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Catégories : Des expositions

Retrospective Atget à la BNF

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A l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance, la BNF consacre une grande exposition au photographe Eugène Atget

Avec sa lourde chambre, Eugène Atget (1857-1927) a, pendant trente ans, photographié le "vieux" Paris, ses commerce, ses ruelles et ses petits métier, mais aussi ses parcs et jardins.

La BNF offre, en 350 tirages, une rétrospective de l'oeuvre de celui qui fut adopté par les surréalistes et inspira de nombreux photographes.

Valérie ODDOS
Publié le 31/03 à 13:06

LA VOCATION TARDIVE D UN COMEDIEN RATE

medium_aztget_2.jpgOn sait peu de choses de la vie d’Eugène Atget. Physiquement, on le connaît surtout par le très beau portrait qu’a fait de lui, à la fin de sa vie, la photographe Berenice Abbott, grande admiratrice de son travail. Elle nous montre, de profil, un vieil homme un peu courbé, à l’expression ironique.

Né en 1857 à Libourne, dans une famille modeste, ce fils de charron est orphelin très tôt. Il est élevé par un de ses oncles, puis s’engage très jeune sur un bateau. Il rêve d’être comédien, entre au Conservatoire mais ses obligations militaires l’empêchent de finir sa formation.

Après quatre ans de service militaire, il devient comédien ambulant, mais son physique le cantonne aux petits rôles. En 1886, il rencontre celle qui restera sa femme jusqu’à la fin de ses jours, Valentine Delafosse-Compagnon, comédienne comme lui.

A la fin des années 1880, il s’installe à Paris et se lance dans la peinture, activité où il n’a pas plus de succès.

C’est en 1890 seulement qu’il se lance dans la photographie, un travail alimentaire, d’abord au service des artistes. Il a la trentaine quand la photo devient son activité principale.

Des motifs pour les artistes

C’est en vendant des images aux artistes qu’Eugène Atget commence à vivre de la photographie. Il leur vend des photos de fleurs, de paysages, qui leur servent de documents pour leurs dessins, peintures ou illustrations.

Il photographie aussi abondamment des motifs décoratifs, qu’il destine à une clientèle plus large, des décorateurs de théâtre et de cinéma, des ferronniers d’art, des ébénistes, des architectes.

En gros plan, il fixe sur ses plaques des portes, des appuis de fenêtres ouvragés, des heurtoirs de porte, des escaliers et autres détails architecturaux glanés à travers Paris.

Un projet systématique sur Paris

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C’est en 1897-1898 qu’Atget entreprend un travail systématique sur Paris. Pendant trente ans, il va sillonner les rues de la ville et aussi sa banlieue, quartier par quartier, thème par thème.

Ce qui intéresse Atget, ce n’est pas le Paris moderne, mis en chantier par Haussmann. C’est ce qui apparaît déjà à l’époque comme le « vieux » Paris, les petits métiers menacés par les grands magasins, les ruelles vouées à la démolition, les franges de la ville, pleines d’herbes folles et bientôt gagnées par l’urbanisation, que le photographe fixe sur ses plaques de verre.

C’est explicitement le « pittoresque » de la vie parisienne qu’il veut répertorier : il intitule un de ses recueils d’images « Paris pittoresque ». Quand il photographie les voitures, ce ne sont pas les automobiles qui l’intéressent. S’il fait une revue du corbillard « de première classe », de la voiture de déménagement, de la voitures de laitier débordant de bidons, du fourgon cellulaire, de la voiture d’arrosage, ces véhicules sont tous tirés par des chevaux.

A l’époque où le patrimoine commence à susciter de l’intérêt, Atget travaille aussi pour des institutions comme la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Carnavalet, la Commission municipale du vieux Paris.

