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La rentrée culturelle parisienne 2012 sera italienne ou ne sera pas.
Après les expositions Fra Angelico (Jacquemart-André), Cima (musée du Luxembourg), Le paysage à Rome (Grand Palais), ou encore Titien, Tintoret, Véronèse (Louvre), l’engouement pour la Renaissance italienne se semble pas prêt de s’achever. Pour notre plus grand plaisir.
C’est Canaletto, « le peintre de Venise », qui sera bientôt au centre de toutes les attentions car sujet d’un véritable petit duel muséal. Les prestigieux musées Maillol et Jacquemart-André présenteront simultanément une exposition consacrée au maître vénitien en septembre. Acte manqué ou guerre ouverte ?
Giovanni Antonio Canal (1697-1768), plus connu sous le nom de Canaletto, est la figure phare de la peinture vénitienne, surtout célèbre pour ses sublimes vues des canaux de la ville flottante. Ses œuvres d’une stupéfiante précision doivent beaucoup de leur beauté à la parfaite maîtrise que Canaletto avait de l’étude de la lumière. Contrairement à la majorité de ses contemporains, le peintre travaillait beaucoup en extérieur, d’où peut être son talent à « fixer » l’air si particulier de Venise.
1er état des lieux des expositions :
Le musée Maillol concentrera son propos sur la seule figure de Canaletto avec une sélection de plus de 50 œuvres du maître vénitien (en collaboration avec La Fondazione Musei Civici di Venezia ainsi qu’avec le Polo Museale Veneziano).
Jacquemart-André se distinguera par une étude comparée de Canaletto et Francesco Guardi. L’essentiel des œuvres présentées chez Jacquemart proviendra de prêts londonien et américain : British Museum, National Gallery, Collection Royale de la Couronne britannique, Frick Collection (New-York) et Philadelphia Museum of Art. La couronne britannique est en effet propriétaire de la plus importante collection de peintures et de dessins de Canaletto. Huit de ces œuvres seront exposées pour la première fois à Paris.
L’approche de Maillol pourrait se définir comme celle d’un véritable hommage au peintre ainsi qu’à la ville de Venise. Le musée affiche son désir de clore un cycle d’expositions consacrées aux vedutisti (De l’italien vues. Désigne l’étude très détaillée d’un paysage, le plus souvent urbain) en Europe dont Canaletto était la figure centrale.
C’est plus précisément à ce genre pictural que Jacquemart-André s’intéressera en démontrant la filiation des études de Canaletto et de Guardi. Les vedutisti de Canaletto auraient en effet grandement influencées celles de Guardi.
On attend avec impatience de comparer la différence d’approche des deux musées en relisant l’ Éloge de Venise, de Luigo Grotto Cieco d’Hadria, prononcée pour la consécration du Doge Sérénissime Luigi Mocenigo, le 23 août 1570 :
« (…) qui ne la loue est indigne de sa langue, qui ne la contemple est indigne de la lumière, qui ne l’admire est indigne de l’esprit, qui ne l’honore est indigne de l’honneur. Qui ne l’a vue ne croit point ce qu’on lui en dit et qui la voit croit à peine ce qu’il voit. Qui entend sa gloire n’a de cesse de la voir, et qui la voit n’a de cesse de la revoir. Qui la voit une fois s’en énamoure pour la vie et ne la quitte jamais plus, ou s’il la quitte c’est pour bientôt la retrouver, et s’il ne la retrouve il se désole de ne point la revoir. De ce désir d’y retourner qui pèse sur tous ceux qui la quittèrent elle prit le nom de venetia, comme pour dire à ceux qui la quittent, dans une prière douce: Veni etiam, reviens encore. »
Infos pratiques :
Musée Jacquemart-André : Canaletto- Guardi. Les deux maîtres de Venise (14 septembre 2012-14 janvier 2013)
Musée Maillol : Canaletto à Venise (19 septembre 2012- 10 février 2013)
Rosa Parks fait le mur, une gigantesque fresque de Street Art de 493 mètres de long située dans le XIXe arrondissement de Paris, sera dévoilée demain au public.
La collection « Le Musée du Monde » décrypte les chefs-d’œuvre des grands peintres. Treizième invitation à plonger dans l’histoire de la peinture, Piero della Francesca lève le voile sur les mystères de la première Renaissance italienne.
