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revue de presse

  • Catégories : L'art

    Mort de Jean-Claude Brialy. Ma revue de presse. Suite

    par Alain Riou,
    journaliste au service
    Arts et Spectacles
    du Nouvel Observateur

     

    "Le dernier apôtre de la légèreté"

    NOUVELOBS.COM | 31.05.2007 | 14:40

    L'acteur Jean-Claude Brialy, incarnation du jeune premier dans le cinéma de la Nouvelle vague, est décédé mercredi 30 mai. Quels ont été les grands films qui ont marqué sa carrière ?

    - Evidemment "Le Beau Serge" de Claude Chabrol, est le film qui l'a révélé. Ce réalisateur lui a donné de nombreux rôles dans ces premiers longs-métrages. Il a ensuite tourné avec des cinéastes proches de la Nouvelle vague comme Molinaro, dans "Arsène Lupin contre Arsène Lupin", et de Broca, dans "Julie pot de colle". Il a notamment tourné dans un Truffaut, qui n'est pas le plus connu, mais pourtant superbe : "La mariée était en noir".

    Auparavant, Jean-Claude Brialy avait joué dans un petit film de Godard, sorti en 1956, "Tous les garçons s'appellent Patrick", qui est absolument merveilleux. Ce court métrage de vingt minutes constitue une pure merveille de liberté moderne.

    Quant à son dernier rôle, celui de Max Jacob dans un téléfilm qui n'est pas encore sorti, c'est certainement sa composition la plus extraordinaire. Gros, rasé, enlaidi, Jean-Claude Brialy incarne le poète français qui tente de sauver sa sœur sous l'Occupation. Il s'adresse tour à tour à Guitry, Picasso, et Cocteau, qui finissent par le trahir. Ce film, déjà polémique, est un rôle de fin de vie extraordinaire.

    Acteur de cinéma, de théâtre, réalisateur, écrivain, Jean-Claude Brialy est un touche-à-tout. Comment analysez-vous l'évolution de sa carrière ?

     

    - Incontournable pour la Nouvelle vague, il a aussi tourné avec des réalisateurs italiens comme Bolognini. Mis à part Chabrol, les réalisateurs lui ont plutôt confié des seconds rôles. On donnait peu de premiers rôles aux fantaisistes comme lui.

    Sa carrière d'acteur a été quelque peu freinée par l'alourdissement du cinéma. Après la guerre, le raffinement des jeunes premiers au cinéma avait son public. Mais depuis une vingtaine d'années, les centres d'intérêts se sont éparpillés, et la comédie légère a beaucoup reculé. Or Brialy n'aimait pas les rôles très appuyés.

    Il est donc passé à la réalisation de films de charme, avec cette constance : la légèreté. Son modèle étant Sacha Guitry. Et il a fait de cette légèreté quelque chose de militant, par exemple avec "Les Volets clos", en référence à la fermeture des bordels. Tous ces films étaient légers et goûteux. Il était un des derniers apôtres de la légèreté, et c'est une immense perte dans un monde qui s'alourdit.

    Personnage haut en couleurs, il faisait partie intégrante du monde du cinéma. Comment décririez-vous l'homme qu'il était ?

    - Brialy était un véritable acteur, qui possède une caractéristique, celle de jouer des rôles de composition. Aucun de ces personnages n'est vraiment lui-même, ce qui le rend très difficile à saisir.

    Il était extrêmement drôle, mais aussi parfois méchant et redoutable. Il ne fallait pas déjeuner avec lui si l'on n'était pas dans son camp, c'est-à-dire si l'on n'aimait pas la légèreté. Il avait toutefois quelque chose d'extraordinaire pour les autres. Personnage très influent, très entouré, et très entreprenant, il était capable de réunir un millier de VIP, et de se faire prêter le théâtre des Champs-Elysées, pour rendre hommage à quelqu'un.

    C'est curieux qu'il disparaisse si peu de temps après Jean-Pierre Cassel (ndlr décédé le 19 avril 2007), car ils ont eu le même destin. Brialy : c'était "Cassel" moins la danse.


     

    Propos recueillis par Camille Robert

    (le jeudi 31 mai 2007)

    Source:http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/3_questions_a/20070531.OBS9595/le_dernier_apotre_de_la_legerete.html

    Reportage Photo sur http://www.lexpress.fr/info/quotidien/reportage-photo/default.asp?id=448

    Le comédien, scénariste et réalisateur, l'une des figures du cinéma "à la française", est mort le mercredi 31 mai des suites d'une longue maladie. Il avait 74 ans. Eric Libiot, rédacteur en chef du service Culture de L'Express, commente la carrière de Jean-Claude Brialy.

     

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    Jean-Claude Brialy, le don de plaire et l'art d'être irrésistible

    MARION THÉBAUD.
     Publié le 01 juin 2007
    Actualisé le 01 juin 2007 : 10h53

    Comédien, metteur en scène, châtelain, chroniqueur, animateur de festivals, directeur de théâtre, écrivain, restaurateur, il était à la fois populaire auprès du public et personnalité centrale du Tout-Paris.

