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Nous avons aimé vendredi après-midi:Musée Nicéphore Niépce

Léonard François BERGER, Portrait posthume de J.N. Niépce, peinture à l’huile sur toile, 1854 © musée Nicéphore Niépce

Ceci n'est qu'un essai bien imparfait, mais avec beaucoup de patience et de  travail on peut faire de grandes choses."
Nicéphore Niépce, inventeur de la photographie

Nicéphore Niépce, par son invention, a fait voler en éclat non seulement le statut de l’œuvre reproduite, de l’image, mais aussi de l’objet, de l’objet simple, de toutes les réalisations de l’homme. L’héliographie a tout bouleversé et depuis sa réalisation, rien n’a plus été comme avant. L’ordre des choses s’est modifié. Ce qui s’entreprend après 1816 n’est rien d’autre dans l’histoire des représentations que la déposition de la hiérarchie des genres. L’héliographie a ramené la nature des choses à leur mesure et en même temps les a bouleversés : nouveau statut de l’objet qui s’est vu destitué au profit de la multiplication et de la dissémination. Mais paradoxalement, il n’y aura plus d’objet sans intérêt. Désormais tout ne sera qu’indice, preuve, fiction. L’invention nous a affranchis du réel.

 

L’histoire de la photographie ne reconnaît l’apport décisif de Nicéphore Niépce que depuis peu. Dans une histoire de la photographie jamais débarrassée d’intérêts contradictoires, le fait d’avoir été le premier à exposer clairement les principes généraux de la photographie, à savoir « fixer les images des objets par l’action de la lumière  », n’a pas assuré la reconnaissance de l’inventeur. Le triste épisode londonien (1827), sa mort prématurée (1833), l’intitulé officiel de l’invention, « appelée improprement  » daguerréotype (1839), la revendication anglaise de la découverte par l’anglais W.H. Fox Talbot (1839-1840), ces faits se sont malheureusement combinés pour détourner l’histoire de la voie de l’équité et de la gratitude. Les travaux de Nicéphore Niépce tiennent pourtant dans l’histoire de la photographie une place incontournable par leur antériorité et par leur efficience et sans lui, Daguerre n’aurait pu présenter ses propres travaux devant Arago, largement consécutifs et dépendants de leur contrat d’association (1829-1833).

 
 
 
 
 
 
 

Les lettres, les écrits de Nicéphore Niépce forment un espace d’où jaillissent et s’organisent les propositions. La pensée semble parfois confuse alors que tout s’unit et se transforme dans ce champ associé que Nicéphore Niépce appelle héliographie. La reconstitution des enchaînements, le mode discontinu de l’expression ne trahit pas l’incohérence du projet mais bien au contraire son enracinement dans la complexité du réel. Le propre de l’invention de la photographie est le mode d’être des énoncés. Les lettres nombreuses détenues au musée, leurs conditions d’émergence, la loi de leur coexistence avec d’autres énoncés, comme le traité sur l’héliographie, élaborent des principes qui posent l’évidence de la photographie. Nicéphore Niépce est le premier fasciné par ce qu’il entrevoit et réussit.
Ambivalence de cette littérature qui balance entre l’humilité du faire et la fascination de la magie. Les lettres de Nicéphore Niépce valident, légitiment, mais surtout accordent un sens à l’objet. De lettre en lettre, on suit un processus, avec ses interrogations et ses doutes, un discours qui interroge la pratique. Mais par-dessus tout, les échanges épistolaires manifestent la conviction, la croyance en le bien-fondé de l’invention.

 

Les héliographies sur métal ne sont pas toutes de même nature. Nicéphore Niépce a découvert les vertus du bitume de Judée sous l’action de la lumière. Sur ce principe qui doit beaucoup à la technique de la gravure, il développe deux potentialités, la fixation du "point de vue" dans la chambre noire et la reproduction des gravures.

Certaines plaques métalliques, comme "La sainte Famille", avec leurs entailles propres et profondes, disposant d’un réseau de hachures précis, ont été conçues comme des matrices de reproduction.

 
 
 
 
 
 
 

D’autres, comme la plaque communément appelée "le joueur", ont un dessin moins précis qui n’autorisent aucun tirage après encrage. Il faut alors les considérer comme de simples reproductions et non comme des matrices. Elles apparaissent d’ailleurs à un moment où Nicéphore Niépce (mars 1827), essuie échec sur échec avec ses tirages exécutés à partir de plaques gravées.

Durant l’été de cette même année, année cruciale pour l’invention, Nicéphore Niépce, dans l’autre direction ouverte par les qualités du bitume de Judée, obtient des images directes d’une chambre obscure. Le point de vue du Gras, une photographie, est le premier exemple abouti d’une image fixée sur une surface photosensible

Dans l’ensemble des plaques gravées, une image, tardive (1828), la plaque intitulée le "couple grec" occupe une place particulière dans la production niépcéenne. L’image non gravée, - par ailleurs sans grand intérêt -, semble apposée à la surface métallique. L’étain a fait place au cuivre, ce dernier recouvert d’une fine couche d’argent, et l’image apparaît positive, résultat d’un processus d’inversion à l’iode, deux principes anticipant de dix ans l’annonce du daguerréotype.

Voilà donc l’héritage de Nicéphore Niépce, un ensemble qui va de la prise de vue à l’aide d’une chambre et, chose insuffisamment connue, à la photogravure. Il n’y a plus de doute aujourd’hui sur la réussite technique et l’efficacité du geste de Nicéphore Niépce. Mais il nous reste encore à mesurer les effets sur le réel de cet acte fondateur.

 
 
 

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