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Catégories : Les polars

Faits divers au cinéma : une épreuve pour les proches


 

 

Par Flore Galaud
22/06/2011 | Mise à jour : 17:21
Une partie de l'affiche du film Omar m'a tuer, de Roschdy Zem.
Une partie de l'affiche du film Omar m'a tuer, de Roschdy Zem.

Les affaires Raddad, Outreau, Flactif ou Stern : nombreux sont les dossiers criminels portés cette année sur grand écran. En prenant certaines libertés avec la véracité des faits, ces adaptations peuvent être mal vécues par les vrais protagonistes et leurs proches.

Landru, Seznec, Dominici... La fascination des spectateurs pour les grandes affaires criminelles ne date pas d'hier. En 2011, pas moins de quatre grands faits divers sont portés au cinéma. De quoi régaler, donc, les amateurs d'intrigues. Mais beaucoup moins les protagonistes de ces affaires, qui se passeraient bien souvent d'une nouvelle médiatisation.

«On ne peut pas empêcher ce genre de projet : les gens sont fascinés par les dossiers atypiques, où la criminalité est hors norme, c'est donc normal que des réalisateurs souhaitent monter ce genre de films», explique au figaro.fr Marc Dufour, ancien avocat de Mario Leblanc, le fils de la famille Flactif assassinée en 2003 au Grand-Bornand, en Haute-Savoie. L'affaire pour laquelle l'avocat s'est investi sortira au cinéma en novembre prochain, sous le titre Possessions. Réalisé par Eric Guirado, il relatera le quintuple assassinat commis par jalousie par David Hotyat, un voisin de la famille. Avec, au casting, Julie Depardieu, Jérémie Rénier et Lucien Jean-Baptiste.

«L'exercice n'est pas facile : si l'auteur du crime n'est pas suffisamment noirci dans le film, c'est en quelque sorte une seconde mort pour les victimes, estime Me Dufour. En revanche, si le criminel est trop noirci, c'est l'auteur du crime qui n'est plus d'accord, lui qui aspire souvent à une nouvelle chance. Dans tous les cas, c'est difficile à vivre pour les protagonistes de l'affaire». Et Me Dufour sait de quoi il parle : il a également été l'un des avocats de la partie civile dans l'affaire Roberto Succo. Quand le film sur le tueur en série italien est sorti, «c'était des années après les faits (en 2001). Le réalisateur (Cédric Kahn) avait pris des libertés incroyables avec la véritable histoire». Avec le film Possessions, l'avocat ne s'attend pas «à une oeuvre authentique» : «les gens doivent bien prendre en compte qu'il y a une grande partie de ce genre de films qui est romancée».

Atteinte à la vie privée ?

Malgré ces objections, il existe peu de recours juridiques possibles pour bloquer ce type de projets. «D'abord, il y a la liberté d'expression. Un réalisateur peut décider de ce qu'il veut mettre en scène en toute liberté. Ensuite, ce type d'affaire ayant été très suivie, très médiatisée, on ne peut pas considérer qu'en faire un film porte atteinte à la vie privée», rappelle Me Dufour. Ce type de plainte n'est en effet envisageable que si le procès s'est tenu à huis clos, ce qui est rare dans les grandes affaires criminelles. Dans certains cas, les parties civiles peuvent toutefois décider de porter plainte pour diffamation. Ou négocier pour que le réalisateur précise au début de son film : «Ceci est une fiction inspirée de faits réels». Mais ces procédures restent rares.

La famille Stern, elle, a décidé de se battre. L'année dernière, elle assignait en justice l'écrivain Régis Jauffret pour demander le retrait en librairie de son roman Sévère, librement inspiré du meurtre en 2005 d'Edouard Stern par sa maîtresse Cécile Brossard. En cause : non pas la représentation du banquier mais la façon dont sa veuve et ses enfants y étaient décrits. Un non-respect, aux yeux de la famille, de la vie privée, notamment lorsque le livre laissait entendre que les enfants pouvaient être satisfaits de la mort de leur père. La décision de justice, attendue pour l'automne 2011, pourrait bien peser sur le contenu de l'adaptation cinématographique, qui elle ne devrait pas démarrer avant le mois d'octobre. Benoît Poelvoorde est pressenti pour incarner Edouard Stern et Laëtitia Casta pour interpréter sa maîtresse, le tout sous la houlette de l'actrice réalisatrice Hélène Fillières. Si le film, comme le livre, s'attaque aux proches, la famille pourrait bien là encore intenter une action en justice.