    « LA PAILLETTE nous voilà », c'est ainsi que Georges Wilson et les comédiens de sa génération appelaient affectueusement Jean-Claude Brialy. Ce qui en dit long sur le panache, l'élégance, l'art de vivre de cette sentinelle de la nuit, toujours un bon mot, une anecdote aux lèvres, une invitation à lancer, un prix à remettre...Mais cet homme fêté par les siens était avant tout un comédien. Né en Algérie le 30 mars 1933, à Aumale, au hasard d'une affectation de son père officier, il lui aura fallu bien de la combativité pour imposer ses dons artistiques à une famille qui ne voyait en ce jeune homme à l'esprit frondeur qu'un petit singe qui voulait faire l'intéressant.
    Le « beau Jean-Claude », comme les siens l'appelaient avec condescendance, n'a pas eu la partie facile. C'est en souvenir de ses différends avec ses parents qu'il avait écrit Le Ruisseau des singes, énorme succès de librairie. Un titre lié aux gorges de Blida de son enfance et aux rosseries d'une famille qui ne comprenait pas l'élan artistique d'une personnalité singulière, lui lançant avant qu'il aille tenter sa chance à Paris : « Va boire la tasse, petit singe ! »
    Paris c'était la liberté, après une enfance ballottée de collège en collège, un passage éprouvant au Prytanée, école militaire de La Flèche. Paris, c'était également le temps des vaches maigres et de la débrouillardise. Il a beau avoir fréquenté le conservatoire d'art dramatique de Strasbourg, où il rafla un prix, et joué quelques pièces au Centre dramatique de l'Est, il est un parfait inconnu. Il ne le restera pas longtemps. Son charme, cet art de plaire, il va s'en servir, convaincre les uns, se faire adopter des autres et, de Jean Marais, croisé au hasard d'une tournée, à Jacques Rivette, pilier des Cahiers du cinéma, il est de toutes les bandes. Une énergie joyeuse qui porta vite ses fruits. D'un Amour de poche, de Pierre Kast, au Beau Serge, de Chabrol, il devint vite un jeune talent de la nouvelle vague.
    Il décline l'art d'être irrésistible, à l'écran, sur la scène et à la ville. Il est l'éternel « jeune lion » tout droit sorti de la littérature du XIXe siècle, moraliste à ses heures : « L'amitié, c'est la quille du navire, et la voile en est l'amour. Elle vous entraîne vers Cythère ou vers un naufrage... » Pudique sur ses sentiments, il cultivait l'amitié sous toutes ses formes. Arletty, Jean Cocteau, Alain Delon, Thierry Le Luron, Joséphine Baker, Rudolph Noureïev ont connu ce pilier de la société spectacle qui a coiffé toutes les casquettes possibles, du moment qu'elles lui seyaient. À la suite d'Oscar Wilde, homosexuel et dandy, il aurait pu dire : « J'ai mis tout mon génie dans ma vie. »
    Acteur, metteur en scène, châtelain, chroniqueur, animateur de festivals (Anjou et Ramatuelle), directeur de théâtre (les Bouffes Parisiens), restaurateur (l'Orangerie)... il a exploré tous les emplois, y glissant toujours un soupçon de courtoisie, une pointe d'ironie et une bonne dose de savoir-faire. Sur les planches, ce métier fit merveille. Très vite, son talent s'imposa dans la comédie : Les portes claquent, Un dimanche à New York, Le Ciel de lit... Marie Bell l'invita à jouer Madame Princesse, de Félicien Marceau. Puis viendront les Feydeau, La Puce à l'oreille, joué plus de 700 fois avec Françoise Fabian, Micheline Presle et Gérard Lartigau, L'Hôtel du Libre-Échange, mis en ­scène par Jean-Laurent Cochet au Théâtre Marigny.
    Amuseur élégant
    Amuseur élégant plus qu'amant passionné ou mauvais garçon, il est l'insolence amicale, le bel esprit. Mais son jeu est souvent teinté de mélancolie. On regrette que le projet de Richard II, de Shakespeare, qu'il devait jouer à Chaillot sous la direction de Lavelli ait été abandonné à la fin des années 1970. Brialy n'était pas qu'un homme d'esprit. Il y avait une fêlure en lui, que la pièce de Shakespeare, histoire d'un roi qui ne veut pas être roi mais le devient dans l'agonie, aurait révélée. Il n'y a qu'à voir ses photos de jeunesse. Le regard sombre et grave rappelle celui de Jean-Pierre Léaud ou de Sami Frey, des ténébreux qu'on a pris au sérieux. Jean-Claude, lui, amuse. Depuis son enfance, il souffre d'un manque de confiance porté sur lui par sa famille. Une blessure dont il n'a pas guéri. Mais il est trop homme de spectacle pour se morfondre. Jouer est sa vie et, très naturellement, il prend la direction des Bouffes Parisiens. Il y joue Guitry (L'Illusionniste, La Jalousie, Mon père avait raison), Didier van Cauwelaert (Le Nègre), Françoise Dorin (Monsieur de Saint Futile), dont il avait créé auparavant Si t'es beau, t'es con. Avec Line Renaud, il avait fait une escale au Palais Royal avec Poste restante, de Noël Coward. Il avait tiré de ses récits un spectacle, J'ai oublié de vous dire, qu'il avait joué en 2005 dans son théâtre. On se souvient d'un conteur malicieux, délicieux bavard, racontant en toute amitié sa vie, ses amitiés, son amour du trait, son goût pour le beau et sa haine de la laideur. Il a imposé son don de plaire.