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Le Louvre expose le Maroc médiéval

 

Les deux lustres millénaires et monumentaux de la mosquée de la ­Qarawiyyin à Fès sont exposés au Louvre. Celui-ci a pour cœur une cloche d'église prise par le sultan Abu al-Hasan en 1333 lors de la bataille de Gibraltar.

Les deux lustres millénaires et monumentaux de la mosquée de la ­Qarawiyyin à Fès sont exposés au Louvre. Celui-ci a pour cœur une cloche d'église prise par le sultan Abu al-Hasan en 1333 lors de la bataille de Gibraltar. Crédits photo : Fondation nationale des musées marocains

La rétrospective met en lumière un empire qui rayonnait à son apogée, de la Mauritanie à Saragosse puis du Portugal à Tripoli. Entre trésors de guerre et symboles de paix, les 300 pièces exposées sont les preuves d'un grand moment de civilisation.

Deux lustres millénaires et monumentaux éclairent d'habitude la mosquée de la Qarawiyyin à Fès, le plus vénérable lieu de culte de l'Occident islamique doublé de la plus vieille université du monde. Restaurés, ils accueillent le visiteur du hall Napoléon. Le premier est doté de 520 godets étagés sur neuf couronnes. Jadis, pour les allumer, il fallait cinq cruches d'huile. Le second a pour cœur une cloche d'église prise par le sultan Abu al-Hasan en 1333 lors de la bataille de Gibraltar.

Leur répond, en conclusion de ce parcours inédit consacré au Maroc médiéval - un empire rayonnant à son apogée de la Mauritanie à Saragosse, puis du Portugal à Tripoli -, une immense bannière, prêt de la cathédrale de Tolède où elle reste considérée comme une prise de guerre. Les chrétiens victorieux après la bataille de Rio Salado en 1340 avaient confisqué cet étendard orné de graphies arabes.

Entre ces symboles de conquête et de reconquête se multiplient les preuves d'un grand moment de civilisation. Échanges commerciaux, développement artistique, scientifique et urbain auront été intenses sous les Almoravides, les Almohades et les Mérinides, des tribus berbères venues du Sud qui, du XIe au XVe siècle, ont considérablement amplifié les richesses d'al-Andalus.

Parmi les 300 pièces, soieries ou pyxides d'ivoire, on remarquera trois chaires de la prière du vendredi (minbars), les plus vénérables du royaume chérifien.

Parmi les 300 pièces, soieries ou pyxides d'ivoire parfois conservées avec les reliques de nos cathédrales, rarissimes manuscrits calligraphiés et enluminés, éléments décoratifs d'architecture ou de mobilier, on remarquera trois chaires de la prière du vendredi (minbars), les plus vénérables du royaume chérifien. Autre pièce aussi symbolique qu'imposante: une réplique du griffon qui dominait le toit de la cathédrale de Pise. Fondu dans un atelier de l'empire musulman, ce grand bronze a pu, lui aussi, être saisi comme butin. Mais il fait l'effet aujourd'hui d'un curieux syncrétisme car sur son corps est inscrit une louange en arabe… D'autres objets ont voyagé pour la première fois. Comme ces stèles en marbre ciselé des tombeaux de la nécropole de Chellah, à Rabat. Eux sont révélateurs de l'ancrage des Mérinides à Marrakech et de leur effort de conquête vers le nord.

L'œil se perd dans d'autres trésors bien plus petits mais encore plus finement travaillés, tels ces corans virtuoses, ces morceaux de mosaïques géométriques, de plâtres ou bois de cèdre ciselé d'entrelacs floraux… Deux petites pièces de monnaie se révèlent très précieuses: ce sont les seuls indices matériels de la fondation de Fès vers 801 par Idriss Ier.

Yannick Lintz, directrice du département des arts de l'islam du Louvre, et son homologue marocaine Bahija Simou, en charge des Archives royales à Rabat, rendent bien par cette exceptionnelle sélection, l'histoire et la cohérence d'un empire jusqu'alors considéré dans sa seule composante andalouse. Dommage que la scénographie, seulement faite de plans d'urbanisme datés et de photos anciennes, manque de moyens. Pour plus de magnificence, il aurait fallu transporter tout Cordoue, tout Fès et Grenade.

Ces regrets, Delacroix les avait déjà. En lien avec l'exposition, du 5 novembre au 9 février, son appartement musée de la place de Furstenberg (Paris VIe) présentera les objets que le peintre, père de l'orientalisme, avait rapportés de son expédition jusqu'à Meknès en 1832.

«Le Maroc médiéval», au Louvre (Paris Ier), jusqu'au 19 janvier. Catalogue Hazan, 432 p., 45 €.

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