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  • Catégories : Nerval Gérard de

    Paysages "déjà vus", déjà décrits dans le "Voyage en Orient" de Gérard de Nerval

    e782697959404aebc05fdbf050f4687a.jpg

    O. C, II, 385, Du haut des pyramides : « La vue est fort belle, comme on peut le penser, du haut de cette plate-forme. Le Nil s’étend à l’Orient depuis la pointe du Delta jusqu’au-delà de Saccarah, où l’on distingue onze pyramides plus petites que celles de Gizeh. A l’occident, la chaîne des montagnes libyques se développe en marquant les ondulations d’un horizon poudreux. La forêt de palmiers qui occupe la place de l’ancienne Memphis, s’étend du côté du midi comme une ombre verdâtre. Le Caire, adossé à la chaîne aride du Mokatam, élève ses dômes et ses minarets à l’entrée du désert de Syrie. Tout cela est trop connu pour prêter longtemps à description. »




    Paysage vu du haut


    Mes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."

    http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

  • Catégories : Jeux

    Jeu à envoyer par mail

    Jeu envoyé par ma petite soeur, Marie et repris par les Equipières.

    Voilà comment Enriqueta me voit:
    http://lequipedechoc.over-blog.com/pages/Laura-220989.html

    et comment ma soeur me voit:http://lequipedechoc.over-blog.com/pages/Laura_par_Marie-231688.html

    Et les réponses des Equipières sur leur blog:http://lequipedechoc.over-blog.com/article-15840403-6.html#anchorComment

  • Catégories : Livre

    F. Laut, Nicolas Bouvier. L'oeil qui écrit

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    Titre

    Nicolas Bouvier. L'oeil qui écrit

    Auteur

    François Laut

    Paru le

    29/12/2007

    Editeur

    PAYOT

     

     

    RESUME de Nicolas Bouvier

     

     

    Nicolas Bouvier (1929-1998) : écrivain-voyageur ? Sans doute, mais d'abord écrivain tout court, et puis aussi Genevois, poète, photographe...
    A seize ans, celui qui s'emploiera à " raconter le voyage pour apprendre à écrire " sait qu'il veut sillonner le monde et inventer un art de la vie. Il part sur la route de l'Orient, d'abord en auto avec un ami jusqu'à Ceylan, puis seul jusqu'au Japon. Quand il rentre à Genève pour se marier et fonder une famille, il a quasiment dans sa besace la matière des trois livres qui font sa réputation aujourd'hui : L'Usage du monde, Chronique japonaise, Le Poisson-Scorpion.
    Il lui faudra du temps pour les écrire, il lui faudra voyager encore à travers le monde, et aussi voyager dans sa mémoire. Ce portrait se fonde sur des documents inédits : la correspondance de l'écrivain (notamment avec le peintre Thierry Vernet, son meilleur ami), ses feuilles de route et ses carnets. François Laut, qui l'a connu, a également interrogé ses proches. C'est donc un Nicolas Bouvier intime qu'il nous raconte, introspectif, souvent déprimé, toujours ironique, pleinement artiste.
    On suit le Genevois dans les voyages qu'il n'a pas racontés et dans ce qu'il a tu ou écarté des voyages qu'il a racontés. On le voit batailler en poète avec l'écriture et ses démons intimes ; on le voit vivre, aimer, souffrir en consumant son existence.

     

     

    http://www.fabula.org/actualites/article21985.php

  • Catégories : Nerval Gérard de

    Paysages "déjà vus", déjà décrits dans le "Voyage en Orient" de Gérard de Nerval

    aee507051a4963f2e5aac8016e50c082.jpgO. C, II, 231, l’Adriatique : « Il y a de beaux paysages, sans doute, dans les montagnes sombres qui creusent l’horizon ; mais tu peux en lire d’admirables descriptions dans Jean Sbogar et dans Mademoiselle de Marsan de Charles Nodier ; il est inutile de recommencer. »

    Cadrage
    Présence du mot paysage

    Mes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."

    http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

  • Catégories : La culture

    Le fil de Télérama.fr

    Deux lettres manuscrites d'Emile Zola ont été volées dans la nuit de mercredi à jeudi derniers à la mairie de Médan, Yvelines,
    où l'auteur possédait une maison. Ah, Les Soirées de Médan ne sont plus ce qu'elles étaient...

    Sandrine Bonnaire et Diane Kruger feront partie du jury du 58e festival du film de Berlin présidé par Costa-Gavras, qui débute le 7 février prochain.

  • Catégories : L'actualité

    L'acteur Philippe Khorsand est mort

    L.S. (lefigaro.fr) avec AFP
    30/01/2008 | Mise à jour : 08:56 |

    Le comédien Philippe Khorsand en 2003 (Guez/AFP)

    Révélé par la série «Palace», l'ex-pensionnaire de la Comédie Française est décédé à l'âge de 59 ans.

    VIDÉO - Retrouvez Philippe Khorsand dans un extrait de l'émission d'humour «Merci Bernard»

    Le comédien Philippe Khorsand, révélé au grand public par la série TV « Palace » de Jean-Michel Ribes, est décédé mardi matin à Paris, à l'âge de 59 ans, des suites d'une maladie.

    Pensionnaire de la Comédie-Française de 1988 à 1989, Philippe Khorsand, formé au cours Simon, avait fait ses débuts au cinéma en 1971 dans « Laisse aller, c'est une valse » de Georges Lautner. Au cinéma, il avait notamment incarné Antoine dans le film « Mes meilleurs copains » de Jean-Marie Poiré. A la télévision, il faisait partie de la distribution des séries « Une famille formidable » et « Soeur Thérèse.com ». Il était également connu du grand public pour son rôle récurrent dans les spots publicitaires de l'assurance MAAF.

    Au total, il a tourné une cinquantaine de films et joué dans une trentaine de pièces de théâtre, dont 10 ont été mises en scène par Jean-Michel Ribes, actuel directeur du Théâtre du Rond-Point à Paris.

    Vidéo : Extrait du film «Mes meilleurs copains»

     

    4ac2887b1a388616804d39dc7213b0ad.jpghttp://www.lefigaro.fr/culture/2008/01/29/03004-20080129ARTFIG00510-l-acteur-philippe-khorsandest-mort.php

  • Catégories : La télévision

    Voici venir l'orage

    6d07975dcbbc0b4877262c80bd95bdd2.jpgA Moscou, en 1900, Grigori Davidovitch Schneider possède une maison de couture très réputée. Mais sous le règne du tsar Nicolas II, les Russes de religion juive sont soumis à une législation de plus en plus répressive. Seuls les puissants industriels juifs ont le droit de résider dans les grandes villes. Tous les autres en sont chassés vers des zones de résidence autorisées. Pour pouvoir rester à Moscou, en étant artisan et juif, Grigori Schneider et sa famille ont dû se convertir à la religion orthodoxe. Ils s'efforcent de continuer à mener une vie normale malgré les soubresauts de l'Histoire et l'hostilité à l'égard des juifs...

    FRANCE 2 MARDI 29 JANVIER 2008 DE 20H50 À 22H40 (110')

    http://television.telerama.fr/tele/emission.php?id=7967245

  • Catégories : L'Ariège(09, Midi-Pyrénées):vie

    Détail d'une catégorie: l'Ariège

    4 poèmes lisibles dans la section « Paysages mélancoliques » de mon recueil « Paysages » en vente ici : http://www.thebookedition.com/paysages-jacques-coytte-p-866.html


    1.L’exil
    2. Retourner
    http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2007/02/06/mon-poeme-d-adulte-inedit-sur-ce-blog-retourner.html#comments
    http://www.immerg.com/
    3.Ariège
    http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2006/03/22/ariege.html#comments
    http://www.pyreneesguide.com
    4. Loin de toi
    http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2006/04/19/prime-par-l-association-culturelle-des-pays-d-olmes-pour-la.html#comments
    http://www.meshistoires.com/display.php?pge=list&cat=3&sld=4

    Pourquoi cette catégorie ?

    http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2007/02/06/pourquoi-la-categorie-ariege-et-ces-poemes.html#comments

    La grotte de Niaux

    http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2006/09/13/la-grotte-de-niaux.html#comments
    http://www.ariege.com/francais/que_visiter/prehistoire/info.html

    Vous retrouvrez l'Ariège dans la partie "ce que j'aime", "des lieux" dans mon blog CV:
    http://lauravanelcoytte.votrecv.com/article-212531-6.html#anchorComment

    et dans mon site:http://www.e-monsite.com/lauravanelcoytte/rubrique-1141250.html

  • Catégories : La littérature

    Éditer un roman qui n’existe pas (mais qui réinvente les Lumières deux siècles après sa rédaction)

    Yves Citton

    Jean Potocki, Œuvres, édition en 5 volumes réalisée par François Rosset et Dominique Triaire, Louvain, Peeters, 2003-2006. Les volumes IV,1 et IV,2 de cette édition paraissent en janvier 2008 dans la collection GF-Flammarion (http://www.fabula.org/actualites/article21827.php).

    Le présent article est d’abord paru dans la Revue internationale des livres et des idées (http://revuedeslivres.net/) ; il est ici reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur et du comité de rédaction de la revue).

    Avez-vous lu le Manuscrit trouvé à Saragosse ? Pour tous ceux qui répondront par la négative, la solution est simple : qu’ils se jettent sans plus tarder sur ce roman que Salman Rushdie reconnaît pour l’un de ses modèles majeurs, et qui est en passe de figurer au rang des plus grands chefs d’œuvre de la littérature mondiale. Quant à ceux qui croiraient avoir déjà lu ce roman, dans l’une des éditions disponibles à ce jour (toutes partielles ou mutilées de diverses façons), la nouvelle est non moins réjouissante : l’heure est enfin venue de découvrir ce que l’auteur a véritablement écrit dans ce texte charnière de la modernité !