Le photographe travaille avec une vieille chambre en bois à soufflet qui fixe l’image sur des plaques de verre de 18 cm sur 24. Il fait lui-même ses tirages, par contact, sur du papier albuminé. D’ailleurs nombre de ses images, mal fixées, se sont détériorées. Malgré l’invention de techniques plus légères, il reste fidèle à ce lourd matériel qu’il transporte à travers les rues de Paris.

Pour redresser les perspectives, il décentre son objectif, ce qui provoque parfois un arc de cercle en haut des photos.

Les petits métiers et les zoniers

Si on a en tête ces vues urbaines désertes, quasi irréelles et oniriques, Atget s’est pourtant intéressé à la figure humaine dans son œuvre, et a produit des images beaucoup plus vivantes, livrant même des foules comme celle du bas de la rue Mouffetard. Au début de sa  « carrière » de photographe, dans le cadre de ses recherches sur le Paris « pittoresque », il répertorie une série de petits métiers. Cette démarche s’inscrit dans la tradition des « cris de Paris », phrases criées par les marchands ambulants immortalisés par les graveurs depuis le XVIIe siècle.

Atget met en scène un marchands d’herbes, d’ustensiles de ménage, d’abat-jour, de marrons, des chiffonniers… Des métiers qu’il craint de voir disparaître.

Quinze ans plus tard, c’est à un autre monde menacé qu’il s’intéresse, avec son travail sur les « zoniers », ces habitants de la « zone » périphérique de Paris, derrière les fortifications. Il s’est promené, surtout au sud, mais aussi porte de Montreuil ou porte d’Asnières, parmi ce petit peuple méprisé et craint de chiffonniers et de ferrailleurs vivant dans des roulottes et des cabanes, parfois décorées de façon improbable, au milieu d’un amas d’objets de récupération.

Atget a aussi fait un travail sur les prostituées, commandé par le peintre et illustrateur André Dignimont en 1921). Des nus en intérieur et des photos des filles attendant le client devant les maisons closes.

Nature, parcs et jardins, de Paris à la banlieue

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Eugène Atget avait commencé par photographier des fleurs pour les artistes, avant de sillonner la capitale. Plus tard, il a continué à photographier la nature, dans Paris et dans ses environs.

Atget se promène dans la proche banlieue, où il a produit plus de mille images entre 1901 et sa mort. Il prend des demeures et châteaux, des ruelles qui ressemblent à celles de Paris, des fermes. Loin de la banlieue industrielle, il livre un univers encore rural, auquel font parfois écho, d’ailleurs, certaines vues de Paris, de Montmartre à Passy.

Il a consacré une série aux fortifications, où il traque les restes de campagne qui subsistent aux confins de la ville. Ce secteur périphérique, encore plein d’arbres et d’herbes folles est un autre univers condamné à disparaître.

Atget s’est beaucoup intéressé aux parcs, dans Paris (Luxembourg, Delessert) et dans ses environs (Saint-Cloud, Versailles, Sceaux), où il a produit des images très personnelles. A Sceaux, c’est un parc assez sauvage qu’il photographie, à Saint-Cloud, il joue avec la géométrie des allées, des arbres qui se reflètent dans les bassins, des escaliers. Il réalise aussi des gros plans de troncs, de racines d’arbres. Des arbres pour lesquels le photographe de la ville semble nourrir une grande passion.

Vitrines et reflets, l'engouement des surréalistes

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Dans sa revue du « Paris pittoresque », Atget a réalisé une série sur les « enseignes et vieilles boutiques du Vieux Paris ». Il y répertorie les commerces amenés à disparaître et s’intéresse aussi à leur décoration, aux façades et aux enseignes, marques singulières d’un art vivant et populaire.

La figure humaine est présente ici encore, mais comme de façon ironique. Il fait poser le commerçant derrière sa porte vitrée, personnage un peu fantomatique, ou bien devant sa boutique. Etalages de marchands de chaussures, de poisson ou de légumes rivalisent avec des magasins plus luxueux d’orfèvrerie ou de vêtements.

