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Catégories : Nerval Gérard de

Traduire le rêve

nerval.jpgEric LECLER. L'humour du rêve romantique

Dans la littérature romantique allemande puis française, le rêve devient constitutif du récit romanesque, manifestement chez Hoffmann et Nerval. Il est la porte ouvrant sur une « supranaturalité » : les frontières entre la réalité et l'imagination sont brouillées dès lors que le monde est vu par un personnage aux limites de la folie. Le fantastique naît de cette ambiguïté tragique du conscient et de l'inconscient. Mais il existe d'autres récits de rêves dans la littérature du premier romantisme. Il y est, paradoxalement, le lieu critique de la mise à distance, le moment de l'humour et du bel esprit, comme on peut le voir dans un récit exemplaire, "Les Veilles" (1804) de Bonaventura, pseudonyme dont on a longtemps cru qu'il masquait Jean-Paul ou Schelling lui-même.

Cette attribution a d'autant plus de sens que l'inconscient est devenu avec Schelling le substrat même sur lequel s'éveille notre moi conscient. Dès lors que tout est jeu dialectique du conscient et de l'inconscient, que la distinction du rêve et de la veille est effacée, le rêve n'est ni le moment du triomphe baroque de l'illusion, ni celui de la folie du « moi » romantique. Il serait davantage le moment d'une plus grande rationalité, d'un éveil de la conscience à elle-même et au monde.

Début et fin de cet article ci-dessous:

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Traduire le rêve
Evénement
Information publiée le jeudi 9 octobre 2008 par Alexandre Gefen (source : Marielle Anselmo)
Du 31 octobre 2008 au 1 novembre 2008, Fukuoka, Japon


Colloque

franco-japonais

Traduire le rêve

31 octobre 2008 – 1er novembre 2008


Université Seinan-Gakuin

Fukuoka

Japon


co-organisé par

l'Université de Provence (Equipe CIELAM, Littératures Comparées)

et

l'Université Seinan-Gakuin (Section Française)

avec le soutien de

l'Ambassade de France au Japon, l'Institut Franco-Japonais du Kyushu

l'Université Seinan-Gakuin (Institut de Recherches)

l'Université de Provence (Equipe CIELAM et Ecole Doctorale « Langues, Lettres et Arts »)


*

150ème anniversaire des relations franco-japonaises
Traduire le rêve

Dans un article qu'il consacre au rêve, J.-F. Lyotard relève que son expérience repose sur un paradoxe : “universelle” elle est cependant “d'une singularité incommunicable”. La singularité de ses contenus semble en effet “interdire l'élaboration d'aucun code, d'aucun système lexical et syntaxique qui, une fois établi et appris, nous permettrait de comprendre ce que "veut dire” tel rêve”, comme tel message verbal. Insaisissable, obscur, d'une “opacité rebelle à tout langage intelligible”, le rêve lance au logos un “défi irrelevable” et se trouve en retour disqualifié par le discours de savoir - discours marqué, en Occident, par la “prévalence de la pensée de la représentation” et de la “référence au langage”. Au tournant du siècle passé, Freud fait sortir le rêve de ce “profond désaveu" : reprenant à son compte les deux méthodes d'interprétation “populaires” – l'interprétation symbolique et le déchiffrement - considérées jusqu'alors comme “fantaisies de primitifs”, il le constitue en objet scientifique.

Cette rupture épistémologique se produit à l'articulation du rêve et du sujet - le rêve n'est plus émanation d'un autre, d'une voix extérieure, de dimension mythique ou religieuse, mais produit de l'intérieur, de la psyché. Qu'en est-il alors du jeu du rêve et de la littérature? Le rêve, c'est entendu, hante la littérature. Mais en fut-il toujours ainsi ? Si dans les productions des deux derniers siècles, le rêve et l'oeuvre semblent avoir ouvertement partie liée, de quel dispositif relève le rêve dans les productions artistiques de l'Antiquité ou du Moyen-Age par exemple ?

