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Catégories : Le patrimoine

Le Château de Versailles fait sa révolution

v-17857.jpgPar Olivier Le Naire, publié le 25/06/2010 à 18:30

Retraite rêvée des plus hauts serviteurs de l'Etat, rendez-vous obligé des people, destination immanquable de 6 millions de touristes... Versailles n'a jamais tant rayonné et attiré.

Bertrand Desprez/VU pour L'Express

Le mythique domaine de Louis XIV achève peu à peu sa métamorphose. Restauré à coups de millions d'euros, repensé par la com', il n'a jamais offert tant de divertissements à son nouveau roi : le public. Souvent pour le meilleur, mais pas toujours.

Ah, s'il revenait ne serait-ce qu'une heure à Versailles ! Sans doute éprouverait-il quelque stupeur devant ces hordes de visiteurs venus d'un autre monde qui se pressent et se compressent dans la galerie des Glaces. Mais quelle fierté de voir son palais fasciner encore et toujours la planète en ce IIIe millénaire !

Depuis sa mise en chantier, voilà plus de trois cents ans, Versailles n'a jamais tant fait rêver ni attiré de monde. Restauré, repensé, réorganisé, ce domaine qui naguère fleurait bon la poussière des siècles, la promenade du dimanche en souliers vernis, et d'où sourdait un délicieux ennui, a opéré sa métamorphose. En quinze ans, il est devenu la retraite rêvée des plus hauts serviteurs de l'Etat, le rendez-vous obligé des people. Et l'incontournable destination de 6 millions de touristes, qui déposent aux pieds du Roi-Soleil leur écot en dollars sonnants, en yens trébuchants.

Aujourd'hui, que cela plaise ou non, à Versailles, Jeff Koons accroche des homards aux lustres du château, Sofia Coppola travestit Marie-Antoinette en rock star, Vanessa Paradis donne des concerts sur la scène de l'Opéra royal, des intellectuels dissertent au Jeu de paume sur "Internet et la démocratie". Même James Bond envisage une partie de ski nautique sur le Grand Canal, et le tournoi de Roland-Garros espère se décentraliser à l'extrémité du parc ! Nicolas Sarkozy, lui, refait le monde et ses gouvernements à la Lanterne, tandis que le Tout-Paris se rue aux vernissages d'expositions prestigieuses. Dans les bosquets, de riches mécènes, lors des soirées VIP, s'abandonnent, une coupe de champagne à la main, au chant de fontaines qui, avant leurs dons généreux, étaient aussi asséchées que nos finances.

Signe tangible de cette révolution de palais, nombre de ministres rêveraient de troquer leur fardeau contre la présidence de ce merveilleux domaine, jadis abandonné aux mains expertes de conservateurs anonymes. Comment s'étonner que le sémillant Jean-Jacques Aillagon, actuel maître des lieux, se soit battu bec et ongles pour garder son poste ? Et Xavier Darcos pour tenter en vain de le lui rafler à la hussarde (lire l'entretien de Jean-Jacques Aillagon) !

Oui, Versailles a changé. Tant changé, même, que ceux qui n'y ont pas mis les pieds depuis longtemps auront le sentiment de découvrir ce qu'ils croyaient connaître. Depuis la transformation du musée en établissement public, en 1995, et le lancement du schéma directeur prévoyant 390 millions d'investissements sur vingt ans, d'énormes travaux ont déjà été menés à bien. Autant grâce à l'Etat qu'aux mécènes, plus courtisés aujourd'hui que le Roi-Soleil en son temps.

Côté château, la galerie des Glaces a été restaurée, la climatisation installée, le chauffage et les toitures ont été rénovés, le système de sécurité a été revu, l'accueil du public, amélioré et le circuit de visite, repensé. L'Opéra royal (voir notre diaporama) et de nombreux appartements ont été remis en état ou remeublés. Initiatives plus discutables et discutées, l'ancienne grille royale, détruite à la Révolution, a été restituée, les huisseries ont été repeintes en jaune, les toitures, redorées. Et la statue équestre de Louis XIV a été déplacée sur la place d'Armes.