On peut penser que le photographe a joué avec les reflets dans les vitrines des commerces. Arbres et immeubles viennent se mêler aux voitures de la « Boutique d’automobiles », aux mannequins costumés de l’avenue des Gobelins, aux têtes ou aux corsets en vitrine. Un jeu qui a séduit les surréalistes, comme sans doute ses images et scènes de fêtes foraines aux enseignes grotesques.

Quand Man Ray découvre l’œuvre d’Eugène Atget, à la fin de sa vie, il lui achète une quarantaine d’images et en publie quatre dans La Révolution surréaliste, la revue d’André Breton et de ses amis. Atget reste toutefois extérieur au mouvement, et refuse que ses photos publiées soient signées, estimant qu’il ne s’agit pas d’art mais de simples documents.

Une reconnaissance tardive

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C’est à partir de 1910, une bonne dizaine d’années après avoir commencé son travail photographique systématique, qu’Eugène Atget se met à regrouper ses images dans des séries et sous-séries ou albums : L’Art dans le vieux Paris, Intérieurs parisiens, La voiture à Paris, Metiers, boutiques et étalages de Paris, Enseignes et vieilles boutiques de Paris, Zoniers, Fortifications.

Ces albums sont destinés à ses clients, qui y choisissent des images qu’il remplace au fur et à mesure qu’il les vend. A partir de la guerre de 1914, Atget ne fait presque plus de photos et s’occupe surtout du classement de son œuvre.

En 1920, Atget se voit vieillir et s’inquiète du sort de ses photos. Il propose alors à Paul Léon, le directeur de Beaux-Arts, d’acheter sa collection sur L’Art dans le vieux Paris et Le Paris pittoresque (2621 négatifs). Dans la lettre qu’il lui adresse, il écrit : «J’ai recueilli, pendant plus de vingt ans, par mon travail et mon initiative individuelle, dans toutes les vieilles rues du vieux Paris, des clichés photographiques, format 18/24, documents artistiques sur la belle architecture civile du XVIe au XIXe siècle (…) ; les intérieurs de toutes les églises de Paris (…). Cette énorme collection, artistique et documentaire, est aujourd’hui terminée. Je puis dire que je possède tout le vieux Paris », conclut-il.

Sur 8000 clichés réalisés pendant sa vie de photographe, la BNF a dans ses collections près de 5000 images achetées directement à Atget entre 1899 et 1927. A l’époque, pour la Bibliothèque nationale, il s’agit de documents.

Quelques années avant sa mort, Atget a été « découvert » par Man Ray, et aussi par son assistante, la photographe américaine Berenice Abbott, qui se prend d’amitié pour le vieil homme et fait de lui les seuls portraits qu’on connaisse. Elle achète après sa mort 1500 négatifs et 10.000 tirages restés dans son atelier.

Berenice Abbott consacre le reste de sa vie à faire connaître son œuvre et vend sa collection au Museum of Modern Art de New York en 1968.

De nombreux photographes américains, par la suite, se sont réclamés de son influence, de Walker Evans à Lee Friedlander.

Renseignements pratiques

Atget, une rétrospective, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, 58 rue de Richelieu, Paris 2e, 01-53-79-59-59

Du mardi au samedi 10h-19h
Dimanche 12h-19h
Fermé le lundi
Tarifs: 7€ / 5€
Jusqu'au 1er juillet

Le site de la BNF

http://cultureetloisirs.france2.fr/artetexpositions/dossiers/29523407-fr.php

Commentaires

  • Comme j'aimerais voir ces photos ! Cela me rappelle mon grand père et un de ses frères qui a vécu à PARIS.
    Avec le temps, ces photos prennent de plus en plus de valeur car Paris et sa banlieue ont été transformés à grande vitesse.

  • Ma famille maternelle est parisienne ....
    Et puis c'est le Paris, après Nerval et Baudelaire (ils ont vu le début des transformations d'Hausmann), le surréalisme etc...

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