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Turquie. Istanbul, cosmopolitismes d’hier et d’aujourd’hui

Turquie. Istanbul, cosmopolitismes d’hier et d’aujourd’hui

Publié le 13/03/2015 - 17:19

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Vue aérienne d'Istanbul.– AFP

La métropole turque a accueilli au cours de son histoire nombre d’étrangers. De cette tradition d’accueil que reste-t-il aujourd’hui ? Voyage aux côtés de l’auteur allemand Bernd Brunner, qui s’est installé dans l’ancienne Constantinople.

En 1850, Gustave Flaubert se rend à Istanbul, ou Constantinople comme on l’appelait encore, et dans sa correspondance il raconte sa découverte d’une fantastique “fourmilière humaine” qu’il s’attend à voir devenir “la capitale de la Terre” : “Ce sentiment d’écrasement que tu as éprouvé à ton entrée à Paris, c’est ici qu’il vous pénètre, en coudoyant tant d’hommes inconnus, depuis le Persan et l’Indien jusqu’à l’Américain et l’Anglais, tant d’individualités séparées dont l’addition formidable aplatit la vôtre.” Herman Melville, qui passe six jours à Constantinople en décembre 1856, trouve la cité labyrinthique et s’y perd à répétition. “Rentré par les vastes faubourgs de Galata, écrit-il dans son journal. Foules nombreuses de toutes les nations… Des monnaies de toutes les nations circulent. Affiches dans quatre ou cinq langues (turc, français, grec, arménien)… On se sent parmi les nations… Une malédiction dans pareille Babel que de ne pouvoir parler à l’un de ses semblables.”

Ces illustres visiteurs sont loin d’être les premiers, aux temps modernes, à décrire la diversité de Constantinople et l’excessive hospitalité de ses habitants, qu’on attribue au fait que les Turcs arrivés des steppes d’Asie centrale dépendaient en chemin de l’aide des étrangers. Déjà au XIe siècle, les marchands génois et vénitiens qui s’y rendaient étaient émerveillés par l’accueil. Si les Juifs étaient présents de longue date en Anatolie, Constantinople fut aussi une terre d’asile pour les Séfarades fuyant l’Inquisition espagnole à la fin du XVe siècle : le sultan Bayezid II les avait officiellement invités à s’installer dans l’Empire, et ils y jouissaient d’une tolérance relative, sans subir de restrictions professionnelles ni connaître de tensions majeures avec les Turcs.

La frégate américaine George Washington, venue d’Alger, qui accoste à Constantinople en 1800, compte parmi les premiers navires américains à mouiller dans un port ottoman. Son capitaine, William Bainbridge, fait hisser le drapeau américain : les autorités ottomanes lui envoient alors, écrit un témoin, un messager qui veut savoir “si l’Amérique est bien ce que l’on appelle aussi le Nouveau Monde et qui, à la réponse par l’affirmative, assure le capitaine qu’il est le bienvenu et sera traité avec la plus grande cordialité et le plus grand respect”. Rapidement, les échanges prospèrent entre marchands américains et ottomans, le coton, l’huile et le rhum étant particulièrement demandés. Paradoxe du commerce : ces Américains qui bataillent alors chez eux pour la tempérance exportent des millions de litres d’alcool dans un pays musulman (qui l’exporte à son tour vers la Géorgie, l’Arménie et la Perse).

Constantinople séduit aussi les voyageurs européens et américains désireux d’étendre leur Grand Tour, qui passait par l’Italie et la Grèce mais s’arrêtait généralement aux portes de l’Anatolie et à la Corne d’Or. Et ces aventuriers en profitent souvent pour pousser jusqu’en Terre sainte. Dans le Bosphore, ils trouvent une profonde tradition de cosmopolitisme mêlant influences musulmanes, juives et chrétiennes. Dans les années 1830, la présence de missionnaires américains (venus évangéliser les chrétiens grecs et arméniens, dont ils jugent la foi contaminée par de fausses doctrines) complète cet étonnant mélange diplomatique, commercial et religieux.