    Au-delà du seul Manuscrit, il faut saluer comme un événement éditorial marquant de cette décennie la publication des Œuvres complètes de Jean Potocki chez Peeters. Il y a moins événement par la taille du produit fini, qui comprend près de 3 000 pages de texte, que par le fait que ce soit la première fois que l’œuvre de cet écrivain majeur de l’Europe de la fin des Lumières reçoit une édition intégrale – qui plus est, une édition remarquablement présentée, savamment et judicieusement annotée par les deux universitaires les mieux placés pour réaliser ce grand oeuvre, auquel ils ont consacré une quinzaine d’années de travail. L’essentiel de l’événement est toutefois encore à venir : il s’agira de voir comment l’Europe du xxie siècle va digérer cette oeuvre de premier plan qui lui est désormais accessible dans de parfaites conditions. Afin de se donner la mesure d’un tel événement, commençons par rappeler sommairement la carrure et l’importance du personnage de l’auteur.

    Jean Potocki : l’homme et l’œuvre

    Jean Potocki, né en 1761 en Podolie (actuellement située en Ukraine) où il finit par se suicider en 1815, a été tout à la fois un membre de la plus haute noblesse polonaise, un patriote engagé dans la lutte de son pays contre l’hégémonie russe, un savant orientaliste dressant pour le Tsar (son ex-ennemi) des plans de colonisation du Caucase (et de la Tchétchénie), un grand intellectuel européen parlant d’égal à égal aux derniers Philosophes et aux plus célèbres Idéologues, un chevalier de l’ordre de Malte, un aventurier avide des frissons que procuraient les premières ascensions en aérostats, un historien espérant modéliser les lois d’évolution des civilisations à travers des séries chronologiques, un dessinateur de croquis d’une vivacité admirable, ainsi que l’un des fondateurs de la réflexion ethnologique au cours des voyages incessants qui l’ont entraîné en Egypte comme au Maroc, en Turquie comme en Mongoliei.

    Chemin faisant, cet auteur emporté pendant toute sa jeunesse dans ce qui semblait devoir être un mouvement perpétuel, a laissé un corpus d’œuvres aussi conséquent par son poids et sa valeur que surprenant dans sa diversité corpus intégralement rédigé en français, langue qu’il maîtrisait mieux que le polonais. De ses explorations à travers tout le monde connu (et inconnu), il a ramené de très nombreux journaux de voyages, publiés pour la plupart de son vivant (volumes I et II de la présente édition), qui montrent un esprit étonnamment soucieux de mesurer et de respecter les différences culturelles, de se méfier de ses propres projections et d’utiliser la rencontre de l’Autre pour se mettre à distance des préjugés partagés par sa propre tribu. De sa fréquentation de l’aristocratie européenne la plus huppée de son époque, il ramène une série de pièces de théâtres d’un genre malheureusement oublié (les « parades »), mais à redécouvrir, tant leur langue pseudo-populaire et leur burlesque irrévérencieux sont en phase (très décapante) avec les singeries dont nos hommes politiques (Cassandre démocrate) ou nos intellectuels médiatiques (Cassandre homme de lettres) continuent à alimenter nos petits écrans. De son travail d’historien, dans lequel il plaçait l’essentiel de ses espoirs de gloire posthume, mais qui représente aujourd’hui le pan le moins séduisant et le moins convaincant de son œuvre plurielle, il n’a laissé que des extraits (mis sous formes d’axiomes, de théorèmes et de corollaires (le théâtre, les recherches historiennes et les écrits politiques étant regroupés dans le volume III, tandis que le volume V donne la correspondance, quelques varia et les index).

    L’homme et l’œuvre paraissent donc marqués du sceau d’une même multiplicité éclatée, voire schizophrénique : on enfile la veste du patriote avant de la retourner en serviteur du Tsar ; on invente sur le terrain une sensibilité à la diversité culturelle tout en mettant au point des plans de colonisation ; on mène la vie de magnat (quoique sans le sou, surtout après un divorce douloureux) et on se moque de impostures de l’ordre social ; on essaie des géométriser l’Histoire tout en ridiculisant les prétentions excessives de la mathématisation. Cet infatigable sillonneur de planète est à lui seul un homme-univers, un condensé d’exigences hétérogènes en constant bouillonnement, un homme des Lumières habité à la fois par les espoirs les plus fous de la modernité et par les désillusions les plus ironiques, les plus ludiques et les plus désabusées que l’on croyait propres à notre postmodernité.

    Le Manuscrit trouvé à Saragosse : roman pré-postmoderne

    Ce qui devait réellement assurer sa célébrité posthume ne fut pas ses savantes chronologies historiques, mais un roman-fleuve qu’il a écrit en plusieurs phases de 1797 à sa mort, et qu’il considérait apparemment comme un divertissement léger destiné à amuser son entourage et à chasser les spectres de la dépression qui l’assaillirent dans la retraite forcée et dépitée où il passa les dernières de sa vie. De quoi s’agit-il dans ce romanii ? Des jumeaux naturels que Jean-François Lyotard, Guy Debord et un Ousama Ben Laden converti aux vertus du multiculturalisme auraient pu avoir ensemble en prenant la Statue de la Liberté pour mère porteuse. Cet improbable croisement de filiations ne saute certes pas au yeux à la lecture des dix premières journées, où l’on suit l’effarement d’un narrateur, Alphonse van Worden, qui ne cherchait qu’à traverser par le plus droit chemin la Sierra Morena pour aller de Cadix à Madrid, mais qui se trouve pris dans une souricière hallucinante, l’amenant de façon récurrente à se coucher auprès de deux ravissantes cousines musulmanes pour se réveiller sous un gibet au milieu de deux pendus. Une cinquantaine de journées plus tard, après avoir tourné en rond dans cette chaîne de montagnes à l’écoute de récits allant du Pérou à Jérusalem, et de Cléopâtre à Newton, les enjeux idéologiques de ce roman proprement affolant finissent par s’esquisser plus distinctement.

    Le cadre de l’histoire est en effet fourni par une conspiration islamiste, dirigée par un Scheik des Gomelez caché dans des grottes montagneuses, où se manigance une Révolution dans l’Islam visant à la monarchie universelle. Même s’ils finissent par utiliser quelques explosifs, ces islamistes, qu’on imagine barbus, se servent surtout d’une micro-société du spectacle, qu’ils montent dans le but de capter le sperme d’Alphonse van Worden ainsi que d’un duc Géomètre, Pèdre Velasquez. Sans dévoiler le dénouement de l’intrigue, on peut signaler que la complète réussite de la machination des Gomelez, du point de vue du spectacle mis en scène pour dérouter ses deux victimes, sera sanctionnée par la liquidation (très postmoderne) du projet théologico-politique qui devait l’insérer dans un grand récit historique : au lieu d’une conversion de la planète à l’intégrisme islamique, on n’a plus qu’une association improbable et parfaitement mondialisée de banquiers espagnols et de saltimbanques borgnes, de faux juifs et de prétendus Bohémiens, de Scheiks déprimés, de mousquetaires assagis et de géomètres amoureux.

    Au cours des 61 journées d’errance dans la Sierra Morena dont Alphonse laisse le récit rétrospectif, et à travers le labyrinthe des multiples niveaux narratifs imbriqués (qui vont parfois jusqu’à cinq), tous les genres littéraires de l’époque auront été sollicités pour fournir un fabuleux kaléidoscope des Lumières : roman gothique, récit libertin, dialogue philosophique, métafiction parodique, conte orientalisant, nouvelle édifiante, mais aussi arbre généalogique, table des matières d’encyclopédie, ou problème de mathématique le tout entrelacé d’innombrables jeux intertextuels allant du clin d’œil au pillage.

    Si cette somme romanesque parvient à rester constamment légère et distrayante, tout en participant d’une logique de saturation proprement affolante, c’est qu’elle est dominée par une posture ironiste anticipant de façon frappante le pragmatisme relativiste représenté de nos jours par un philosophe comme Richard Rortyiii. Alors que colloques, expositions, éditoriaux et essais populaires se complaisent aujourd’hui à ressasser les banalités les plus éculées sur « l’esprit des Lumières », le roman de Potocki trace une diagonale (tortueuse) qui prend à rebours les oppositions dominantes entre Lumières et anti-Lumières, moderne et postmoderne, raison et croyance, progressisme engagé et recul auto-parodique. À première vue, la mise en scène de revenants, de succubes, de diable séducteur, d’encyclopédistes suicidaires, d’hyper-rationalistes ridicules et d’idéalistes désillusionnés, tous manipulés par des fanatiques religieux au sein d’un univers tapi dans l’ombre de cavernes et de châteaux hantés tout cela semble participer de la « réaction », gothique et bientôt romantique, contre les espoirs naïfs des Lumières, visant l’avenir radieux d’un monde rendu transparent par la ratio mathématique et par l’intellection scientifique des causes. Comment un grand aristocrate européen aurait-il donc pu assister à la Révolution française et à ses « excès » sans se sentir obligé de dénoncer les fourvoiements des Encyclopédistes (matérialistes, athées), fourvoiements rendus désormais évidents par le comportement de leur descendance jacobine ? Comment ne pas couvrir d’ironie le rationalisme délirant de Lumières pratiquant la Terreur au nom de la liberté ?

    Toute cette dimension potentiellement « furetienne » du roman est pourtant systématiquement minée par une ironie également décapante envers les valeurs sur lesquelles se fondent les anti-Lumières. Le Manuscrit met bien en scène une conversion de l’athée repentant, ou un fils d’encyclopédiste vendant son âme au diable, mais cela s’inscrit au sein d’une machinerie narrative qui invite le lecteur à renverser toute valeur qui se targuerait de renverser les valeurs des Lumières. Ce labyrinthe est fait de sentiers qui bifurquent sans cesse de la dénonciation amusée à l’empathie indulgente. Comme celui de Rorty, l’ironiste potockien n’est jamais un cynique content de se replier sur son intérêt privé, mais un penseur exigent, conscient de la contingence de son vocabulaire final et soucieux de construire un tissu de solidarité active avec ceux qui l’entourent (Potocki parle de « bienfaisance »), par-dessus les différences de valeurs fondamentales qui peuvent les séparer. Comme l’illustre bien la troupe parfaitement hétérogène et totalement improbable de faux Bohémiens (mais de vrais contrebandiers) qui déplacent journellement leur camp au sein de la Sierra Morena, la société de demain devra s’inventer une solidarité ironiste si elle espère pouvoir prospérer et continuer à se raconter des histoires, dans les marges des frontières et dans les vacuoles ouvertes au sein de la loi des États-nations.

