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Catégories : Des musées

La Lyre d'ivoire, Henry-Pierre Picou et les Néo-grecs" du 21 février au 18 mai 2014

Jean-Léon Gérôme : Un combat de coqs, 1846
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Le musée Ingres de Montauban s’associe au musée des Beaux-Arts de Nantes pour organiser la première exposition consacrée au peintre et dessinateur nantais Henry-Pierre Picou, et plus largement au mouvement néo-grec qui marqua le XIX° siècle durant une vingtaine d’années (1847-1865)

C’est l’occasion de mettre en lumière ce mouvement pictural méconnu ainsi que les fonds exceptionnels du musée des beaux-arts de Nantes et du musée Ingres de Montauban.
L’exposition rassemble des peintures, notamment certaines oeuvres essentielles de Picou ainsi que des dessins préparatoires à des tableaux dont la plupart sont aujourd’hui perdus. Des sculptures et des objets d’art témoignent de l’influence des néo-grecs sur les arts décoratifs. Des portraits, en passant par les scènes de genre et la peinture d’histoire, l’exposition bénéficie de prêts exceptionnels venus de collections particulières et de grands musées français, dont le musée d’Orsay, le musée du Louvre ou encore ceux de Rennes et Montpellier.


Henry-Pierre Picou (1824-1895), est issu d’une famille nantaise d’artistes. Dès l’âge de 12 ans, il entre dans l’atelier de Paul Delaroche où il se lie d’amitié avec ses camarades Gérôme, Hamon, Boulanger. Ces jeunes artistes vivent et travaillent ensemble dans un phalanstère à Paris, rue de Fleurus.Bénéficiant du double enseignement de Delaroche puis de Gleyre, Henry-Pierre Picou et ses camarades, désireux de faire revivre le raffinement et l’harmonie antiques, élaborent ensemble le style dit « néo-grec ». En 1847, ils débutent au Salon parisien où Gérôme s’y fait connaitre le premier avec son tableau Le Combat de coqs. Le succès inattendu de cette oeuvre fait de lui le chef de file du groupe.
Gérôme, Hamon, Boulanger et Picou élargissent les thèmes de leur peinture avec pour ambition commune le renouvellement de la peinture d’histoire. La référence à l’Antiquité est avant tout un prétexte pour traiter de nouveaux sujets anecdotiques. Ils retranscrivent des scènes de la vie contemporaine dans un décor antique. Cette Antiquité idéalisée, complètement revisitée, est le théâtre dans lequel évoluent des corps harmonieux et sensuels, où se déroulent des scènes non dénuées d’humour.

Dès 1848, le public est séduit par la grâce de ces représentations néo-grecques. Les artistes bénéficient d’achats de l’Etat ou de collectionneurs privés. Par ailleurs, la gravure facilite une large diffusion de leurs oeuvres. La critique est cependant mitigée. Champfleury, défenseur du réalisme et de Courbet qualifie le style néo-grec d’«Ecole du calque » et Baudelaire d’ «Ecole des pointus». Selon eux, les artistes manquent parfois d’imagination et affirment une certaine prétention à l’exactitude archéologique. A l’inverse, Théophile Gautier adhère pleinement au style néo-grec dont il devient le chantre aux côtés de Théodore de Banville et Leconte de Lisle.
Le titre de l’exposition fait ainsi référence aux relations étroites entre poésie et peinture dans le mouvement néo-grec. C’est Théophile Gautier qui, évoquant le monde antique, dans son recueil de poèmes « La Comédie de la mort » (1843) fait allusion à la lyre d’ivoire, instrument des poètes et des muses. « Je t'aime, ô doux sommeil ! Et je veux à ta gloire, avec l'archet d'argent, sur la lyre d'ivoire…. ».
Le courant néo-grec eut une belle influence et un succès important dans le domaine des arts décoratifs, notamment en ce qui concerne la céramique. L’exposition montre quelques beaux exemples sortis des ateliers de la Manufacture de Sèvres (Vase de Lesbos, assiettes du service du Prince Napoléon)
Cette nouvelle esthétique connait des développements originaux. Ainsi Jérôme Napoléon (cousin de Napoléon III) ira jusqu’à faire édifier une villa Pompéienne en plein coeur de Paris. Cette villa néo-grecque, construite pour la tragédienne Rachel, inaugurée en 1861, sera détruite en 1891. Une maquette permet au visiteur d’imaginer le temple qui décorait le jardin d’hiver de la Villa et dont Ingres réalisa le décor peint.
La scénographie de l’exposition y renvoie, comme un clin d’oeil à cette villa néo-grecque.
Le salon de 1857 marque la fin du mouvement. La critique reproche aux artistes un manque de souffle nouveau. Plus tard, dissensions politiques et enjeux de carrière viendront à bout du groupe.
Gérôme se tourne vers l’orientalisme, tout comme Boulanger, Hamon part à Capri. Picou est l’un des seuls artistes du groupe à poursuivre au-delà de 1865 une carrière néo-grecque. Il développe des thèmes mythologiques, qu’il associe à des décors antiques. Des oeuvres de sa fin de carrière, à Nantes, permettent de voir la persistance du mouvement néo-grec au-delà des années 1870.

