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L’écrivain italien Sanguinetti porte plainte contre la Biennale de Venise

 

         

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L'installation de l’artiste originaire du Malawi, Samson Kambalu, à la Biennale de Venise. L'installation de l’artiste originaire du Malawi, Samson Kambalu, à la Biennale de Venise. Crédits : Roxana Azimi

Un artiste peut-il librement utiliser des archives d’un situationniste célèbre pour nourrir son oeuvre, une installation exposée à la Biennale de Venise ? Tel est le dilemme que doit trancher la justice italienne. Ancien membre de l’Internationale situationniste, un mouvement libertaire fondé en 1957 par le révolutionnaire français Guy Debord, l’écrivain italien Gianfranco Sanguinetti attaque la Biennale de Venise. L’objet de son grief ? Une installation de Samson Kambalu intitulée Sanguinetti break out area, composée notamment de photos que le public est invité à manipuler.

 

Selon l’écrivain, l’artiste, originaire du Malawi, aurait bafoué ses droits d’auteur et reproduit sans sa permission l’intégralité des archives vendues en 2013 à la Bibliothèque Beinecke de l’Université de Yale, aux Etats-Unis.

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Dès le 8 mai, Sanguinetti avait adressé un courriel à la Biennale de Venise. La direction de la manifestation lui avait alors fait savoir que l’usage de ces documents était à des fins culturelles et, par là-même, licite.

Mais le théoricien ne l’entend pas de cette oreille : il a déposé une plainte le 14 juillet au Tribunal de Venise. « Notre législation n’autorise certainement pas un tiers à photographier intégralement les archives d’un artiste à des fins supposément culturelles, en copiant un nombre incalculable de photos, dessins, et œuvres littéraires, et encore moins le droit d’exposer ces reproductions dans une exposition, sans même en notifier le créateur, et d’inviter les visiteurs à les photographier en retour et à les partager sur Internet », peut-on lire dans le réquisitoire. L’écrivain exige que l’installation soit démontée et réclame une pénalité de 20 000 euros par jour de retard.

Samson Kambalu sous le choc

Appelé à comparaître en tant que témoin le 4 novembre, Samson Kambalu, est consterné. « Mon propos avec cette installation, c’était de traiter du don, qui est au cœur de la thèse que je prépare, confie-t-il. Je suis très choqué que Sanguinetti engage un procès alors même que le situationnisme rejetait toute forme de copyright et fonctionnait sur le scandale et le détournement. »

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Le bulletin de l’Internationale situationniste le disait bien : « tous les textes publiés dans l’Internationale Situationniste peuvent être librement reproduits, traduits ou adaptés, même sans indication d’origine ». Voilà tout le paradoxe de la plainte de Sanguinetti : Après avoir prôné des années durant l’appropriation et la satire, il attaque un artiste qui pratique le détournement dans la droite lignée des situationnistes… L’arroseur n’aime pas être arrosé.

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L'installation de l’artiste originaire du Malawi, Samson Kambalu, à la Biennale de Venise. L'installation de l’artiste originaire du Malawi, Samson Kambalu, à la Biennale de Venise. Crédits : Roxana Azimi

Pour sa défense, la Biennale de Venise déclare que « la monstration dans un espace public ne figure pas dans les droits à l’usage exclusif du créateur ». Un jugement rendu par le Tribunal de Milan en 1995 stipule par ailleurs que la satire peut se passer du consentement de l’auteur de l’œuvre parodiée. Un autre verdict de 2013, cette fois de la Cour européenne de justice, indique enfin que la parodie tient de la liberté d’expression, et n’est pas astreinte au droit d’auteur de l’artiste parodié.

Sanguinetti a vendu ses archives 650 000 euros

Ce qui chiffonne aussi Sanguinetti, c’est que Samson Kambalu a mis le doigt sur ses contradictions. Plutôt que donner ses archives à une institution, l’écrivain a choisi de les vendre pour 650 000 euros via Christie’s, après avoir dénoncé la commercialisation de l’art réduit au statut de marchandise. Kambalu a ainsi reproduit sur un mur une lettre d’insultes que le traducteur anglais Bill Brown avait adressée en décembre 2013 à l’écrivain : « Vendre des papiers bouffés par des rats ce n’est pas ce qu’un révolutionnaire authentique ferait, spécialement s’il est assez riche pour avoir des vignobles et des œuvres d’art ».

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Mais Bill Brown n’est pas plus satisfait d’apparaître dans l’installation vénitienne. Sur son compte Twitter, Kambalu postait le 28 mai un courrier que le traducteur avait adressé au commissaire de la Biennale, Okwui Enwezor. Il demandait alors que sa missive à Sanguinetti soit retirée de l’exposition car, selon lui, elle ne pouvait être correctement lue par le public. « Je ne lui ai pas répondu », admet Samson Kambalu. Pour lui, une grande partie de ce remue-ménage tient à des questions d’ego mal placé. « Ma proposition à Venise est pour l’art et la liberté d’expression, insiste-t-il. Le reste me dépasse. »

Biennale de Venise, jusqu’au 22 novembre, http://www.labiennale.org/it


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