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Catégories : CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, La/Les religion(s)

13 mars. Un personnage se révèle : la femme de Samarie

 
 

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13 mars 2023 : lundi de la 3e semaine de Carême

 

Un Carême de rencontres

Le père Sylvain Gasser, prêtre assomptionniste éditeur à Bayard, propose, tous les lundis du Carême, une méditation consacrée à l’un des personnages de l’évangile. Aujourd’hui, troisième lundi du Carême, découvrons avec lui qui était, ou plutôt aurait pu être, la femme de Samarie.
 
 
 
 

Au puits de Jacob, à la sortie de la ville de Sichar.
Ce pays rude et gracieux, la femme le connaît par le cœur.
Terre désolée qui monte en vagues pétrifiées,
paysage simple où nulle verdure ne fait tache,
terre usée, rongée par les hommes et qui survit pourtant aux rêves et aux prières de tant de générations.

La femme porte cette région dans sa mémoire.
Elle la parcourt, elle la prend en elle, elle l’interroge.
La Samarie, c’est un seuil pour entrer dans une histoire tourmentée. Celle d’une déchirure depuis que les ancêtres de la femme avaient choisi de délaisser Jérusalem et de construire leur propre temple sur le mont Garizim.

On se détestera à mort pour cela.
À présent, chacun dans son coin crie seul et nu dans son puits.
Qui fera sourdre l’eau de la délivrance et de la guérison ?
Sous les plis de ses draperies flottantes, la femme se tait.

Comme tant de femmes.
Elle médite sur son histoire personnelle.
Elle pense à ce qui est définitivement absent de son enfance : avoir eu un père, avoir grandi auprès de lui dans la douceur du foyer familial.
Elle l’imagine, ce père.
Regardant jour après jour changer la lumière sur le visage de la femme qu’il aime.
Guettant chaque éclat furtif dans les yeux de son enfant.Elle a manqué cela.
Elle le sait, sans regret, sans illusion.
Elle n’a pas connu cela.
Elle n’a cherché que cela.
Des hommes.
Saisie par leur regard, elle se laisse voir, car elle est belle.
Sa beauté, sa grâce et sa jeunesse n’ont besoin ni de voiles ni de bandelettes pour attiser le rêve.
La convoitise se charge d’en faner le mystère.
Assis sur la margelle, un homme épuisé la voit s’avancer.
Lui voit ce que les autres hommes ont négligé : la solitude, l’abandon, l’impression d’avoir touché la rive la plus lointaine du monde.
Lui aussi est beau.
Et mystérieux.
Il inspire confiance.
Ils sont là, tous deux, au zénith du soleil.

À cette heure, le ciel est d’un blanc très dense, propice aux métamorphoses.
Ils sont libres. Et tranquilles.
Il n’y a pas d’hommes, ni de femmes, ni d’enfants.
Il n’y a pas de chiens, pas d’oiseaux.

Il y a seulement le vent qui siffle entre les branches des tamaris.
Le souffle du vent et le bruit crissant de la poussière.
Ils sont comme s’ils étaient nés du ciel sans nuages, et qu’ils avaient dans leurs membres la dureté de l’espace.

Ils portent avec eux la faim, la soif qui fait saigner les lèvres, le silence dur où luit le soleil, la lueur de la Voie Lactée, la lune.

Ils ont avec eux un horizon inaccessible.
– À boire !
Donne-moi à boire.
Donne-toi.
Une invitation ?
Étonnant, de la part d’un Judéen.
– À boire, s’il te plaît.
Donne-moi à boire.
Je me donne à toi.
Une soif qui ne se plaint pas ?

Personne ne peut comprendre.
– Moi, la femme des eaux et des regrets, je devrais désaltérer ta soif ?
Hisser l’eau gisante du puits de notre père Jacob ?
Risquer mon cœur dans l’écart de tes mains ?
Qui es-tu ? Que fais-tu là ?
Que veux-tu ?
Tu t’es égaré. Ici, c’est l’exil.
Si elle savait…
Si elle savait que l’homme assoiffé lui donnait bien plus que de l’eau, un désir de vie inaltérable.
Mais la source a soif.
Et cherche une autre source assoiffée.

Soif de rencontre.
Soif d’amour.
Soif d’amitié.
Soif de liberté.
Cette soif le brûle et le consume.
Qu’est-ce qui retient alors la femme ?
Son homme ?
Elle n’en a pas.
– C’est vrai, tu en as eu cinq.
Et celui que tu as n’est pas à toi.
Tu te perds.
Tu devrais reprendre le chemin de chez toi et embrasser ce qui compte, car les hommes dont tu parles n’existent plus.
Il y a dans l’amour un bruit de source.
Il faut rester longtemps à son écoute.
On s’en éloigne.
Il faut alors écouter le monde et son bruit de source continu.
Demeurer à l’écoute des autres murmures de vie jaillissante.
La femme ouvre les yeux.
La nuit épaisse de l’incompréhension fait place à la lumière de la foi.
Elle comprend.
Et lâche sa jarre d’eau et s’en va en courant, transformée d’une telle rencontre.

Peut-être ne pouvons-nous plus, de nos jours, reconnaître le Messie et il serait vain de perdre son temps à le déplorer. Éloignés de la source et remplis de méfiance à l’égard des fades images qu’on nous en donne, si nous cherchons honnêtement des yeux ce qui reste d’elle, nous n’en trouvons que des reflets fugaces.

Cheminer vers la source compte plus que boire, car c’est le manque qui accorde à l’eau sa valeur essentielle. Le désert n’est pas seulement le lieu du chaos, de l’errance et du dénuement. C’est également celui d’une impitoyable vérification, celle de notre soif hospitalière qui recueille et apaise.

 
 
 

Joel Roulleau; De la source à l’océan • Le chant de l’eau, ADF Bayard Musique.

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