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Catégories : La Pinacothèque( Paris 8e), Le paysage, Van Gogh Vincent

Van Gogh,Oliveraie(en ce moment à la Pinacothèque)

Van Gogh, le Japonais
En 1885, Van Gogh voit pour la première fois à Anvers des estampes d’Hiroshige. Dans une lettre à son frère Théo, il écrit à la même époque : « Mon atelier est plus supportable depuis que j’ai épinglé sur les murs des gravures japonaises qui m’amusent beaucoup. » Que ceci se passe aux Pays-Bas n’a rien de surprenant puisqu’on compte dans ce pays, dès les années 1860, pas moins de trois collections d’art japonais ouvertes au public grâce à l’intermédiaire de l’isolat néerlandais de Deshima au Japon. L’intérêt de Van Gogh pour les ukiyo-e se transforme rapidement en véritable passion. En 1887, un an après son arrivée à Paris, il organise une exposition d’une trentaine d’estampes japonaises dans un café du boulevard de Clichy. La même année, il peint le portrait d’un vieux marchand de couleurs, le père Tanguy, qu’il fait poser devant un mur couvert d’estampes.


Van Gogh, Portrait du père Tanguy, 1887-1888

 

Pendant l’hiver 1887-1888, Van Gogh entreprend de copier plusieurs estampes d’Hiroshige dont Le jardin des pruniers de Kameido et L’averse sur le pont Obashi à Atake, toutes deux publiées dans la série des Cent vus d’Edo (1856-1858). Quelques dessins préparatoires exécutés à partir des estampes que le peintre possédait permettent de comprendre son travail de transposition. En 1888, le voyage à Arles permet une plongée définitive dans ce monde japonisant. A sa sœur il écrit : « Pour moi ici je n’ai pas besoin de japonaiseries car je me dis toujours que je suis au Japon. »


De Hiroshige à Van Gogh

 

Van Gogh et Hiroshige, une confrontation éclairante
Le parti pris de l’exposition Van Gogh. Rêves de japon d’une confrontation systématique de l’œuvre de Van Gogh à celle d’Hiroshige permet de regarder les paysages peints par le Hollandais, essentiellement en Provence entre 1888 et 1890, d’une façon très éclairante. C’est dans le Midi que Van Gogh s’enthousiasme pour de nouvelles possibilités de la couleur et de la forme.


Van Gogh, Pont basculant à Nieuw-Amsterdam, automne 1883

 

Ce tableau de la période hollandaise reflète la première période réaliste du peintre qui ignore l’esthétique japonaise. L’exposition a malgré tout sélectionné cette œuvre pour une démonstration a contrario. La composition du Hollandais choisit la perspective à point de fuite central tandis qu’une estampe d’Hiroshige placée à côté du tableau adopte un point de vue décentré pour mieux souligner le cheminement des voyageurs. Van Gogh n’a pas encore adopté perspective déformée et cadrages audacieux.


Van Gogh, Semeur au soleil couchant, juin 1888

 

Cette toile est l’une des variantes du Semeur de Millet que Van Gogh a peintes au cours de sa carrière. En 1888, le peintre se situe loin de son modèle avec une expérimentation audacieuse des couleurs pour mieux souligner le contraste entre le jaune dominant du ciel et le violet mélangé à l’orange utilisé pour le champ. Personnellement, nous ne sommes guère convaincu par le rapprochement avec une estampe d’Hiroshige pour suggérer sans doute chez les deux artistes l’intégration harmonieuse des hommes dans la nature et le travail des champs.


Van Gogh, Oliveraie, juin 1889

 


Hiroshige, Plage de Maiko à Harima, 1853

 

L’oliveraie peinte d’après celle qui se trouvait devant l’asile de Saint-Rémy est caractéristique du style de Van Gogh à cette date. L’utilisation de couleurs vivement contrastées et de touches larges et ondulantes associe étrangement le ciel et les arbres dans des arabesques tourmentées. Encore une fois, la proximité d’une estampe d’Hiroshige veut souligner un même « air de famille » entre deux sujets voisins mais la différence de tempérament entre les deux artistes éclate à l’évidence, ce que souligne la différence des perspectives employées dans les deux œuvres.