Côté jardin, la tempête de 1999 a paradoxalement débouché sur un miracle. Grâce aux dons du public, le parc et une partie du domaine ont été replantés en un temps record. On en a aussi profité pour restaurer le Petit Trianon et le Hameau de la reine. Après la résurrection du bosquet des Trois Fontaines - qui n'était plus qu'un champ de ronces ! - les Bains d'Apollon, rafraîchis, viennent de rouvrir. Et le bassin de Latone se prépare à son tour à un grand lifting. Sans parler des 43 kilomètres d'allées qui retrouveront bientôt une nouvelle jeunesse, toujours grâce au mécénat. Seul le Grand Trianon, en triste état, attend toujours son généreux donateur.

Plusieurs autres chantiers majeurs sont d'ores et déjà bien engagés. Le plus important concerne le déménagement au Grand Commun, en 2012, de tous les services administratifs, qui libéreront de la place pour mieux accueillir les visiteurs. Autre projet d'envergure : le redéploiement, dans les espaces libérés par le Parlement, de l'ensemble des collections du méconnu musée de l'Histoire de France, créé par Louis-Philippe (lire l'article).

Cette révolution, Versailles la doit à son statut. En contrepartie d'une large autonomie, l'établissement doit s'autofinancer. Donc faire venir des célébrités, des mécènes. Et trouver toujours plus d'idées, bonnes ou moins bonnes, pour attirer les touristes et les regards. C'est la loi de l'argent, la loi de la com'. La loi du siècle.

Les grandes eaux répétées abîmeraient la statuaire

Cela présente d'indéniables avantages pour le public, devenu le nouveau roi de Versailles. On se soucie enfin de son confort, on lui aménage des lieux d'accueil, de superbes salles à manger et - miracle ! - des toilettes décentes. Jamais il ne lui a été proposé de découvrir tant d'espaces et de trésor. Car il se passe toujours quelque chose à Versailles !

A condition de payer, ce sont chaque week-end, en saison, les grandes eaux musicales dans les bosquets restaurés. Une merveille ! Payants aussi le domaine de Marie-Antoinette, les spectacles pyrotechniques... mais aussi les expositions, les opéras, les concerts. Un week-end ne suffirait pas à épuiser tant de plaisirs.

Cette multiplication de l'offre n'est évidemment pas due au hasard : pour éviter l'engorgement et multiplier les recettes, l'établissement tente de répartir le public sur l'ensemble du domaine et prévoit de généraliser la réservation à horaires fixes. Ainsi, en attendant l'heure de visiter les appartements royaux, les touristes auront-ils le loisir d'arpenter le musée d'Histoire de France, les bosquets du Petit Parc, les Trianons, voire le Jeu de paume ou le parc de Marly, qui dépendent aussi, hors des grilles, de cet immense domaine.

Si la course à la fréquentation et à la rentabilité a redonné vie à Versailles, elle a pourtant son revers. Pour nombre d'inconditionnels des lieux - dont Didier Rykner, fondateur du site culturel La Tribune de l'art, s'est fait le héraut - les grandes eaux à répétition abîment la statuaire ; certaines restaurations "clinquantes" ou des spectacles de variétés "racoleurs" trahissent la "dysneylandisation" du site. Et la perte progressive du pouvoir des conservateurs face aux politiques et aux mécènes signerait une "privatisation rampante", à l'heure où l'Etat n'a plus un sou à mettre dans ses monuments. Versailles est ainsi, à sa manière, le porte-étendard de la nouvelle politique patrimoniale.

Jean-Jacques Aillagon, dont l'action est saluée quasi unanimement, et qui s'est démené pour attirer visiteurs et mécènes, a beau affirmer qu'il pourrait accueillir encore plus de visiteurs, est-ce bien ce qu'il faut souhaiter ? A voir.

Pour tout savoir sur les conditions de visite du château et de son domaine, de ses dépendances, mais aussi sur les expositions, les grandes eaux, les concerts, les spectacles, les colloques, les visites conférences : www.chateauversailles.fr

http://www.lexpress.fr/culture/art/patrimoine/le-chateau-de-versailles-fait-sa-revolution_901507.html?XTOR=EPR-618

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