    La leçon centrale du Manuscrit, esquissée d’un trait subtil au sein de l’imbroglio narratif, pourrait bien élever à un seuil d’organisation supérieur l’enseignement central des Philosophes : à l’homme-machine de La Mettrie et de Diderot, Potocki surajoute la société-machine. Les Gomelez représentent moins un contenu (l’islam) qu’une forme d’action collective (la machination par le spectacle). Court-circuitant par avance les gesticulations d’un duel médiatique entre Lumières et anti-Lumières, Potocki déplace notre regard pour nous faire observer les feux de la rampe : son ironisme consiste à nous faire sentir tout acte, progressiste ou réactionnaire, comme relevant du geste, tout agent social comme tirant sa force principale de son jeu d’acteur. La société a la forme d’une machina, dont il ne faut attendre la sortie d’aucun deus transcendant, mais que font évoluer les agencements collectifs immanents, dans la mesure où ils savent s’approprier la logique propre du spectacleiv.

    Un Manuscrit introuvable

    Que ce grand roman du spectacle mettent en scène sa propre transmission en se faisant passer pour un « manuscrit trouvé » constitue sans doute le sommet de son ironie anticipatrice. Cette transmission a en effet connu des épisodes aussi romanesques, complexes et labyrinthiques que l’intrigue représentée dans la fiction. Résumons rapidement deux siècles d’errances dans l’histoire souterraine et caverneuse des officines d’imprimeurs et de libraires (figurés dans le roman lui-même par un nommé Moreno, traduction livresque de la Sierra Morena). De larges fragments du roman paraissent du vivant de Potocki, mais à de petits tirages, dont on ne sait souvent pas s’ils sont commandés par l’auteur pour une diffusion confidentielle à des amis ou s’ils constituent des éditions faites sans son accord. À sa mort, toute la fin du récit reste impubliée. Divers écrivains peu scrupuleux du xixe siècle pillent tel ou tel épisode pour en faire une nouvelle publiée sous leur nom. En 1847 paraît une traduction polonaise due à Edmond Chojecki, qui donne pour la première fois la macro-structure de l’œuvre entière. Un siècle plus tard, Roger Caillois exhume ce roman oublié en publiant sous le titre de Manuscrit trouvé à Saragosse une petite partie de l’ensemble, celle dont il est sûr de l’authenticité et il faut regretter que, jusqu’à ce jour, une collection aussi respectable qu’« Imaginaire » de Gallimard continue à entretenir la confusion entre un fragment et le livre entier.

    En 1989, José Corti crée l’événement en faisant paraître une version donnant pour la première fois au lecteur français l’ensemble de la macro-structure narrative : cet ouvrage vieux de deux siècles n’est donc devenu lisible que depuis moins de 20 ans. Cette édition (rééditée ultérieurement en Livre de Poche), qui a véritablement lancé les études potockiennes, faisait toutefois face à un problème éditorial très épineux : l’éditeur René Radrizzani, n’ayant pu mettre la main sur l’intégralité du texte original français, a dû se contenter, pour toute la fin du livre, de retraduire en français la traduction polonaise de Chojecki. Si l’on avait enfin accès à la macro-structure, c’était dans une texture infidèle aux mots de l’auteur. Le Manuscrit n’avait été trouvé à Saragosse que pour être perdu et introuvable deux siècles plus tard.

    La principale nouveauté de l’édition des Œuvres publiées chez Peeters par François Rosset et Dominique Triaire est de nous donner finalement accès aux mots que Potocki a vraiment écrits. Il n’y a donc que depuis quelques mois que le Manuscrit est restitué dans son état originel, et nous sommes les premiers lecteurs, après deux siècles de mutilations, à pouvoir lire ce chef d’œuvre tel que l’a rédigé Potocki. Mais, rien ne pouvant être platement univoque au sein d’un tel labyrinthe, cette découverte tardive ne satisfait notre attente d’authenticité autoriale que pour faire rebondir notre frustration herméneutique en posant un dilemme éditorial insoluble. Le Manuscrit trouvé à Saragosse s’est révélé être un manuscrit introuvable parce que ce Manuscrit-là n’existe pas ! Au lieu de trouver le Manuscrit dans sa langue originale, les éditeurs ont en fait découvert deux Manuscrits, de formes sensiblement différentes. Le premier, qui date de 1804, donne un texte continu des 45 premières journées, mais s’arrête brutalement au milieu d’un épisode inachevé ; le second, daté de 1810, donne pour sa part la macro-structure dans son ensemble, au sein d’un ensemble formé de 61 journées. Indépendamment du fait que l’une est achevée, mais l’autre pas, les deux versions différent sensiblement entre elles. Certains épisodes particulièrement riches et centraux pour la signification d’ensemble du roman ont été supprimés dans la version « complète » mais néanmoins « abrégée » de 1810 : en particulier les dizaines de pages consacrées au personnage du Juif errant (et à travers lui à des considérations sur la religion naturelle, sur la spéculation financière, sur la réécriture d’épisodes bibliques) se sont trouvé éliminées de cette version « finale ». Le principe de répartition des intrigues en journées diverge considérablement : 1804 est fondé sur les interruptions de récit (comme Jacques le fataliste) et mène en parallèle diverses narrations superposées, alors que 1810 tend à regrouper les masses narratives en blocs plus compacts. La tonalité d’écriture varie aussi d’une version à l’autre : 1804 est plus enjoué, exubérant, audacieux, irrévérencieux, alors que 1810 est moins libre, plus retenu, et globalement plus sombre.

    Faisant face à deux romans aussi différents, les éditeurs ont pris la sage décision de les publier tous les deux intégralement en deux volumes séparés (VI.1 pour la version complète de 1810 ; VI.2 pour celle, incomplète, mais littérairement plus virtuose, de 1804). Ils ont même poussé le scrupule jusqu’à ajouter un cdrom contenant les textes des différents manuscrits consultés pour composer leur édition (ainsi que des dessins de Potocki et d’autres documents divers). On ne peut que les en remercier — mais on ne peut pas non plus s’empêcher de pester contre ce mauvais coup du sort que nous fait Potocki en nous léguant deux romans au lieu d’un seul.

    Quand c’est l’éditeur qui invente le texte

    Loin de résoudre les problèmes éditoriaux, le travail assidu et apparemment définitif de François Rosset et Dominique Triaire ne fait que relancer ces problèmes. Il apparaît en effet que le roman édité dans le(s) volume(s) IV des Œuvres de Potocki n’existe pas ! Il n’existe pas comme un roman, mais comme une alternative entre deux romans. La question de savoir comment faire lire le Manuscrit (par exemple lorsque Potocki sera mis à l’agrégation de Lettres, ce qui ne saurait tarder sans faire honte à cette institution) semble en effet insoluble : chacune des deux versions n’apparaît que comme une mutilation de l’autre (par incomplétude structurelle ou par standardisation narrative et stylistique). Peu de lecteurs ayant le temps ou l’envie de lire deux versions d’un même roman pour en comparer stéréophoniquement les mérites respectifs, il faudra bien choisir de conseiller à nos amis, à nos étudiants, à nos lecteurs d’acheter tel ou tel volume. Il va de soi qu’il vaudra mieux lire le texte de Potocki tel qu’il l’a écrit lui-même (plutôt que tel que Radrizzani l’a retraduit à partir de la traduction de Chojecki) — et, en ce sens, il va également de soi que ce sera désormais l’édition Rosset-Triaire qui méritera de servir de référence aux études potockiennes.

    Reste que le cas particulier du Manuscrit à Saragosse permet d’entrevoir un problème éditorial et, plus largement, herméneutique qui dépasse de loin la nature double du roman imaginé par Potocki. Depuis l’époque romantique, que l’aristocrate polonais a précédée de quelques années, nous tenons pour évident qu’une œuvre doit avoir un auteur, ainsi qu’une essence, supposée être intemporelle. Le Manuscrit nous invite à une autre approche de l’œuvre littéraire : pourquoi ne pas estimer que Chojecki mérite d’être le co-auteur du Manuscrit aux côtés de Potocki ? À moins qu’on l’imagine avoir eu en mains une troisième version originale du Manuscrit intégrant le meilleur des deux versions de 1804 (pour les 45 premières journées) et de 1810 (pour les dernières journées), son travail a consisté précisément à suturer ces deux versions, à les réagencer localement, voire à rédiger lui-même certaines transitions pour assurer leur continuité. Relevons qu’il a fait ce travail avec un talent certain, qui ne trahit nullement la richesse du roman, mais qui au contraire permet d’en rassembler les aspects les plus admirables en un tout qui se trouve certes artificiellement (re)constitué, mais qui a l’avantage non négligeable d’être lisible comme un roman. Ne conviendrait-il pas dès lors de nous débarrasser de nos préjugés romantiques, et de considérer que la meilleure version du Manuscrit n’a jamais été écrite comme telle par Potocki, mais ne peut être actualisée que par une collaboration entre l’auteur, son traducteur polonais (recadreur de la macro-structure) et son éditeur français, qui devrait alors se fixer pour tâche de remplir avec le texte original de Potocki le cadre macro-structurel reconfiguré par Chojecki (quitte à garder quelques transitions traduites du polonais, dûment signalées comme telles) ?

    À y regarder d’un peu plus près, on verra facilement qu’une telle intervention de l’éditeur moderne — ici problématiquement évidente — est en fait plus ou moins présente dans le mode d’existence actuel de la plupart des textes littéraires que nous lisons. Tous les éditeurs modernes dignes de ce nom se demandent quelle est la « meilleure version » de l’ouvrage sur lequel ils travaillent : à chaque fois, c’est au nom d’une certaine idée qu’ils se font du texte qu’ils choisissent de s’en tenir à la première ou à la dernière version publiée, qu’ils ajoutent ou restituent tel chapitre postérieur ou supprimé, qu’ils signalent telle variante ou telle allusion de telle note savante. Tout texte d’auteur classique est un texte réinventé par un éditeur moderne.