Traduire le rêve pourrait donc d'abord s'entendre comme le désir d'élaborer une manière de topologie des rêves en art et en littérature : quels lieux, quelles formes, quels usages et à quelles époques? On voudra ainsi interroger le sens de la présence ou de l'absence du rêve dans l'histoire de la représentation, avant d'analyser les formes et les fonctions (esthétiques, éthiques) de ces représentations. On se demandera enfin dans quelle mesure la représentation du rêve modifie ou ébranle le code dans lequel l'oeuvre s'élabore : si l'on définit en effet le rêve comme défi au langage, en quoi la “matière de rêves” (Butor) ou « l'autre vie » (Cixous), à s'inscrire dans l'oeuvre, engage-t-elle un bouleversement des codes – préfiguration, peut-être, de langues à venir?

Traduire (le rêve) pourrait encore s'entendre comme relevé d'opérations de déplacements, de transferts, de translations : transaction des rêves entre les langues, les cultures, les arts, les disciplines, les genres - mais aussi transaction entre les rêves, déplacement des rêves d'un continent à l'autre. Ce colloque invitant à la réflexion des chercheurs tant japonais que français, on voudra s'interroger sur ces mouvements aussi bien dans l'espace occidental que dans l'espace oriental, en questionnant les transferts qui s'opèrent d'un monde à l'autre, dans un échange ou une circulation continue, interrompue (le Japon ayant connu trois siècles de fermeture, jusqu'à la modernisation voulue à l'ère Meiji) mais toujours relancée. Ce colloque s'en voudrait la preuve.

*

La langue du colloque est le français (à l'exception de la conférence d'ouverture, traduite consécutivement en japonais). Les actes du colloque paraîtront dans un numéro spécial de la revue Études de Langue et Littérature françaises de l'Université Seinan-Gakuin.

Lieux : Université Seinan Gakuin, 6-2-92 Nishijin, Sawara-ku, Fukuoka 814-8511, Japon. Tel +81 92 823 2501; Institut Franco-japonais du Kyushu : 2-12-6, Daimyo, Chuo-ku, Fukuoka 810-0041, Japon. Tel : +81 92 712 0904.

Coordination et renseignements: en France, Marielle Anselmo (Université de Provence) : marielle.anselmo@wanadoo.fr; au Japon, Mitsumasa Wada (Université Seinan-Gakuin) : wada@seinan-gu.ac.jp

Colloque Traduire le rêve

Programme


Première journée : vendredi 31 octobre 2008

(matin)

Université Seinan-Gakuin, salle 402, bâtiment 2

10h20 : Accueil des participants

10h40 : Allocutions d'ouverture

11h-12h: Conférence d'Inès Oseki-Dépré (Université de Provence), en marge du colloque :

« D'un rêve en réalité, d'une langue à l'autre : Rocro Koyama, une figure de l'immigration japonaise au Brésil. » (Conférence en français, traduite consécutivement en japonais).

vendredi 31 octobre 2008

(après-midi)

Université Seinan-Gakuin, grande salle, bâtiment du Daigakukin

Modérateur : Alexandre Gefen (U. de Bordeaux III)


Séance 1 : Rêve et mythe : voix, visions, prémonitions.

14h – 15h30

- Hiroko MASHIMO (U. Seinan-Gakuin, Fukuoka) : « Le songe et la narration. Athalie et le Dit du Genji »

- Hidetoshi YANAGAWA (U. de Kagoshima, Kagoshima) : « Le Journal des rêves de Myoe (1173 -1232). La vie d'un moine et ses rêves »

- Yuko TAKEMATSU (U. Seinan-Gakuin, Fukuoka) : « Les rêves de Julien dans La légende de saint Julien l'Hospitalier (Flaubert) »


Séance 2 : Rêve et langage (1): ironie, utopie, illusions.

16h00-18h

- Lise WAJEMAN (U. de Provence) : « Les Songes drolatiques de Pantagruel : ce que le songe monstre »

- Eric LECLER (U. de Provence) : « L'humour du rêve romantique »

- Hisashi SUEMATSU (Professeur émérite, U. du Kyushu, Fukuoka) : « Méfiez-vous des rêves... Quelques aspects de la poétique des Immémoriaux (Segalen) »

- Patrick REBOLLAR (U. Nanzan, Nagoya) : « Le langage des rêves chez Antoine Volodine »


18h30 : Réception de bienvenue, Université Seinan-Gakuin

Deuxième journée : samedi 1er novembre 2008

matin

Institut franco-japonais du Kyushu


Modérateur : Eric Lecler (U. de Provence)


Séance 3 : Rêve et langage (2). Le rêve ou la raison?