Quand Flaubert et Melville visitent Constantinople, la ville est d’ailleurs en train de se faire plus cosmopolite encore, devenant une sorte de “Londres orientale”, qui non seulement tolère l’étranger, mais cherche même à le séduire et l’accueille d’où qu’il vienne. Les sultans ottomans de l’époque entendent imiter les progrès culturels, économiques et militaires qu’a faits l’Europe. Ils ambitionnent par là d’entrer dans le club des Etats européens de l’époque postnapoléonienne.

Jusque-là, les efforts en ce sens se sont cantonnés au domaine militaire. A la fin du XVIIIe siècle, sous le sultan Selim III, les forces armées ottomanes ont adopté des armes et des méthodes de formation venues d’Occident, et les janissaires, ce corps d’élite formé essentiellement de chrétiens convertis, ont été dissous. Dès 1838, le pouvoir ottoman possède des ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice. Mais la nouvelle ère débute officiellement en 1839 avec le Hatt-i Serif de Gülhane, ou “noble rescrit de la Maison des roses”. Cette charte a pour objectifs, notamment, l’égalité entre toutes les confessions et l’instauration de lois et d’institutions laïques – et elle représente peut-être l’aveu, de la part de cet empire en lambeaux qui perd des territoires, qu’il a besoin d’idées neuves pour égaler la rapide croissance économique de l’Europe. L’ère politique du Tanzimat, qui réorganise l’Empire ottoman [tanzimat signifie “organisation”], va durer près de quatre décennies.

Pendant cette période, de nombreux Ottomans se rendent à Paris et dans d’autres villes pour étudier ou se forger une expérience au travail. Parmi eux l’homme d’Etat Mustafa Reschid Pacha, qui a été ministre des Affaires étrangères de son pays et ambassadeur de la Sublime Porte à Paris. C’est à lui, le “père du Tanzimat”, que l’Empire doit l’introduction de lois d’inspiration française et l’abolition de l’esclavage. L’interdiction qui pesait sur la conscription de chrétiens est levée et une nouvelle armée fondée. Même les sultans s’adaptent à cette nouvelle vogue exotique : ils abandonnent la tenue traditionnelle, composée du kavuk (turban enroulé sur un haut couvre-chef), du caftan et du salvar (pantalon ample), au profit de pantalons droits rayés, du fez rouge et de vestes matelassées. D’autres réformes s’imposent dans les champs du commerce, du droit et de l’éducation, et les marchands étrangers sont autorisés à commercer librement dans l’Empire.

Bien qu’il prenne fin dès 1876 sans avoir pu empêcher l’inévitable effondrement financier de l’Empire, le Tanzimat n’en a pas moins préparé le terrain à la modernisation à venir. Mustafa Kemal, fondateur de l’Etat turc (le futur Atatürk, “père des Turcs”), n’est pas sorti de nulle part : il est un pur produit du Tanzimat. Né à Salonique (ou Thessalonique) en 1881, il a très vite été en contact avec de grandes innovations comme le chemin de fer, l’électricité et le téléphone, et s’est formé dans une école militaire offrant un enseignement au carrefour entre traditions ottomanes et modernité française.

Les Ottomans ne se contentent pas d’imiter les talents occidentaux : ils invitent des étrangers à les leur enseigner. D’où le nouvel afflux d’étrangers à Constantinople pendant le Tanzimat. L’Italien Donizetti Pacha [Giuseppe Donizetti, frère du célèbre compositeur Gaetano] est recruté pour faire de l’orchestre militaire un ensemble musical moderne. Le chimiste américain John L. Smith est chargé d’explorer les sous-sols et découvre du charbon et d’autres minerais. L’ingénieur français Eugène-Henri Gavand se voit confier la conception d’un funiculaire souterrain [le Tünel] de 573 mètres de long qui, inauguré en 1875, permet aux habitants de Constantinople de gravir sans effort l’abrupte colline de Galata (parfois appelée “colline des infidèles” en raison de sa proximité avec le quartier européen). Le missionnaire [américain] Cyrus Hamlin fonde le Robert College, qui deviendra l’université du Bosphore, l’une des plus prestigieuses universités publiques de Turquie.