 

Le Vœu de Louis XIII, 1824

 

Le musée de Montauban conserve plus de 4500 dessins d’Ingres légués par l’artiste à sa ville natale. Ils sont  présentés par roulement pour des raisons de conservation étant donné la sensibilité des œuvres graphiques à la lumière, autour d’un thème, d’un tableau ou d’une époque.

L’exposition actuelle traite de la gestation, à travers une centaine de feuilles, du Vœu de Louis XIII, tableau majeur d’Ingres peint pour la cathédrale de Montauban.

Commandé par le Ministère de l’Intérieur en 1820, il devait représenter « le Vœu de Louis XIII qui met sous la protection de la Sainte Vierge à son Assomption le Royaume de France ».  Ce sujet n’alla pas sans poser à l’artiste quelques problèmes qui y voyait deux sujets distincts et anachroniques : une scène religieuse, l’Assomption de la Vierge et une scène historique : la remise du royaume de France sous la protection à la Vierge par Louis XIII en 1638 après les divisions sanglantes des guerres de religion. 
Toutefois Ingres finit par accepter de relever le défi et commença à travailler dès 1821 dans son grand atelier de la via des Belle Donne, à Florence, réunissant tout d’abord une abondante documentation faite de copies et de gravures. Celles  d’après Raphaël vont lui servir pour le registre supérieur occupé par la Vierge.  Ainsi les images de la Madone de Dresde, de la Vierge de Foligno ou de la Madone du Grand Duc , provenant des collections de l’artiste montrent clairement l’influence de l’Urbinate sur le Montalbanais même si la pose finale de la Vierge fut prise par Ingres lui même, complètement nu et juché sur un escabeau avec un chapeau dans les bras en guise d’enfant Jésus. Un dessin croqué par son ami Constantin rappelle cette anecdote. 
Pour le registre inférieur, inquiet de l’éventuel manque de noblesse des habits du XVII° siècle,  il trouve son modèle dans le Portrait d’Henri IV par Pourbus, exposé au musée des Offices, écrivant à son ami Gilibert qu’il allait « habiller le fils de l’habit du père ».  Plusieurs des dessins exposés témoignent de cette recherche.

Ce tableau, dans lequel Ingres assimile si brillamment l’influence de la Renaissance italienne et du Classicisme français avec quelques accents baroques très présents dans la figure des anges, l’impose au Salon de 1824 où il séduit même la jeunesse romantique. 
Le triomphe est tel que le gouvernement cherche à retenir l’œuvre pour une église parisienne. Mais Ingres s’y oppose fermement et le Vœu e Louis XIII rejoint enfin Montauban en 1826 où après quelques jours d’exposition triomphale à l’Hôtel de Ville (actuel musée Ingres), il arrive enfin à la Cathédrale. Plusieurs dessins témoignent des réflexions autour de l’emplacement à donner au tableau. D’abord envisagé dans le chœur puis dans la sacristie pour des raisons d’éclairage, il est définitivement installé dans le transept nord où il se trouve encore aujourd’hui.

 

Les esquisses peintes et dessinées documentent le patient et long travail de l’artiste, ses nombreuses recherches autour de la figure de la Vierge, telle cette « Première pensée » où conforme au thème de l’Assomption elle est représentée debout et sans enfant, image finalement abandonnée au profit d’une Vierge à l’enfant semi-assise, plus fidèle aux modèles raphaëlesques. 

 
D’autres études pour le roi, les anges, les draperies ou le décor montrent le souci du détail d’Ingres qui déploie dans toutes ces feuilles d’exceptionnelles qualités de dessinateur depuis  ses délicates études de nu au crayon graphite jusqu’ aux somptueuses draperies sur papier de couleur, traitées  à l’estompe et à la pierre noire rehaussée de blanc.

                      

                                                                                                                                    Etude pour le Vœu de Louis XIII

Au musée Ingres depuis septembre 2013.

http://www.museeingres.montauban.com/Expositions_temporaires-15.html

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