Conversation sacrée A Florence, Arezzo ou à la cour d’Urbino, l’artiste témoigne des intentions, des connaissances et des croyances de son temps. En humaniste, il campe avec finesse et brio ses contemporains tout en brossant les traits d’une société sûre d’elle et de ses conquêtes. En érudit, au fait des derniers traités mathématiques, il cultive l’art de la perspective et ravive, avec modernité, une symbolique issue du Moyen âge. En précurseur, à l’instar de Fra Angelico, il instille au sein des églises un nouvel espace en prolongeant leur architecture de retables monumentaux, ouverts, épurés, équilibrés. En habile compositeur, il campera une nature idéale, en souvenir des paysages toscans de son enfance et des remparts de Borgo Sansepolcro auprès desquels il a grandi. Un air d’éternité emplit son œuvre dont le doute, la peur ou l’inquiétude semblent absents. Sa Conversation sacrée porte en elle tous les traits de son caractère précis et généreux, humble et majestueux, inventif et intérieur, vif et serein. Cette Vierge placée à l’exact centre de la composition en prière devant un Enfant Jésus nu, abandonné à son sommeil, possède la douceur d’une mère et la plastique altière d’une sainte. Son regard d’une insondable profondeur est l’unique point de convergence de l’ensemble du tableau. Avec une apparente simplicité, Piero della Francesca orchestra savamment une esthétique naissante paisible et lumineuse, nous livrant avec subtilité ses secrets qui aujourd’hui encore piquent la curiosité de regards neufs. Sa poésie d’un autre âge aura su traverser les siècles avec la force inventive et universelle des temps modernes.
Chacun des ouvrages du "Musée du Monde" vous convie à explorer les secrets d’un chef-d’oeuvre de la peinture. Plongez au coeur de l’oeuvre à la lumière des explications fournies par notre spécialiste. Le tableau s’éclaire soudain, dévoile ses significations cachées, sa place dans l’histoire de l’art, ses correspondances avec d’autres oeuvres. Et ainsi, chaque semaine, tableau après tableau, vous composerez votre propre musée imaginaire.
Une exposition d’une grande richesse, construite autour de l’oeuvre de Manet, ainsi que de ses maîtres, ses influences et ses amis artistes ou écrivains...
Lieu : Musée d’Orsay
du 5 avril au 3 juillet 2011
Présentation officielle
Plus qu’une rétrospective monographique, Manet, inventeur du Moderne entend explorer et éclairer la situation historique d’Edouard Manet (1832-1883), entre l’héritage réaffirmé du romantisme, l’impact de ses contemporains et le flux médiatique de son époque. Moderne, Manet l’est encore en défiant les maîtres anciens, de Fra Angelico à Vélasquez.
Cette exposition repense de même les multiples liens que le peintre a résolument noués ou dénoués avec la sphère publique et politique. Car la modernité est aussi affaire d’inscription, voire d’opposition. Le parcours s’attarde donc sur l’enseignement de Thomas Couture, l’impulsion de Baudelaire, la réforme de l’art religieux, l’imaginaire érotique, l’art du fragment(é), le rapport à la peinture féminine (Berthe Morisot, Eva Gonzalès), la tentation mondaine, son impressionnisme décalé comme sa complicité avec le Mallarmé le plus noir.
La reconstitution de l’exposition de la "Galerie de la Vie moderne", organisée en mars-avril 1880 en amorce du Salon, permet d’interroger enfin ce que signifiait pour Manet "créer en République". C’est dire que Manet, inventeur du Moderne donne une place de choix à l’oeuvre tardif, mal connu et surtout mal compris si l’on en fait une banale étape vers "la peinture pure".
Il s’agit de la première manifestation d’ensemble consacrée à Manet en France depuis la mémorable exposition de 1983 aux Galeries nationales du Grand Palais, organisée notamment par Françoise Cachin, ancien directeur du musée d’Orsay.
Sophie de Villeneuve, rédactrice en chef de Croire
ÉDITO
Un cri du cœur !
Dans l’homélie prononcée lundi dernier lors de la messe célébrée à huis clos dans la chapelle de la maison Sainte-Marthe, le pape François a parlé de la prière. Selon lui, la prière requiert la foi, du courage et de la volonté. C’est ce qui nous est demandé aussi en ces temps si difficiles... Il nous faut la foi, c’est-à-dire la confiance. Confiance en un Dieu qui agit à travers tous ceux qui se dévouent pour les autres. Il nous faut du courage pour accepter ce confinement strict qui nous est si étranger. Il nous faut enfin de la volonté pour continuer à travailler, à nous occuper de nos enfants, de nos proches et de nous-mêmes. Foi, courage et volonté… Un triptyque sur lequel reposer, couronné par la prière, et dont elle est un fruit précieux. Jamais la prière n’a été aussi facilitée. Églises ouvertes et paisibles, messes quotidiennes sur la plupart des sites paroissiaux, temps pour lire, méditer, réfléchir. L’abbé Macaire, à qui on demandait comment prier, répondit : " Inutile de débiter beaucoup de mots. Il suffit d’étendre tes mains et de dire : Seigneur, comme il te plaît et comme tu sais, prends pitié. " Un cri du cœur à reprendre chaque jour…
À force de vivre l’un à côté de l’autre dans le couple, et de se voir tous les jours, on peut avoir l’impression de bien connaître l’autre. Ce faisant, en croyant trop bien voir qui il est, on le perd de vue, la routine s’installe et on devient aveugle aux possibilités d’évolution et de changement. Si on peut faire le tour d’un objet, on ne pourra jamais prétendre avoir fait le tour d’une personne. L’autre demeure un mystère, c’est-à-dire quelqu’un que l’on n’a jamais fini de comprendre et de découvrir. Regarder l’autre avec les yeux que me donne le Christ, c’est consentir à ne jamais enfermer l’autre dans ce que je crois connaître de lui, mais toujours essayer de le voir avec des yeux capables de se laisser surprendre et étonner. Le sacrement du mariage nous y aide et nous ouvre aux concessions mutuelles nécessaires à l’équilibre du couple. Dans la foi, le couple développe ses richesses : respect, complicité, joie de vivre ensemble, force, apaisement, recul nécessaire… Le conjoint devient alors don de Dieu. Je le vois et j’apprends à l’aimer tel qu’il est dans une confiance mutuelle. L’aventure du mariage, c’est ainsi un « chaque jour, je commence ». L’autre sera toujours plus grand que ce que je peux en voir. N’est-ce pas là l’expérience de l’aveugle guéri ? Lorsqu’il reçoit le cadeau de guérison, il cherche à découvrir le visage de Jésus et à entrer dans sa lumière. Il ne prétend pas tout voir, tout savoir, tout comprendre, mais il cherche encore. Il cherche cette lumière qui sera toujours plus grande que lui : gardons les yeux ouverts !