Mais l’une des importations les plus intéressantes du Tanzimat est un Anglais du nom de James Robertson, recruté en 1840 pour moderniser l’institution monétaire ottomane. Le seul fait qu’il accepte la proposition interpelle, à cette époque où la plupart de ses plus talentueux confrères assument de prestigieuses fonctions partout dans l’Empire britannique. Mais James Robertson a senti que Constantinople lui offrait une occasion historique. L’Anglais prend la direction de la Monnaie ottomane pour un coquet salaire de 40 livres sterling. Les premières pièces d’or frappées sous sa direction sont mises en circulation le 17 janvier 1843. Abdülmecid Ier, devenu le 31e sultan de l’Empire ottoman quatre ans plus tôt, entendait remettre l’institution au goût du jour, mais il ira finalement bien plus loin et fera construire, sur le domaine de son palais de Topkapi, une réplique de la Monnaie de Londres.

Les pièces produites sous Abdülmecid Ier sont les plus délicates qu’ait jamais vues l’Empire ottoman, et son monogramme calligraphié (ou tughra, symbole du pouvoir du sultan) fait alors le tour du monde. Robertson, lui, reste discret, et n’appose sa signature que sur une seule pièce, celle qui commémore la restauration de Sainte-Sophie, œuvre d’ailleurs d’un autre étranger, l’architecte suisse Gaspare Fossati.

Mais l’œuvre de Robertson à Constantinople ne s’arrête pas à la Monnaie. En mai 1854, il monte au sommet de la tour de Beyazit, une structure de 85 mètres qui fait partie du ministère ottoman de la Guerre. Construite trente ans plus tôt par l’Arménien Senekerim Amira Balyan, cette tour de pierre abrite un escalier en colimaçon en bois de 180 marches. Après une petite visite du sommet, Robertson se met au travail, et des fenêtres du dernier étage il prend douze photographies qu’il montera en un panorama.

Du grec pan, “tout”, et horama “ce que l’on voit”, le panorama est depuis longtemps un genre bien connu de la peinture de paysages, mis au point parallèlement par divers artistes, et offrant une vue à 360 degrés. Peut-être James Robertson a-t-il tenté cette expérience photographique poussé par le désir d’immortaliser la vaste cité moderne à ses pieds, à moins qu’il n’ait été chargé par d’autres de réaliser ce cliché. Quoi qu’il en soit, Robertson le photographe est l’auteur du tout premier panorama photographique de Constantinople.

Quand James Robertson réalise ce panorama, cela fait déjà plus de quinze ans qu’il vit à Constantinople, plus précisément rue Asmali Mescit, sur les hauteurs de Pera, où se concentrent les Européens expatriés. Les églises sont nombreuses par là, les fez et les turbans extrêmement rares. Comme dans les capitales occidentales, les femmes portent le corset, ne sortent pas sans leur ombrelle et se parent de savantes coiffures. Le Français Gérard de Nerval, qui passe trois mois à Constantinople en 1843, dit s’y être senti “toujours dans une ville européenne où le Turc est devenu lui-même un étranger”. Nul doute que cette impression lui est avant tout donnée par Pera, où il s’est lui-même installé et où, dit-il, “on se trouve entièrement dans un quartier parisien”. Le fait est que Pera réunit nombre des agréments des grandes villes occidentales, notamment des hôtels et des cafés où l’on mange avec couteau et fourchette. On croise des Arméniens, des Grecs, des Allemands, des Anglais, des Américains. Et non seulement ces résidents de Pera parlent de nombreuses langues étrangères, mais ils trouvent aussi des ouvrages étrangers dans les librairies et pléthore de quotidiens imprimés en Europe.

