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Rechercher : chimères de nerval

  • NERVAL OU LA NUIT AVEUGLANTE

    Paris, 10 février 1855.

     

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    Étude sur GÉRARD DE NERVAL.

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    couv3934-49bfbbab00ed7.jpgSon caractère. Sa bienveillance. Services qu'il rendait. Sa modestie. Son amour du mystère. Ses nombreux pseudonymes. Sa préoccupation de ses aïeux. Vide qu'il laisse. Son talent. Sa rêverie. Ses hallucinations. Jupiter-Ammon. Les mystères d'Isis. La jarretière de la duchesse de Longueville. Sa vie errante. Comment il avait voyagé en Orient. Ses ouvrages. Aurélia. Peinture du rêve. Pensées de suicide. Son manque d'argent. Ses fantaisies. La perruche. Le homard. Son louis. Sa dette de mille francs. Les cabarets des Halles. Mis au violon. Ses derniers jours, ses dernières nuits. La rue de la Vieille Lanterne. Conjectures. Ses obsèques. Une idée d'Alexandre Dumas. Conclusion.

    Aujourd'hui, il nous faut avant tout raconter ce qui a été l'événement et, comme on dit, la sensation de Paris au commencement de cette dernière quinzaine. Outre le curieux et dramatique intérêt de nombreux détails que nous devons surtout à des communications particulières, il en ressort plus d'une vue singulière et peu connue sur Paris même, comme aussi peut-être un utile et grave enseignement.

     

    *

     

      Le monde des littérateurs, des artistes et de la presse vient de perdre en Gérard de Nerval un homme qui y tenait une place tout à part, mystérieuse et cependant très marquée, tantôt apparaissant au grand jour, tantôt fuyant, pour ainsi dire, comme lui et se renfonçant dans l'ombre. Chose plus rare encore ! il était fort aimé de ses confrères, malgré l'originale distinction de son talent et d'assez vifs éclairs de renommée qui revenaient toujours le signaler de loin en loin dans l'obscurité où il se plaisait. Un de ses amis, M. Champfleury, le conteur réaliste, mais qui n'en conte pas moins bien, car il sait choisir ses réalités, faisait une remarque fort juste, qui est à elle seule une belle louange, et que de longtemps sans doute nul autre ne méritera. « Gérard de Nerval, observait-il, est le seul homme de lettres qui n'ait jamais dit de mal de personne, et dont on n'en ait jamais dit. »

     

      Ce silence de la malignité humaine à son égard, il le devait sans doute en partie, au moins pendant ces dernières années, au respect commandé par son état d'esprit, qui, sur certains points, et quelquefois avec des accès plus marqués, devenait réellement maladif ; mais au commencement, et jusqu'à la fin, il le devait surtout à son caractère essentiellement doux et inoffensif. Il y joignait de plus une bienveillance active, désintéressée et cordiale. Lui qui ne savait rien faire pour lui-même, il le savait très bien pour les autres, n'épargnant alors ni pas, ni démarches, ne ménageant ni ses sollicitations, ni son influence ; et son nom, son talent, l'amitié qu'on lui portait lui en donnaient auprès de plusieurs hommes en place et en crédit, auprès des libraires, des directeurs de théâtre et des rédacteurs de journaux. Incapable de se fixer, de s'arranger, de songer le moins du monde pour lui au lendemain, il laissait sa propre vie flotter à l'aventure, au point de n'avoir plus à la fin, littéralement, ni feu ni lieu ; mais, au milieu de cette existence à l'abandon et perpétuellement errante, il était toujours disposé à venir en aide à ses amis, comme il pouvait et comme on le lui demandait, à leur prêter ses idées et sa plume, ce qui pour lui était le moins.

     

    Dans une carrière littéraire déjà longue, car il avait débuté peu après 1830, il a pris une part plus ou moins notable, essentielle parfois, tantôt pour la rédaction et le style, tantôt pour l'invention, tantôt pour les deux ensemble, à maints travaux signés cependant d'un seul nom, et ce n'est pas le sien. Son ami Théophile Gautier, et d'autres, en savent bien quelque chose, Théophile Gautier surtout, et peut-être ne l'ont-ils pas dit assez haut. Quant à ce dernier, avec lequel il était particulièrement lié depuis de longues années, il ne le remplaçait pas seulement au feuilleton de la Presse, pendant ses absences et ses voyages ; il est de notoriété parmi leurs amis communs et leurs connaissances, qu'il l'a aidé, soufflé dans plusieurs de ses ouvrages : Théophile Gautier avoue lui-même qu'il n'a point le don de l'invention, qu'il ne saurait pas imaginer et combiner une nouvelle, par exemple : « Faites-moi le fond, dit-il, et alors je mettrai là-dessus un glacis superbe. » Eh bien, le fond, le dessous, germe ou charpente, ce qui est caché sous l'œuvre et qu'on ne voit pas, mais ce qui la supporte ou lui a donné naissance, il paraît que c'est souvent Gérard de Nerval qui le faisait. Il avait même été autrefois le collaborateur d'Alexandre Dumas dans plus d'un drame dont un seul porte son nom, celui de Léo Burckart.

     

    Loin de se plaindre de ce rôle obscur de collaborateur et même, qu'on nous passe l'expression, de préparateur de chimie littéraire, il s'y plaisait, soit par modestie naturelle, soit aussi, semble-t-il, par son amour instinctif de tout ce qui était secret et mystérieux. Parmi les ouvrages qu'il a signés (et, malgré ses collaborations anonymes, la liste en est encore assez longue), aucun ne l'est de son vrai nom. C'était Aloysius, Pérégrinus, lord Pilgrim, etc. Il affectionnait l'idée renfermée dans ces deux dernières désignations, qui rappelaient sa vie toujours errante et pérégrinante, de rue en rue à Paris, ou même, car il avait beaucoup voyagé, de pays en pays, y compris celui de l'imagination et de l'âme. Ce nom de Gérard de Nerval, qui avait fini par passer pour le sien et qui est inscrit sur sa tombe, était encore un pseudonyme : il s'appelait en réalité Labrunie, dont Nerval (noir val) a dû être aussi, dans ses idées, une sorte de traduction. Comme en général les mystiques, il attachait une grande importance aux noms, qui, à vrai dire, ont toujours un sens à l'origine des langues et des sociétés, et, dans la Bible même, quelque chose de prophétique et de sacré.

     

    Dans quelques-uns de ses ouvrages, dans les derniers surtout, il se montre aussi très préoccupé de ses aïeux inconnus, de sa race, de sa famille, il revenait là-dessus avec plus d'insistance encore dans la conversation : c'était même l'un des thèmes les plus habituels de ses aberrations d'esprit, l'un des plus caractéristiques. Cet amour du mystère et ce genre de préoccupation tenaient sans doute avant tout à des idées particulières et à sa nature intime, mais peut-être aussi à quelque secret de famille. Son père, ancien chirurgien militaire de l'Empire, vit encore ; sans être brouillés, ils se voyaient peu, et le père, très âgé il est vrai, n'a pas réclamé le corps de son fils. Ce sont les amis de Gérard de Nerval et la Société des Gens de Lettres qui lui ont rendu les derniers devoirs. Il y avait foule à son convoi, mais surtout d'écrivains et d'artistes.

     

      Tout ce monde a bien senti à cette heure, – mieux que du vivant de celui dont il allait conduire au moins la dépouille à une demeure fixe et assurée, – a bien senti, voulions-nous dire, qu'il s'était fait dans son sein un véritable vide par cette subite disparition non seulement d'un vieil ami de vingt ans, d'un caractère bon et aimable, mais d'un talent qui ne se remplacerait pas. Celui de Gérard de Nerval n'atteignait pas sans doute les hauteurs du génie, son vol conquérant, facile et sublime ; il n'y aspirait pas non plus ; mais, dans une région plus moyenne, son talent était cependant très à part et bien à lui.

     

    Élégant, délicat, choisi ; souple et rapide ; à la fois coulant et soutenu ; pur, correct sans raideur, sans manière et sans pédanterie ; ayant le brillant, la vraie fleur, et non pas le vernis ; aux antipodes du vulgaire, mais pourtant rempli d'observations justes, inattendues et fines, en même temps que de caprice, de verve, d'humour, de saillies et de surprises ; surtout éminemment sincère, jusque dans ses plus grandes bizarreries : tel est, dans ses traits principaux, le talent de Gérard de Nerval, et tel il se montre mieux aujourd'hui. Talent complet en son genre, il est arrivé, dans quelques-unes de ses œuvres, à toute la réalisation, croyons-nous, que semblait comporter sa nature : à la fermeté de plume par la longue habitude d'écrire, et, sinon à la maturité morale, du moins à la maturité littéraire.

     

      Dans son imagination vagabonde, il a la grâce et le charme, mais la sérénité lui manquait. Les idées les plus profondes ou les plus étranges ne l'effrayaient pas ; elles l'attiraient au contraire, et il s'y est perdu : il en a abordé, traversé, hanté plus d'une dont le commun des esprits ne se doute même pas. Néanmoins, sa sphère d'observation et de création reste assez étroite. Quoique sa pensée s'élançât dans l'espace sans bornes, et peut-être parce que c'est là qu'elle s'élançait le plus volontiers, il n'a pas embrassé, tant s'en faut, ni même parcouru dans son étendue tout le champ si divers de la vie et de l'humanité. Il y était solitaire, il y portait une pensée à lui, et n'a fait que d'y errer. Malgré mille détours fantasques ou gracieux, sa rêverie n'a qu'une ligne, elle ne décrit pas un ensemble, un orbe complet, où, comme dans les œuvres du génie, la nature et l'homme se retrouvent tout entiers.

