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Catégories : Des expositions

La merveilleuse Renaissance de Jan Gossaert

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02/03/2011 | Mise à jour : 18:32 

À Londres, la National Gallery met en lumière cet artiste méconnu, pourtant à la charnière de l'art italien et de l'art flamand.

(Envoyé spécial à Londres)

 

Une jeune princesse. (National Gallery, London )
Une jeune princesse. (National Gallery, London )

 

Le marchand travaille à son bureau. Autour, des notes sont épinglées en liasses. On remarque également, tout près de ses mains richement baguées, outre un plumier, un pot d'encre, un stylet à décacheter et de la cire, un trébuchet pour les pesées d'or ou de pierres rares. Les temps sont à la précision, à la rigueur et à la libre entreprise. Nous nous trouvons en 1530, du côté d'Anvers, une cité qui rayonne déjà loin au-delà des berges de l'Escaut. La première bourse des valeurs (au sens moderne) s'y crée tandis que Jan Gossaert dresse méticuleusement ce portrait d'anonyme nous toisant avec un air d'aristocrate, qu'il n'est pourtant pas.

Né vers 1478, mort en 1532, Gossaert ou Gossart (appelé aussi Jean Mabuse en référence à Maubeuge, sa ville natale) est aujourd'hui méconnu. Il fut pourtant le premier des maîtres de la Renaissance en Europe du Nord à avoir copié les antiques et vu le travail de Michel-Ange lors d'un séjour à Rome. À Londres, la National Gallery montre à travers une rétrospective éloquente mais lacunaire par rapport à une version initiale organisée au Metropolitan de New York, en quoi il s'impose comme un chaînon précieux entre van Eyck et Rubens.

Si l'exposition new-yorkaise s'était concentrée sur l'œuvre, présentant notamment la Danaë de la Pinacothèque de Munich une peinture charnière puisque la figure mythologique est pour la première fois traitée comme une Marie et le puissant Neptune et Amphitrite de la Gemäldegalerie de Berlin, la National Gallery compense en travaillant mieux la comparaison avec les contemporains. Quelque 37 huiles et 24 feuilles de Gossaert (soit environ la moitié de la production subsistante) côtoient des travaux de Martin Schongauer, Jacopo de Barbari, Quentin Massys, Gerard David, Lucas de Leyde et, bien sûr, de Dürer, le génial aîné. L'Ève de ce dernier signe l'apparition du nu sous ces latitudes. Mais, avec Gossaert, la première femme prend un tour nettement érotique. Sa main caresse l'épaule d'Adam. Sans doute a-t-elle déjà croqué la pomme. De son côté Vénus prend définitivement une pose médicéenne. Avec, à ses pieds, un casque qui a une tête de grotesque. Enfin, le couple formé par Hercule et Déjanire entrelace ses jambes comme un signe de leurs amours compliquées. Voilà déjà les ondulations serpentines des attitudes maniéristes.

Diversité des thèmes

Gossaert étonne aussi par la diversité de ses thèmes. Portraits, scènes mythologiques mais aussi scènes religieuses encore largement empreintes du gothique international. Même si, entre les commissaires américains et anglais, on débat encore de l'attribution de la Vierge à l'Enfant venue de Chicago, la tendance est nette. La mandorle de cette Marie irradiant d'or n'est pas un fond plat. Vingt ans plus tard, dans une autre Vierge à l'Enfant, cet élément s'est mué en niche de pierre d'où un Jésus turbulent semble jaillir. Gossaert excelle dans ce genre de trompe-l'œil. Dans sa Jeune Princesse, peut-être Dorothée du Danemark, celle-ci se trouve comme extraite de son cadre. Deux mondes qui nous paraissent aujourd'hui différents animent donc, indifféremment, la main : la foi et la science exprimée par cette perspective virtuose et aussi, dans le dernier tableau évoqué, la sphère armillaire que la princesse tient dans une main et désigne de l'autre.

C'est d'ailleurs, comme avec le bluffant Henri III de Nassau prêté par le Kimbell Art Museum de Fort Worth, dans les portraits que Gossaert innove le plus. Il est, par exemple, l'auteur d'Un couple âgé, pièce fameuse des collections permanentes de la National Gallery avec une grande Adoration des mages d'une méticulosité rarement atteinte. Vers 1520, il est très rare de représenter de manière aussi réaliste les marques de la vieillesse. Et il est encore plus exceptionnel d'exécuter un portrait double dans un unique champ pictural. Quant aux sujets, voilà encore de riches bourgeois humanistes. Marguerite d'Autriche et Philippe de Bourgogne devaient compter avec ces forces motrices de la modernité, pareillement clients de Gossaert.

Jusqu'au 30 mai, aile Sainsbury de la National Gallery, Londres. Catalogue (en partie en anglais) Fonds Mercator, 484 p., 99 €. Tél. : + 44 (0) 20 7747 2885. www.nationalgallery.org.uk

http://www.lefigaro.fr/culture/2011/03/02/03004-20110302ARTFIG00629-la-merveilleuse-renaissance-de-jan-gossaert.php

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