Omar Raddad : «Ce film, c'est ma vie»

Au-delà de la réaction des protagonistes, l'adaptation cinématographique des grandes affaires criminelles pose souvent un autre problème crucial : celui de la véracité des faits présentés. C'est sur ce point que s'indigne l'avocat de David Hotyat, condamné en 2006 par la cour d'assises de Haute-Savoie à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat de la famille Flactif. «La sortie de ce film ? Mon client n'en pense que du mal. Le cinéaste a bien peu d'inspiration pour prendre un tel sujet...», estime Luc Brossollet. «Le problème, c'est que le film va dire aux gens : «voilà comme cela s'est passé». «Or on ignore encore beaucoup de choses et David Hotyat a toujours nié les faits», martèle-t-il.

La sortie en salles, le 22 juin, du film Omar m'a tuer, réalisation de Roschy Zem sur le meurtre de Guislaine Marchal, soulève les mêmes protestations. Car le film ne se contente pas de raconter un fait divers : il prend le parti de mettre en scène une erreur judiciaire et d'innocenter Omar Raddad (incarné par Sami Bouajila), pourtant condamné dans ce dossier. «Je n'ai rien contre les adaptations d'affaires criminelles au cinéma mais là, je pense réellement que ce film est une supercherie : on y reprend des idioties, des faits qui ont été contrecarrés par l'enquête, en faisant croire au spectateur qu'il s'agit de la vérité, explique au figaro.fr Georges Kiejman, avocat de la famille Marchal. «Il y a un côté indécent, ça m'attriste, le fils de Madame Marchal est très blessé par la sortie de ce film».

L'ancien jardinier marocain fonde de son côté beaucoup d'espoir sur ce film et espère qu'il jouera en sa faveur dans le cadre d'une révision de sa condamnation, lui qui n'a été que partiellement gracié en 1998. «Ce film, c'est ma vie», déclarait-il dans une interview au Parisien . L'homme est venu deux fois sur le tournage, pour la scène de son arrestation et pour celle de sa sortie de prison. À chaque fois, il en est ressorti très ému : «Tout, le regard, les mots, surtout les mots, quand j'étais en garde à vue, aux assises, C'est moi à 100%», assure-t-il. Coïncidence ou non, le parquet de Grasse a demandé à un expert en mai, soit un mois avant la sortie du film, d'établir un profil génétique à partir des traces ADN retrouvées sur les lieux du crime pour établir des comparaisons avec le fichier national des empreintes génétiques. Une demande qui jusqu'ici avait été refusée à Omar Raddad, comme le précise le générique de fin du film.

Quand la vérité a été rétablie après une erreur judiciaire, porter l'affaire sur grand écran peut également permettre d'aider à la réhabilitation des personnes injustement condamnées. C'est l'idée que sous-tend la sortie, à venir le 7 septembre, de Présumé coupable. Réalisé par Vincent Garenq à partir du livre Chronique de mon erreur judiciaire d'Alain Marécaux, le film retrace le cauchemar vécu par l'huissier, accusé en 2001 de pédophilie dans le cadre de l'affaire Outreau, avant d'être acquitté avec ses 12 co-accusés en 2005. «Au début, c'est vrai, je n'étais pas chaud pour cette idée. J'avais peur que le cinéma dénature ce que j'ai vécu. Maintenant, je vois que non», racontait à la presse Alain Marécaux à l'occasion d'une avant-première à Tourcoing. Mais pour être sûr que le film soit bien fidèle à la réalité, l'huissier a tout de même tenu à être présent tout au long du tournage. C'est Philippe Torreton qui incarne Alain Marécaux à l'écran. Avec ce film, a expliqué l'acteur, «on a voulu pousser un cri. On a voulu dire 'voilà comment ça se passe quand la justice dérape, voilà comment on peut briser des vies'».

 

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