    Au préjugé d’un auteur individualisé, responsable d’un acte créatif originel isolé dans une époque du passé, se substituerait la conception d’un processus créatif transindividuel, constamment redynamisé par les actes de lecture, d’interprétation et d’édition dont le texte fait l’objet. La « vie » d’une œuvre littéraire ne serait pas quelque chose qu’un auteur donnerait au monde, une fois pour toutes, en émettant une séquence de phrases, mais résulterait d’une interlocution toujours ouverte, à laquelle contribueraient de façon cruciale tous ceux qui, après coup, investissent dans cette séquence de phrases une partie de leur temps et de leur énergie, pour en actualiser non seulement le sens, mais également la forme et l’existence même. Merci donc à François Rosset et à Dominique Triaire d’avoir réinventé Potocki sous des traits aussi chatoyants — et d’avoir, plus que quiconque encore, contribué à donner existence à ce Manuscrit qui semble devoir rester, comme tout texte littéraire, éternellement à trouver.

    Publié sur Acta le 15 janvier 2008
    Notes :
    i La vie de Potocki, aussi mouvementée que son roman, et tissant avec lui un entrelacs fascinant d’allusions auto-ironiques, a été reconstituée par les mêmes François Rosset et Dominique Triaire dans Jean Potocki, Biographie, Paris, Flammarion, 2004.
    ii Une belle collection d’articles, comprenant une bibliographie critique quasi exhaustive pour les études potockiennes parues avant l’an 2000, a été publiée par les mêmes François Rosset et Dominique Triaire, De Varsovie à Saragosse : Jean Potocki et son oeuvre, Louvain et Paris, 2000. Parmi les publications ultérieures, il faut mentionner une collection indispensable d’articles centrés sur le seul Manuscrit, publiée par Jan Herman, Le Manuscrit trouvé à Saragosse et ses intertextes, Louvain, Peeters, 2001, le n° spécial Potocki de la revue Europe (863) paru en mars 2001, et l’ouvrage tout récent de Luc Fraisse, Potocki ou l’imaginaire de la création, Presses universitaires de la Sorbonne, 2006.
    iii Voir en particulier Richard Rorty, Contingence, ironie, solidarité, (1989), Paris, Armand Colin, 1993.
    iv Pour un développement de cette approche du Manuscrit, je me permets de renvoyer à mes articles « L’imprimerie des Lumières : filiations de philosophes dans le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki », à paraître dans Pierre Hartman (éd.), Les Images du Philosophe dans les romans du xviiie siècle, Presses de l’université de Strasbourg, 2007 et « Potocki and the Spectre of the Postmodern », Comparative Criticism, 24, 2002.
  • Catégories : Blog

    Un couple, 3 blogs et un site

    Celui-ci est le premier et les 2 autres, des blogs CV pour mon mari et moi qui cherchons tous les deux du travail.

    Ces 3 blogs sont complémentaires puisque ce qui intéresse mon mari m'intéresse et vice-versa.

    De plus, mon blog CV  me permet de faire un classement, une sorte de menu que je ne peux pas faire ici, comme mon site d'ailleurs.

    http://didiercoytte.votrecv.com/

    http://lauravanelcoytte.votrecv.com/

    http://www.e-monsite.com/lauravanelcoytte/

    Il y a aussi mes blogs "les poètes" et "Deviant art", des espaces ici et là que je n'ai pas beaucoup le temps de visiter.

    Enfin, il y a mes espaces de vente de mes livres sur The book edition où on peut aussi faire des commentaires.

    Tous ces espaces sont en lien à droite de ce blog.

  • Catégories : Mes poèmes

    Paupière

    6d5ab5ad58b2929ba9e90073280d84bd.jpgPaupière, paupière
    Dis-moi quel rêve tu abrites
    Ou si cauchemar te hante ?
    Paupière, paupière
    Caches-tu un regard de braise
    Des jours de fatigue
    Ou des nuits de caresse ?
    Des mois de déprime
    Ou des semaines de réussite ?
    Paupière, paupière
    Dévoile l’abîme
    Du voyage nocturne.

    Pour lire d'autres poèmes, cf. mes 2 recueils en vente sur The book:

     

    http://www.thebookedition.com/paysages-amoureux-et-erotiques-jacques-coytte-p-143.html

    http://www.thebookedition.com/paysages-jacques-coytte-p-866.html
  • Catégories : La littérature

    Le jour des livres

    N

    ous sommes fin janvier, autant dire au plein coeur de la rentrée littéraire hivernale — rappelons les chiffres : quelque 550 romans, français et étrangers, parus ou à paraître en l'espace de six ou sept semaines —, mais parmi les ouvrages dont on parle et qui se vendent, celui qui se détache avec le plus d'évidence n'est en rien romanesque : il s'agit du Journal d'Hélène Berr (éd. Taillandier). Un livre capital, qui témoigne de ce que furent la France occupée et la persécution de la communauté juive, qui fait entendre une voix exceptionnelle de lucidité, de dignité, d'intelligence. Celle d'Hélène Berr, jeune femme d'une admirable sensibilité, qui, pour témoigner de ce qu'elle vivait, commença au début de l'année 1942 à tenir ce journal, interrompu deux ans plus tard lorsqu'elle fut déportée. Il est difficile de le lire sans penser à celui d'Anne Frank. Mais plus encore aux écrits, moins connus mais tout aussi importants, d'Etty Hillesum : Une vie bouleversée (éd. Seuil). Ce qui rapproche Hélène Berr, la Française, et Etty Hillesum, la Néerlandaise, mortes toutes deux à Auschwitz, c'est tout ensemble une exigence morale peu commune, et une gravité bouleversante, la prescience qu'elles ont toutes deux de la tragédie en cours et du fait qu'elles en seront les victimes. ◆ Na.C.

    Source:Télérama.fr

  • Catégories : Sport

    Lyon se fait peur à Saint-Etienne

    83cfc05e860f830bc56dd64cc9e1c00d.jpgVincent Duchesne (Sport 24)
    27/01/2008 | Mise à jour : 23:22

    Hatem Ben Arfa de Lyon dispute la balle à Efstathios Tavlaridis de l'ASSE. (AP)

    Grâce à un magnifique coup de patte de Benzema dans les arrêts de jeu, Lyon a arraché un point sur la pelouse de Geoffroy-Guichard (1-1). L'ASSE peut avoir quelques regrets.

    Quoi de mieux que le bouillant derby face à Saint-Etienne pour relancer pleinement une machine quelque peu rouillée ? Rassuré sur son jeu et sa capacité de réaction mercredi contre Lorient (2-0) après deux défaites de rang, l'OL rendait visite à son meilleur ennemi ce dimanche… en position de force, Bordeaux ayant chuté à Lorient (1-0) ! Face à des Verts glissant vers la zone rouge mais intraitables dans le Chaudron, le sextuple champion de France pouvait reprendre ses aises au classement.

    La boulette de Coupet

    Restait à dompter les Stéphanois mais surtout une pelouse en partie gelée. Cela offrait un début de match haché avec deux équipes ayant les pires difficultés à produire du jeu en raison d'appuis incertains. Govou jouait alors les équilibristes avec un coup du sombrero sur Nivaldo dans la surface, stoppé par Tavlaridis en catastrophe (3e). Profitant de grosses erreurs d'inattention des locaux, l'OL se montrait le plus tranchant mais Squillaci, surpris, manquait sa tête au deuxième poteau (20e) avant que Ben Arfa ne voie sa reprise croisée repoussée par le pied de Viviani (21e). La réponse ne tardait pas avec un joli coup de boule de Gomis dans le petit filet de Coupet. Un but malheureusement refusé pour une position de hors-jeu (22e). Malgré une belle intensité, le match tardait à se lancer avec deux équipes perdant trop vite le ballon. Les Verts tentaient bien de mettre du rythme et beaucoup de détermination dans les transmissions, rien n'y faisait. D'autant que la réussite n'était pas avec eux, Squillaci déviant le ballon sur son propre poteau sur un coup franc de Dernis (37e) avant que Coupet ne détourne le cuir sur son montant à la suite d'un nouveau coup de patte de l'ancien Lillois (40e). Un arrêt splendide gâché quelques minutes plus tard par une incroyable boulette et une relance en dilettante sur la tête de Gomis qui avait le réflexe qu'il fallait pour ouvrir le score juste avant la pause (1-0, 45e+2).

    Benzema joue les sauveurs

    Bousculé et en manque cruel d'agressivité, un peu à l'image de son dernier déplacement à Lens, l'OL se devait de rendre une toute autre copie. Hormis une énorme opportunité pour Ben Arfa qui tergiversait trop face à Viviani (52e), cela n'en prenait pas vraiment la direction En face, l'ASSE était sur un nuage. Ilan, du bout du pied, obligeait Coupet à intervenir (56e) tandis que Gomis réalisait un retourné acrobatique osé mais raté (59e). Le moment choisi par Perrin de modifier son équipe avec l'entrée de Fred à la place de Crosas. Une réorganisation tactique qui déstabilisait complètement les Verts, quelque peu empruntés physiquement. L'OL combinait mieux, gagnait enfin des duels. Mais ne scorait toujours pas. Benzema se déchirait sur un caviar de Ben Arfa (63e), Fred n'attrapait pas le cadre sur un enchaînement contrôle du droit-frappe du gauche dans la surface (66e) alors que la reprise de Grosso terminait sa course dans le petit filet extérieur (74e). Lyon poussait, prenait tous les risques avec notamment Squillaci en position d'avant-centre. Sans parvenir à ses fins… jusqu'à la 92e minute et ce chef d'œuvre de Benzema sur coup franc à 25 mètres qui laissait sur place le portier stéphanois (1-1, 90e+2). L'ASSE devra encore patienter avant de décrocher un derby.

    Résultats de la 23e journée :

    Samedi

    Lille - Paris SG 0-0

    Metz - Rennes 1-1

    Le Mans - Monaco 1-0

    Toulouse - Nice 1-1

    Sochaux - Valenciennes 1-0

    Lens - Strasbourg 2-2

    Marseille - Caen 6-1

    Auxerre - Nancy 0-0

    Dimanche

    Lorient - Bordeaux 1-0

    Saint-Etienne - Lyon 1-1

    http://www.lefigaro.fr/sport/2008/01/27/02001-20080127ARTFIG00203-lyon-se-fait-peur-a-saint-etienne.php

  • Catégories : La littérature

    1857. Bon millésime

    Jean-François Richer

    1857. Un état de l’imaginaire littéraire, revue Études françaises, numéro préparé par Geneviève Sicotte, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, vol. 43, no 2, 2007, 162 p.