Van Gogh, Paysage aux gerbes de blé sous la lune, juillet 1889

 

Là encore, les expérimentations chromatiques de Van Gogh dans le sillage des théories de Chevreul s’associent à la vigueur linéaire de la touche qui accompagne le rendu de tous les plans de la composition. La proximité d’une estampe d’Hiroshige vise à souligner dans les deux œuvres l’étrangeté du choix des couleurs pour une mise en scène stylisée du réel.


Van Gogh, Pins au coucher du soleil, décembre 1889

 


Hiroshige, Vue d’Ueno de l’autre côté de l’étang de Shinobazu à travers les branches d’un pin, 1857

 

Van Gogh adopte ici le format vertical des estampes de la série des Cent vues célèbres d’Edo. Une même mise en valeur des branches d’arbre que chez Hiroshige avec en prime un clin d’œil « japonais » par l’intermédiaire du petit personnage à l’ombrelle. Mais la densité de couleur et de matière chez Van Gogh contraste vigoureusement avec le calme et la transparence de l’atmosphère chez le maître japonais.


Van Gogh, Route de campagne en Provence, la nuit, mai 1890

 

Ici, le rapprochement entre le tableau de Van Gogh et une estampe d’Hiroshige nous semble plus pertinent. Au-delà du même « air de famille » lié au choix du sujet, un même traitement du rapport fusionnel entre l’homme et la nature se retrouve dans les deux œuvres, ce que souligne notamment les effets du vent sur les branches des arbres. Cependant, la violence des contrastes chromatiques conjuguée à l’aplatissement de la perspective témoigne d’une sensibilité exacerbée chez Van Gogh.

L’heureuse initiative de la Pinacothèque de Paris de proposer en parallèle deux expositions qui se répondent rappelle l’importance de l’influence de l’art japonais sur la décoration et la culture occidentales. Et le choix de Van Gogh semble parmi les plus pertinents pour apprécier comment les principes des estampes ont pu modifier le travail des peintres européens et américains à la fin du XIXe siècle. Cela dit, nous avouons être resté sur notre faim en sortant de l’exposition « Van Gogh. Rêves de Japon » en raison de nombreux rapprochements entre les œuvres de Van Gogh et d’Hiroshige qui nous ont semblé limités voire quelque peu artificiels. De plus, les commentaires inscrits sur les murs ont insisté naturellement sur les points communs pour étayer la thèse de l’exposition mais en évoquant trop peu, selon nous, le rôle de révélateur que l’art japonais a joué dans les questions formelles que Van Gogh se posait depuis longtemps. Révélation, déclenchement, précipitation (au sens chimique) nous apparaissent comme les termes clés du rapport entre les ukiyo-e et la recherche esthétique du peintre hollandais. Nous avouons être intéressé par les réactions des lecteurs de ce texte qui ont vu ou qui verront les expositions de la Pinacothèque pour savoir si notre sentiment est partagé ou s’il résulte d’une impression trompeuse. En revanche, s’il y a une réussite qui nous semble incontestable, c’est l’exposition « Hiroshige. L’art du voyage » que nous saluons sans réserve. Magnifiquement présentée, elle propose au public français une rétrospective très complète d’un artiste remarquable qui soutient largement la comparaison avec l’œuvre d’Hokusai, le « vieux fou de peinture » japonais bien mieux connu en Europe qu’Hiroshige.

Pour aller plus loin :

-  Les catalogues des deux expositions publiés en coédition par la Pinacothèque de Paris et Gourcuff Gradenigo.

-  Les ouvrages de Nelly Delay, talentueuse historienne de l’art spécialiste de l’art ancien japonais.

-  Le site http://expositions.bnf.fr/japonaises/ qui nous présente une belle visite guidée du monde de l’estampe japonaise.

Daniel Oster

 

 
 

Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure(inspirée par ce que j’aime, donc par ce blog) et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog

 
 

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