Ancien, Chasseurs dans la neige (détail photographie en lumière visible et photographie en réflectographie infrarouge), 1565

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4. Une construction méthodique de l’espace

Avec une multitude de sujets représentés au sein d’une même œuvre, la construction rigoureuse de l’espace est indispensable ! En choisissant un format généralement horizontal, qui offre un point de vue panoramique sur la scène, le peintre met en place plusieurs éléments pour organiser l’espace et guider le regard : dans la Fenaison, par exemple, le chemin au premier plan et la figure repoussoir de l’arbre à droite font pénétrer le spectateur directement dans l’espace pictural. Le savant étagement des plans prend ensuite le relais pour orienter progressivement le regard jusqu’à l’horizon et la perspective atmosphérique, caractérisée par les différentes nuances de bleu qui matérialisent le lointain.

 
Pieter Bruegel l’Ancien, La Fenaison
 

Pieter Bruegel l’Ancien, La Fenaison, 1565

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5. Une touche qui restitue minutieusement les matières

Depuis le XVIe siècle, la virtuosité de la touche de Bruegel force l’admiration. Derrière une apparente facilité, le peintre dissimule une parfaite maîtrise des effets les plus divers, des bruns épais et sourds aux glacis transparents les plus lumineux. Que ce soit avec une large brosse ou un pinceau fin muni de quelques poils seulement, Bruegel manipule avec aisance un large éventail d’instruments. Mais à cela s’ajoute une inventivité constante dans le travail de la matière : l’éponge lui permet de donner l’illusion du foin à l’arrière-plan du Mariage de paysans, tandis que l’empreinte de ses doigts dans la peinture fraîche est employée pour figurer le fond des poêles des Proverbes flamands. Une technique d’une audace et d’une liberté stupéfiantes !

 

 
Vue de l’exposition – Les différents pinceaux
 

Vue de l’exposition – Les différents pinceaux

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Bruegel

Du 2 octobre 2018 au 13 janvier 2019

www.bruegel2018.at

 

 

À lire

Bruegel : Die Hand des Meisters

Sous la dir. de Elke Oberthaler & Sabine Pénot Stuttgart

Éd. Belser • 240 p. • 49,90 €

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