Le 10 août, Michel Laclotte, l’ancien directeur du musée du Louvre, est décédé à 91 ans. Figure capitale du monde des musées français, il est à l’origine de plusieurs d’entre eux comme le Petit Palais d’Avignon, le musée d’Orsay et le Grand Louvre.
Impossible de faire le tour d’une carrière aussi longue et aussi brillante que celle de Michel Laclotte (né en 1929), à la fois historien d’art et conservateur de musées. Après sa classe préparatoire à l’École nationale des chartes, il entre à l’École du Louvre et soutient sa thèse sur les tableaux de l’école toscane conservés dans les musées français. Nommé conservateur à l’Inspection générale des musées de province, il réalise en 1953 l’inventaire de la collection Campana de peinture italienne au Louvre et travaille sur une exposition de peinture hollandaise au musée de Tourcoing. Avec Jean Vergnet-Ruiz, il monte en 1955 à l’Orangerie une exposition sur les Primitifs italiens des musées français hors de Paris, intitulée « De Giotto à Bellini ». Cette familiarité avec les collections des musées en régions lui permet de récidiver trois ans plus tard avec, à la Royal Academy de Londres, un choix de peinture française du Grand Siècle, puis en 1963, une exposition sur la peinture espagnole au musée des Arts décoratifs à Paris, et enfin en 1965 sur le XVIe siècle européen au Petit Palais à Paris. Lorsque Germain Bazin quitte son poste à la tête du département des peintures du Louvre en 1965, c’est Michel Laclotte qui le remplace l’année suivante et reste à ce poste jusqu’en 1987. A la demande d’André Malraux, il réorganise ce département capital du musée, récupère l’aile de Flore alors occupée par la Loterie nationale.
Le Grand Louvre
C’est de cette époque que date sa fine connaissance des collections du plus grand musée du monde et de ses bâtiments. C’est pourquoi François Mitterrand lui demande de réfléchir dans les années 1980 à son projet de Grand Louvre. Avec l’aide de l’architecte Ieoh Ming Pei et de l’établissement public dirigé par Emile Biasini, Michel Laclotte propose une entrée unique au centre de la cour Napoléon et la redistribution des collections. La pyramide de verre est au cœur d’une bataille acharnée qui verra s’écharper la critique et les publics. En ce qui concerne la seule peinture ancienne, Michel Laclotte opte pour une distribution symbolique au sein du musée : les écoles du Nord au nord du bâtiment, l’école française dans la Cour Carrée et dans la Grande Galerie, les écoles italienne et espagnole au sud, près de la Seine. Michel Laclotte devient le premier directeur du Grand Louvre, de 1987 à 1994. Longtemps, il est resté une figure tutélaire du monde des musées, influençant certaines décisions comme s’il était l’éminence grise de ce domaine très secret, et donnant des conseils à la génération plus jeune.
Entretemps, Michel Laclotte a lancé deux projets de musées, l’un en province, l’autre à Paris. Pour la cité des Papes, il propose dans les années 1970 d’installer la collection Campana dans l’ancien palais épiscopal réaménagé au XVe siècle par l’archevêque et légat Julien de la Rovère, le futur pape Jules II. Il s’agit de Primitifs italiens réunis par Giampietro Campana au XIXe siècle et conservés au Louvre et dans certains musées de province. Il veut les réunir dans un seul et même lieu. Ces tableaux de Ambrogio Lorenzetti, Simone Martini, Lorenzo Monaco et Sandro Botticelli, accompagnés de chefs d’œuvre de l’Ecole d’Avignon et de sculptures funéraires locales ont été installés sur les trois étages du joli palais clôturant la place du palais. L’esthétique très 1970 (socles recouverts de moquette et acier brossé) a été souvent reprochée à ce musée inauguré en 1976 mais imaginé et pensé par Michel Laclotte lui-même. Au début des années 1980, il lance le projet de musée du XIXe siècle dans l’ancienne gare d’Orsay, construite par Victor Laloux en 1900. Malgré les oppositions et les critiques contre les lourds aménagements intérieurs de Gae Aulenti, Michel Laclotte défend bec et ongles les propositions de l’architecte italienne. En parallèle à son activité au département des peintures du Louvre, il est le conservateur de cette institution en germe jusqu’à son ouverture en 1986. Il est alors remplacé par Françoise Cachin, la petite-fille du peintre Paul Signac. Après son engagement total pour Orsay et le Louvre, alors qu’il est atteint par l’âge de la retraite, il prête main forte à la mission de préfiguration chargée de créer l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), mission qu’il préside de 1995 à 2000.