    L’idée est accrocheuse et engage d’emblée le lecteur : parce que 1857 est « sans conteste un étonnant millésime » (p. 6) au cours duquel « s’exposent les grandes tensions qui structurent le champ littéraire au long du XIXe siècle » (p. 9), les articles réunis par Geneviève Sicotte se proposent de « faire l’exploration de l’imaginaire [que l’année 1857] met en jeu » (p. 7). Séduit par ce programme, le lecteur part de bon gré à la recherche de « cette entité organique de 1857 » (p. 8), il veut qu’on dirige son attention vers « le système générique, les esthétiques, la carrière des auteurs, les formes » (p. 8) et il se tarde de voir « émerger de ces analyses, en mosaïque, le tableau partiel, mais plausible de l’imaginaire littéraire de l’époque » (p. 8). Disons-le de suite : le lecteur, à l’arrivée, ne sera pas déçu, et cela malgré quelques petits écueils qui le feront d’abord voguer de Charybde en Scylla.

    C’est avec précaution qu’il devra ainsi naviguer, dans les premières pages, entre certains postulats de la « Présentations » (pp. 5-12) où s’entrechoquent des propositions qui apparaissent contradictoires ; lorsqu’il s’agit de saisir les discours sociaux d’une époque, on nous rappelle, par exemple, que « la simultanéité n’engendre pas nécessairement du sens » (p. 7) ; le paragraphe suivant dit pourtant, et sans détour, que « la coexistence génère du sens » (p. 8). Or comment la « simultanéité » diffère-t-elle de la « coexistence » ?

    Est-il juste, aussi, d’affirmer que la mort de Victor Hugo en 1885, ou encore celle d’Émile Zola en 1902, sont des « moments où, indépendamment de toute autre considération, le littéraire fait date » (p. 6) ? Sont-ce là des exemples purs de cette « hétéronomie des scansions politiques et littéraires » (p. 6) qui « s’accentue tout au long du siècle » (p. 6) ? Le décès d’un des plus célèbres pairs de France, le député à l’Assemblée législative qui fit le coup de feu sur les barricades de la rue Saint-Louis en juin 48, et celui de l’auteur de « J’accuse » ne furent-ils pas, au moins en partie, des événements proprement politiques ? Les cendres de ces deux « grands hommes » (dont la grandeur, justement, provient du fait qu’ils ont transcendé le littéraire pour toucher au politique) n’ont-elles pas été rapidement panthéonisées par « la patrie reconnaissante » ? La mort d’Honoré de Balzac le 18 août 1850 eut peut-être fourni, à cet égard, un meilleur exemple. À la page 19 de la revue, Stéphane Vachon rappelle justement à quel point la disparition de l’auteur de La Comédie humaine « fut pour la littérature une date, un événement » (p. 19)1.

    La « Présentation » (p. 5-12) décrit également 1857 comme étant, entre autre, « l’année du manifeste sur le réalisme de Champfleury » (p. 7). S’il est vrai que Champfleury fit paraître chez Michel Lévy un ouvrage intitulé Le Réalisme, est-il exact de qualifier cette publication de « manifeste » (et l’expression est reprise au verso de la revue et encore une fois à la page 10 où l’ouvrage de Champfleury est désigné cette fois comme un « recueil-manifeste ») ? Le Réalisme fut-il vraiment un « exposé théorique lançant un mouvement littéraire », selon une des définitions classiques de ce substantif, attestée dès 1828, et donnée par Le Petit Robert de la langue française dans son édition 2007 ? À notre connaissance, le mot « manifeste » ne figure pas dans Le Réalisme et Champfleury lui-même invite son lecteur à ne pas voir son volume comme « une bible, une charte, un codex »2 sur le réalisme. Plutôt que sous sa propre plume, c’est sous celle de Gustave Courbet que Champfleury a reconnu, en juin 55, les formes d’un « manifeste réaliste » ; décrivant à « Madame Sand » le scandale que cause dans tout Paris l’exposition que Courbet inaugure, au rond-point de l’Alma, avenue Montaigne, le 28 juin 1855 et le catalogue que Courbet avait assemblé pour l’occasion, vendu 10 centimes pièce, et qui comportait un avant-propos intitulé « Le Réalisme », l’auteur de Chien-Caillou s’extasie du fait que « non content de faire bâtir un atelier, d’y accrocher des toiles, le peintre a lancé un manifeste »3; plus loin, Champfleury donne même quelques-uns des « mots excellents » que Courbet a mis « dans son manifeste »4. Et s’il fallait chercher un manifeste réaliste, n’est-ce pas chez Edmond Duranty que nous le trouverions? Qu’on se rappelle simplement le ton revendicateur avec lequel il expose les dictats de l’esthétique réaliste, en décembre 1856 par exemple, dans le second numéro du Réalisme, une revue qu’il avait lui-même fondée et qui ne verra que six parutions entre juillet 56 et mai 57 ; Duranty rappelle à ses lecteurs : « Que le Réalisme proscrivait l’historique dans la peinture, dans la peinture et dans le théâtre afin qu’il ne s’y trouvât aucun mensonge, et que l’artiste ne pût pas emprunter son intelligence aux autres. Que le Réalisme ne voulait des artistes que l’étude de leur époque. Que dans cette étude de leur époque il leur demandait de ne rien déformer, mais de conserver à chaque chose son exacte proportion. »5 Le ton, on l’entend, est doctrinaire.

    Enfin, Le Réalisme de Champfleury pose une autre question quant à la pertinence de son invocation répétée dans les pages de cette réflexion consacrée à l’année 1857 : que reste-t-il, justement, de l’année 1857 dans cet ouvrage où l’auteur dit avoir « imprimé ce que j’ai pensé à diverses époques »6 ? De fait, le premier article intitulé « L’aventurier Challes » est daté de mai 1854, et la « Lettre à M. Ampère touchant la poésie populaire » est d’octobre 1853 ; le texte intitulé « Est-il bon ? Est-il méchant ? Lettre à Monsieur le Ministre d’État » date du 1er décembre 1856, et l’article sur « La littérature en Suisse » date, lui, du mois d’août 1853 ; enfin, l’avant-dernier texte du recueil, « Sur Monsieur Courbet. Lettre à Madame Sand », est de septembre 1855 (et avait d’ailleurs déjà paru dans l’édition du 2 septembre 1855 de L’Artiste, 5e série, Tome XVI, 1ère livraison, pp. 1-5.) tandis que le texte final, « Une vieille maîtresse. Lettre à M. Louis Veuillot » est de novembre 1856. L’approche synchronique, quoique fructueuse comme on le verra, n’est pas sans poser quelques problèmes de méthode7.

    Le voyage en 1857 continue ensuite de fort belle manière avec l’article de Stéphane Vachon dont on peut regretter, toutefois, le titre un peu trop neutre, trop générique, « Balzac entre 1856 et 1857 » (p.13-29), un intitulé qui n’annonce pas suffisamment la thèse originale développée dans ce texte. Après cinq pages d’éphémérides, des pages vivantes où l’auteur présente, en accéléré, le film de ceux qui meurent, qui naissent, qui vivent, qui se marient, qui votent ou qui sont poursuivis en justice cette année-là, Stéphane Vachon, informe le lecteur qu’il ne s’interdira pas de déborder l’année 1857 « sur chacune de ses franges » (p. 19) et que celle-ci « constitue un moment essentiel dans l’histoire de la critique balzacienne » (p. 19) car y « foisonnent [d]es études inédites sur Balzac » (p. 20). Une retiendra particulièrement son attention : « rien d’autre, en février 1858, que la grande étude de Taine sur Balzac » (p. 26). Analysant cette étude, Stéphane Vachon montre, bousculant plusieurs idées reçues, que ce qui est en jeu dans le champ discursif littéraire de l’époque, ce ne sont pas tant les célèbres querelles entre les réalistes et les romantiques car, « hormis Pinard, Champfleury et Montalembert, personne ne sait ce qu’est le réalisme, personne n’y croit, personne n’en veut » (p. 26), mais rien de moins que « le passage du romantisme au naturalisme » (p. 26). Taine, explique Stéphane Vachon, en « naturalis[ant] Balzac » (p. 26), en reprenant, avec lui, et à son compte, la notion de « milieu » tout en s’efforçant de « saisir Balzac dans toutes ses dimensions et dans sa complexité » (p. 27), aurait créé un quelque chose comme un modèle de production littéraire, une nouvelle façon « d’expliquer les œuvres par les faits historiques et physiologiques » (p. 28), une matrice esthétique qui aura sur le jeune Zola qui, on le sait, rencontrera Taine chez Hachette, « une importance déterminante » (p. 28). Et l’auteur de conclure que cette transmission de savoirs entre Balzac et Zola, médiatisée par Taine, ce télescopage dialogique, Zola lisant Taine lisant Balzac, « invite à penser directement, autour de 1857, le […] passage […] d’une poétique de la réalité à une autre » (p. 29). On verrait bien cet article figurer, comme un contrepoint essentiel, dans plusieurs manuels d’histoire littéraire.

    Dans un article intitulé « Le Réalisme de Champfleury ou la distinction des œuvres » (p. 31-43), Isabelle Daunais explique que l’auteur des Bourgeois de Molinchart, cherchant à définir « la singularité des œuvres du réalisme » (p. 33), s’est trouvé rapidement confronté à une question fondamentale : « comment discerner ce qui est une œuvre d’art de ce qui ne l’est pas ? » (p. 33) Plus encore, Isabelle Daunais s’attache à comparer les réponses avancées par Champfleury à celles proposées à la même époque par son illustre contemporain, Gustave Flaubert, qui lui aussi tentait alors de « comprendre ce que devient l’art lorsque l’artiste ne peut plus se justifier d’aucun lien avec son objet, sinon celui de la stricte observation » (p. 39). Isabelle Daunais explique que les arguments que Champfleury emploie pour identifier les tenants et les aboutissants de l’esthétique réaliste, dessinant une « vision idyllique de l’artiste » (p. 36), révèlent, au fond, son refus net de croire que l’art puisse côtoyer de si près ce qui n’est pas de l’art, « cette possibilité ouverte par le monde nouveau qu’est la dérision » (p. 40) ; en cela, Champfleury s’oppose diamétralement à Flaubert qui, « on le sait, fait de la ténuité de cette frontière l’un des paris de l’art » (p. 41), gageant d’abord que « la force du style sauvera son œuvre de l’insignifiance » (p. 41). Quoi que dise le titre de cette seconde contribution, c’est bien de la fulgurante nouveauté du réalisme flaubertien dont il est ici vraiment question ; écoutons la belle finale de cet article : « Pour l’auteur du Réalisme, 1857 ne pouvait être qu’une fin, pour celui de Madame Bovary, c’était un commencement » (p. 43).