     

      Toutefois, comme écrivain, la rêverie est bien son cachet ; et à cet égard, sinon par le genre et l'étendue du talent, il y avait en lui du La Fontaine. Il en avait aussi la douceur et la facilité, en quelque degré même, disent ses amis, la naïveté et la bonhomie, dans son caractère inoffensif, enfant et contemplateur. Mais il n'en avait pas le calme, et au lieu de rêver seulement

     

    Une ample comédie à cent actes divers

    Et dont la scène est l'univers,

     

    au lieu de ce don de réfléchir, comme le miroir d'un lac tranquille, le monde qui l'entourait, la rêverie de Gérard de Nerval avait devant elle les abîmes, et, avant qu'il s'y jetât lui-même, elle s'y élançait.

     

    À moins d'en être averti, on ne s'en aperçoit pas dans ses ouvrages, excepté dans les derniers, où encore cela ne se sent qu'à un bien petit nombre de traits ; car ils sont très suivis jusque dans leurs caprices, d'une sûreté de plume étonnante dans leurs détails les plus subtils, les plus ténus, et, avec un singulier art de transitions, aussi finement que logiquement enchaînés. Cependant, le fait n'est malheureusement que trop vrai : si la plume de Gérard de Nerval restait ferme, son esprit, en quelques parties du moins, était troublé, ébranlé ! Étrange phénomène ! le talent demeurait sain ou paraissait tel ; mais l'âme était malade : c'était le coursier qui porte encore son maître blessé.

     

      Il avait passé quelque temps dans la maison de santé du docteur Blanche, et il n'en était pas sorti guéri ; au contraire, plutôt exaspéré : se figurant qu'on avait voulu l'y tourmenter à plaisir, disant que lorsqu'il devait recevoir la visite de ses amis, on le contrariait auparavant tout exprès pour l'exciter et le faire passer réellement pour fou aux yeux de ceux qui le visitaient ; enfin, ayant pris en horreur le docteur Blanche, qui l'avait recueilli et ne pouvait avoir à cela d'autre intérêt qu'un intérêt d'humanité.

     

    Depuis sa sortie comme avant, il revenait fréquemment dans la conversation sur certains points où il n'était que trop évident qu'il déraisonnait : ainsi, cette idée de sa vie antérieure et de ses aïeux, idée dont nous avons déjà dit qu'il était fort préoccupé, et qui est si marquée dans sa dernière nouvelle, Aurélia ou le Rêve et la Vie, publiée par la Revue de Paris. Sur ce sujet qui lui tenait tant à cœur, il disait, par exemple, à l'un de nos amis : « Je ferais bien faire mon portrait, mais il y a encore une chose qui m'arrête. Je suis de la race de Jupiter-Ammon ; je le sais ; d'ailleurs, j'ai vu ma momie (dans une nécropole qu'il indiquait), et je m'y suis parfaitement retrouvé : c'est le même corps et la même tête, seulement il y manque les pieds, qui ont été coupés. Il y a aussi le nez qui est différent, mais ce n'est qu'en apparence ; je sens, à l'os (et il le pressait entre ses doigts) que, par dessous, le nez est bien tel dans sa charpente. Aussi, de là jusque là, ajoutait-il en désignant la limite, du milieu de ses jambes au milieu de sa figure, de là jusque là je suis très beau, et on en était très frappé chez le docteur Blanche quand je me baignais. » Dans Aurélia, il retrouve une longue suite de parents et d'ancêtres au monde des âmes, mais entourés de paysages qui lui rappellent les bords du Rhin et la Flandre française, « où ses parents avaient vécu et où se trouvent leurs tombes. » Il disait encore à notre ami, toujours avec cette idée de mélange et d'identité de vie actuelle et antérieure : « Je viens de faire mes examens pour être reçu aux mystères d'Isis ; je craignais beaucoup, car c'est fort dangereux, si l'on n'est pas admis, de tenter l'épreuve ; mais j'avais trouvé un livre, qui m'a été du plus grand secours, et j'ai très bien passé. On m'a même décerné le triomphe, mais j'ai refusé cet honneur, je l'ai cédé à Dumas. Je savais, d'ailleurs, que si on l'accepte, après on vous casse... » et, faisant une légère pause, « on vous casse... comme un pot, » ajoutait-il froidement. Il prétendait aussi avoir en sa possession la jarretière de la duchesse de Longueville, et, tirant de sa poche un cordon de soie qu'il montrait mystérieusement, il assurait que M. Cousin, admirateur passionné de la célèbre duchesse, lui avait fait des propositions pour acquérir ce trésor. Tout cela était dit du ton le plus uni, et parfois avec des malices qui ne l'étaient probablement pas d'intention, mais qui ne l'étaient que mieux de fait. « Dumas, observait-il, est le seul de mes amis qui ne soit pas venu me voir quand j'étais chez le docteur Blanche. Il a bien fait, car s'il était venu, on ne l'aurait pas laissé sortir. »

     

      La rêverie, chez lui, allait donc, sur de bizarres ou pénibles sujets qui obsédaient sa pensée, jusqu'à l'hallucination, jusqu'à la folie, et tel en était le tour habituel, doux, curieux, savant même et tenant de l'illuminisme, plutôt que dangereux.

     

      Esprit dévié, n'habitant plus qu'à moitié notre planète, flottant, errant, il l'était aussi dans ses habitudes et sa manière de vivre. Il était toujours en course, et faisait des absences continuelles : il vous arrivait, on jouissait de sa présence et de sa conversation, qu'il avait et spirituelle et facile, et où on l'écoutait volontiers ; on croyait le tenir, puis il disparaissait subitement, et des jours, des semaines, des mois se passaient sans qu'on sût où le retrouver. Il allait à la campagne, errant dans les environs de Paris, de ville en ville, de bourgade en bourgade, ou à Paris même, de rue en rue, de quartier en quartier, travaillant dans les cafés et dans les cabarets, couchant où il se trouvait, quelquefois nulle part, car, à la fin surtout, il était devenu un vrai noctambule. Ses amis, et dans le nombre il en avait de riches, quelques-uns même de vraiment dévoués, avaient voulu maintes fois lui arranger une demeure à lui, mais impossible de le fixer. Il aimait aussi beaucoup les voyages, allait fréquemment en Allemagne, où il était bien accueilli, assez connu, semble-t-il, et où l'on appréciait fort ses écrits. Il partait, séjournait et revenait on ne sait comment. Il était allé en Orient avec un ami ; mais là encore il disparaissait souvent, et on le perdait de vue pendant quelques jours. Que faisait-il ? comment vivait-il ? on n'en a jamais rien su. Il est à présumer qu'il entrait au hasard dans les maisons, sous les tentes, et que, remarquant en lui des traces d'un dérangement d'esprit, on le recevait, on le traitait avec ce respect que les Musulmans et les Orientaux en général ont pour les fous, en qui ils voient une sorte de sceau mystérieux et sacré.

     

    Tels sont quelques-uns des détails que nous tenons de personnes qui l'ont approché de très près. On en peut lire d'autres encore, généralement assez vrais, dans sa biographie par M. Eugène de Mirecourt, dans les articles nécrologiques de l'Indépendance belge, de la Presse (par Théophile Gautier), surtout dans celui du Siècle qui est simple et bien senti ; il est de M. Edmond Texier. Mais on le trouvera surtout lui-même dans ses propres ouvrages. Le meilleur est le Voyage en Orient, et l'un des plus connus la traduction de Faust, dont Gœthe se déclara très satisfait, disant « qu'il n'aimait pas à l

  • Une matinée avec Nerval

    Jean-Luc Steinmetz –– Les rêves dans Aurélia

     

    Régine Borderie –– Bizarre et vie privée dans l’œuvre en prose de Nerval

     

    Henri Scepi –– Dire le réel : détours et retours biographiques (Les Illuminés)

     

    Jean-Nicolas Illouz –– Nerval, poète renaissant

     

    Séminaire de recherche sur la littérature française du XIXe siècle

    (Paris III - Paris IV)

     

    Samedi 14 novembre

    Sorbonne – Amphi Michelet (entrée par le 46 rue Saint-Jacques)

    9h.30-13h

    Nerval

    Sous la direction de Jean-Nicolas Illouz et Jean-Luc Steinmetz

     

     http://www.univ-paris8.fr/littfra/?p=1874

  • Nerval et Goethe 2

    Pour « Delfica » ( http://lauravanel-coytte.hautetfort.com/archive/2007/10/12/goethe-nerval-et-baudelaire.html#comments) Nerval s’inspire de la « Chanson de Mignon » de Goethe (Les Années d’apprentissage de Wilhem Meister) qui célébrait les bonheurs de l’Italie (mon mémoire en vente sur Lulu, lien à droite sur ce blog).

     

    Connais-tu la montagne? Un sentier dans la nue,                                                                

    Un mulet qui chemine, un orage, un torrent,                                                                                    

    De la cime des monts une roche abattue,                                                                        

    Et la sombre caverne où dort le vieux serpent.                                                                       

    La connais-tu? ...Si tu pouvais m'entendre,                                                                             

    O mon père! c'est là, c'est là qu'il faut nous rendre.

     

    (Voir l’intégralité du roman :

     

    http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Ann%C3%A9es_d%27apprentissage_de_Wilhelm_Meister)

     

    « Nerval fait ici subir au « vieux serpent » qui dort dans la « caverne » du texte original une transformation d’importance qui témoigne de ses hantises mythologiques.  On pense aux Spartes hommes tout armés nés des dents du dragon tué par Cadmos, héros légendaire grec. Cadmos avait semé ces dents devant Thèbes, à l'endroit où il avait triomphé du monstre [1]



    [1] O. C, I, Notes et variantes, 1773-1774. Théophile Gautier lui – aussi a composé « sa » Chanson de Mignon inspirée par celle de Goethe.

