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Les tensions entre les États-Unis et le Venezuela
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Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, a demandé dimanche dernier à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont son pays est membre, de l’aider à « mettre fin à cette agression qui se prépare avec de plus en plus de force », menée par les États-Unis. Ceux-ci ont bombardé depuis septembre plusieurs bateaux, utilisés selon eux par des narcotrafiquants, en mer des Caraïbes et dans le Pacifique oriental. L’exécutif américain a manifesté à plusieurs reprises son hostilité envers le régime de Nicolas Maduro.
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Les États-Unis établissent des relations diplomatiques officielles en 1835 avec le Venezuela, qui a proclamé son indépendance de l’Espagne en 1811. En 1895, les États-Unis font pression sur le Royaume-Uni pour le contraindre à ouvrir le dialogue avec le Venezuela afin de résoudre un différend qui les oppose au sujet de la frontière avec la Guyane britannique voisine. Ils agissent en invoquant la doctrine Monroe, du nom du président américain James Monroe (1817-1825), selon laquelle les États-Unis considèrent toute ingérence d’une puissance européenne dans les affaires du continent américain comme un acte hostile envers eux. Cette doctrine est devenue « un principe fondamental de la politique étrangère américaine » et a soutenu « l’expansion des États-Unis sur le continent », relate le Bureau de l’Historien, un service du département d’État américain. Avec le début de l’exploitation des premiers gisements pétroliers dans les années 1920 au Venezuela, de nombreuses compagnies étrangères, notamment américaines, investissent dans ce secteur. Les États-Unis deviennent un des principaux partenaires commerciaux du Venezuela.
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1998
La rupture de la révolution bolivarienne
Militaire de formation, Hugo Chavez remporte l’élection présidentielle vénézuélienne de 1998 avec 56 % des suffrages, sur la base d’un programme qui promet de lutter contre la pauvreté et la corruption. Il va lancer un ensemble de réformes sociales et politiques, désignées sous le nom de « révolution bolivarienne » – du nom de Simon Bolivar, une figure de l’indépendantisme sud-américain –, visant une transformation de l’État. Son arrivée au pouvoir marque également une rupture dans les relations avec les États-Unis : le nouveau dirigeant vénézuélien a « voulu affirmer une souveraineté avec un discours anti-américain et anti-impérialiste », relate le chercheur Christophe Ventura dans une interview à Ouest-France en novembre. « Dès ce moment-là, les Américains ont considéré que le Venezuela caressait l’ambition de sortir de l’orbite de Washington », explique-t-il. La politique étrangère de Hugo Chavez se traduit par un renforcement des relations avec des pays d’Amérique latine, ainsi qu’avec la Russie, la Chine et l’Iran.
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2002
Tentative de coup d’État
En 2002, Hugo Chavez est arrêté et détenu par des militaires putschistes. Ce coup d’État intervient dans un contexte de mouvement social contre le président, qui a donné lieu à des affrontements meurtriers. Pedro Carmona, qui dirige la principale fédération patronale, est nommé président par intérim et dissout l’Assemblée nationale. Les États-Unis reconnaissent alors « la mise en place d’un gouvernement de transition ». Des manifestants chavistes, ralliés par une partie de l’armée, protestent pour réclamer le retour de Hugo Chavez. Finalement, Pedro Carmona démissionne et Hugo Chavez revient au pouvoir, moins de deux jours après son renversement. Par la suite, le président vénézuélien accuse les États-Unis d’avoir soutenu le coup d’État, ce qu’ils nient. Ces derniers « ayant bâclé leur réponse diplomatique aux événements », « le coup d’État a contribué à la détérioration des relations » entre les deux pays, analyse le chercheur Richard Lapper dans une publication de 2005. Selon des documents déclassifiés en 2004, la CIA, l’une des agences de renseignement américaines, était au courant de la préparation du coup d’État.
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2014
Des sanctions pour atteintes aux droits humains
Le Congrès (le Parlement américain) adopte en 2014 une loi sur la défense des droits humains au Venezuela. Le texte dénonce des atteintes à la démocratie et aux libertés fondamentales dans le pays et enjoint au président américain, Barack Obama, de prendre des sanctions. Ce vote intervient quelques mois après la répression meurtrière d’un vaste mouvement de contestation contre le régime chaviste de Nicolas Maduro, élu en 2013 après la mort de Hugo Chavez. En mars 2015, Barack Obama déclare que la situation au Venezuela « constitue une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale » et prend des sanctions contre plusieurs fonctionnaires vénézuéliens considérés responsables de ces atteintes. Le Venezuela connaît une crise économique, marquée par l’inflation et des pénuries, qui va s’aggraver et pousser de nombreux habitants à l’exil. « Au cours de ces années d’effondrement économique et démographique, Nicolas Maduro s’est maintenu au pouvoir au prix d’une évolution vers un régime autoritaire », explique le chercheur Thomas Posado dans un article de 2024.
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2019
La présidence de Maduro déclarée illégitime
Le président américain, Donald Trump, annonce en 2019 qu’il reconnaît Juan Guaido, le président de l’Assemblée nationale du Venezuela, comme président par intérim du pays. Cette reconnaissance survient le jour de l’autoproclamation de ce dernier comme président, avec le soutien des députés vénézuéliens. Les États-Unis considèrent dès lors le régime de Nicolas Maduro comme illégitime. Il venait d’être investi pour un deuxième mandat, après avoir remporté la présidentielle de 2018, un scrutin considéré comme frauduleux par l’opposition, qui avait appelé au boycott. Plusieurs dizaines de pays, dont la France, reconnaissent en 2019 Juan Guaido comme président par intérim, contrairement aux pays alliés de Nicolas Maduro (Russie, Chine, Cuba, etc.). Soutenu par l’armée, il garde le contrôle du pays. En réaction à la décision américaine, Nicolas Maduro rompt les relations diplomatiques avec les États-Unis. Sa réélection en 2024 sera également contestée par l’opposition et plusieurs pays.
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50 millions de dollars de récompense
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Les États-Unis offrent une récompense de 50 millions de dollars (environ 43 millions d’euros) pour toute information permettant l’arrestation de Nicolas Maduro. Cette prime a été augmentée en août dernier, après avoir été fixée à 15 millions de dollars en 2020 puis à 25 millions en janvier. L’exécutif américain accuse le président vénézuélien d’être depuis plus de 10 ans à la tête d’un cartel qui achemine de la drogue aux États-Unis, le Cartel de los Soles, ce qu’il dément. Plusieurs experts mettent en doute l’existence de ce cartel organisé comme tel. Il s’agirait plutôt d’« un réseau informel de cellules au sein de l’armée » vénézuélienne impliquées « dans un large éventail d’activités criminelles », dont le trafic de drogue, explique InSight Crime, un centre de réflexion sur le crime organisé en Amérique latine.
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