    Dans la troisième contribution, intitulée « Flaubert et la question des genres » (p. 45-58), Geneviève Sicotte montre habilement comment Flaubert a mis « systématiquement en cause les paramètres génériques de son temps » (p. 46). Si « 1857 est véritablement l’année de Madame Bovary » (p. 48), il ne faut oublier, nous dit l’auteur, que Flaubert a aussi cette, même année « un autre fer au feu » (p. 48), soit la deuxième version de La Tentation de Saint-Antoine dont des extraits seront publiés dans L’Artiste. Le fait que deux textes aussi différents « adviennent à l’existence de manière simultanée […] confère à la production de Flaubert en cette année 1857 une singulière complexité » (p.49). Avec la publication de Madame Bovary, qui place — et magistralement ­­—, dans le champ littéraire de l’époque le genre romanesque « là où on l’attend[ait] pas » (p. 51), et celle de La Tentation de Saint-Antoine, ce texte à la « forme bâtarde » (p. 53), « hybride entre le roman et le théâtre » (p. 54), Flaubert conquiert le champ littéraire non pas en produisant de grands textes dans les formes hautement légitimées en 1857 (et l’auteur avance l’exemple du roman historique ou du roman feuilleton, p. 52, ceux, aussi, du vaudeville et du mélodrame, p. 54), mais en investissant des zones marginales du champ de production, soit les avant-gardes, « plus souples et dynamiques » (p. 56). Grâce à ce « repositionnement des genres » (p. 56), Flaubert parvient à la gloire littéraire comme « par le bas » (p. 56), en entrant par « la petite porte » (p. 56).

    Dans « Le Journal des Goncourt en 1857 : le règne paradoxal de la Bohème » (p. 59-72), Anthony Glinoer demande aux frères Goncourt une « contre-expertise » (p. 63) aux analyses du phénomène socio-littéraire de la bohème faites « a posteriori » (p. 63) comme le dit l’auteur lui-même par Pierre Bourdieu d’abord dans Les règles de l’art, puis par Nathalie Heinich dans L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique. L’auteur montre que les Goncourt ont proprement fustigé la bohème, qu’ils associent à une « gigantesque maison close » (p. 66) produisant une « littérature qui ne se montre pas digne d’elle-même » (p. 67). Les Goncourt répondront sur le plan littéraire à ce phénomène par « une pièce à faire, Les Hommes de lettres » (p. 68) et par la mise en place d’une « contre-sociabilité » (p. 69) ; ils « investissent le Café Riche » (p. 69) et forment un « cénacle » (p. 69), autant de geste, explique Anthony Glinoer, pour « élever ce que les Goncourt nomment le “capital littérateur” » (p. 67). La bohème forme donc le « camp adverse » (p. 70) et en cela, elle n’est pas « comme le déduisait Bourdieu, une matrice, mais un obstacle, ou encore un repoussoir pour les hommes de lettres » (p. 70). L’analyse des représentations de la bohème dans le Journal des Goncourt amène l’auteur à conclure que celle-ci est « l’objet d’une pluralité de discours » (p. 71) qui luttent pour « l’imposition d’une définition légitime » (p. 71) s’écartant en cela des analyses de Nathalie Heinich qui « font valoir que les représentations de la bohème […] sont multiples et que cette multiplicité est productive » (p. 71).  

    Jean-Pierre Bertrand, dans « La Poétique du fil : Odes funambulesques de Théodore de Banville » (p. 73-83), veut souligner la contribution de Banville à l’histoire de la poésie en cette année 1857. À cet égard, le mérite des Odes funambulesques, et celui de sa « préface-manifeste » (p. 77), fut de « transposer les techniques de la caricature dans le langage poétique » (p. 77) ce qui aura pour effet de « mettre en place un dispositif de pur langage qui conjure toute compromission avec le réel » (p. 77). Plus encore, Jean-Pierre Bertrand affirme que Banville, dans ce recueil, « invente la poésie jetable » (p. 83), une poésie moderne en ce qu’elle fait de sa situation de crise — son « nécessaire caractère éphémère » (p. 83) —, le matériau même qui la constitue. Banville touche donc ici à Flaubert, qui lui aussi approcha une forme littéraire, le roman, comme une chose qui n’allait pas de soi. Et c’est dans ces croisements inattendus que se révèle toute la qualité de ce numéro d’Études françaises qui invite à penser ensemble Banville, Flaubert, Taine, Champfleury, Zola et Balzac, à les prendre à la même époque — on a envie de dire au même coin de rue —, pour mieux entendre ce qu’il y avait de profondément harmonique dans leurs paroles imprimées.

    Dans un article intitulé « Traduction négative et traduction littérale : les traducteurs de Poe en 1857 » (p. 85-98), Benoît Léger rappelle d’abord que Baudelaire ne fut pas le « seul agent de diffusion de Poe en France » (p. 89) puisqu’avant que ne paraissent les Histoires extraordinaires, on recense « au moins dix-sept traductions » (p. 90) différentes des contes du grand écrivain américain. Benoît Léger se propose ensuite de confronter les « premières lignes de […] trois nouvelles traduites à la fois par Hughes et Baudelaire » (p. 91). L’exercice, fort intéressant, révèlera que Hughes « s’inscrit dans une tradition classique de rationalisation, d’étoffement et de paraphrase » (p. 96) qui édulcore les textes de Poe tandis que les traductions de Baudelaire, plus « littéralistes » (p. 97) agissent davantage comme des « révélateur[s] » (p. 98) capables de transmettre au lecteur la « nature profonde » (p. 98) de ces Histoires extraordinaires.

    Un article signé Micheline Cambron et intitulé « Pédagogie et mondanité. Autour d’une dictée… » (p. 99-110), clôt la partie thématique de la revue. L’objet du texte de Micheline Cambron est la célèbre dictée que Prosper Mérimée composa et fit passer à la cour, en 1857, suivant, selon la légende, une commande de l’impératrice (qui aurait d’ailleurs « fait 62 fautes et Napoléon III, 75 », p. 99). L’argumentation se développe en trois temps : le premier propose une rapide histoire de la dictée en France et cherche particulièrement à replacer cet exercice dans le contexte de la « pédagogie naissante » (p. 102) de l’époque. Le second mouvement du texte déplace l’analyse du côté du discours social québécois ; le corpus analysé est le millésime 1857 du Journal de l’Instruction publique. En substance on apprend que le « discours sur l’école » (p. 106) a une puissante « force d’attraction […] qui entraîne dans son mouvement quantité d’autres types de discours » (p. 106) et que, en somme, tout le discours social peut potentiellement devenir « une machine à instruire » (p. 106). Le lecteur appréciera particulièrement la troisième partie de cet article. Dans un commentaire composé finement mené, l’auteure analyse ligne par ligne la dictée de Mérimée. L’analyse révèle tout le savoir historique, géographique, sociologique et littéraire à l’œuvre dans les trois paragraphes de Mérimée ; au-delà des questions d’orthographe et d’épellation, ce texte parle surtout « de pouvoir — celui de l’église l’emporte sur les valeurs bourgeoises » (p. 110), et « d’argent » (p. 110). Non, une dictée n’est jamais sociologiquement neutre.

    Il y aurait encore tant de points de l’année 1857 à explorer, se dit-on, au sortir de cet ouvrage (le discours philosophique, le théâtre, la presse, notamment) ; on voudrait aussi explorer davantage un des conflits majeurs qui traversent le champ littéraire de cette année-là et qu’on entend gronder en arrière-plan dans la plupart des articles rassemblés ici par Geneviève Sicotte : la lutte pour la légitimité littéraire qui oppose le vers à la prose ; entre Flaubert qui prépare Madame Bovary en jurant contre cette « chienne de chose que la prose » et à laquelle il veut donner « la consistance du vers »8, Champfleury qui défend le « prosaïsme » mais étudie aussi « la poésie populaire », et Baudelaire qui travaillait, dès 55, à des textes qu’il joindra plus tard à ses Petits poèmes en prose, cette opposition est structurante dans le discours de l’époque. Aussi le lecteur appellera de ses vœux une suite prochaine à ce très bon numéro d’Études françaises (un second numéro ? un colloque ?).

    En plus de la partie thématique consacrée à l’année 1857, le lecteur trouvera deux autres articles dans une section intitulée « Exercices de lecture ».

    Le premier, signé par Frédérique Arroyas, intitulé « Les Variations Goldberg de Nancy Huston ou la désacralisation de l’œuvre musicale » (p. 113-135), veut montrer comment ce roman polyphonique de Nancy Huston récuse de part en part « une conception de la musique comme art sublime et désincarné » (p. 135). C’est avec tout le corps que s’écoute la musique de Jean-Sébastien Bach.

    Le second texte, signé par Antoine P. Boisclair et intitulé « Présence et absence du portrait à l’École littéraire de Montréal. Les exemples de Charles Gill et d’Émile Nelligan » (p. 137-151), s’attachent à montrer « qu’en s’intéressant à peinture, Gill et Nelligan [ont ouvert] la voie au poème-paysage » (p. 150), et ont favorisé la venue, dans les beaux-arts québécois de « l’esprit de composition propre aux poétiques du paysage » (p. 150).

