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Catégories : L'art

A New York, les galeries dépriment et guettent la reprise

Il suffit de se promener à New York et de pousser les portes, pour constater que les dizaines de galeries qui y sont installées font le dos rond depuis plus d'un an. Partout, le niveau des ventes a chuté, et le prix des oeuvres a baissé.

Ce sont les petites et moyennes galeries qui souffrent le plus, celles qui représentent les artistes les moins bankables - les moins connus par les spéculateurs. Durant les six premiers mois de 2009, environ vingt-cinq galeries auraient fermé. Certaines s'étaient pourtant fait une réputation en défendant des artistes émergents : Roebling Hall, Rivington Arms, Clementine, Bellwether...

Certains lieux, comme la jeune galerie Smith-Steward, ont "évolué pour devenir un centre d'expositions sans adresse permanente", apprend-on. Objectif : ne pas disparaître et attendre de dénicher un loyer moins cher.

Dans le quartier de Chelsea, à l'ouest de Manhattan, haut lieu des galeries de la ville, "le trafic piétonnier s'est remarquablement amoindri là où les foules se bousculaient l'année passée", remarque le New York Times. Les traders qui aimaient à s'offrir des pièces à 10 000 dollars ont déserté. Désormais, les affaires se font avec les collectionneurs les plus riches. Ceux encore capables de dire, comme le rapporte un galeriste : "J'ai perdu 7 milliards de dollars dans la crise, mais il me reste 200 millions, largement de quoi me refaire." Selon le Baer Faxt, site Internet qui observe le marché de l'art international, "les affaires se sont amoindries de 50 % à 80 %" dans les six premiers mois de l'année, ce qui est vertigineux.

Les plus puissantes des galeries, comme Paula Cooper, Luhring Augustine ou Cheim & Read, parviennent cependant à tenir. Mais elles ont dû réduire drastiquement les coûts : licenciement d'une partie du personnel, pression accrue sur les vendeurs d'oeuvres (payés à la commission) ou évincement des artistes dont les ventes sont les plus faibles. La galerie 303 (303Gallery) se concentre désormais sur un seul espace à Chelsea, contre deux auparavant. Certains artistes doivent aussi payer les frais de production de leurs oeuvres, auparavant couverts par les galeries.

Si ce n'est Charles Cowles, lieu trentenaire et spécialisé dans la photographie, aucune grosse machine n'a mis la clé sous la porte. Larry Gagosian, considéré comme le marchand le plus puissant au monde, installé dans trois espaces à New York, deux à Londres et un à Rome, a même annoncé qu'il doublerait sa surface en 2010, en s'installant à Los Angeles. "Je dois travailler deux fois plus, mais j'ai réussi à attirer une douzaine de nouveaux clients", confie un de ses vendeurs.

Autre signe d'un fossé grandissant entre petits et gros, la puissante et européenne galerie Hauser & Wirth, déjà installée à Zürich et à Londres, a ouvert en septembre un espace à New York, dans l'Upper East Side. "Tout le monde réduit les frais en ce moment, mais nous réfléchissons sur vingt ans", explique un des directeurs.

New York entretient néanmoins sa réputation, son pouvoir d'attraction et sa folle énergie. Pendant que beaucoup se lamentent, les projets continuent d'y fleurir. Surtout venant d'institutions qui continuent de trouver des fonds et du mécénat. Ainsi le prestigieux Whitney Museum, dévolu à l'art américain, souhaite ouvrir une nouvelle aile dans le Meatpack, au sud de Chelsea, et à l'orée de la High Line, inaugurée à l'été 2009 et qui est une ancienne voie ferrée transformée en promenade verte par les architectes Diller et Scofidio - elle devrait être prolongée en 2010.

De son côté, la Dia Art Foundation, qui joue un rôle primordial dans la conservation de chefs-d'oeuvre de l'art contemporain, comme la Spiral Jetty, joyau monumental du land art que Robert Smithson a imaginé au nord du lac Salé (Utah), projette de revenir à Chelsea cinq ans après y avoir renoncé. Mais son directeur, le Français Philippe Vergne, a annoncé "une architecture modeste", afin que l'essentiel de l'argent "soit dépensé pour les artistes". Pour l'instant, la Dia se contente de montrer de petites expositions dans les espaces de la Hispanic Society of America, au coeur du quartier d'Harlem.

Alors que Chelsea décline ou se renouvelle, un autre quartier de l'art s'affirme dans le bas de Manhattan : le Lower East Side, longtemps populaire, réservé aux nouveaux immigrants, entre l'East Village et Chinatown. On y trouve désormais des parkas à 20 dollars comme des escarpins à 500 dollars. Depuis la création du New Museum, il y a deux ans, dévolu à l'art contemporain, le quartier attire les galeries. Une vingtaine se sont installées depuis un an, dont les Zürcher, un couple de Français. Une cinquantaine de petites structures viennent s'accoler aux restaurants chinois et agences de voyage.

Un dernier lieu fait parler de lui, cette fois sur la très chic et chère Park Avenue : l'Armory. Ancien quartier général de la jeunesse dorée partant pour la guerre, ce magnifique bâtiment de la fin du XIXe siècle a été sauvé de la ruine par une association, pour en faire un lieu de culture. Elle a chargé les architectes suisses Herzog et de Meuron (la Tate Modern de Londres, c'est eux) de le restaurer. 40 millions de dollars ont déjà été investis. Opéra, théâtre et art contemporain trouvent leur place dans des salles superbes dessinées par Louis Comfort Tiffany, l'inventeur de l'Art nouveau américain.

En mai, le Français Christian Boltanski installera dans les 5 000 m2 de l'armurerie l'installation qu'il dévoile au Grand Palais, à Paris, à partir du 3 janvier. New York aurait-elle trouvé son grand palais ?

Emmanuelle Lequeux

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