10h-11h

- Toru KITAGAKI (U. Seinan-Gakuin, Fukuoka) : « Du rêve interprétant au rêve interprété : pré-histoire de la théorie onirique freudienne »

- Fridrun RINNER (U. de Provence) : « Le “rêve” dans la littérature du pays de Freud »


11h-12h

- Makoto HIRANO (psychiatre et psychanalyste, Tokyo) : « Dreams of psychotic people» (Rêves de psychotiques)

- Shinji IIDA (U. Kagoshima-Kokusai, Kagoshima) : « Le droit de rêver à l'École : l'enseignement de la poésie dans le collège français et le chugakko »


après-midi

Institut franco-japonais du Kyushu


Modérateur : Shinji Iida (U. Kagoshima-Kokusai)


Séance 4 : Rêve et écriture

14h-15h30

- Alexandre GEFEN (U. de Bordeaux) : « La littérature rêvée »

- Mitsumasa WADA (U. Seinan-Gakuin, Fukuoka) : « Le Pont flottant des songes de Tanizaki ou l'invention d'un père anti-oedipien »

- Marielle ANSELMO (U. de Provence) : « Des rêves dans l'écriture. Proust et les rêves »


16h-17h

- Vincent TEIXEIRA (U. de Fukuoka) : « Rêves invisibles à mes yeux. Le rêve(il) de l'écriture »

- Ghislaine DUNANT (écrivain, France) : « Le rêve dans l'écriture romanesque : liberté et risque »

17h15  : Bilan et clôture du colloque.

18h : Cocktail de clôture, Institut franco-japonais du Kyushu.

Colloque Traduire le rêve


RESUMES DES COMMUNICATIONS


Marielle ANSELMO : Des rêves dans l'écriture. Proust et les rêves.

Ici l'on voudra s'interroger sur la force du rêve dans l'écriture : plus précisément, sur le rêve comme moteur du langage - ou moteur dans le langage – à travers ce qui en affleure en particulier dans l'oeuvre de Proust.

On s'intéressera donc aux rêves du narrateur , en devenir écrivain, tels qu'ils surgissent à l'orée de la Recherche (l'incipit de Du côté de chez Swann étant marqué, comme on le sait, par le sommeil et le réveil) mais également dans Sodome et Gomorrhe où Marcel, rêvant de sa grand-mère morte un an plus tôt, lui fait donner l'assurance qu'il écrira un livre.

On verra comment l'écriture du rêve, entre jouissance et mort, régression et projection, travaille précisément au versant dangereux de l'acte de création, questionnant l'ordre du roman autant que l'ordre du langage – les renversant même, par un étrange retournement qui fait la puissance du roman.


Ghislaine DUNANT : Le rêve dans l'écriture romanesque : liberté et risques

Dans l'écriture romanesque le rêve apporte ses libertés : il s'affranchit de la logique, du temps, de la disposition des lieux, de la cohérence.

Le dur devient mou, les bébés parlent, les disparus mangent et rient.

Le rêve peut être la fenêtre ouverte qui laisse passer des courants contraires à ce qui s'est tramé jusque-là, contredire une atmosphère, une situation, les sentiments d'un personnage, par les images qu'il donne à voir, leur étrange association.

Mais il est aussi une boîte de Pandore. La porte ouverte au tout possible qui fait perdre le fragile équilibre des images, des scènes, des tons. Fragile, parce qu'il s'obtient au fur et à mesure de l'écriture, au montage comme on monte un film, à l'écoute en vérifiant la balance des sons comme on le fait avant un concert, et que l'irruption d'un petit récit sans règle ni loi m'a toujours donné l'impression de tenir une grenade à la main, qui risquait de mettre sens dessus dessous ce qui disait quelque chose jusque-là.

Ces conséquences opposées m'intéressent. Il y a là une voie à trouver, une voie entre deux modes d'écriture : la recherche d'un équilibre et le désir - et la peur - de le faire exploser. Et cette voie dit quelque chose me semble-t-il, de la place de l'écrivain au travail, entre accord et menace, en face du livre à écrire.