Enseignement et publication
Sa longue carrière muséale se clôt donc avec la naissance de l’INHA. Mais Michel Laclotte, parallèlement à sa carrière de conservateur, a toujours enseigné à l’Ecole du Louvre. Il a également énormément publié sur la peinture, en particulier sur la peinture en Provence aux XIVe et XVe siècle. D’abord, « L’École d’Avignon » en 1960, puis les collections du Petit Palais d’Avignon en 1976 et enfin une deuxième livre sur l’École d’Avignon avec Dominique Thiébaut en 1983. Il se passionne également pour Ingres, Mantegna ou Georges de La Tour. Il faut également rappeler que Michel Laclotte a toujours continué à monter des expositions, même alors qu’il était aux manettes de grands musées parisiens. On se souvient de « Polyptiques » au Louvre en 1990 (où figuraient même des tableaux de Pierre Soulages et Brice Marden !), « Le Siècle de Titien » au Grand Palais en 1993 et « Fra Angelico, Botticelli… Chefs d’œuvre retrouvés » au musée Condé de Chantilly en 2014. Les éditions Scala ont publié ses mémoires, « Histoires de musées : souvenirs d’un conservateur » en 2003. Michel Laclotte est mort le 10 août 2021, « jour anniversaire de l’ouverture du musée du Louvre en 1793 sous la Révolution », rappelle l’institution qui lui doit tant.
Première édition intégrale de l’œuvre monumentale de l’artiste allemande assassinée en 1943 à Auschwitz avec son compagnon, alors qu’elle était enceinte de cinq mois.
25/11/15 - 13 H 22
VIE ? OU THÉÂTRE ?Charlotte SalomonLE TRIPODE, , 840 PAGES , 95 €acheter
VIE ? OU THÉÂTRE ? de Charlotte Salomon Le Tripode, 820 p., 95 €
«J’appris à suivre tous les chemins, et j’en devins un moi-même.» Cette citation de l’Allemande Charlotte Salomon, assassinée à Auschwitz en 1943 à l’âge de 26 ans, résonne puissamment à la découverte de Vie ? Ou Théâtre ?. Cette œuvre picturale monumentale, méconnue, surgit en effet comme une invitation à suivre un chemin, à la fois du regard, de l’esprit et du cœur. Il s’enracine dans l’histoire tragique du XXe siècle, dans celle d’une intimité familiale douloureuse, et mène vers une modernité artistique très originale.
Qu’est-ce que Vie ? Ou Théâtre ? ? Un journal intime, un roman d’apprentissage dessiné, une «opérette aux trois couleurs» (comme elle le sous-titra elle-même), une tragicomédie faisant vivre à d’innombrables personnages – dont son double, Charlotte Kann – des destins à la fois triviaux, philosophiques, joyeux, mélancoliques, amoureux ou métaphysiques. À les voir on ressent un bouquet d’émotions convoquant tous les sens, comme une œuvre musicale pourrait en produire l’effet.
Son histoire familiale marque bien sûr fortement cette fiction biographique, notamment le thème du suicide de sa lignée maternelle. La Berlinoise Charlotte Salomon rejoint en janvier 1939 ses grands-parents maternels, réfugiés dans la région de Nice. Le 5 mars 1940, sa grand-mère se défenestre sous ses yeux. Son grand-père lui révèle alors le suicide de sa mère, lorsqu’elle avait 8 ans, et la mort de sa tante, trois ans avant sa naissance, à qui elle doit son prénom. Jailliront spontanément, en un peu plus d’un an, plus d’un millier de gouaches mettant en scène son histoire.
Son œuvre porte l’empreinte de l’expressionnisme allemand et de l’enseignement reçu aux Beaux-Arts de Berlin, dont elle fut la dernière étudiante juive avant son exil, mais elle trace surtout une voie singulière, très construite, expression d’un univers total. Partiellement exposée et publiée depuis l’après-guerre, elle est encore à découvrir dans sa démesure (en France, elle fut montrée en 1992 au Centre Georges-Pompidou, et partiellement lors de l’exposition «L’Art en guerre» au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2012, qui fut l’occasion de sortir de l’oubli plusieurs figures de résistance à la montée du nazisme, dont l’Alsacien Joseph Steib – auquel les Éditions La Nuée bleue viennent de consacrer un ouvrage.
