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Nous avons découvert mercredi avec plaisir le Jeu de Paume et voir les photos d'un artiste dont j'avais présum&é qu'il me plairait:Robert Adams, l’Ouest sans fard

Elisabeth FRANCK-DUMAS 12 février 2014 à 17:56

«Colorado Springs, Colorado», 1969.



San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York«Colorado Springs, Colorado», 1969. San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York (Photo Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery.)

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Le Jeu de Paume, à Paris, consacre une rétrospective à l’Américain, exposant ses séries qui, à partir des années 60, montrent crûment des environnements en mutation.

 

C’est une photographie de noir et blanc, économe, presque frugale. Une maison au toit écrasé de soleil. Une flaque d’eau qui luit sous un réverbère. Un homme et une femme qui discutent, de dos, dans une rigole qui sert de rue au sein d’un lotissement en construction. Paysages de la modernité architecturale et mentale. Formes de désolations contemporaines à la consolante beauté.

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Depuis près de cinquante ans, le photographe Robert Adams n’a pas dévié de sa route. Inlassable chroniqueur de l’Ouest américain, il braque son objectif épris d’exactitude sur le monde qui l’entoure, ce monde qu’il a vu se parer de tous les atours de l’industrialisation, de la commercialisation galopante, et dont il ne se contente pas de déplorer les changements. Il aime à citer la poétesse russe Anna Akhmatova : «Le miraculeux est si proche des ruines sales.»

Sinistrose. La rétrospective que lui consacre le musée du Jeu de Paume, à Paris, montre la cohérence de cette œuvre patiente, construite au fil du temps, livre par livre, série par série. Les plus importantes sont présentes ici, souvent les plus anciennes : les déambulations nocturnes des Soirs d’été (1976-1982), l’urbanisation de New West (1968-1971), la sinistrose du Denver de Ce que nous avons acheté (1970-1974). Les tirages datent des années 60-70, au moment où une nouvelle génération de photographes américains s’empare de ce grand mythe national, le paysage, pour imposer un style qui tranche avec celui de leurs prédécesseurs et leurs sujets - cascades, falaises, montagnes. Ce nouveau style est une absence de style, une manière factuelle de rendre compte d’environnements en mutation, un genre de nouveau roman de la photo américaine. Leurs travaux seront regroupés, en 1975, dans une exposition de la George Eastman House devenue légendaire, «New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape» (1). Lewis Baltz et Stephen Shore sont de la partie. Robert Adams aussi.

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«Longmont, Colorado, 1979». Photo Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery. 

Né en 1937 dans le New Jersey, Adams a grandi dans le Colorado. Après des études d’anglais en Californie, il y revient en 1965, pour enseigner. La région a changé. Il se met à la photo pour immortaliser ce qu’il aime - une église méthodiste, des monuments funéraires. Mais un voyage en Scandinavie (sa femme, Kerstin, est suédoise) et la découverte de l’architecture moderniste lui enseignent qu’il est possible de vivre en harmonie avec le paysage et l’histoire. A son retour, il se tourne vers des constructions contemporaines, si possible banales : une halte routière (Eden), des maisonnettes de bois (New West).

Graminées. Le titre de l’exposition, «L’Endroit où nous vivons», est emprunté à la monographie publiée chez Steidl à l’initiative de l’université Yale, aux Etats-Unis, qui détient la plus importante collection de tirages d’Adams et où la rétrospective commença en 2012. Le titre anglais, The Place We Live, est plus juste : il s’agit du lieu «que» nous vivons, dont nous faisons l’expérience. Car le tour de force de ces photos, humbles de format et de sujet, est de donner à éprouver ce que serait de s’y tenir. Par la justesse de la lumière, qui rend le flash cru d’un soleil du Colorado, le laiteux d’un smog californien. Par un premier plan souvent détaillé, qui fourmille de petits riens sensuels : le granuleux d’une route goudronnée, le duveteux de graminées qui se balancent dans le vent et célèbrent la nature envers et contre tous. Par le choix de sujets d’une quotidienneté universelle - une maison, la nuit, alors que l’on se promène un soir d’été. Ces artefacts de l’urbanisation qu’il a, selon les mots du génial critique et conservateur John Szarkowski, «rendus non pas beaux, mais importants.»

(1) «Nouvelles topographies : photographies d’un paysage modifié par l’homme.»

Elisabeth FRANCK-DUMAS

L’endroit où nous vivons de Robert Adams Musée du Jeu de Paume, 75008. Jusqu’au 18 mai. Rens. : www.jeudepaume.org

http://www.liberation.fr/photographie/2014/02/12/robert-adams-l-ouest-sans-fard_979748

 

Précédente publication:14/02/2014 15:55

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