    CF. MON MEMOIRE DE MAITRISE EN VENTE SUR LULU:

    http://stores.lulu.com/store.php?fAcctID=617288

  • Bulletin Nerval nº 111 / 1er décembre 2012


     
    OUVRAGE

    Claude Herzfeld, "Gérard de Nerval - L'Epanchement du rêve", L'Harmattan, coll. "Espaces littéraires", 2012.
    http://www.fabula.org/actualites/c-herzfeld-gerard-de-nerval-l-39-epanchement-du-reve_53929.php

    DVD

    Nerval, "une géographie magique". DVD réalisé pour le CRDP de l’Académie d’Amiens, par Delphine Petit et Michel Gombart, avec la participation de Jean-Marc Vasseur, François Grandsir et Jacques Bony. Diffusion : web TV du Conseil Régional de Picardie.


    ARTICLES

    - Christine Belcikowski, "Nerval à sa fenêtre ou le paysage de l'impase du Doyenné".
    http://belcikowski.org/ladormeuseblogue3/?p=5166

    - Dominique Casajus, "Qu'alla-t-il faire au Caire ? Le Voyage en Orient de Gérard de Nerval", in "Terrains d'écrivains. Littérature et ethnographie", textes réunis par Alban Bensa et François Pouillon, Paris, Anacharsis, 2012, p. 67-104.


    COMPTES RENDUS

    - MARTA KAWANO " QUAND NERVAL DEVIENT UN POÈTE DU XVIE, ET INVERSEMENT", CR d'"Œuvres complètes de Gérard de Nerval", tome I : Choix de poésies de Ronsard, Du Bellay, Baïf, Belleau, Du Bartas, Chassignet, Desportes, Régnier, édition préfacée, établie et annotée par Emmanuel Buron et Jean-Nicolas Illouz, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque du xixe siècle », 2011, 450 p. , EAN 9782812403323.
    http://www.fabula.org/revue/document7339.php

    - (anonyme), CR de G. de Nerval, "Voyages en Europe" (éd. M. Brix et H. Mizuno, Paris, Editions du Sandre, 2011), in "Histoires littéraires", avril-juin 2012, vol. XIII, n° 50, p. 145.


    SEMINAIRE 

    Séminaire "Nerval" organisé à la Sorbonne, 16 novembre 2012, 16 h - 19 h.

    Jean-Luc Steinmetz, "L'Espace dans les Chimères"
    Jacques-Rémi Dahan, "Nerval, Nodier : fécondité du désappointement"
    Jean-Nicolas Illouz, "Un mille-pattes romantique : Aurélia de Gérard de Nerval"


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    Les anciens numéros du Bulletin sont installes sur le site Amitie-Nerval et sur le site du Centre Nerval de Namur.
    http://www.gerarddenerval.be/

  • Bulletin Nerval nº 83 / 1er mai 2010

    PAYSAGES NERVALIENS.jpgROMAN

    Caroline Gutmann, "Le Syndrome Nerval", Jean-Claude Latt, 280 pages, avril 2010.


    EDITION

    Gerard de Nerval, "Les Faux Saulniers. Histoire de l'abbe de Bucquoy", edition en fac-simile du "National" de 1850, Mirabeau (Luberon), Editions du Rapapeou, 2009, 76 pages
    (avec une etude de Richard Sieburth, "Les Faux Saulniers ou le chant du cygne de 1848")


    TRADUCTION

    Gerard de Nerval, "The Salt Smugglers" ("Les Faux Saulniers"), traduction anglaise par Richard Sieburth, New York, Archipelago Books, 2009.


    ARTICLES

    - Laurent Demanze, "Le Conteur de chimères. "Je suis l'autre"" (sur Gerard Mace et Nerval), in "Revue des Sciences humaines" (Lille), n° 297, 2010/1, p. 105-114.

    - Gisele Seginger, "Tout est mort, tout vit. Musset, Nerval : la double figure d'une generation", in "Romantisme", n° 147, 1er trimestre 2010, p. 55-68.


    COMPTES RENDUS

    - Leo Tertrain, CR de M. Brix et JC Yon, "Nerval et l'Opera-Comique. Le dossier des Montenegrins" (Namur, Presses universitaires, 2009), in "Nineteenth Century French Studies", vol. 36, nos 3 et 4, printemps-ete 2010, p. 310-311.

    - Leo Tertrain, CR de K. Tsujikawa, "Nerval et les limbes de l'histoire. Lecture des Illumines" (Geneve, Droz, 2009), in "Nineteenth Century French Studies", vol. 36, nos 3 et 4, printemps-ete 2010, p. 312-313.

    - Anthony Zielonka, CR de M. Brix et JC Yon, "Nerval et l'Opera-Comique. Le dossier des Montenegrins" (Namur, Presses universitaires, 2009), in "French Studies", 2010/2, p. 213

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    Vous pouvez lire une partie de mes études sur les "Paysages nervaliens" en vente sur ce blog ou ici:
    ampuis 23 mai 2010 012.jpg
    Photo perso du 23 mai 2010

  • Bulletin Nerval nº 117 / 1er juillet 2013

     

    EDITION

    G. de Nerval, " Sylvie" , édition de Sylvain Ledda (avec la coll. de Jacques Bony), Paris, GF Flammarion, 2013.

     OUVRAGES

    - Alain Montandon, " La Cuisine de Théophile Gautier ", Paris, Gallimard, coll. "Alternatives", 2010, 128 p.

    - Alain Montandon, " Théophile Gautier, entre enthousiasme et mélancolie" , Paris, Imago, 2012, 222 p.

    - Alain Montandon, " Théophile Gautier. Le poète impeccable" , Ed. Aden, coll. "Le Cercle des poètes disparus", 2013, 528 p.

     
    ARTICLES

    - Michel Brix, "Gérard de Nerval et Hippolyte Lucas", in"  Revue d'Histoire littéraire de la France ", avril 2013, 113e année, n° 2, p. 425-438.

    - Robert J. Hudson, "Nerval, Ronsard and the Orphic Lyre : Modulating Romantic Irony in Les Chimères", in " Nineteenth Century French Studies ", vol. 41, number 3-4, spring-summer 2013, p. 220-236.
     
    - Guy Barthemely, " Sylvie" dans " Le temps veçu. Woolf, Nerval, Bergson, programme 2013-1014", Dunod, 2013, pp. 127-169.
     
    - Michel Brix, "Le temps vécu dans "Sylvie" de Nerval", in "Le temps vécu" sous la direction de Philippe Guisard et Christelle Laizé, Ellipses, " L'Intégrale", 2013, pp. 41-67.
     
     
    COLLOQUE 

    Hisashi Mizuno, " Gérard de Nerval et les sonnets métaphysiques de 1841 ",  colloque international organisé par Eric Benoît (Université Bordeaux 3), Nakazato Makiko (Université Iwate à Morioka), Honda Takahisa (Université Chuo, Tokyo), « Transmission et transgression des formes poétiques régulières »,  Tokyo, Chuo University, 7-8 septembre 2013. (le 7 septembre, matin)

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  • Bulletin Nerval nº 54 / 1er octobre 2007



    ARTICLE 
    - Patrick Labarthe, " Nerval ou le prosateur obstiné " in  " Versants" , n° 51, 2006, pp. 95-112.

    COMPTE RENDU
    Corinne Bayle, "Aspects de Nerval – Histoire – Esthétique - Fantaisie" de Jacques Bony, Eurédit, 2006, 432 p., in "Eurpoe" n°938-939, juin-juillet 2007, pp. 352-354.

    COLLOQUE
    Colloque international : « Baudelaire et Nerval: poétiques comparées »
    25 – 27 octobre 2007, Université de Zürich, Karl-Schmid-Strasse 4, 8006 Zürich, salle F-152.
    Colloque organisé par Patrick Labarthe et Dagmar Wieser.
    http://www.rose.unizh.ch

    - Jeudi, 25 octobre 2007 : « La poésie de Paris ». 17.15 : Ouverture du colloque par Peter Fröhlicher.
    17.45-18.15 : Gabrielle Chamarat, "De Nerval à Baudelaire : variations sur la flânerie".
    18.15-18.45 : Jean-Paul Avice, " Nerval, Baudelaire, Paris. Métropole et mélancolie". 
     
    - Vendredi, 26 octobre, matin : Les « Fleurs de l’Impossible ». Présidence : Gabrielle Chamarat
    9.15-9.45 : Corinne Bayle, "Nerval et Baudelaire : De la fleur bleue du Romantisme à la fleur du “rouge idéal”.
    9.45-10.15 : Michel Brix, " Nerval et la symbolique des fleurs" 
    10.45-11.15 : Dagmar Wieser, “Poésie et charité”.
    11.15-11.45 : Olivier Pot, "Le fantastique chez Baudelaire et chez Nerval".

                        après-midi : « Correspondances ». Présidence : Michel Brix
    14.45-15.15 : Hisashi Mizuno, "Cythère revisitée : le beau et la subjectivité chez Nerval et Baudelaire".
    15.15-15.45 :  Violaine Boneu, "Baudelaire, Nerval, ou l’idylle revisitée" 
    16.15-16.45 : Kurt Schärer, " “Reprendre à la musique son bien” : Nerval et le Symbolisme" 
    16.45-17.15 : Jean-Nicolas Illouz, "Nerval et Baudelaire devant Nadar. 

    - Samedi, 27 octobre, matin : « Mémoire fertile ».Présidence : Corinne Bayle
    9.15-9.45 : Odile Bombarde, " Mémoire fertile et souvenir révé" 
    9.45-10.15 h :  Patrick Labarthe, “L’incorrigible Gérard”.
    10.15-10.45h :  Aurelie Loiseleur, "Un monde sans garde-fous : Proust lecteur de Nerval et Baudelaire".
    11.15-11.45 h : Clôture : table ronde. 