La couleur y joue un rôle éminent (ses gouaches sur Canson sont peintes exclusivement à partir des trois couleurs primaires, souvent mélangées), donnant l’impression de jaillir tel un flux organique et vital. La fusion des images et du texte, qui vient s’inscrire sur les dessins (s’y superpose à l’aide de calques, ou encore parfois figure seul, en lignes serrées et colorées formant une composition picturale), préfigure les romans graphiques contemporains. Conservée au Jewish Historical Museum d’Amsterdam depuis 1971, l’œuvre composée de 1 300 gouaches, réunie dans des boîtes par Albert Salomon, père de Charlotte, et sa femme Paula, a pu enfin être ordonnée. Elle est éditée aujourd’hui pour la première fois selon l’ordre et la cohérence souhaitée par l’artiste.
Conjointement reparaît, dans une version grand format, illustrée par 50 gouaches et des photos de Charlotte Salomon, le roman de David Foenkinos publié en 2014,Charlotte, consacré à la vie de l’artiste (prix Renaudot et Goncourt des lycéens), qui avait contribué à sa redécouverte (Gallimard, 260 p., 29 €).
Livre neuf. Inferno. Catalogue de l'exposition présentée aux Scuderie del Quirinale du 15 octobre 2021 au 9 janvier 2022.Ce volume est centré sur le chant le plus célèbre de la Divine Comédie et documente sa fortune iconographique, du Moyen Âge à nos jours. Les 235 oeuvres exposées (Botticelli, Jan Brueghel, Beato Angelico, Cézanne, Redon, Rodin, Delacroix, Goya, von Stuck up ...
Dix entretiens avec des personnalités qui, d’une manière ou d’une autre, ont consacré leur vie à conserver, transmettre ou enrichir le patrimoine par leur action ou leur création : Philippe Bélaval, président du CMN ; Bertrand du Vignaud, président de World Monuments Fund Europe ; Cinzia Pasquali, restauratrice ; Marie-Christine Labourdette, directrice du service des musées de France ; Jean-Patrice Marandel, conservateur en chef au LACMA de Los Angeles ; Maryvonne Pinault, amatrice et mécène ; le duc de Buccleuch, chef de famille et passeur d'inestimables collections ; Laura de Santillana, artiste verrière ; Gaetano Pesce, architecte et designer ; Monique Frydman, peintre.
La passion Lippi : Florence 1414. Un enfant hirsute, aux pieds couverts de corne, griffonne furieusement une fresque remarquable à même le sol d'une ruelle des bas-fonds de la ville. Miraculeusement repéré par Cosme de Médicis et placé au couvent des Carmes, il va faire souffler un vent de passion sur la peinture de la Renaissance. Moine et libertin, artiste intransigeant et manipulateur sans scrupules, futur maître de Botticelli, ses sublimes madones bouleversent son époque. Elles lui sont pourtant très intimement inspirées par les filles des maisons de plaisir de Florence qui en ont fait leur petit prince caché. Bravant tous les interdits et jusqu'à l'autorité suprême du Pape, il commet par amour l'ultime provocation. Le scandale le pousse à l'exil et le renvoie au secret sanglant enfoui au cœur de son enfance. Peintre voyou, ange ivre, fra Filippo Lippi invente un rapport nouveau entre l'art et le monde de l'argent et, le premier, fait passer les peintres du statut d'artisans… Lire la suite
La rentrée culturelle parisienne 2012 sera italienne ou ne sera pas.
Après les expositions Fra Angelico (Jacquemart-André), Cima (musée du Luxembourg), Le paysage à Rome (Grand Palais), ou encore Titien, Tintoret, Véronèse (Louvre), l’engouement pour la Renaissance italienne se semble pas prêt de s’achever. Pour notre plus grand plaisir.
C’est Canaletto, « le peintre de Venise », qui sera bientôt au centre de toutes les attentions car sujet d’un véritable petit duel muséal. Les prestigieux musées Maillol et Jacquemart-André présenteront simultanément une exposition consacrée au maître vénitien en septembre. Acte manqué ou guerre ouverte ?
Giovanni Antonio Canal (1697-1768), plus connu sous le nom de Canaletto, est la figure phare de la peinture vénitienne, surtout célèbre pour ses sublimes vues des canaux de la ville flottante. Ses œuvres d’une stupéfiante précision doivent beaucoup de leur beauté à la parfaite maîtrise que Canaletto avait de l’étude de la lumière. Contrairement à la majorité de ses contemporains, le peintre travaillait beaucoup en extérieur, d’où peut être son talent à « fixer » l’air si particulier de Venise.
1er état des lieux des expositions :
Le musée Maillol concentrera son propos sur la seule figure de Canaletto avec une sélection de plus de 50 œuvres du maître vénitien (en collaboration avec La Fondazione Musei Civici di Venezia ainsi qu’avec le Polo Museale Veneziano).
