Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Alison Knowles, figure du mouvement Fluxus et star d’une rétrospective au MAMC+ Saint-Étienne, s’est éteinte à l’âge de 92 ans
Alison Knowles dans son atelier en 2012
Photo Jessica Higgins
Alors que le MAMC+ de Saint-Étienne inaugure justement ce samedi 8 novembre sa première rétrospective en France, l’artiste, compositrice et poète américaine Alison Knowles (1933–2025) s’est éteinte le 29 octobre à l’âge de 92 ans à son domicile de New York, sa ville natale où elle a vécu et travaillé toute sa vie. Figure du mouvement Fluxus et pionnière du livre d’artiste, mais encore trop méconnue dans l’Hexagone, cette créatrice avant-gardiste laisse derrière elle une œuvre foisonnante et protéiforme où se mêlent performance, happening, arts graphiques, art conceptuel, installations immersives et musique expérimentale.
Après des études d’illustration au Pratt Institute de Brooklyn et de peinture à l’Université de Syracuse (New York), Alison Knowles se fait une place au sein de l’avant-garde artistique new-yorkaise. Dès son émergence au début des années 1960, elle s’impose comme une figure du mouvement Fluxus (et la seule femme de son noyau fondateur officiel – sans oublier le rôle important mais officieux de Yoko Ono) aux côtés, notamment, du compositeur et poète américain John Cage. En 1962, elle participe ainsi au premier festival Fluxus de Düsseldorf. Lors de ce séjour en Europe, elle réalise ses premiers happenings, comme Make a Salad (1962) – qu’elle réactivera à Londres en 2008 en préparant une salade monumentale pour 3 000 personnes.
« Alison Knowles. Une rétrospective » au Museum Wiesbaden en 2024
Photo Museum Wiesbaden / Bernd Fickert
Pionnière du livre d’artiste, elle en publie plusieurs aux éditions Something Else Press, fondées par l’artiste et écrivain américain Dick Higgins – qu’elle épouse en 1960 et avec qui elle aura deux jumelles. Œuvre emblématique du mouvement Fluxus, mais aussi féministe et écopoétique, son livre Bean Rolls (1964) se compose d’une série de cartes ou feuillets réunis en rouleaux ou en boîtes, sur lesquels sont imprimés des textes poétiques courts, des listes, instructions ou évocations autour du thème du haricot (bean en anglais), incarnation pour elle du quotidien et de la simplicité, mais aussi de la germination, et donc de l’ordinaire comme source de création. Devenu un mantra poétique et philosophique, le mot « bean » y est décliné sous toutes ses formes (botanique, culinaire, symbolique, sonore…) avec même, parfois, de vrais haricots glissés entre les feuillets.
« Performances-repas », livre géant, textes poétiques et objets sonores
Entre 1967 et 1973, Alison Knowles réalise des « performances-repas » intitulées The Identical Lunch, dont elle tire des sérigraphies. En 1967, elle publie Big Book : un livre d’artiste monumental de 2,40 mètres de haut et composé de plusieurs dizaines de pages géantes reliées par des charnières, dans lequel le lecteur-visiteur peut littéralement entrer… Certaines pages contiennent des portes, des tiroirs, des fenêtres, des objets réels (lit, bibliothèque, vêtements, instruments…), des sons aléatoires déclenchés au passage du spectateur, ainsi que des textes et images collés ou sérigraphiés. Présentée à la Something Else Gallery, cette œuvre immersive étonnante est à la croisée du livre-objet, de la sculpture, de l’installation et de la performance.
Des étudiants se rassemblent à « The House of Dust » d’Alison Knowles à CalArts, Valencia, Californie, 1971
Avec l’aimable autorisation du California Institute of the Arts, Institute Archive
Centraux dans le mouvement Fluxus, la musique et les sons occupent une place importante dans son art. Toujours en 1967, elle développe, en collaboration avec le compositeur de musique électronique James Tenney, The House of Dust, un texte poétique assisté par ordinateur. En 1968, elle conçoit avec John Cage un livre d’art poétique, Notations, rassemblant plus de 200 exemples de partitions contemporaines afin d’illustrer la diversité des notations musicales au XXe siècle. De 1970 à 1972, elle dirige le Graphics Laboratory du California Institute of the Arts, et crée également des pièces radiophoniques, comme Bohnen Sequenzen (1982). À partir des années 2000, elle fabrique des objets sonores, tels les Beans Turners. En 2006, elle présente à New York et à Venise une exposition intitulée « Time Samples », qui rassemble des objets trouvés portant des marques visibles du temps qui passe.
Une grande rétrospective cet hiver au MAMC+ Saint-Étienne
Célébrée par plusieurs grandes rétrospectives, notamment au Carnegie Museum of Art de Pittsburgh en 2016 et au Museum Wiesbaden en Allemagne en 2024, Alison Knowles sera justement au cœur d’une nouvelle grande exposition monographique au MAMC+ Saint-Étienne, du 8 novembre 2025 au 15 mars 2026. Concoctée avec elle de son vivant, cette dernière retracera de façon chronologique plus de 60 ans de création au travers d’une centaine d’œuvres, d’archives et d’éditions, avec des pièces majeures comme The Identical Lunch, Big Book et The House of Dust. La première section reviendra sur sa pratique des années 1960–1970 (peintures sérigraphiées, partitions, événements Fluxus…) tandis que la seconde mettra en lumière ses recherches ultérieures : sculptures et installations, cyanotypes, livres d’artistes, œuvres sonores et radiophoniques.
Alison Knowles. Une rétrospective
Du 8 novembre 2025 au 15 mars 2026
MAMC - Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Étienne • Rue Fernand Léger • 42270 Saint-Priest-en-Jarez
www.mam-st-etienne.fr
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