Peuplée de plus de 14 millions d’habitants, l’Istanbul d’aujourd’hui est en passe de redevenir une cité cosmopolite, mais cette fois sans guère de similitude avec Londres ou Paris. Dans la plupart des quartiers, vous croiserez peu de passants immédiatement identifiables comme des étrangers. La Turquie est de nos jours un pays très majoritairement musulman – à plus de 99 %, selon une estimation récente. Pourtant, la ville renferme une foule d’étrangers arrivés de fraîche date – mais difficilement repérables. C’est que beaucoup viennent d’autres pays du Moyen-Orient, ou de l’ancienne Union soviétique (auquel cas leur langue maternelle appartient souvent à la famille des langues turques). Au sein de la population stambouliote musulmane, la diversité n’en est pas moins grande, avec de nombreux sunnites, Kurdes (eux-mêmes majoritairement sunnites, par ailleurs) et alevis (pour certains Kurdes).

Le nombre de résidents permanents de confession chrétienne ou juive est aujourd’hui très faible, bien plus qu’il y a cent cinquante ans. Le XXe siècle a métamorphosé Istanbul et anéanti pour une large part sa diversité historique. En 1955, le pogrom d’Istanbul a chassé la plupart des Grecs, et l’essentiel de la communauté juive a émigré en Israël. Mais à Istanbul retentissent toujours aussi bien les cloches des églises que l’adhan, l’appel à la prière des mosquées. Rares sont les villes du monde musulman où c’est encore le cas : moi je les entends dans mon quartier, celui-là même où vivait jadis James Robertson.

Istanbul doit son regain de cosmopolitisme aux populations qui fuient la guerre et le chaos, à des migrants en quête d’un refuge qu’ils espèrent trouver ici, ou en passant par ici. L’afflux de réfugiés venus d’Irak et de Syrie est aujourd’hui continu : plus de 1 million de Syriens sont entrés en Turquie depuis le début de la guerre civile dans leur pays, il y a quatre ans, l’une des grandes tragédies de notre jeune siècle. Ces nouveaux immigrés mettent à l’épreuve ces Turcs toujours réputés pour leur chaleur et leur générosité. Beaucoup de Stambouliotes estiment que les Syriens, par leur langue et leur mode de vie trop différents, n’ont pas leur place ici, et ils redoutent qu’ils ne leur prennent leur travail.

Alors que les pays européens discutent quotas de réfugiés et gestion des demandes d’asile, les migrants du Moyen-Orient n’ont désormais presque plus aucune chance d’entrer en Europe sans risque et de façon légale, et moins encore depuis que la Grèce a renforcé sa frontière. Le sort des Kurdes d’Irak, de Syrie et de Turquie (et l’éventuelle création d’un Etat kurde indépendant) serait, dit-on, une préoccupation de premier plan en Turquie. Pourtant, on rappelle rarement que la première ville kurde par sa démographie n’est ni Diyarbakir, dans l’est de la Turquie, ni Erbil, en Irak, et qu’elle ne se trouve pas sur les territoires kurdes traditionnels : Istanbul concentre 3 millions de Kurdes, la plus importante population kurde au monde. La plupart parlent toujours le kurde, une langue sans aucun lien avec le turc, qui appartient comme le farsi (mais aussi l’anglais [ou le français]) aux langues indo-européennes. Les Kurdes d’Istanbul et des autres grandes villes de Turquie occidentale sont très souvent bien intégrés dans la société turque ; ils demandent le respect, et sont très loin d’être unis sur la question d’un Etat indépendant.

Bien sûr, d’autres étrangers arrivent à Istanbul dans des circonstances bien plus privilégiées. Installés dans un hôtel de luxe, ils jouent quelques jours à être quelqu’un d’autre. Ou bien ils échouent là par choix, comme moi. Cette ville a eu une façon bien particulière de m’attirer à elle, et dont je commence seulement à prendre conscience : ce fut comme si je m’étais lancé dans une ascension dont j’ignorais le sommet, mais aussi le temps qu’elle me prendrait. Chaque fois que je venais ici, je restais un peu plus longtemps, aimanté par l’énergie et l’intensité du lieu, séduit par des sons, des odeurs et des goûts différents, et la promesse d’une vie autre, moins prévisible. Et, un beau jour, j’ai compris qu’Istanbul était devenu chez moi.

Yabancı mısınız ?” “Etes-vous étranger ?” me demande-t-on parfois. Mais le terme qui désigne l’étranger en Turquie fait parfois simplement référence à celui qui n’est pas d’Istanbul, étranger à la ville. Or, dans la tradition turque, les étrangers jouissent toujours d’une protection particulière. Une attention délicate – je ne me suis d’ailleurs jamais senti en danger ici. Je me sens même plus en sécurité qu’à Berlin.