Jacquemart-André se distinguera par une étude comparée de Canaletto et Francesco Guardi. L’essentiel des œuvres présentées chez Jacquemart proviendra de prêts londonien et américain : British Museum, National Gallery, Collection Royale de la Couronne britannique, Frick Collection (New-York) et Philadelphia Museum of Art. La couronne britannique est en effet propriétaire de la plus importante collection de peintures et de dessins de Canaletto. Huit de ces œuvres seront exposées pour la première fois à Paris.
L’approche de Maillol pourrait se définir comme celle d’un véritable hommage au peintre ainsi qu’à la ville de Venise. Le musée affiche son désir de clore un cycle d’expositions consacrées aux vedutisti (De l’italien vues. Désigne l’étude très détaillée d’un paysage, le plus souvent urbain) en Europe dont Canaletto était la figure centrale.
C’est plus précisément à ce genre pictural que Jacquemart-André s’intéressera en démontrant la filiation des études de Canaletto et de Guardi. Les vedutisti de Canaletto auraient en effet grandement influencées celles de Guardi.
On attend avec impatience de comparer la différence d’approche des deux musées en relisant l’ Éloge de Venise, de Luigo Grotto Cieco d’Hadria, prononcée pour la consécration du Doge Sérénissime Luigi Mocenigo, le 23 août 1570 :
« (…) qui ne la loue est indigne de sa langue, qui ne la contemple est indigne de la lumière, qui ne l’admire est indigne de l’esprit, qui ne l’honore est indigne de l’honneur. Qui ne l’a vue ne croit point ce qu’on lui en dit et qui la voit croit à peine ce qu’il voit. Qui entend sa gloire n’a de cesse de la voir, et qui la voit n’a de cesse de la revoir. Qui la voit une fois s’en énamoure pour la vie et ne la quitte jamais plus, ou s’il la quitte c’est pour bientôt la retrouver, et s’il ne la retrouve il se désole de ne point la revoir. De ce désir d’y retourner qui pèse sur tous ceux qui la quittèrent elle prit le nom de venetia, comme pour dire à ceux qui la quittent, dans une prière douce: Veni etiam, reviens encore. »
Infos pratiques :
Musée Jacquemart-André : Canaletto- Guardi. Les deux maîtres de Venise (14 septembre 2012-14 janvier 2013)
Musée Maillol : Canaletto à Venise (19 septembre 2012- 10 février 2013)
Professeur de philosophie à l’université de Strasbourg et membre du Collège international de philosophie, Jean-Luc Nancy est mort le 23 août à 81 ans. Il avait écrit plusieurs textes sur des artistes contemporains.
Né en 1940 à Caudéran en Gironde mais installé en Alsace depuis 1968, Jean-Luc Nancy est connu en tant que philosophe. Sa thèse de doctorat dirigée par Paul Ricoeur porte sur Kant. Professeur émérite de philosophie à l’université Marc-Bloch de Strasbourg, il a été directeur de programme au Collège international de philosophie entre 1985 et 1989. Il pense « un monde fragmenté, irréductible à la systématicité moderne », déconstruisant la pensée philosophique allemande. Jean-Luc Nancy a publié de très nombreux livres tels que « L’Absolu littéraire » (1978) avec son ami Philippe Lacoue-Labarthe, « L’Intrus » (2000) et « La Peau fragile du monde » (2020), souvent chez Galilée, son éditeur favori. Dans « L’Obs », Marie Lemonnier évoque son enseignement et son engagement lors du conflit en Bosnie. Avec Lacoue-Labarthe, « ils décidèrent d’envoyer un convoi de livres, accompagné d’étudiants. Oui, avec eux, la philosophie se faisait aussi en acte, et nos cours devinrent des assemblées politiques. Cette même année, avec son organisateur Christian Salmon, ils dédièrent le Parlement international des écrivains au drame bosniaque, rassemblant toutes les grandes figures du monde intellectuel parmi lesquelles Jacques Derrida ou Patrick Chamoiseau… ».
Son lien avec les artistes
Pour Jean-Luc Nancy, l’art est capital pour aller au-delà de la signification. Il a collaboré souvent avec des artistes tels que la chorégraphe Mathilde Monnier ou les plasticiens Anselm Kiefer et Thomas Hirschhorn. Après l’exposition d’Agnès Thurnauer au Crédac d’Ivry-sur-Seine en 2001, il publie « Transcription », illustré de nombreuses œuvres de l’artiste.
S’interrogeant aussi bien sur Fra Angelico que sur le thème de la Visitation, il a écrit également « Au fond des images » (2003). « J’ai toujours été fasciné par les images, expliquait-il à « La Libre » en 2016, lors de l’exposition d’Olafur Eliasson à Versailles. C’est au début des années 70 que le déclic s’est fait quand un peintre que je ne connaissais pas, François Martin, m’a demandé d’écrire sur son travail et d’intituler une suite de dessins avec carbone. J’ai choisi le mot de « poncif ». Et cela a vraiment déclenché quelque chose en moi ». A la question de Guy Duplat sur la définition de l’art, il répond : « L’art se place à côté du langage, ou est traversé par le langage (littérature, poésie), pour exposer le sens, hors de la signification. Le langage nous mène à ce bord extrême où on ne peut plus nommer. L’art est là et il peut nous amener au-delà. Il montre qu’il y a une dimension hors langage ».