Alexandre GEFEN : La littérature rêvée

Le rêve est-il seulement la narration d'une expérience vécue, le témoignage personnel de la traversée d'une frontière, l'autofiction du subconscient ? Sans doute pas exclusivement. Nombreux sont les écrivains à avoir inventé, en dérogeant au pacte d'introspection psychologique ou psychanalytique selon lequel un rêve serait la forme moderne de la confession ou l'expression immédiate et préconceptuelle du moi, des rêves littéraires, métatextuels, théoriques ou simplement spéculaires, où l'espace onirique vient accueillir le projet de l'oeuvre, la vocation de l'écrivain, les peurs du créateur, voir une fiction assumée en tant que telle : rêve de l'auteur dramatique chez Edmond et Jules de Goncourt, rêve de Marcel écrivain dans Du côté de chez Swann, Rêves de rêves chez Antonio Tabucchi, rêve de Coleridge chez Borges, etc.

Ces récits de littérature rêvée, parfois accompagnés des oeuvres rêvées par l'oeuvre, ces rêves de fictions constituent un corpus original qu'il faudra essayer de dresser : utopies artistiques plutôt que scènes originelles, bilans esthétiques plutôt qu'anamnèses, programmes plutôt que prémonitions, débats poétiques plutôt que psychomachies, ces rêves de littérature, compliquent de mises en abyme et de métalepses les jeux spéculaires baroques propres aux récits oniriques. Nourris d'intertextes autant que réminiscences fantasmatiques, ils mettent en scène les amonts de l'oeuvre et la construction de l'auteur, interrogent la théorie classique associant rêve et inspiration comme le partage entre la divagation et le projet littéraire, et nous conduisent à revenir sur la notion de fiction en dessinant un espace original de spéculation esthétique.


Makoto HIRANO : Dreams of psychotic people

Dreams are often, or I might say usually, discussed within neurotic features. However, this paper will deal with dreams of psychotic people. What is the relationship between dreams and psychotic experience such as hallucination and delusion? This question contains not only clinical interests but also fundamental issues which are related to psychic mechanism in general. Am I mad or normal? That is the question.


Shinji IIDA (Université Kagoshima-Kokusai) : Le droit de rêver à l'école: l'enseignement de la poésie dans le collège francais et le chugakko japonais

L'école est le lieu de la raison et de la civilisation par excellence, dans lequel la Lumière doit chasser et exterminer la nuit barbare de l'instinct, de la non-raison. Le rêve n'a donc pas le droit de cité à l'école. S'il y avait cependant dans les disciplines dites “fondamentales”, un espace où l'on pourrait revendiquer le droit de rêver, l'enseignement de la poésie devrait en être. Pourtant ce droit ne semble ni respecté ni appliqué de la même manière en France et au Japon.

En s'appuyant sur une critique comparatiste des manuels de japonais pour le collège au Japon, on essaiera de dégager quelques traits caratactérisques de l'enseignement de la poésie, qui se focaliseront sur la nature, le voix et la morale.

Fin:

Toru KITAGAKI : Du rêve interprétant au rêve interprété : pré-histoire de la théorie onirique freudienne

L'oeuvre bien connue d'Henri Ellenberger a mis en lumière le rôle et le développement de la « découverte de l'inconscient », qui a occupé tout le XIXe siècle : la science naissante de la psyché commençait alors une exploration de l'aspect caché de l'âme humaine à travers des phénomènes tels que le rêve, le magnétisme animal, le somnambulisme, l'hypnose, l'hystérie, le dédoublement de la personnalité, etc. Mais s'agissait-il vraiment d'une « découverte », c'est-à-dire d'une mise en lumière soudaine de quelque chose de caché depuis toujours ? Ne pourrait-on plutôt parler d'une « dissimulation », qui nous aurait éloignés d'une vérité au contraire dévoilée par l'inconscient? Car les rêves nocturnes et diurnes constituait un savoir onirique servant de guide dans la vie quotidienne. Mais le regard scientifique, avec la naissance de la psychiatrie moderne, a repoussé la part irrationnelle de l'âme dans l'ombre invisible. Le rêve, qui révélait notre vie, servant à l'interpréter et à deviner notre avenir, devient alors quelque chose qui doit être interprété à son tour par la science. Dans cette communication, nous voudrions examiner ce déplacement de la valeur du rêve, en relisant quelques textes qui ont précédé la théorie freudienne.