    CONFERENCE
    Jacques Clémens, "Gérard de Nerval et la tour abolie",  le mercredi 12 décembre 2007, à 18 heures, Bibliothèque Municipale de Bordeaux.
    (information fournie par Jacques Clémens)

    MANIFESTATION 
    Le dimanche 30 septembre,  à 17h30, en l'église d'Ermenonville, a eu lieu une manifestation musicale "Lolo Dolenti"
    les Chimères de Gérard de Nerval, mises en musique par François Grandsir.
    Soprano : Stéphanie Lachant
    Contreténor : Ericde Giovannini
    piano : François Grandsir
    Prix des places : 8 euros
    (Information fournie par Henri Charvenet)
     
    INTERNET
    On trouve une numerisation (en mode image) des "Poésies allemandes" de 1830 à l'adresse
    http://books.google.com/books?id=jW4oAAAAMAAJ&pg=PA161#PPA260,M1

  • Bulletin Nerval nº 85 / 1er juillet 2010

    Gerard de Nerval et l'esthetique de la modernite", sous la direction de Jacques Bony, Gabrielle Chamarat-Malandain et Hisashi Mizuno, Actes du colloque "Nerval et l'esthetique de la modernite" a Cerisy-la-Salle, en aout 2008, Hermann Editeurs, 2010. (ISBN 978-7056-6993-5).
    http://editions-hermann.fr/ficheproduit.php?lang=fr&menu=&ref=Critiques+litt%E9raire+Nerval+et+l'esth%E9tique+de+la+modernit%E9&prodid=843

    "Introduction", p.7-16.

    Jean-Luc Steinmetz, "La non-revelation des Chimeres", p. 19-31.
    Bertrand Marchal, "Des Odelettes aux Chimères", p. 33-45.
    Lieven D’hulst, "Nerval et la notion de traduction", p. 47-63. 
    Michiko Asahina, ""Un simple archeologue ou collectionneur que je suis". L'inspiration du capharnaum dans l'imaginaire de Nerval", p. 65-80.
    Fumiko Endo, "Une naissance revee, Polysemie d'un fragment manuscrit delaisse de "Promenades et Souvenirs"", p. 81-96.
    Jonathan Strauss, "Singulieres, periodiques" : la temporalite de l’origine chez Nerval" p. 97-113.
    Henri Bonnet, " Sous le signe de Lorely,une Arcadie dans le monde germanique", p. 115-130.
    Michel Brix, "La femme, l'amour, la nature. Nerval et le christianisme avant "Aurelia", p. 131-145. 
    Gerard Cogez, "Nerval à l’épreuve du féminin", p. 147-165. 
    Daniel Lancon, "Gérard de Nerval et Jean-Jacques Ampere en Egypte", p. 167-180. 
    Guy Barthelemy, "Contraste, paradoxe et poétisation de l’ailleurs dans le "Voyage en Orient"", p. 181-205. 
    Hisashi Mizuno, ""Sylvie" de Gerard de Nerval et la "Revue des Deux Mondes"", p. 209- 223.
    Shu Fujita, "Les oeuvres dramatiques et la politique", p. 225-239.
    Marina Muresanu-Ionescu, "Nerval et le poete roumain Eminescu", p. 241-258.
    Violaine Boneu, "Modernite de l’idylle : "une lecture de "Sylvie" au regard des "Gaites champetres" de jules Janin", p. 261-277.
    Gisele Seginger, "Modernite du sacre nervalien : Un chant du monde", p. 279-298.
    Gabrielle Chamarat-Malandain, "Réalisme et fantaisie dans l'oeuvre de Nerval", p. 299-313. 
    Karin Gundersen,"L’inquietude d’Octavie", p. 315-328.
    Éric Bordas, "La prose lisse de Gerard de Nerval (Sylvie)", p. 329-342. 
    Jacques Bony, "Modernite de Nerval : un nouveau récit", p. 345-358.
    Dagmar Wieser, "Ecriture de l’irrationnel : Proust lecteur de Nerval", p. 359-378.
    Étienne-Alain Hubert,""Echos sans fin" : Nerval et les surrealistes", p. 379-402.
    Francoise Sylvos, "Gerard de Nerval, moderne et intemporel", p. 405-427.
    Pierre Campion, "Lire Nerval au temps de notre crise. p. 429-445.
    Jacques Bony, "Projection du film "Aurelia"" p. 449-453. 
    Jacques Bony, " Presentation de l’exposition : "Nerval, poete du Valois" par Jean-Marc Vasseur", p. 455-458。


    REVUES 

    - "Paris 1800. Cahiers de la Société dix-neuviémiste du Paris littéraire", n° 1, année 2010:

    Gerard de Nerval, "Notre-Dame de Paris", P. 13. 
    Gerard de Nerval, "Embellissements de Paris" "Le Messager", 30-31 juillet 1838, P. 14-21.
    Gerard de Nerval, "Promenades sur le pont des Arts" "La Presse, 29 juin 1845, P. 22-23.
     Michel Brix, "Les Domiciles parisiens de Gerard de Nerval", p. 25-40.


    - “ Littérature”  nº 158, “Nerval“, Juin 2010:
    Jean-Nicolas Illouz, "Avant-propos".
    Jean-Nicolas Illouz, "Nerval, poete renaissant".
    Henri Bonnet, "Metamorphoses de l'idylle dans l'univers nervalien".
    Dagmar Wieser, "Nerval : la science des deplacements".
    Odile Bombarde, "Palimpseste et souvenir-ecran dans "Sylvie" : la noyade du petit Parisien".
    Regine Borderie, "Bizarre et vie privee dans l'oeuvre en prose de Nerval".
    Patrick Nee, "De quel voile s'enveloppe le "Voyage en Orient" de Nerval ?".
    Henri Scepi, "Dire le reel: detours et recours biographiques (a propos des Illumines)".
    Jean-Luc Steinmetz, "Les reves dans "Aurelia" de Gerard de Nerval".

    ...............................................................................................................
    Ce Bulletin vous tiendra informe(e) des renseignements concernant Nerval. Si vous desirez le recevoir gratuitement et y faire paraitre des informations ou des commentaires, veuillez envoyer vos coordonnees et vos messages a Michel Brix ou Hisashi Mizuno.
    Les anciens numéros du Bulletin sont installes sur le site Amitie-Nerval et sur le site du Centre Nerval de Namur.
                                                                                                      Michel Brix <Michel.Brix@fundp.ac.be>
                                                                                                      Hisashi Mizuno <hisashi.mizuno@kwansei.ac.jp
  • ”Artémis” de Gérard de Nerval

    La Treizième revient... C’est encor la première ;
    Et c’est toujours la seule, — ou c’est le seul moment ;
    Car es-tu reine, ô toi ! la première ou dernière ?
    Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant ?...
     
    Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
    Celle que j’aimai seul m’aime encor tendrement :
    C’est la mort — ou la morte... Ô délice ! ô tourment !
    La rose qu’elle tient, c’est la Rose trémière.
     
    Sainte napolitaine aux mains pleines de feux,
    Rose au cœur violet, fleur de sainte Gudule :
    As-tu trouvé ta croix dans le désert des cieux ?
     
    Roses blanches, tombez ! vous insultez nos dieux,
    Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle :
    — La sainte de l’abîme est plus sainte à mes yeux !

     

     

     

  • ”Delfica” de Gérard de Nerval

    La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance,
    Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
    Sous l’olivier, le myrte, ou les saules tremblants,
    Cette chanson d’amour qui toujours recommence ?...
     
    Reconnais-tu le Temple au péristyle immense,
    Et les citrons amers où s’imprimaient tes dents,
    Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
    Où du dragon vaincu dort l’antique semence ?...
     
    Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
    Le temps va ramener l’ordre des anciens jours ;
    La terre a tressailli d’un souffle prophétique...
     
    Cependant la sibylle au visage latin
    Est endormie encor sous l’arc de Constantin
    — Et rien n’a dérangé le sévère portique.

     

  • Avril de Gérard de Nerval

    Déjà les beaux jours, – la poussière,
    Un ciel d’azur et de lumière,
    Les murs enflammés, les longs soirs ; –
    Et rien de vert : – à peine encore
    Un reflet rougeâtre décore
    Les grands arbres aux rameaux noirs !

    Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
    – Ce n’est qu’après des jours de pluie
    Que doit surgir, en un tableau,
    Le printemps verdissant et rose,
    Comme une nymphe fraîche éclose
    Qui, souriante, sort de l’eau.