    Publié sur Acta le 21 janvier 2008
    Notes :
    1 Stéphane Vachon développe plus à fond cette idée que « la mort d’Honoré de Balzac fut, pour la littérature autant que pour son histoire, un événement, une date » dans un ouvrage publié récemment et intitulé 1850. Tombeau d’Honoré de Balzac (Montréal, collection « documents », XYZ Éditeurs, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2007) ;  la citation précédente est à la page 14.
    2 CHAMPFLEURY : Le Réalisme, Michel Lévy Frères, Libraires-Éditeurs, Paris, 1857, p. 21.
    3 CHAMPFLEURY : L’Artiste, 5e série, Tome XVI, 1ère livraison, 2 septembre 1855, p. 1.
    4 Ibid., p. 2.
    5 DURANTY, Edmond : Le Réalisme, Paris, vol. I, no 2, décembre 1856, cité par Pierre Chartier, Introduction aux grandes théories du roman, Bordas, 1990, pp. 94-95.
    6 CHAMPFLEURY : Le Réalisme, Michel Lévy Frères, Libraires-Éditeurs, Paris, 1857, p. 21.
    7 Des problèmes, ou des inconforts méthodologiques disons, ressentis par plusieurs collaborateurs : Stéphane Vachon (« Balzac entre 1856 et 1857 », pp.13-29), pour poser son analyse, doit « déborder [1857] sur chacune de ses franges (avril 1856 – mars 1858) » (p. 19), Jean-Pierre Bertrand (« La Poétique du fil : Odes funambulesques de Théodore de Banville », pp. 73-83) se demande « Pourquoi 1857 et pas 1875 ou 1856 ou 1858 ? » (p. 73) et Benoît Leger (« Traduction négative et traduction littérale : les traducteurs de Poe en 1857 », pp. 85-98) avance d’entrée de jeu que « 1857 ne constitue pas une année charnière en matière de traduction » (p. 85).   
    8 FLAUBERT, Gustave : Correspondance, éd. établie, présentée et annotée par Jean Bruneau, « Pléïade », Gallimard, t. 2, 1991 ; lettre à Louise Collet, 19 juillet 1852.
  • Catégories : Nerval Gérard de

    Importance des routes dans le "Voyage en Orient" de Nerval

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    O. C, II, VO, 178 : « Tu ne m’as pas demandé où je vais : le sais-je moi-même ? Je vais tâcher de voir des pays que je n’aie pas vus ; et puis dans cette saison, l’on n’a guère le choix des routes ; il faut prendre celle que la neige, l’inondation ou les voleurs n’ont pas envahie. »

    Hasard

    Mes recherches sur les paysages dans le "Voyage en Orient" de Nerval en DEA sont dans la continuité de mon mémoire de maîtrise sur "Le paysage dans les oeuvres poétiques de Baudelaire et Nerval" publié maintenant comme mes 2 recueils sur The book sous le titre "Des paysages de Baudelaire et Nerval."

    http://www.thebookedition.com/des-paysages-de-baudelaire-et-nerval-jacques-coytte-p-1283.html

  • Le TGV Internet de la SNCF se décline en train de nuit

    Le train Corail entre Paris et Hendaye intègre le service IDTGV. En groupe, les voyageurs bénéficieront de remise sur les tarifs déjà dégriffés de ces billets vendus sur Internet.
    Hélène Puel, 01net., le 25/01/2008 à 18h45
    La SNCF étend son concept IDTGV. Initialement prévu pour les trains à grande vitesse, ce service qui propose des billets à des prix dégriffés vendus uniquement sur Internet, va s'ouvrir dès le 1er avril prochain à un train Corail de nuit. Ainsi, les passagers de la ligne Paris-Hendaye pourront en bénéficier directement sur le site IDTGV.
    L'IDNight circulera le week-end et pendant les vacances d'été dans les deux sens, entre 23 h et 6 h du matin. Dès la période estivale, d'autres destinations vers la Côte d'Azur devraient être ouvertes.
    Le principe tarifaire de l'IDNight est le même que celui de son aîné : plus les voyageurs réservent leur place à l'avance, plus les billets sont attractifs. Leur prix augmente en fonction du taux de remplissage de la rame. Selon la SNCF, le tarif de base pour un aller sur la ligne Paris-Hendaye sera d'environ 15 euros.
    Une nouveauté fait son apparition quand même : pour ce Paris-Hendaye, les passagers voyageant en groupe bénéficieront de réductions supplémentaires. Quatre personnes se verront appliquer une décote de 15 % sur le prix des billets au moment de l'achat. Les groupes de 7 à 12 personnes bénéficieront, eux, de 25 % de réduction.

    Toujours plus de lignes pour les TGV... et des voitures « lounge »

    « L'offre est adaptée au comportement des jeunes qui voyagent en groupe et qui n'anticipent pas leur voyage. Nous avons pris en compte leurs contraintes budgétaires et espérons ainsi les inciter à basculer de la voiture au train, explique Maria Harti, directrice générale d'IDTGV. Mais les billets sont ouverts à tous sans limite d'âge.  »
    Séduire les moins de 25 ans semble néanmoins une priorité. Ces trains de nuit disposeront d'une voiture-bar, d'un espace « lounge » régulièrement animé par un disc-jockey. De jeunes talents seront aussi invités à jouer devant un public. Ils devront au préalable s'incrire sur le site internet d'IDTGV.
    De leur côté, les trains Internet à grande vitesse sont de plus en plus nombreux. Lancé en 2004 sur Paris-Marseille-Toulon , l'IDTGV circule aujourd'hui sur 6 lignes. Deux nouvelles destinations - Paris-Lyon et Paris-Nantes - doivent ouvrir dans le courant de l'année.
    « En 2007, plus d'un million de passagers ont voyagé sur l'IDGTV. Cette année, nous visons entre 1,7 et 2 millions de clients », souligne Maria Harti.
    Reste à savoir comment les syndicats de cheminots accueilleront l'ouverture de ces nouvelles destinations. Au lancement de ce service, ils avaient bloqué des départs : les contrôles de billets se faisant avant l'embarquement, le personnel de bord n'avait pas besoin d'avoir le statut de cheminots.

    Trois questions à Maria Harti, directrice de l'IDTGV

    01net. : Quels retours avez-vous sur l'IDBox, votre service de téléchargement de contenus ?
    Maria Harti : Nous sommes encore dans une phase d'observation. L'IDBox a été déployée sur la ligne Paris-Montpellier et permet aux passagers, depuis la voiture bar, de télécharger gratuitement de la musique, des bandes-annonces, des podcasts... via le Wi-Fi de leur portable. Nous allons enrichir le contenu disponible, grâce à un partenariat avec le site RKST.org [une webradio, NDRL]. Toujours gratuitement, mais cette fois en streaming, les voyageurs pourront construire leur playlist pour écouter de la musique à bord.
    Comment évolue votre service de mise en relation IDTGVandCo ?
    Nous comptabilisons plus de 25 000 personnes inscrites à ce service. Depuis son lancement l'offre a évolué. Elle est aujourd'hui gratuite et permet d'entrer en relation avec l'ensemble des voyageurs circulant sur d'autres lignes et plus uniquement sur les passagers de mon train. La moyenne d'âge des utilisateurs d'IDTGVandCo est inférieure à 30 ans, c'est pourquoi nous allons étendre ce service aux trains IDNight.
    A l'occasion de la Saint-Valentin, la SNCF prépare-t-elle des surprises ?
    Sur le site Internet, dès le 28 janvier, les amoureux pourront déclarer leur flamme le jour de la Saint-Valentin. Un crieur public viendra déclarer votre flamme à votre petit(e) ami(e) à bord des trains. [Les célibataires pourront faire passer une annonce à bord, pour trouver peut-être leur moitié, NDLR].
    http://www.01net.com/editorial/370501/le-tgv-internet-de-la-sncf-se-decline-en-train-de-nuit/

  • Catégories : L'actualité

    Accro à la cigarette, l'ancien chancelier Schmidt rattrapé par la justice

    L'ancien chancelier allemand Helmut Schmidt, qui apparaît rarement sans une cigarette aux lèvres, fait l'objet d'une procédure judiciaire pour avoir fumé dans un lieu public, en dépit d'une nouvelle loi anti-tabac, a-t-on appris vendredi de source judiciaire. suite...

    http://fr.f266.mail.yahoo.com/ym/ShowLetter?MsgId=5188_26973480_89541_2225_6122_0_90244_19925_3156716892&Idx=0&YY=80065&y5beta=yes&y5beta=yes&inc=25&order=down&sort=date&pos=0&view=&head=&box=Inbox
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  • Catégories : Nerval Gérard de

    153 e anniversaire de la mort de Nerval

    En attendant (j'espère) les nombreuses manifestations pour le 200 e anniversaire de sa naissance, le 22 mai 2008, voilà les actes du colloque Journée Nerval du 29 janvier 2005 à Saint-Germain-en-Laye pour le 150º anniversaire de sa mort à Saint-Germain-en-Laye,
    Éditions Hybride, 2005, 19 euros :

    Christian Besse-Saige, "Présentation", p. 6-8.

    Camille Aubaude, "Nerval à Saint-Germain-en-Laye", p. 11-12.

    Jacques Bony, "Hommage au professeur Claude Pichois", p. 15-24.

    Jacques Bony, "Nerval et Dumas à à Saint-Germain-en-Laye", p. 25-45.

    Michel Brix, "Nerval et Cie : Littérature et fantaisie", p. 47-70.

    Gabrielle Chamarat-Malandain, "Les arabesques de l’ironie nervalienne", p.71-88.

    Henri Bonnet, "Le bonheur de la maison selon Nerval", p. 89-109.

    Corinne Bayle-Goureau, "Châteaux de chimère", 111-130.

    Hisashi Mizuno, "Les jeux de la vérité dans les Nuits d'octobre", p. 131-152.

    Jacques Clémens, "Gérard de Nerval et le premier fait divers bordelais en 1840", p. 155-171.


    La poésie contemporaine au colloque de Gérard de Nerval, p. 175-191.

    http://honuzim.free.fr/Etudescollection/saint-germain2005.htm

     

  • Catégories : Des poètes et poétesses

    Je viens de (re)lire: "Jacques Brel" par Jean Clouzet et Jacques Vassal aux éditions Seghers Poésie et chansons,1987

    Le premier chapitre s'intitule "La chanson peut-elle être poétique?"
    En ce qui concerne ses chansons, Jacques Brel avait tendance à répondre non.
    Moi, je répondrais "oui" pour lui et pour d'autres.