Hiroko MASHIMO : Le songe et la narration – Athalie et le Dit du Genji

Le rêve est une expérience par essence visuelle. En effet, de même qu'on peut dire en français « voir en rêve », ce mot se traduit en japonais par « yumé » qui se prononçait originairement « ime »寝目, signifiant « les yeux dans le sommeil ». C'est en mettant l'accent sur cet aspect visuel que nous examinerons deux pratiques narratives des rêves, distantes cependant dans le temps et l'espace : le songe d'Athalie de la tragédie racinienne et celui du Genji de la littérature japonaise du XIe siècle, du Dit du Genji ou Genji monogatari, dont nous célébrons le millénaire cette année.

A partir de ces songes, nous présenterons la façon dont les auteurs français et japonais Racine et Murasaki Shikibu, bien qu'éloignés l'un de l'autre dans l'espace et le temps, réactivent chacun de leur côté la vieille technique du songe prémonitoire. Nous verrons comment ils font vivre dans ce monde onirique, avec le verbe « voir » en tant que perception du vécu, les protagonistes de leur mise en scène narrative.


Patrick REBOLLAR : Le langage des rêves chez Antoine Volodine

Depuis plus de vingt ans, dans tous ses livres, Antoine Volodine prête des rêves à ses personnages ou recourt à des aventures oniriques communautaires. En étudiant quelques-unes de ces scènes textuelles, nous souhaiterions mettre à jour une stratégie littéraire, autant poétique que politique, dans laquelle Volodine recycle, exploite et transforme une grande partie des utopies du XXe siècle, et notamment des années 60 et 70. Lui-même se rêve en collectif d'auteurs anonymes et persécutés, et souhaite au passage effacer le personnage médiatique de l'écrivain. Faisant appel à des traditions narratives et thématiques russes, japonaises, chinoises, coréennes, etc., traduites dans son système de pensée, il nous propose, souvent avec humour, de rêver un avenir qui n'a rien de meilleur. Que traduit-il alors de son époque, la nôtre ?


Fridrun RINNER : Le « rêve » dans la littérature du pays de Freud

Dans cette communication nous nous proposons d' étudier le rôle du rêve dans la littérature d'Europe Centrale – entre autre l'Autriche, le pays de Freud - à partir du début du XXe siècle. Nous savons qu' Arthur Schnitzler par exemple, lui même médecin et psychanalyste, contemporain de Freud, a présenté dans ses textes littéraires les théories de Freud avant même que celui-ci ne les ait développées. Nous savons aussi que dans les oeuvres de Franz Kafka, Stephan Zweig, Hugo von Hofmannsthal, les passages de la réalité vers le rêve sont multiples. Si le rêve joue un grand rôle dans la littérature durant l'écroulement de la Monarchie austro-hongroise (« l'apocalypse joyeuse » de H.Broch), nous retrouvons également ce phénomène chez les écrivains contemporains appartenant à ce même espace culturel : Milan Kundera, Ivan Klima, Peter Esterhazy, Marianne Gruber et bien d'autres .


Hisashi SUEMATSU : « Méfiez-vous des rêves… Quelques aspects de la poétique des Immémoriaux (Segalen) »

À la différence de Loti, son prédécesseur, Segalen est peu prodigue en rêve : dans son premier roman, Les Immémoriaux, qui raconte le processus d'acculturation du peuple de Tahiti, provoqué par l'arrivée des Européens et surtout des « envoyés de Dieu » piritané (britain) à la fin du dix-huitième siècle (sujet qui le sépare déjà radicalement de Loti), on ne découvre que quelques épisodes où apparaissent le mot et/ou la chose. Je me propose de les examiner.

Dans un premier épisode le rêve mènera au sommeil notre héros Térii, apprenti prêtre de la religion maori, au moment critique où se révèlent les anciens Dires transmis ; un deuxième épisode présente deux beaux récits métaphoriques, qui se révèlent cependant faux : ils sont forgés pro domo par un chef arriviste, qui sera bientôt Roi de Tahiti, Pomaré II; dans un troisième il ne s'agit pas non plus de vrais rêves, mais de visions « immémoriales peut-être des temps oubliés », qui surviennent à Térii, au cours du grand rite de Baptême quasi national. Par leur soudaine intrusion, agressive, elles lui font peur car, converti comme les autres, il veut maintenant réussir à tout prix dans la voie nouvelle. Enfin, dans un quatrième épisode, un songe de Paofaï, répondant à la vision de Térii, annonce l'avenir d'une civilisation qui meurt.