Ella & Pitr partagent depuis 2007 leur vie et leur carrière. Ces deux artistes de Saint-Etienne créent toutes sortes d''uvres, passant de dessins pour des galeries à des fresques monumentales peintes sur d'immenses surfaces au sol, sur mur ou sur les toits - sans oublier la vidéo, la sérigraphie, les anamorphoses, les livres et les fausses pubs. Leur travail est souvent marqué par une esthétique de l'innocence, entre nostalgie et romantisme, où leurs personnages singuliers, hauts en taille et en couleurs - colosses endormis, gros oiseaux aux ailes lourdes, porteurs de cailloux, vieilles à lunettes' - semblent former une famille de témoins silencieux et éphémères en milieu urbain qui ne laisse personne indifférent' Connus dans le monde entier pour leurs fresques gigantesques, ils ont entamé depuis quelques années un travail sur toiles exposé régulièrement en galerie. Avec des textes de Sophie Pujas, Joël Pommerat, François Rancillac, Chemetoff, Denis Lavant, Rufus'
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Le musée de l’Homme possède de très nombreux relevés des peintures et fresques de l’art rupestre, effectués dans le monde entier, par des archéologues animés d’un formidable esprit d’aventure, tout au long du xxe siècle. Le musée s’est associé pour l’occasion à l’Institut Frobenius qui détient lui aussi des relevés uniques, résultat des expéditions menées dans plusieurs pays d’Afrique par un ethnologue, archéologue allemand, Léo Frobenius. En bref un tour du monde de la créativité des hommes vivants entre – 30 000 et – 3 000 ans. Notre édition en reproduit les fresques les plus impressionnantes. Ce numéro raconte aussi les expéditions, explique la technique des relevés, essaye de donner une interprétation du travail des hommes de la préhistoire… et pose le problème de la conservation de ces chefs-d’œuvre que ce soit en Norvège, en Papouasie, ou en Tassili. Si en France, ou en Espagne, on a fermé les grottes et proposé aux visiteurs des copies à l’identique, que faire pour sauver ce qui peut l’être encore dans des plateaux désertiques ou autres lieux impossibles à protéger des dégâts qui ont pour raison l’incapacité du pays concerné à protéger son patrimoine… D’où l’extrême importance de ces photos et relevés scientifiques datant souvent d’il y a un siècle, alors que souvent depuis les fresques ont quasiment disparu.
Exposition au musée de l’Homme, du 17 novembre 2023 au 20 mai 2024
84 pages - À paraître le 22 novembre 2023 - Broché - 22 × 28.5 cm - EAN : 9791020408594
Les plus belles vues des toits de Paris, dans une balade panoramique du point du jour au crépuscule
Feuillage infini de zinc, d’ardoise et de cuivre oxydé, d’où émergent les dorures des grands monuments, les toits de Paris forment la plus emblématique canopée du monde. Ce leporello de 18 m de long déplié reprend 8 vues emblématiques, chaque fresque ayant été réalisée à partir de 200 images. Un repérage des principaux monuments parisiens et une légende historique viennent compléter le livre.
Dans un nouveau décor mais toujours dans le même esprit, François Busnel accueille, pour cette émission de rentrée, Amélie Nothomb, qui vient de publier «La Nostalgie heureuse», chez Albin Michel, une autofiction sur un voyage récent dans le Japon qui l'a vue grandir. Il reçoit également l'écrivain irlandais Colum McCann, dont le sixième roman, «Transatlantic», publié chez Belfond, évoque le déracinement, la perte et le dépassement de soi. Hélène Frappat présente «Lady Hunt», paru chez Actes Sud. Enfin, dans «Au revoir là-haut», publié chez Albin Michel, Pierre Lemaître, l'une des grandes plumes du polar français, livre une fresque tragique sur l'entre-deux-guerres.
Dans un nouveau décor mais toujours dans le même esprit, François Busnel accueille, pour cette émission de rentrée, Amélie Nothomb, qui vient de publier «La Nostalgie heureuse», chez Albin Michel, une autofiction sur un voyage récent dans le Japon qui l'a vue grandir. Il reçoit également l'écrivain irlandais Colum McCann, dont le sixième roman, «Transatlantic», publié chez Belfond, évoque le déracinement, la perte et le dépassement de soi. Hélène Frappat présente «Lady Hunt», paru chez Actes Sud. Enfin, dans «Au revoir là-haut», publié chez Albin Michel, Pierre Lemaître, l'une des grandes plumes du polar français, livre une fresque tragique sur l'entre-deux-guerres.
L'histoire Bâtie au Xllème siècle, la demeure du Clos-Lucé devint sous François ler emblématique du mouvement de la Renaissance en France. Le monarque y fit venir peintres, architectes et poètes. Mais c'est Léonard de Vinci qui a marqué le domaine de son empreinte. Lui qui avait passé sa vie entre Florence, Rome et Milan, dispensant ses services d'ingénieur, y vécut les trois dernières années de sa vie et y mourut.