    Gérard de Nerval, Odelettes

  • Importance des routes dans le ”Sylvie” de Nerval

    O. C, III, 544 : « Quelle triste route, la nuit, que cette route de Flandres, qui ne devient belle qu’en atteignant la zone des forêts ! Toujours ces deux files d’arbres monotones qui grimacent des formes vagues ; au-delà des carrés de verdure et de terre remuées, bornés à gauche par les collines bleuâtres de Montmorency, d’Ecouen, de Luzarches. […]
    Plus loin que Louvres est un chemin bordé de pommiers dont j’ai vu bien des fois les fleurs éclater dans la nuit comme des étoiles de la terre : c’était le plus court pour gagner les hameaux. »

  • Importance des routes dans ”Sylvie” de Nerval

    1e7415a2e5a8c29587fcaa6e43adee0a.jpgO. C, III, 547 : « En quittant le chemin pour traverser un petit bois qui sépare Loisy de Saint-S***, je ne tardai pas à m’engager dans une sente profonde qui longe la forêt d’Ermenonville ; je m’attendais ensuite à rencontrer les murs d’un couvent qu’il fallait suivre pendant un quart de lieue. La lune se cachait de temps à autre sous les nuages, éclairant à peine les roches de grès sombre et les bruyères qui se multipliaient sous mes pas. A droite et à gauche, des lisières de forêts sans routes tracées, et toujours devant moi ces roches druidiques de la contrée qui gardent le souvenir des fils d’Armen exterminés par les Romains ! Du haut de ces entassements sublimes, je voyais les étangs lointains se découper comme des miroirs sur la plaine brumeuse, sans pouvoir distinguer où s’était passée la fête. »

    Paysage ambulatoire
    Paysage vu du haut
    cadrage

    Mes recherches sur les paysages dans "Sylvie" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."

    http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

  • Importance des routes dans ”Aurélia” de Nerval

    O. C, III,728 : « Je me trouvais dans un lieu désert, une âpre montée semée de roches, au milieu des forêts. Une maison, qu’il me semblait reconnaître, dominait ce pays désolé. J’allais et je revenais par des détours inextricables. Fatigué de marcher entre les pierres et les ronces, je cherchais parfois une route plus douce par les sentes du bois. […] Une nuit profonde m’entourait, la maison lointaine brillait comme éclairée par une fête et pleine d’hôtes arrivés à temps. »

    Paysage nocturne
    cadrage

    Mes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval"(publié une 1 ere fois sur Lulu) que je suis en train de retravailler pour le mettre comme mes 2 recueils de poèmes en vente sur "The book edition."(liens à droite de ce blog). C'est très fastidieux; si ça vous intéresse de l'acheter, dites-le moi, ça m'encouragera...

  • Hasard dans le ”Voyage en Orient” de Nerval

    722fc42b8a0a14469b6b3e19995b06fc.jpgO. C, II, VO, 173 : « J’ignore si tu prendras grand intérêt aux pérégrinations d’un touriste parti de Paris en plein novembre. C’est une assez triste litanie de mésaventures, c’est une bien pauvre description à faire, un tableau sans horizon, sans paysage, où il devient impossible d’utiliser les trois ou quatre vues de Suisse ou d’Italie qu’on a faites avant de partir, les rêveries mélancoliques sur la mer, la vague poésie des lacs, les études alpestres, et toute cette flore poétique des climats aimés du soleil qui donnent à la bourgeoisie de Paris tant de regrets amers de ne pouvoir aller plus loin que Montreuil ou Montmorency. »Mes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

  • Hasard dans le ”Voyage en Orient” de Nerval

    ea9f2bbff8b267828136780488bcc7d6.jpg

    O. C, II, VO, 178 : « Tu ne m’as pas demandé où je vais : le sais-je moi-même ? Je vais tâcher de voir des pays que je n’aie pas vus ; et puis dans cette saison, l’on n’a guère le choix des routes ; il faut prendre celle que la neige, l’inondation ou les voleurs n’ont pas envahie. »


    Mes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."

    http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

    Importance de routes

  • Hasard dans le ”Voyage en Orient” de Nerval

    1de21076b884be479581f1de33506a9c.jpgO. C, II, VO, 182 : « «J’aime à dépendre un peu du hasard : l’exactitude numérotée des stations des chemins de fer, la précision des bateaux à vapeur arrivant à heure et jour fixes, ne réjouissent guère un poète, ni un peintre, ni même un simple archéologue, ou collectionneur comme je suis. […] – Où vais-je ? Où peut-on souhaiter aller en hiver ? Je vais au-devant du printemps, je vais au-devant du soleil… Il flamboie à mes yeux dans les brumes colorées de l’Orient. – L’idée m’en est venue en me promenant sur les hautes terrasses de la ville (Genève) qui encadrent une sorte de jardin suspendu. Les soleils couchants y sont magnifiques. »paysage ambulatoirecadrageMes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

  • Hasard dans le ”Voyage en Orient” de Nerval

    be8e78fb518da7aacdf68973ad784988.jpgO. C, II, 283, Le Caire : « D’ailleurs, qu’est-ce qu’une belle perspective, un monument, un détail curieux, sans le hasard, sans l’imprévu ? »cadrageMes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

  • Spectres du nom & inventions de soi : la Généalogie fantastique de Gérard de Nerval

    Jean-Nicolas Illouz

    Sylvie Lécuyer, La Généalogie fantastique de Gérard de Nerval. Transcription et commentaire du manuscrit autographe, Namur : Presses universitaires de Namur, coll. « Études nervaliennes et romantiques », 2011, 125 p., EAN .
     
     

    Le manuscrit que Jean Richer a intitulé La Généalogie fantastique est contemporain de la crise de délire de février-mars 1841 qui conduit Nerval à être interné d’abord dans la maison de santé de Madame Sainte‑Colombe, rue de Picpus, puis chez le docteur Esprit Blanche à Montmartre. Il se présente sous la forme d’un double feuillet, avec, dans la partie gauche, des éléments de la généalogie des Bonaparte et un récapitulatif de la fin du règne de Napoléon, et, dans la partie droite, « tête‑bêche » et comme en miroir l’un de l’autre, le côté paternel et le côté maternel de la généalogie personnelle. Dans la partie droite, l’écriture, d’abord appliquée, donne bientôt naissance à une sorte de jungle graphique, où, de part et d’autre d’un tronc d’encre, ou d’un rhizome poussant à la fois vers le haut et vers le bas, les lignées des aïeux, côté père, se ramifient et s’enchevêtrent, en s’ornant ici ou là de dessins ou d’un blason, et, côté mère, s’affinent en traits moins appuyés, s’espacent, ou se prolongent dans des tracés cartographiques ou des esquisses d’itinéraire.

    Ce document fascinant avait fait l’objet déjà d’un commentaire

    admirable de Jean‑Pierre Richard, dans la première de ses Microlectures (Seuil, 1979). J.‑P. Richard y était attentif au « fonctionnement linguistique, thématique et fantasmatique » de ce texte, où l’identité, au lieu de se fixer dans le nom, s’y voyait indéfiniment disséminée, par décomposition des signifiants, sollicitation de figures étymologiques, traduction d’une langue en une autre, déplacement métonymique, ou glissement d’un territoire à un autre. La folie révèle à Nerval l’autre versant du langage ; et la force de la lecture de J.‑P. Richard tenait dans le rapprochement qu’elle opérait entre le texte délirant de la Généalogie fantastique, et l’écriture poétique elle‑même, telle que Nerval la découvre au même moment dans l’élaboration des sonnets qui entrent dans le genèse des futures Chimères, et qui, contemporains de la Généalogie fantastique, se caractérisent par la même hyperactivité sémiotique en même temps que par la même rigueur formelle.

    En publiant et en commentant la Généalogie fantastique, Sylvie Lécuyer en déploie à son tour les significations avec une précision accrue et une intelligence admirable.

    Son apport est d’abord philologique, puisqu’elle transcrit minutieusement le document, — en corrigeant des erreurs de lecture commises jadis par Jean Richer, et en comblant la lacune laissée par Jean Guillaume et Claude Pichois qui n’ont pas intégré ce texte dans les Œuvres complètes de Nerval dans la bibliothèque de la Pléiade, l’évoquant seulement ici ou là dans les notes.

    Son apport est aussi historique, puisqu’en dépouillant des archives (fiches d’état civil ou documents militaires reproduits en annexe), elle prouve que les informations sur lesquelles s’appuie Nerval sont en effet « authentiques » (le mot est entouré dans le manuscrit de la Généalogie fantastique). Nerval, ici comme dans Les Faux Saulniers et Angélique, « n’invente rien » ; mais l’« authenticité » des noms, des lieux et des dates, ici comme dans Les Faux Saulniers et Angélique, ne protège pas du délire, mais plutôt le nourrit et, en quelque sorte, le catalyse, jusqu’à lui donner l’évidence d’une réalité de substitution.

    Surtout, S. Lécuyer, en déchiffrant petits morceaux par petits morceaux le manuscrit — comme « en suivant la main de Nerval » (car le corps dans la folie est parlant) —, est la première à envisager vraiment le document dans son ensemble, à la fois pour en isoler les plus petits îlots de signifiance et pour en saisir la logique générale.

    Celle-ci est clairement dégagée dans l’introduction et la conclusion : Nerval, ne pouvant croire en la réalité de ses origines, reconnues authentiques mais frappées d’inconsistance du fait du monnayage indéfini du nom du père dont elles découlent, se pare d’identités imaginaires, en s’inventant, comme dans le sonnet El Desdichado, des « filiations illustres », des « propriétés considérables » ou quelque « blason fabuleux ». Le travail le plus formidable de la Généalogie consiste dans la manière dont Nerval tend à substituer à la généalogie des Labrunie la généalogie des Bonaparte, — de telle façon que le nom, dans la logique de son déploiement, finisse par donner réalité à un fantasme œdipien selon lequel l’enfant, se proclamant fils de Joseph Bonaparte et se rêvant frère de l’Aiglon, ferait revenir vivante sa mère, que le père réel, médecin militaire dans la Grande Armée, a, quant à lui, laissé mourir en « froide Silésie », lors de la campagne de Russie.