Pera, qui fait aujourd’hui partie du plus vaste quartier de Beyoglu, n’est toujours pas représentatif de la Turquie, ni même d’Istanbul. C’est une sorte d’antichambre de la ville pour les étrangers. Foyer d’une scène artistique dynamique, il renferme la plupart des centres culturels étrangers et des consulats, ainsi que de nombreux hôtels chics. Les prix de l’immobilier flambent, et la conservation du patrimoine architectural est un combat. C’est aussi ici qu’on se rend quand on veut voir un concert et faire la fête, dans ces nombreuses boîtes bling-bling ou décaties, ici aussi que viennent ceux qui veulent boire de l’alcool ou prendre des drogues. Chaque week-end, 3 millions de personnes se pressent à Beyoglu, dit-on. Les nuits étourdissent parfois tous les sens. J’ai tenté plusieurs fois d’entrer dans l’un de ces clubs, mais j’ai toujours tourné les talons à la dernière minute.

Un soir, de nouveau, je décide de découvrir ce monde. Devant l’entrée d’un club à quelques pas de la place Taksim passent des touristes arabes, les femmes intégralement voilées de noir hormis les yeux, tous ignorant apparemment tout de l’univers parallèle qu’ils frôlent. La piste de danse s’ouvre pourtant juste derrière la porte. Des rythmes métalliques rivalisent avec le bruit des voitures qui défilent à quelques mètres de la porte ouverte. Au moment où j’entre, un jeune homme aux cheveux blonds décolorés soulève son tee-shirt. Une bouffée d’eau de toilette m’enveloppe de son parfum intense et sommaire. Plus loin, une clientèle androgyne se dispute les regards d’autres chalands de sexe incontestablement masculin. Tout autour de moi, ça rit, ça chahute. Je fais la connaissance d’une femme, Sare, qui me salue d’un enthousiaste “Bienvenue en Turquie !”. Homme devenu femme, elle a fui l’Iran, et dans cet Istanbul nouvelle version elle peut vivre comme elle l’entend – sans toutefois espérer le moindre respect de la société qui l’entoure.

J’essaie de regarder la ville avec les yeux de James Robertson. S’il devait photographier Istanbul aujourd’hui, quel poste d’observation choisirait-il ? Le toit-terrasse du 360, un restaurant branché de Beyoglu, ou l’une des nombreuses hautes tours ? Irait-il plutôt chercher du côté de Levent, le quartier des affaires, ou monterait-il en haut des tours jumelles d’Atasehir, sur la rive asiatique ? Les constructions d’où l’on peut voir la ville d’en haut se sont multipliées de façon spectaculaire ces dix dernières années (qui en ont vu soixante-dix sortir de terre), et rien ne présage un ralentissement de la tendance : en 2015, quinze nouvelles tours doivent être achevées.

James Robertson a fait frapper sa dernière pièce de monnaie en 1876. Quand il prend sa retraite officielle, le 29 octobre 1881, il a servi quatre sultans successifs, au cours de quatre décennies, et passé une plus grande partie de sa vie à Constantinople qu’à Londres. Dix jours plus tard, il embarque pour le Japon avec sa femme et ses trois filles. James Robertson mourra le 18 avril 1888, à l’âge de 75 ans. Il faudra deux mois, jour pour jour, pour que la nouvelle de sa mort paraisse dans le Levant Herald. Il a terminé sa vie en étranger dans une nouvelle contrée. James Robertson semble n’avoir jamais vraiment envisagé de rentrer en Angleterre.
 

Source

Lapham’s Quarterly - New York

New York
Semi-annually
nc exemplaires
 
 
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“L’histoire ne se répète pas, elle rime.” C’est par cette citation empruntée à Mark Twain que Lewis H. Lapham, ancien rédacteur en chef du prestigieux Harper’s Magazine, aime présenter sa revue trimestrielle sur l’histoire et la littérature,...

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