Pour continuer : le Jura.
Géniale programmation concoctée par le non moins génial festival Entrevues Belfort, autour de l'histoire et de l'imaginaire du Jura au cinéma. Nous n'y aurions pas pensé, et ç'aurait été une erreur, car les trois films que nous vous proposons sont un peu fous.
Déjà, ce titre : Feu, fumée, saucisse. C'est Fritz Marti en 1976 filmé par Lucienne Lanaz. C'est un autre monde et une autre époque, qui nous paraît si lointaine. Fritz Marti fume des saucisses en philosophant. Quoi de mieux, d'ailleurs, pour philosopher bien, que de fumer des saucisses dans sa cuisine ? On aura fendu le meilleur bois, celui qui fait la bonne fumée, on aura allumé le feu et on aura veillé. Il nous parle de cette vie-là, qui inévitablement voit arriver l'autre : celle des chaînes de production, au bien pauvre fumet.
Les Hommes de la montre est un film commandé dans les années 60 par une entreprise horlogère. Et il fait partie de ces détournements de commandes délectables qui jalonnent l'histoire du cinéma. Le réalisateur y fait le portrait d'un paysan-horloger, une « espèce en voie de disparition », qui sera bientôt supplantée par l'industrie. Une fois encore, nous assistons à l'opposition entre mode de vie traditionnel et « modernisation ». Entre refus de l'électricité, savoir-faire humain et règne de l'accélération et de l'efficacité. C'est l'histoire de la résistance de ce monsieur, Albert Bernet, de son refus de la vitesse et des processus prônés par les commanditaires du film. C'est une célébration de l'œil et de l'adresse humaine face aux machines, aussi fascinantes soient-elles. Et on aime bien, par ailleurs, qu'Albert Brenet habite dans le Val de Travers.
Et pour en finir avec le Jura : La Peau dure. On n'imaginerait pas qu'un film sur le quotidien d'un couple de fossoyeurs dans un village jurassien en 1969 soit drôle, et pourtant. « La Peau dure nous offre l’opportunité rare de rire de ce qui effraie. Le film exhume des questions enfouies, souvent tristes, parfois gênantes. Loin de la paralysie qu’elles suscitent d’ordinaire, elles deviennent ici le socle d’une drôlerie ultime, d’un rapport quotidien, trivial et nécessaire à la mort » écrit Lucas Gouin, du festival de Belfort. C'est loufoque, inattendu et drôlement mis en scène : c'est un objet unique !
Oui le festival Entrevues Belfort se tient en ce moment-même (à Belfort). Et en dernier écho, nous vous proposons un des films qui y fut sélectionné l'an dernier dans la compétition internationale : Beshar. Beshar est un homme kurde d'Irak, réfugié à Genève depuis dix ans. Beshar se rase, repasse ses vêtements, se promene aux abords du lac. C'est un court métrage sans un mot. Et ce quotidien en apparence banal est pourtant plein de gravité. La réalisatrice Nadège Abadie y filme l'absurdité de cette vie-là mais aussi, plus largement, des politiques migratoires dont Beshar est prisonnier. Un film plein d'attention et de complicité, qui sous la trivialité des gestes montre la violence infligée à un homme – comme à bien d'autres.
Bons films !