Pour finir, en regrettant de ne pouvoir examiner les procédés de traduction du rêve qu'en ce qui concerne le deuxième cas, c'est-à-dire un faux rêve (hélas!) ainsi que le troisième, je constaterai que ce sont plutôt les fonctions diégétiques du rêve qui semblent avoir davantage de significations dans cette oeuvre. D'où la formulation du titre de ma communication.


Yuko TAKEMATSU : Les rêves de Julien dans La légende de saint Julien l'Hospitalier .Julien, le héros parricide de La légende de saint Julien l'Hospitalier de Gustave Flaubert rêve beaucoup plus que les autres héros et héroïnes des Trois contes, recueil dans lequel s'insère cette oeuvre : les scènes de chasse du héros sont décrites comme des tableaux oniriques ; Julien rêve dans le château de sa femme ; il rêve également en errant solitairement. Dans ce sens, il a un rapport de filiation avec Saint-Antoine, dont les rêves constituent une autre des grandes oeuvres de l'écrivain.

Les rêves de Julien ainsi que le conte lui-même sont souvent interprétés à l'aune de la méthode psychanalytique. Pour notre part, nous analyserons ces rêves du point de vue esthétique et montrerons qu'ils se trouvent non seulement à l'intersection de plusieurs légendes, mais également à l'articulation de la vision historique médiévale et de la vision littéraire du XIXe siècle


Vincent TEIXEIRA : Rêves invisibles à mes yeux – Le rêve(il) de l'écriture

Le rêve, comme la poésie, a des racines de nuit et l'analyse interprétative ou symbolique des rêves n'arrive à rien si elle oublie cette dimension nocturne, qui ne délivre jamais « la clef des songes ». On s'étonne encore de voir à quel point la « doctrine » de Freud a pu réduire le rêve à une interprétation si étriquée, focalisée sur le solipsisme de la psyché, la tribu familiale et ses scénarios oedipiens, oubliant que le rêve, comme la pensée, est une expérience, un faire, qui engage autant le corps que l'esprit, un corps pensant, et relie les énigmes, inséparables, du moi et du monde. Certes, on rêve en soi, surtout de soi, mais on rêve aussi hors de soi, dans une interdépendance entre espaces du dedans et du dehors.

Faisant fi de l'herméneutique, les écrivains arpenteurs de rêves, comme Poe, Nerval, Baudelaire, Breton, Kafka, Guerne ou Borges, sont avant tout des plongeurs et des pêcheurs de rêves, aux limites de l'ineffable ou de la folie. Pour eux, l'invisible n'a rien à cacher : il dit et il « fait ». Car ils parient tout sur le langage, leur unique chance. Et en fin de compte, la langue et l'écriture elles-mêmes ne seraient-elles pas un rêve ou une « machine à rêver », un rêvoir ? C'est le constat, d'une gaieté inquiète, que fait Nietzsche : « Il faut que je continue à rêver, pour ne pas périr. »


Mitsumasa WADA : Le Pont flottant des songes de Tanizaki ou l'invention d'un père anti-oedipien

Le Pont flottant des songes est un texte qui met en place deux modalités différentes du rêve : l'une par l'emprunt du titre au Dit du Genji, l'autre par l'invention d'un père « anti-oedipien ».

Le titre est en effet tiré du dernier livre du Dit du Genji. Le récit de Tanizaki partage avec le grand roman de Murasaki-shikibu la quête d'une femme dont l'identité est mystifiée. Le « pont des songes » est une métaphore destinée à rendre ambigües les frontières entre le réel et l'onirique. Dernière oeuvre dans la série des « quêtes de la mère » (Nostalgie de ma mère, Yoshino, Le Coupeur de roseaux et La Mère du général Shigemoto), Le Pont flottant des songes a pour singularité de mettre en scène un père « anti-oedipien », qui prépare et sollicite depuis longtemps l'inceste entre sa femme et son fils.

