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Catégories : Des expositions

Le maître du baroque napolitain Finoglio à Lille

Eric Bietry-Rivierre
28/05/2010 | Mise à jour : 12:44 Réagir

Renaud et Armide dans le jardin enchanté, de Paolo Finoglio.
Renaud et Armide dans le jardin enchanté, de Paolo Finoglio.

Son cycle sur La Jérusalem délivrée du Tasse est un chef-d'œuvre méconnu du XVIIe siècle. 

Dix toiles monumentales posées sur des cubes évidés gris alternent leur recto et leur verso sur la diagonale de l'atrium du Palais des beaux-arts de Lille. Dix séquences séparées par les intermèdes que constituent leurs revers. Dix tableaux, comme on dit d'une scène de théâtre. Car c'est bien d'un spectacle qu'il s'agit. Une geste épique qui, à partir de La Jérusalem délivrée du ­Tasse, magnifie la famille du commanditaire, dont la généalogie aurait commencé avec Tancrède le Normand.

Qui, au XVIIe siècle, pénétrait dans la salle d'apparat du château fort du comte Giangirolamo II d'Acquaviva, à Conversano, dans les Pouilles, se trouvait immédiatement plongé dans l'atmosphère mythologique des croisades. Orient rêvé, orient de l'âme avec ses armures niellées se muant parfois magiquement en secondes peaux, bleu ou parme ; avec ses merveilleux tissus de soie et d'or qui épousent eux aussi la palette des sentiments.

Ce monde ne connaît que deux temps. Celui du défi guerrier et celui de la déclaration amoureuse, versant galant du duel aristocratique. Ces moments, Paolo Finoglio (1590-1645) les arrête à leur acmé, sublimant la règle classique des trois unités, ­action, temps, lieu.

Torquato Tasso (1544-1595) était donc plus qu'une mode en cette période de Contre-Réforme : une passion qui pouvait tout emporter, jusqu'à inspirer un peintre travaillant loin de Venise, Florence ou Rome. Napolitain, Finoglio interprète le poète dans un baroque très particulier, curieusement libre, où la vision ­jésuite se conjugue avec la maniera locale.

Cela se remarque dans la beauté ardente et réaliste des traits des personnages - chevaliers, héros, princesses ou belles bergères -, leurs poses, leurs gestes mais aussi dans une certaine poétique des sens : les plis des drapés, les couleurs, camaïeux, mordorés, la surpuissance du modelé.

 

Le combat entre l'amour et la mort 

 

L'état de fraîcheur de cet ensemble est surprenant. Et l'histoire de l'art bien aveugle pour n'avoir que ­récemment commencé à en célébrer tout le lyrisme maniériste, le voca­bulaire complexe des passions ; souligné l'influence de Paolo Uccello (manifeste dans le déploiement en premier plan de la scène mythique) ; repéré les morceaux caravagesques ou encore les premières leçons de Carrache. Tout un creuset d'inventions.

Comme les prénoms fabuleux des personnages du Tasse - Sophronie, Olinde, Clorinde, Armide - ces caractéristiques concourent au charme du cycle. Jérusalem intime et violente, où, «comme dans un huis clos sur fond tantôt de batailles, tantôt de paysages idylliques, se danse la fureur et la séduction, se joue le combat entre l'amour et la mort», commente Alain Tapié, directeur du musée et commissaire au gai savoir de cette exposition. Le duo qu'il forme avec Alain ­Fleischer, artiste plasticien, directeur du Fresnoy-Studio national des arts contemporains, auteur de la mise en scène et d'un film sur Conversano diffusé dans l'atrium, est exemplaire.

Il donne envie de visiter cette capitale de la cerise et de l'olive, donc un peu cœur du monde. Le château, qu'Alain Tapié connaît bien, est, dit-il, un véritable dédale, aujourd'hui morcelé en soixante-sept propriétés. Il regorge de fresques. On s'y perdrait volontiers.

 

«Finoglio, un maître du baroque napolitain». Jusqu'au 29 août au Palais des beaux-arts, place de la République, 59000 Lille. Catalogue. Tél. : 03 20 06 78 00. www.pba-lille.fr

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