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Catégories : "Carpe diem"

Le seul regret de Jean-Pierre Elkabbach

PIERRE DE BOISHUE.
 Publié le 21 juillet 2007
Actualisé le 21 juillet 2007 : 21h58

Il y a quarante ans, le journaliste croisait une inconnue sans oser l'aborder. Depuis il s'est contraint à ne plus laisser passer sa chance.

« JE VIS intensément le présent. La Femme en bleu explique sans doute cette attitude. » Étonnante confidence que celle de Jean- Pierre Elkabbach. Il avait 30 ans. Il était tombé sous le charme éphémère d'une inconnue... Le président d'Europe 1 et de Public Sénat garde précisément en mémoire cet épisode qui, dit-il, a forgé son caractère et a eu un impact sur sa vie. « Je débutais ma carrière de journaliste, se souvient-il. J'étais timide et réservé. Je me trouvaissur les Champs-Élysées, un jour de juin. Le temps était splendide. À un moment donné, j'ai croisé une femme magnifique d'environ 35 ans, très brune, dans une robe bleu nuit en mousseline... »
Installé dans son bureau parisien, au siège d'Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach s'interrompt. Curieuse impression que celle d'entendre l'interviewer, dont le parcours professionnel offre une succession de succès et de traversées du désert, s'appesantir sur un souvenir aussi original. « C'était une apparition. Cette femme me rappelait ces actrices italiennes qu'on aimait bien autrefois. Elle ressemblait à Lea Massari. Nous nous sommes croisés. Je me suis retourné. Elle aussi. Nous avons échangé un sourire. Nous avons continué notre chemin. J'ai à nouveau jeté un oeil derrière moi. Elle m'a adressé un autre regard. Puis elle a tourné dans une rue. J'ai essayé de la retrouver. J'ai couru. En vain. Je ne l'ai plus jamais revue. D'une certaine façon, j'ai été influencé par cet épisode. »
Avant d'exposer cette anecdote, l'ancien animateur de « Cartes sur table » avait jeté un oeil dans le dictionnaire sur la définition du mot « regret » pour expliquer en quoi celle-ci était contraire à sa philosophie de la vie. Mélancolie, amertume, remords... « Je ne me reconnais pas dans tous ces mots parce qu'ils traduisent un échec. J'ai plus de désirs et d'envies que de regrets. Le goût de l'action domine chez moi », indique le journaliste, qui se souvient encore de son dépit après avoir perdu la femme en bleu. « Cela aurait pu être une rencontre importante pour elle et pour moi. Elle n'a jamais eu lieu. Elle m'a laissé sur un sentiment de frustration... » Et Jean-Pierre Elkabbach de poursuivre sur le même registre et de décrire sa chance d'avoir échoué plus tôt sur les Champs-Élysées : « Ceci m'a conduit à arrêter, plusieurs années plus tard, une femme en rouge. » Le chef d'entreprise remonte le courant de ses souvenirs.
La situation vécue des années auparavant se répète. Il est frappé par le regard d'une inconnue vêtue de rouge qu'il aperçoit à travers la vitre d'un autobus au coin de la rue Cognacq-Jay. Il décide de tenter sa chance en se lançant à sa poursuite.« Elle était brune et très belle. Je lui ai fait signe de descendre. Elle a haussé les épaules. Le bus avançait lentement. Le conducteur s'est fait interpeller par les passagers qui observaient mon agitation dans la rue. Il s'est exécuté. La femme est descendue. Elle m'a donné son nom. Il s'agissait de Nicole Avril (dont il partage la vie, NDLR). Elle venait de publier deux livres. »
Un tempérament de « fonceur » qui lui vaut des inimitiés. Et notamment lors de sa présidence à France Télévisions, dont il fut contraint de démissionner après la polémique sur les contrats qu'il avait accordés aux animateurs producteurs. « J'ai eu de très nombreuses périodes très heureuses, dit-il. J'intègre même les moments où j'ai reçu des coups, où j'étais mort socialement et où on parlait de moi comme si je n'avais jamais existé. » L'homme est peu disert sur ses échecs. Mais il se prête au jeu. Se reproche les périodes où il s'est montré « conformiste et pas assez audacieux », « impatient et impulsif » lorsqu'il exerçait de hautes responsabilités. « J'ai parfois blessé avec des mots maladroits. J'ai appris à mieux maîtriser les choses et à prendre les décisions avec plus de maturité. J'essaie de ne pas profiter des situations de pouvoir qu'on a à un moment donné. Elles sont forcément passagères », précise Jean-Pierre Elkabbach.
En fin d'interview, il évoque Oran et la mémoire de son père. Parmi ses regrets « littéraires » : ne jamais avoir rencontré Albert Camus. « Nous avions des amis communs. J'ai le souvenir d'être allé parfois chez eux à l'heure du café et de ne voir de lui que la fin de sa cigarette qui se consumait dans un cendrier. » Mais dans son bureau d'Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach souhaitait surtout raconter ce jour-là un regret heureux. Celui de la Femme en bleu...

Commentaires

  • c'est un joli temoignage !!

    ha! les regrets!! nous en avons tous un jour ou l'autre!!

    il faut vivre avec..

  • Et vivre à fond pour en avoir le moins possible...

  • Je suis presque persuadée que nous avons rencontré, à un moment donné dans notre vie un regard qui nous aura bouleversé : d'ailleurs sur une consigne d'écriture , j'ai parlé moi aussi d'un homme ' en gris' !!

  • Bien sûr!

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