    La double page de la Généalogie, l’une consacrée aux Bonaparte, l’autre aux origines des Labrunie, trouve ainsi, sinon sa « raison », dirait Nerval, du moins son mode de « raisonnement » spécifique. Plus finement, le mythe napoléonien est tout entier contenu dans des concrétions verbales, mixtes de réalité et de fiction, dont S. Lécuyer délie la logique associative. Par exemple, lorsque dans la partie « maternelle » du feuillet droit, Gérard mentionne le clos de Nerval, dont le poète tire son pseudonyme (palindrome presque parfait du nom de la mère Laurent), il y voit un apanage qui serait « impérial » à plus d’un titres : d’abord parce qu’il est dit aussi le clos de Nerva (« il a conservé le nom du dixième des Césars » écrit Nerval dans Promenades et souvenirs) et qu’il est donc logiquement relié à Rome dans le tracé d’itinéraires de voyage que dessine Nerval ; d’autre part parce qu’il appartient au domaine de Mortefontaine dont Joseph Bonaparte a été l’un des propriétaires, et que, en outre, Mortefontaine renvoie à Schoenbrunn par le fait que Schoenbrunn (soit belle fontaine) vaut dans l’imagination nervalienne comme une formulation dénégative de Mortefontaine, et permet ainsi à la fois la superposition de Vienne et du Valois et l’identification de Gérard, orphelin, à cet autre orphelin que fut le Duc de Reichstadt, résidant à Schoenbrunn, soit le Roi de Rome, enfant légitime de Napoléon. Ce scénario fantasmatique illumine littéralement le nom du père Labrunie, puisque Nerval, évoquant le nom d’un Giuseppo Labrunöe dans la partie maternelle de la Généalogie, le transcrit alors en alphabet grec et le décompose en Lamb* – Bronos* – Brounos*, pour faire apparaître une racine grecque, Brontè*, le tonnerre ou la foudre ; or, au même moment, dans un sonnet du manuscrit Dumesnil de Gramont a dédié à Mme Ida Dumas, Nerval évoque un Napoléon voleur de feu (« Mais le César romain nous a volé la foudre ») ; et, dans une lettre (à Jules Janin, 16 mars 1841), il signe G. Nap. della torre brunya. Alexandre Weill raconte comment, venu visiter Nerval à la maison du docteur Blanche, Gérard lui dit : « Moi je descends de Napoléon, je suis le fils de Joseph, frère de l’Empereur, qui a reçu ma mère à Dantzig ». Dans la Généalogie fantastique, il n’est pas impossible que le scénario fantasmatique selon lequel le fils s’identifierait à un nouveau Napoléon, victorieux, se traduise dans le lapsus que commet Nerval en donnant à sa mère le prénom de Marie Victoire Laurence, que l’on ne trouve pas dans l’état civil : Les Mémorables aussi (à la fin d’Aurélia), comme El Desdichado, se terminent par une image de « Victoire », qui viendrait conjurer la fatalité de l’échec qui assombrit la lignée des Labrunie comme elle marque celle des Bonaparte. Le mythe napoléonien vaut donc comme un « mythe personnel » ; mais l’essentiel est que la Généalogie fantastique maintienne ce mythe dans une forme qui présente toutes les caractéristiques du langage du rêve : chaque terme ou motif y est surdéterminé, et la force générative du Nom procède des multiples valences des signifiants quand ils sont directement reliés à l’affect ou à la pulsion.

    Le transfert d’identité des Labrunie aux Bonaparte rapproche la Généalogie fantastique d’un roman familial dans le sens freudien, mais d’un roman familial noté en pointillés et qui serait condensé dans la charge émotionnelle de quelques vocables. De ce point de vue, les perspectives que S. Lécuyer ouvre vers les essais proprement romanesques de Nerval sont très éclairantes : dans Un roman à faire, Nerval transcrit les lettres d’amour d’un chevalier Dubourget, qui a pour modèle un certain Justin Duburgua, mentionné dans la Généalogie fantastique, — signe que, même dans le roman, Nerval « n’invente rien », ou que « l’invention » elle-même vaut comme un « ressouvenir », — ainsi qu’il l’écrit dans la préface aux Filles du feu. De même, les événements de l’hiver 1839 à Vienne et de l’hiver 1840 à Bruxelles, rappelés dans la Généalogie fantastique où ils sont étroitement liés au destin de Napoléon, donnent matière à des tentatives d’élaboration romanesque — Les Amours de Vienne — qui n’aboutiront jamais que transfigurées dans Pandora et Aurélia, au-delà cette fois de tout roman.

    Car le roman suppose une représentation relativement stabilisée des identités, de l’espace et du temps, qui ne peut donc accueillir complètement ce qui se joue de plus étrange dans la Généalogie fantastique. S. Lécuyer propose un autre rapprochement très éclairant : avec le Second Faust de Goethe, et avec l’analyse qu’en donne Nerval en 1840, quand il fait du royaume des Mères « un infini toujours béant » où tout, du passé, se conserve « à l’état d’intelligences et d’ombres », et où l’irréversible n’a plus cours. Le récit d’Aurélia aussi, rappelle S. Lécuyer, fait assister à cet éternel retour des Ancêtres, qui, dans la version primitive, est aussi un éternel retour des figures de l’histoire universelle. Comme le rêve de Faust, et comme les rêves d’Aurélia, la Généalogie fantastique élargit le « moi » à tous les points de l’espace et du temps, le multipliant en autant de reflets ou fragments, jusqu’à le perdre au seuil d’une « Nuit des temps », — dont Nerval voudrait qu’elle n’existât pas : « Il n’y a pas de nuit des temps », note‑t‑il au bas du feuillet droit, comme en commentaire de sa tentative généalogique.

    Mais cette famille immense, à laquelle la Généalogie essaie de donner forme, a aussi sa face d’ombre, que S. Lécuyer souligne très bien : elle expose le moi aux fantômes des aïeux et aux revenances de l’histoire. En cela, la Généalogie fantastique est une forme de l’inquiétante étrangeté, soit du retour des autres dans le même, et de l’étrange dans le familier. En prolongeant la mémoire individuelle dans la mémoire infinie des siècles, elle dit aussi la propension du sujet à devenir, dans la folie, « tous les noms de l’histoire ». Ainsi de Nietzsche1. Ou de Aby Warburg.

    Mais Sylvie Lécuyer montre aussi que, comme le récit d’Aurélia, les notations généalogiques auxquelles se livre Nerval à l’asile participent d’une thérapie intime. Non seulement parce qu’elles témoignent d’un « travail psychique sur soi » et misent sur la vertu cathartique des représentations. Mais surtout parce que le sujet s’y transforme en sujet d’une écriture, de telle façon que la folie, qui rivait Nerval au retour du passé, le cède à l’avenir possible d’une œuvre.

    Publie sur Acta le 26 septembre 2011
    Notes :

    1  Nietzsche, lettre à Jacob Burckardt, 6 janvier 1889, in Friedrich Nietzsche, Dernières Lettres, Préface de Jean-Michel Rey, Traduit de l’Allemand par Catherine Perret, Rivages Poche, Petite Bibliothèque, 1989, p. 151 : « Ce qui est désagréable et embarrassant pour ma modestie, c’est qu’au fond je suis chaque nom de l’histoire ».

    Pour citer cet article :Jean-Nicolas Illouz, "Spectres du nom & inventions de soi : la Généalogie fantastique de Gérard de Nerval", Acta Fabula, Editions, rééditions, traductions, URL :

     

    http://www.fabula.org/revue/document6495.php

     

  • 26 janvier 2010:155 e anniversaire de la mort de Nerval

    Philibert AUDEBRAND

     

     

    LA CENTAURESSE

     

     

    [ Le Charivari, Mercredi 21 février 1877. Orthographe de l'époque. ]

     

     

     

     

     

     

    Hoffmann a fondé une école qui a été très-florissante chez nous de 1829 à 1833, mais qu'on croyait passée de mode. A dater des romans réalistes d'Honoré de Balzac, le Fantastique n'avait plus de racine nulle part. Gustave Planche et Sainte-Beuve constataient ce fait :

    « Le Fantastique est mort en France, disaient-ils. Comment aurait-il pu s'y acclimater ? Pour croire aux rêveries d'Hoffmann, il faudrait supposer qu'il existât parmi nous des dormeurs tout éveillés et des poètes. Cet essaim d'esprits malades s'est envolé, Dieu merci ! et pour toujours. »

    Eh bien ! ces beaux esprits se trompaient. Le Fantastique n'est pas aussi mort qu'ils ont cherché à le faire croire. On a abusé, j'en conviens, des formes imaginées par le maître du chat Murr. La diablerie en prose ou en vers est devenue un excès qui a obligé l'homme de bon sens à chercher un refuge chez les positivistes ; cependant l'amour du merveilleux en littérature n'a pas disparu pour cela, que je sache. Il y a eu réaction. En ce moment même, en haine des romans de cour d'assises, de bagne, d'assassinat et de mauvais lieux, le Fantastique rentre tout à coup en scène. Tourgueneff, un conteur russe plein de charme, nous le ramène à grands pas dans ses récits.

    Tourgueneff a eu un devancier sous ce rapport-là. Je veux parler de Gérard de Nerval.

    Au commencement de son dernier hiver, très-peu de jours avant qu'il ne songeât au triste drame de la rue de la Vieille-Lanterne, Gérard causait de ces choses avec nous, sur les boulevards, par une soirée nébuleuse, à travers la neige fondue et le vent. Il fallait voir, ou plutôt il fallait entendre comme il soutenait que l'école d'Hoffmann comptait encore de nombreux disciples parmi les poètes et les artistes de notre temps ! On le croira sans peine, les critiques, ennemis de l'idéal, étaient l'objet de ses sarcasmes les plus aigus.

    Gérard de Nerval ne pouvait se résoudre à supposer qu'il n'y eût plus de rêverie chez nous. La vie sèche, les moeurs prosaïques, la réalité nue lui étaient si antipathiques ! Il nous faisait remarquer que Paris, où il se fait pourtant chaque jour des montagnes de chiffres, était la ville du monde où l'on joue le plus de féeries. Il ajoutait que c'était le seul fragment de la planète où l'on s'occupât sans cesse de Satan. On y a fait le Diable à Paris, illustré par Gavarni, les Mémoires du Diable, par Frédéric Soulié, la Mare au Diable, par George Sand, la Part du Diable, un charmant opéra-comique, les Sept châteaux du Diable, une fantaisie d'une éternelle jeunesse. Toujours le diable !

    -- Pour moi, reprenait le malheureux songeur, je passe ma vie dans les nuages ; Georges Bell sait, d'ailleurs, que je continue scène par scène un grand drame fantastique dont Nicolas Flamel est le héros.