En 1516, invité à résider au Clos-Lucé par François ler, Léonard de Vinci fait venir d'Italie trois de ses toiles les plus célèbres : la "Joconde", la "Sainte-Anne" et le "Saint Jean-Baptiste", qu'il termine dans la propriété. Le roi de France veut que l'artiste y soit "libre de penser, de rêver et de travailler". Vinci, en retour, accomplit diverses missions : il est tour à tour metteur en scène des fêtes de la Cour, ingénieur militaire et civil ou encore urbaniste.
La visite De nos jours, la chambre de l'artiste peut être visitée. C'est là qu'il mourut, veillé, selon certains, par François ler. Au sous-sol, on peut voir des maquettes reproduisant, d'après les dessins de Vinci, ses principales inventions hydrauliques, navales ou aériennes. La visite de la chapelle est également une bonne incursion dans l'univers du maître. Sur les murs, on peut voir trois fresques du XVIème siècle vraisemblablement peintes par ses disciples à sa demande.
Le manoir, restauré au XIXème siècle, ne présente plus aux visiteurs le visage que le génie lui a connu. Un important chantier de restauration a été ouvert en 1960 pour rendre à la demeure l'atmosphère de la Renaissance.
Le Clos-Lucé ne dévoilera pas tous les mystères entourant Léonard de Vinci. Ainsi, l'entrée du souterrain secret du Clos-Lucé que François Ier aurait emprunté pour rendre visite au génie reste-t-elle scellée à jamais.
Le parc du château accueille désormais un parcours initiatique sur les traces de Léonard de Vinci :
Au commencement était la fumée : celle dégagée par la vapeur d’un fameux train entrant en gare de La Ciotat, ou celle qu’Etienne-Jules Marey tenta, expérimentalement, de capturer. Mais aussi la fumée que trace dans les salles obscures le rayon jupitérien des projecteurs, cette «gloire» horizontale qui se dessine entre la cabine et l’écran et qui troue l’espace de sa lumière.
Nostalgie. La fumée a enlacé le film dès ses origines, mais a trouvé avec le tabac un vecteur magique pour pénétrer les images et les écrans, les volutes de cigares, pipes et cigarettes devenant très vite et pour plus d’un siècle un motif à la fois capital et clandestin de l’histoire du cinéma mondial. Selon le paradoxe bien connu de la nostalgie, on prend conscience de cette histoire d’amour très particulière entre filmeurs et fumeurs au moment même où elle perd de sa substance, stérilisée à la fois par les lois antitabac, les autocensures du politiquement correct et, sans doute, par la marche triomphale de l’humanité vers une mort en parfaite santé.
Dans un charmant petit livre copieusement illustré (1), Adrien Gombeaud (qui collabore notamment à Positif) ose une anthropologie très personnelle du rapport entretenu par la cigarette et le ciné. Accessoire comique, érotique ou inquiétant, signe de mort ou de vie (la dernière cigarette), objet de classe ou d’initiation, rituel ou cliché, ce ne sont pas tous les états du tabac filmé qui sont ici recensés, mais quelques-unes des figures rhétoriques par lesquelles l’herbe à Nicot a accompagné l’histoire du cinéma depuis ses origines.
Elégance. Au tableau de chasse des hautes figures de la passion tabagique sur grand écran, le name-dropping est étourdissant : Groucho Marx, Asia Argento, James Dean, Humphrey Bogart, John Ford, Carette, Gabin, Delon, Deneuve, Tony Leung, Scarlett Johansson, Rita Hayworth… Mais ce pêle-mêle n’a pas de sens en soi ; il est une fresque évanescente, immatérielle : le tabac à l’écran n’a pour nous aucune odeur ni saveur, il est une image, un instant, une allure. Même, et peut-être surtout, lorsqu’il s’agit de films qui en font leur thème, titre ou objet, tels les programmatiques Roi du tabac (Curtiz), Coffee and Cigarettes (Jarmusch) ou, mieux, Smoking/No Smoking (Resnais).
On pourrait, inversement, divaguer longtemps sur le cas des cinéastes comme Wong Kar-waï ou Hou Hsiao-hsien, l’un et l’autre d’ailleurs fumeurs invétérés, dont on ne peut imaginer les films délestés de leur fumée. Ils sont comme les derniers représentants d’une élégance un peu surannée, où s’exprime leur plaisir manifeste à filmer des acteurs qui fabriquent aussi du glamour avec les gestes rétro de fumeurs iconiques. Ces deux noms fournissent d’ailleurs un bon indice pour se représenter la géopolitique de la clope dans le cinéma moderne : c’est en effet vers l’Asie que le balancier fumeur est en train de pencher, exactement comme dans l’économie réelle.
Dans ce panoptique, seul le joint semble avoir été un peu négligé par l’auteur. Son livre n’en reste pas moins à faire tourner.
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