Dans un rapport sur le réseau social TikTok publié aujourd’hui, une commission d’enquête parlementaire recommande d’inscrire dans le droit de l’UE ou dans celui de la France l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans. TikTok expose « en toute connaissance de cause » les enfants et les jeunes « à des contenus toxiques, dangereux, addictifs », déplorent les auteurs dans ce document [PDF]. Ils pointent un algorithme de recommandation conçu pour mettre en avant « les contenus les plus extrêmes et radicaux ». Selon eux, la plateforme « échappe trop souvent aux règles, se défausse de ses responsabilités et prospère dans une économie de l’attention qui feint d’ignorer les ravages psychologiques et sociaux qu’elle provoque ». Parmi la quarantaine de recommandations formulées figure également l’instauration d’un « couvre-feu numérique » sur les réseaux sociaux pour les 15-18 ans. Le président de la commission, Arthur Delaporte (PS), a annoncé aujourd’hui saisir la justice pour mise en danger de la vie des utilisateurs.

« L’utilisation de TikTok ne se limite pas à accentuer des troubles psychiques », elle « semble, à elle seule, en favoriser l’émergence », affirment les auteurs du rapport. Selon eux, ces troubles, lorsqu’ils s’aggravent, peuvent mener à une « mise en danger de soi », parfois encouragée par la plateforme. L’ONG Amnesty International avait ainsi démontré dans un rapport de 2023 que les jeunes signalant un intérêt pour la santé mentale sur TikTok étaient davantage exposés à des vidéos encourageant et idéalisant « les pensées dépressives, l’automutilation et le suicide ». Une commission d’enquête sénatoriale s’était interrogée en 2023 sur « l’addiction » que peut susciter TikTok. Angélique Gozlan, une psychologue alors interrogée, préférait le terme « d’abrutissement » provoqué par le flux vidéo, qui « empêche parfois de voir ce qui nous entoure ». Si les auteurs du rapport parlementaire relèvent plusieurs consensus scientifiques sur certains effets de l’usage des réseaux sociaux dans leur ensemble, tels que les troubles de l’attention et la privation sociale, ils regrettent « un manque d’études » sur le sujet.

La loi française a instauré en 2023 une majorité numérique à 15 ans pour s’inscrire sur les réseaux sociaux, mais cette règle n’est pas appliquée, faute d’un décret d’application et de l’aval de la Commission européenne, l’une des deux branches exécutives de l’UE. Dans une lettre au gouvernement d’août 2023, Thierry Breton, alors commissaire européen, avait affirmé qu’une telle loi risquait de « fragmenter le marché unique européen que le DSA », le règlement de l’UE sur les services numériques entièrement mis en œuvre en février 2024, « tend à harmoniser ». La Cnil, l’autorité de contrôle en matière de protection des données personnelles, a souligné à plusieurs reprises les difficultés liées à la vérification de l’âge et au respect de la vie privée. Pour harmoniser cette collecte, la Commission européenne a présenté en juillet un prototype à même de servir « de base à une méthode de vérification de l’âge » respectueuse de la vie privée. Elle a précisé que la France serait l’un des cinq premiers États membres à adopter ce dispositif.