    Ce drame, par malheur, est demeuré inachevé comme beaucoup d'autres de ses oeuvres. Le peu qu'il y en a en fait concevoir une très-haute idée. Mais ce n'était pas la seule bizarrerie de ce genre que l'auteur de la Reine de Saba imaginât.

    Un autre soir que nous étions au coin d'un feu hospitalier, lui, moi et quelques autres, l'auteur de Loreley mit une trève à sa réserve habituelle. Sur une prière que lui fit un des assistants, il se prit à nous parler de l'Orient, la région de ses rêves, des almées qu'il avait vues danser au Caire, de la pyramide de Chéops, dans l'intérieur de laquelle il affirmait avoir été initié à je ne sais plus quel culte mystérieux et innommé, dont il vantait sans cesse la mythologie. Je vous laisse à penser si nous faisions silence pour ne rien perdre de ces merveilleux récits. Il est vrai de dire qu'il ne se trouvait pas de réalistes parmi nous.

    A un certain moment, le conteur opéra un retour du côté de l'Europe ; c'est alors qu'il laissa tomber de ses lèvres un épisode, que j'ai conservé tant bien que mal dans les replis de ma mémoire et que je vous transmets ici.

    Vingt ans ont passé sur le monde depuis que ce récit a été fait, et, en vingt ans, les forces du souvenir s'énervent toujours un peu. Aussi, lecteur, si la légende vous paraît défectueuse, ne vous en prenez pas à Gérard, mais à celui qui, après tant de jours écoulés, remplit pour cette oeuvre l'office de sténographe.

    « Un jour, dans une de mes courses vagabondes à travers l'Allemagne, j'ai acheté à Nüremberg un vase antique, que l'écriteau du marchand disait provenir des fouilles d'Herculanum.

    » Sur l'anse de ce vase, une jeune Centauresse, fille du ciseau grec, étend sa croupe arrondie ; ses deux yeux verts s'ouvrent avec hardiesse ; on dirait qu'elle va s'élancer dans l'espace.

    » Bien souvent, à la chute du jour, au moment où la nuit commence à étendre sur le monde les dentelles de sa mantille noire, je me suis agenouillé près du vase ; j'ai fixé du regard la forme capricieuse, et je me suis dit :

    » -- Voyons si la Centauresse prendra enfin son vol dans les champs de l'éther ?

    « Ah ! vous ne me croirez pas quand je vous dirai que je l'ai vue ouvrir brusquement ses ailes et partir deux ou trois fois. Pourquoi me croiriez-vous, puisque je vous dis la vérité ?

    » Elle partait donc, la Centauresse ; ses pieds ailés se détachaient de l'anse du vase, sans bruit et sans fêlure. Un petit craquement, à peine perceptible à l'ouïe, était la seule conséquence de ce mouvement.

    » Comme l'ombre s'épaississait de plus en plus, j'avais beau regarder de tous côtés et redoubler de vigilance, je n'apercevais plus rien que le vase délaissé.

    » Dans ma douleur, j'ouvrais précipitamment ma fenêtre.

    » -- Ma jolie Centauresse, où vas-tu ? Dans quel monde, habité de douces chimères, feras-tu ton tour capricieux ?

    » Rien ne me répondait, mais le lendemain, au moment où le soleil posait son pied d'or sur mes rideaux bleus, je regardais de nouveau le vase d'Herculanum. La Centauresse était revenue à sa place ; elle me souriait ironiquement comme pour me dire :

    » -- Tu vois, me voilà de retour.

    » Mais, en même temps, sa bouche si fine prenait une expression de malice. En traduisant le langage illettré ou aphone qu'elle apportait, je devinais ces mots magiques :

    » -- Ecoute, j'arrive du pays de l'Amour ; j'ai causé longtemps avec celle que tu aimes, -- tu sais bien, -- celle dont les hommes disent : « Elle est morte ! » Cent fois plus belle qu'au temps où elle vivait sur la terre, elle m'avait chargée d'un message pour toi, mais ne t'ayant pas trouvé éveillé, au moment de mon retour, j'ai laissé ses paroles reprendre leur essor vers elle, comme une troupe de blanches colombes qui retournent au colombier. Ces paroles ne reviendront plus.

    » Une autre fois, après une courte absence, à peine remarquée, la Centauresse se montra plus cruelle encore.

    » -- Au moment où je suis revenue de mon second voyage, disait-elle, je t'ai vu, pauvre insensé, étendu de tout ton long sur la poussière des livres. Si tu m'eusses guettée, j'aurais laissé tomber à tes pieds le rameau mystérieux qui rend riche ; c'est le frère de ce rameau d'or qui ouvrait à Anchise les portes des enfers. Je l'avais cueilli pour toi dans le pays de la Fortune où je suis allée passer deux heures. Mais te voyant, à mon retour, aux prises avec l'histoire des peuples éteints et plongé dans la monotone chronique des civilisations évanouies, labeur bien utile, en vérité ! j'ai jeté mon rameau dans la rue. C'est un millionnaire qui l'a ramassé.

    » A la fin d'une troisième échappée :

    » -- J'arrive du pays où l'on ramasse la gloire à pleines mains, comme les enfants font pour le sable au bord de la mer. J'en avais pris au hasard trois pincées pour toi. Dans ces trois pincées, se trouvait un grain qui donnait la faculté de diriger enfin les navires dans l'air, et conséquemment de devenir fameux. Un second donnait le moyen de recommencer Attila, le même qui faisait traîner son char par quatre rois, attelés comme des chevaux. Un troisième eût donné assez de génie pour jeter un pont du Havre à New-York. Mais je t'ai trouvé trop béant d'extase à la vue d'un bâtard qui sortait du palais des Tuileries, entouré de tambours, de courtisans, de trompettes et d'un peuple hébêté. Et j'ai laissé tomber mes trois grains dans la sébile d'un aveugle qui passait par là.

    » Or, ajoutait Gérard de Nerval, le lendemain, ma femme de ménage, en époussetant, cassait ma Centauresse. »

    Ce récit s'arrêta-là. -- J'ai cru que ce qu'il y avait de mieux à faire, c'était de le reproduire mot pour mot.

     

     

     

    L'antre littéraire La ressource éphémère Sommaire

    http://membres.multimania.fr/almasty/centaure.htm

  • Nerval, Aurélia : ”imposer une règle à ces esprits des nuits qui se jouent de notre raison...”

    « La succession des idées » (II. 4)

    « Une série de visions », « une série constante d’impressions », « série d’événements logique », etc. Pour comprendre ces expressions disséminées dans Aurélia, il faut s'interroger sur le sens du mot « série » : il vient du latin serere, « tresser », « lier ensemble ». Ce mot, qui traduit donc une volonté de cohésion et d'unité, apparaît aux étapes importantes du récit, dans les passages métatextuels, où Nerval s’interroge sur son écriture :

     Si je ne pensais que la mission d’un écrivain est d’analyser sincèrement ce qu’il éprouve dans les graves circonstances de la vie, et si je ne me proposais un but que je crois utile, je m’arrêterais ici, et je n’essaierais pas de décrire ce que j’éprouvai ensuite dans une série de visions insensées peut-être, ou vulgairement maladives... 

    (I. 3)

     Chaque personne qui m’approchait semblait changée, les objets matériels avaient comme une pénombre qui en modifiait la forme, et les jeux de la lumière, les combinaisons des couleurs se décomposaient, de manière à m’entretenir dans une série constante d’impressions qui se liaient entre elles, et dont le rêve, plus dégagé des éléments extérieurs, continuait la probabilité. 

    (id.)

     Telle fut cette vision, ou tels furent du moins les détails principaux dont j’ai gardé le souvenir. L’état cataleptique où je m’étais trouvé pendant plusieurs jours me fut expliqué scientifiquement, et les récits de ceux qui m’avaient vu ainsi me causaient une sorte d’irritation quand je voyais qu’on attribuait à l’aberration d’esprit les mouvements ou les paroles coïncidant avec les diverses phases de ce qui constituait pour moi une série d’évènements logiques. 

    (I. 5)

     Je voulus fixer davantage mes pensées favorites et, à l’aide de charbons et de morceaux de brique que je ramassais, je couvris bientôt les murs d’une série de fresques où se réalisaient mes impressions. 

    (I. 7)

     Des circonstances fatales préparèrent, longtemps après, une rechute qui renoua la série interrompue de ces étranges rêveries. 

    (I. 9)

     Je compris, en me voyant parmi les aliénés, que tout n’avait été pour moi qu’illusions jusque-là. 

    (II. 5)

     L’heure de notre naissance, le point de la terre où nous paraissons, le premier geste, le nom de la chambre, – et toutes ces consécrations, et tous ces rites qu’on nous impose, tout cela établit une série heureuse ou fatale d’où l’avenir dépend tout entier. 

    (II. 6)

     Je me sens heureux des convictions que j’ai acquises, et je compare cette série d’épreuves que j’ai traversées à ce qui, pour les anciens, représentait l’idée d’une descente aux enfers. 

    (II. 7)

    Au fil des pages le mot s’enrichit d’une signification spirituelle, qui justifie son utilisation littéraire. Nerval ne se contente pas d’une juxtaposition de rêves et de visions : il les tresse, en effet, et cherche à leur donner une trame narrative comparable à celle d'un roman (comme L’Âne d’or d’Apulée), d'une autobiographie poétique (comme la Vita nuova de Dante), ou d'une « fable » théâtrale (Amphitryon ou Le Festin de pierre, auxquels il fait allusion).