Mais ce père anti-oedipien n'existe qu'à travers la voix du « je » du héros-narrateur : elle est elle-même une construction langagière et pulsionnelle. Au dénouement du récit, le narrateur, achevant ses mémoires, se décide à « adopter » son frère Takeshi (peut-être en réalité son fils, né de son union incestueuse avec sa mère) Si l'écriture constitue l'entrée oedipienne par excellence dans le symbolique, ne peut-on considérer aussi que l'étrangeté du Pont flottant des songes provient de ce que devenir Oedipe (adopter Takeshi et écrire) et devenir Anti-Oedipe (vivre comme son père et écrire une histoire de père anti-oedipien) se superposent et se confondent non seulement dans le récit, mais aussi dans l'acte même d'écrire ? Peut-être est-ce là qu'il faut chercher le sens du rêve propre à cette oeuvre. De cette impasse naîtra le Journal d'un vieux fou.


Lise Wajeman. Les Songes drolatiques de Pantagruel : ce que le songe monstre

Les Songes drolatiques de Pantagruel paru, sans nom d'auteur, à Paris en 1565, se présente sous la forme d'un recueil de cent vingt gravures de monstres. Le livre ne comporte aucun texte qui vienne éclairer son curieux projet. Si le titre renvoie à un personnage issu des fictions de François Rabelais, aucune des images ne semble pourtant illustrer avec précision un texte quelconque. Le livre semble en fait, à la façon des monstres eux-mêmes, sans queue ni tête, obscur et en même temps perpétuellement signifiant : visiblement, on nous montre quelque chose, mais quoi ? C'est évidemment dans cette façon d'interroger l'activité d'interprétation, de susciter le discours tout en le tenant perpétuellement en échec que le livre nous intéresse, dans la mesure où son fonctionnement présente une parenté avec celui du songe. Autrement dit, il s'agira de tirer toutes les conséquences des célèbres vers d'Horace comparant la peinture de chimères aux songes d'un esprit malade (Art poétique, v. 7), pour réfléchir à la façon dont le monstre et le rêve provoquent une mise en crise de l'herméneutique.


Hidetoshi YANAGAWA : Le Journal des rêves de Myoe – La vie d'un moine et ses rêves

Myoe (1173-1232), un célèbre moine japonais de l'époque de Kamakura, a noté tous les jours ses rêves, de l'âge de 19 ans jusqu'à la fin de sa vie. Son Journal des rêves est un témoignage précieux de cette expérience incomparable. Qu'est-ce qui l'a poussé à décrire ses rêves? Quel rôle ces rêves ont-ils joué dans sa propre vie? Sa biographie nous montre de façon évidente que sa vie réelle était étroitement liée à ses rêves : non seulement il jugeait ses actes en les consultant, mais aussi prenait-il des décisions d'importance en tenant compte de ce qu'ils annonçaient. Néanmoins, son attitude à l'égard de ses rêves, dégagée de toute subjectivité, nous fait penser à un « exercice spirituel » bouddhiste.

 

Ines OSEKI-DEPRE. D'un rêve en réalité, d'une langue à l'autre : Rocro Koyama, une figure de l'immigration japonaise au Brésil.

Il s'agit d'étudier ici la naissance et le développement d'une pensée ethnographique, née d'un besoin de savoir. Pourquoi Rocro Kowyama, juriste de formation, décide-t-il en 1908 de quitter le Kyushu et de s'embarquer pour le Brésil à bord du Kasato Maru? Ni un rêve d'Eldorado, ni un rêve d'aventures ne l'y poussent, mais le besoin de savoir d'où viennent les Indiens du Brésil... Tout au long de sa vie dans ce pays, découvertes et rencontres l'amèneront à identifier ces Indiens d'abord aux Japonais, puis à un Ur-peuple originaire : thèse qu'il développa dans plusieurs ouvrages et dans un dictionnaire tupy-japonais-portugais (récemment découverts par un chercheur japonais) destinés à montrer la similitude entre les deux langues et les deux peuples.

 

http://www.fabula.org/actualites/article26061.php

Commentaires

  • Superbe programme, cela fait rêver !!!
    Sérieusement cela doit être passionnant..
    J'imagine que tu vas essayer de suivre cela au plus près...
    Bises et bonne semaine....

    (la nature est vivante, oui j'aime la personnaliser cela la rends encore plus proche et plus parlante)

  • Je vais essayer...

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