    Au mot « série » il faut ajouter celui de « succession », qui dit la progression dans l’approfondissement, et les étapes d’une « descente aux enfers » (II. 7) : ce sont les « couches successives des édifices de différents âges » dans lesquels ses « pieds s’enfonçaient » (I. 5) ; ce sont « les progrès successifs » de l’industrie des ouvriers qui sous la terre fabriquent les êtres vivants (I. 10) de nos industries une matière plus subtile que celle qui compose la croûte terrestre ; ce sont, dans un rêve, « les variations » qui « se succédaient à l’infini » (I. 8), « les visions qui s’étaient succédé pendant mon sommeil » (I. 4), mais c’est aussi « la succession des idées par lesquelles [il a] retrouvé le repos et une force nouvelle à opposer aux malheurs futurs de la vie. » (II. 4)

    Au souci d'un mise en ordre des rêves et des souvenirs correspond chez Nerval une logique circulaire de l'approfondissement, plutôt que la logique linéaire, chronologique, du récit. La première se superpose à la deuxième, et l'ordonne :

     Pourquoi, me dis-je, ne point enfin forcer ces portes mystiques, armé de toute ma volonté, et dominer mes sensations au lieu de les subir ? N’est-il pas possible de dompter cette chimère attrayante et redoutable, d’imposer une règle à ces esprits des nuits qui se jouent de notre raison ? 

    (II. 7)

    Nerval est-il parvenu à ordonner, à recomposer ses souvenirs pour donner à ses Mémorables (titre qu’il donne au dernier chapitre d’Aurélia) un caractère cohérent et logique ? Il s’y efforce sans cesse. La très belle description de sa chambre, dans la maison du docteur Émile Blanche (au chap. II. 6), a une valeur emblématique : « C’est un capharnaüm comme celui du docteur Faust. » Dans cet ensemble hétéroclite, des objets très différents, appartenant à des époques diverses, se côtoient :

     Une table antique à trépied aux têtes d’aigles ; une console soutenue par un sphinx ailé, une commode du dix-septième siècle, une bibliothèque du dix-huitième, un lit du même temps, dont le baldaquin, à ciel ovale, est revêtu de lampas rouge (mais on n’a pu dresser ce dernier) ; une étagère rustique chargée de faïences et de porcelaines de Sèvres, assez endommagées la plupart ; un narguilé rapporté de Constantinople, une grande coupe d’albâtre, un vase de cristal ; des panneaux de boiserie provenant de la démolition d’une vieille maison que j’avais habitée sur l’emplacement du Louvre, et couverts de peintures mythologiques exécutées par des amis aujourd’hui célèbres, deux grandes toiles dans le goût de Prudhon, représentant la Muse de l’histoire et celle de la comédie. 

    C'est un très beau désordre. Mais Nerval souligne aussi son plaisir à le ranger ; car dans ce rangement, dans ce classement, l'« amas » de souvenirs conserve son charme désordonné :

     Je me suis plu pendant quelques jours à ranger tout cela, à créer dans la mansarde étroite un ensemble bizarre qui tient du palais et de la chaumière, et qui résume assez bien mon existence errante. 

     Avec quelles délices j’ai pu classer dans mes tiroirs l’amas de mes notes et de mes correspondances intimes ou publiques, obscures ou illustres, comme les a faites le hasard des rencontres ou des pays lointains que j’ai parcourus. 

    C'est au chapitre 4 de la deuxième partie que Nerval se livre à la plus efficace, la plus convaincante remise en ordre : « Je veux expliquer comment [...] et comment [...] », écrit Nerval sur un ton nettement didactique, faisant – avec une lucidité étonnante, quelle que soit l’influence du docteur Blanche – la synthèse des ingrédients de son imaginaire, et leur attribuant une origine dans son enfance.



    Une « série de visions » (I. 3)

    Nerval a d’abord conçu Aurélia comme une « série de rêves » (lettre au docteur Blanche, 2 décembre 1853) ; et en effet, les rêves forment une série, une succession, qui suit le parcours d'une descente aux enfers – descente progressive vers le passé, vers la mort, vers la femme, et vers l’inconnu. Nerval est le spectateur de son propre imaginaire : fasciné par le spectacle de ses visions, il multiplie les miroirs pour mieux les explorer, et les échos pour les mettre à l'unisson les uns des autres.

    Il multiplie non seulement les visions, mais aussi les points de vue sur ces visions, variant les perspectives sur le spectacle de sa folie, comme dans un théâtre les points de vue sur la scène. À la recherche des clés de son propre imaginaire, il se consacre à l'archéologie et au décryptage des signes. À la fois lui-même – sujet de ces visions – et autre – c’est-à-dire spectateur – Nerval ne cesse d’osciller, ne coïncide jamais totalement avec lui-même. Le lexique le prouve : « Je l’ai dit déjà : j’avais entouré mon amour de superstitions bizarres » (II. 2)... « Le pays où je fus élevé était plein de légendes étranges et de superstitions bizarres » (II. 4)... Et Nerval recourt au style de la confession pour l'aider à prendre le recul nécessaire : « Mes premières années ont été trop imprégnées des idées issues de la Révolution, mon éducation a été trop libre, ma vie trop errante, pour que j’accepte facilement un joug qui, sur bien des points, offenserait encore ma raison. » (id.) ; au sujet des représentations figurées de dieux païens aperçues dans son enfance, il écrit : « J’avoue qu’ils m’inspiraient alors plus de vénération que les pauvres images chrétiennes de l’église » (id.). Prenant ses distances par rapport à son personnage, il écrit : « J’imaginai que celui qu’on attendait était mon double qui devait épouser Aurélia. » (I. 10) ; ou encore : « je me mis à chercher dans le ciel une étoile, que je croyais connaître, comme si elle avait quelque influence sur ma destinée » (I. 2)...

    Où est le vrai Nerval, dans ces déplacements, ces changements de perspective ? C’est là le tout premier obstacle à l’harmonie d’une « fresque » (I. 7), à l'unité d'une « série » que cherche à composer Nerval. Le miroir est brisé, et l'« irrésolution » (II. 4) ne cesse de l'agiter.



    Le miroitement des signes

     On me donna du papier, et pendant longtemps je m’appliquai à représenter, par mille figures accompagnées de récits, de vers et d’inscriptions en toutes les langues connues, une sorte d’histoire du monde mêlée de souvenirs d’études et de fragments de songes que ma préoccupation rendait plus sensible ou qui en prolongeait la durée. 

    (I. 7)

    La chronologie des rêves ne se plie pas à la linéarité d'un récit – confessions à la manière de Rousseau par exemple, ou roman. Les « fragments de songes » exigent une décryptage, une paléographie. Ces fragments miroitent, en effet, en reflets multiples : dans un rêve, par exemple, une femme sur un tableau, « penchée sur le bord du fleuve », a les yeux « attirés vers une touffe de myosotis » (I. 4) ; et à la fin d’Aurélia, « sur les montagnes de l’Himalaya une petite fleur est née […] – Myosotis ! » (II. 7). Le myosotis, qui symbolise traditionnellement le souvenir fidèle, se trouve dans l’Italia de Théophile Gautier, récit d’un voyage en Italie, publié en 1852 : « La gentiane bleue, [...] le myosotis aux petites étoiles de turquoise escaladent bravement la montagne avec vous. » C’est un exemple, parmi mille autres, de ces hiéroglyphes qui s’offrent à la lecture, et dans lesquels subsiste une mystérieuse poésie.
    Autre signe, autre hiéroglyphe : le « grain de chapelet » que l’auteur a conservé dans le « reliquaire » d’Aurélia, « un petit coffret qui lui

  • Bulletin numéro 3 de ”Présence de Nerval”

    27 décembre 2007

    Bulletin n°3

    - Cette année 2007 a été pour notre association Présence de Nerval
    l’occasion d’inaugurer le 10 février  la bibliothèque nervalienne,
    évènement qui s’est déroulé en présence de Monsieur Jean-Pierre Babelon, membre
    de l’Institut ainsi que de Messieurs Jacques Bony et Eric Buffeteau.
    Ce sont 150 personnes qui ont pu découvrir cette bibliothèque située
    dans une tourelle du château d’Ermenonville propriété du Groupe Savry.
    (voir a page bibliothèque sur le site Présence de Nerval).

    - Des conférences ont été tenues durant l’année ainsi que des
    promenades « Sur les pas de Nerval ».
    - Les membres actifs du conseil d’administration se sont réunis à
    plusieurs reprises pour élaborer un projet de manifestations dans le cadre
    du bicentenaire de la naissance de Gérard de Nerval en 2008.
    Sans rentrer dans le détail de la programmation de ces manifestations
    nous pouvons néanmoins vous révéler une partie du contenu de ces
    journées :

    -En juin au parc Jean-Jacques Rousseau d’Ermenonville se déroulera une
    journée intitulée « Sur les pas de Gérard de Nerval ». Il sera proposé
    au public la représentation de « Corilla », différentes scènes
    nervaliennes vivantes imaginées d’après Sylvie, la musique, la danse et des
    textes seront aussi à l’honneur dans divers lieux du parc.
    -Nous proposerons aussi « Un jour d’Octobre avec Gérard de Nerval… » le
    26 octobre au programme : visites guidées de lieux nervaliens dont
    certains jusqu’ici fermés au public. L’après-midi dans la grande salle du
    château d’Ermenonville : « Trois portraits de Gérard de Nerval »,
    conférence donnée par trois éminents universitaires nervaliens.
    Représentation de la pièce Corilla puis « Poèmes et musiques » : textes
    lus par un comédien de renom.
    Nous ne manquerons pas de vous informer du détail de ces deux journées
    qui seront consacrées entièrement au poète.

    -Henri Bonnet donnera une conférence sur Gérard de Nerval le 15 janvier
    2008 à 14h30 au cinéma Eden 43, avenue Alsace Loraine (à côté de la
    préfecture) à Bourg en Bresse.
    (information communiquée par Henri Charvenet)