    Un exemple:

    Le plat pays

    Paroles et Musique: Jacques Brel 1962
    © Editions Eddie Barclay /Patricia/Semi


    --------------------------------------------------------------------------------

    Regarder la Vidéo
    Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
    Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
    Et de vagues rochers que les marées dépassent
    Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
    Avec infiniment de brumes à venir
    Avec le vent de l'est écoutez-le tenir
    Le plat pays qui est le mien

    Avec des cathédrales pour uniques montagnes
    Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
    Où des diables en pierre décrochent les nuages
    Avec le fil des jours pour unique voyage
    Et des chemins de pluie pour unique bonsoir
    Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir
    Le plat pays qui est le mien

    Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu
    Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
    Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu
    Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner
    Avec le vent du nord qui vient s'écarteler
    Avec le vent du nord écoutez-le craquer
    Le plat pays qui est le mien

    Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut
    Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot
    Quand les fils de novembre nous reviennent en mai
    Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
    Quand le vent est au rire quand le vent est au blé
    Quand le vent est au sud écoutez-le chanter
    Le plat pays qui est le mien.

    http://www.paroles.net/chanson/20197.1

    Pour le voir chanter:http://www.youtube.com/watch?v=DJqm4ibWpoo

  • Catégories : La littérature

    Colloque Les Salons de Diderot.

    Du 24 janvier 2008 au 26 janvier 2008

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    (Autour du programme d'agrégation 2008)

     

    Colloque « Diderot, Salons »


    Université de Toulouse-Le Mirail
    24-26 janvier 2008
    Maison de la recherche, salle D31

    Responsables scientifiques :
    Stéphane Lojkine, université de Toulouse-Le Mirail
    Franziska Sick, université de Kassel

    partir de 1759, Diderot a été chargé par Grimm, le directeur de la Correspondance littéraire, de rédiger les comptes rendus des expositions de peinture, de gravure et de sculpture que l’Académie royale organisait tous les deux ans au Salon carré du Louvre. Ces comptes rendus, qui constituent, en 1765 et 1767 notamment, de gros volumes, ont été appelés Salons, du nom du lieu des expositions.


    Réhabiliter les Salons de Diderot
    Alors que les Salons de Diderot ont fait l’objet de travaux importants aux Etats-Unis ces dernières années (Michael Fried, Thomas Crow, Bernadette Lefort), le travail fondamental d’édition des textes effectué en France (Michel Delon, Annette Lorenceau, Else-Marie Bukdahl) n’a encore été que timidement suivi de la réflexion critique et théorique, nécessairement interdisciplinaire, qu’exige une œuvre au statut aussi indéfinissable. L’écriture des Salons a été trop longtemps considérée comme un passage à vide dans la carrière de Diderot, entre l’Encyclopédie et les dialogues philosophiques, et le texte était réputé n’avoir d’intérêt que comme document pour les historiens de l’art, où glaner des realia, ou comme une sorte de brouillon préparatoire où l’on repérait les prémisses des futures grandes pages du Rêve de D’Alembert et du Paradoxe sur le comédien.


    L’expérience diderotienne de l’image
    Les progrès dans la connaissance et l’établissement des textes qu’apporte l’édition Hermann, l’immense travail d’identification des peintures commentées par Diderot commencé par Else-Marie Bukdahl, complété dans le cadre d’Utpictura18, permettent aujourd’hui d’aborder les Salons avec des outils de travail inconnus jusqu’ici. Le regain d’intérêt que connaissent ces textes est lié d’autre part à l’écho qu’ils font, depuis le dix-huitième siècle, au changement de civilisation que nous connaissons aujourd’hui : passant d’une civilisation du texte à une civilisation de l’image, nous redécouvrons avec surprise et fascination cette expérience diderotienne de l’image, par laquelle le philosophe des Lumières avait en quelque sorte anticipé la révolution médiologique contemporaine. Peut-être aussi ne pouvons-nous comprendre qu’aujourd’hui la nature et les enjeux réels de cette expérience et mettre en évidence combien ces Salons longtemps jugés documentaires et périphériques constituent un tournant décisif dans l’œuvre et dans la pensée du Philosophe.


    Modéliser la représentation
    A cause de la réflexion qu’ils nourrisent sur le rapport entre pictura et poesis, entre le technique (qui relève du métier du peintre) et l’idéal (dont la fabrication est commune aux génies du peintre et du poète), les Salons de Diderot n’intéressent pas seulement le public restreint des dix-huitiémistes érudits. Ils mettent en question plus généralement ce qu’il en est du processus même de la représentation, qu’elle soit textuelle ou iconique. Ils s’interrogent, avec la notion de modèle idéal, sur la possibilité d’une modélisation non rhétorique de la représentation, conçue non plus comme le déroulement d’une histoire, mais comme la mise en œuvre d’un dispositif.


    Le problème du genre
    Cette conception nouvelle de la représentation ne s’applique pas seulement aux œuvres que Diderot commente. Elle informe le texte même des Salons, son organisation, sa disposition, sa signification : tributaire de l’ordre des tableaux dans le livret de l’exposition, ce texte décousu, digressif, inégal ne serait-ce qu’à cause de l’inégale valeur artistique des œuvres dont il traite, se dérobe à l’analyse tant structurale que narratologique. Sur le plan générique, il se présente comme une série de lettres à Grimm, où celui-ci d’ailleurs intercale ses commentaires. Diderot parfois anticipe cet échange en mettant lui-même, d’avance, Grimm en scène, et de là d’autres personnages. Il se fait également l’écho des commentaires entendus dans la foule des visiteurs du Salon. La lettre devient alors polyphonie dialogique.


    Mais décrire un tableau pour un lecteur qui ne le verra qu’au travers de la description renvoie également à un exercice rhétorique fort ancien, l’ekphrasis, qui est un genre de l’éloge, peu compatible avec la dissension dialogique. Enfin, la critique souvent acerbe qu’exige la pratique journalistique introduit une troisième contrainte générique, de sorte que le texte doit sans cesse être lu selon ces différents niveaux de performance et de compétence.


    Vision / Fiction : le programme franco-allemand
    C’est cette complexité des genres que convoquent et que superposent les Salons qui en fait un terrain d’étude privilégié du rapport entre vision et fiction, le sujet du programme franco-allemand dont ce colloque constitue le premier volet. Diderot nous rapporte ce qu’il voit, ou croit voir, ou aurait voulu voir : « On voit », « voyez », « voilà » sont les formules récurrentes de ce texte qui enchaîne visions sur visions, celles des tableaux réels, et celles des tableaux idéaux que, bien souvent, Diderot voudrait leur substituer. La vision est l’instrument à la fois du dialogisme (le tableau imaginé contre le tableau vu), de l’ekphrasis (donner à voir un tableau) et de la critique journalistique (voir pour juger, voir pour évaluer). Elle devient de plus en plus consciente d’elle-même au fur et à mesure qu’on avance dans les Salons, jusqu’aux deux morceaux de bravoure que sont « l’Antre de Platon » en 1765 (la vision du Corésus et Callirhoé de Fragonard), et la Promenade Vernet (la vision en pleine nature des Vernet du Salon de 1767).


    Lorsque la vision se déploie dans ces trois dimensions, elle ne peut plus être réduite à l’enchaînement des commentaires de tableau, à une rhétorique de la liste : la vision devient dispositif textuel et construit toute une fiction pour la soutenir. Cette fiction dépasse le seul cadre des deux textes phares consacrés à Fragonard et à Vernet : Diderot se plaît à raconter mille anecdotes ; « faire un conte » devient la ressource du poète face à la peinture médiocre ou au sujet stérile. La fiction fournit alors une vision alternative, en supplément.

     


    Programme


    Jeudi 24 janvier 2008
    8h30 : Accueil des participants. Inscription au colloque.
    9h00 : Ouverture du colloque

    Ressemblance et portrait
    9h30 :
    Martin SCHIEDER, Freie Universität de Berlin
    Le mérite de ressembler est passager : Diderot et le Portrait

    10h10 :
    Anthony WALL, université de Calgary
    Diderot et quelques-unes de ses têtes curieuses

    10h50 : Pause

    11h10 :
    Roland GALLE, université d’Essen
    Diderot et le portrait : une nouvelle mise en scène de la « ressemblance »

    11h50 :
    Odile RICHARD-PAUCHET, université Paul Sabatier - Toulouse 3
    Nature et vérité dans les Salons de Diderot : La passion de la ressemblance.

    12h30 : Déjeûner
    Théorie esthétique
    14h30 :
    Carole TALON-HUGON, université de Nice-Sophia Antipolis
    Iconicité et picturalité : effets et finalités de la peinture

    15h10 :
    Pierre CHARTIER, université de Paris VII-Denis Diderot
    Structure du modèle idéal : le préambule du Salon de 1767

    15h50 : Pause

    La question du sublime
    16h10
    Jean-Pierre DUBOST, université de Clermont-Ferrand
    Combien de sublimes dans les Salons ?

    16h50
    Helmut PFEIFFER, université Humbolt de Berlin
    Diderot et l'esthétique du sublime

    18h30 : Rencontre et débat sur L’Œil révolté à la librairie Ombres Blanches, 48-50 rue Gambetta, ou 5-7 rue des Gestes, métro Capitole.

    20h : Repas au restaurant Au Gascon, 9, rue des Jacobins.


    Vendredi 25 janvier 2008
    L’écriture des Salons
    8h30
    Jens HÄSELER, Centre européen des Lumières à Potsdam
    L’écriture des Salons – tensions entre journalisme et fiction littéraire

    9h10
    Geneviève CAMMAGRE, université de Toulouse-Le Mirail
    Grimm une voix dissonante? Les commentaires de Grimm aux Salons de 1761, 1763, 1765

    9h50 :
    Annette GRACZYK, Centre de recherche sur les Lumières en Europe, Halle
    Du hiéroglyphe au tableau: Diderot théoricien et critique d'art

    10h30 : Pause

    10h50
    Christina VOGEL, université de Zürich
    La pluralité des regards dans la critique et l’écriture des Salons

    11h30
    Pierre PIRET, université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve
    L’écriture des Salons ou comment produire un savoir sans devenir un maître

    12h40 Déjeûner

    Fiction / Vision
    14h30 :
    Christof SCHÖCH, université de Kassel
    Un type de picturalité textuelle dans la fiction romanesque et les Salons de Diderot

    15h10 :
    Stéphane LOJKINE, université de Toulouse-Le Mirail
    « si nous continuions à faire des contes ? » Dérapage de la vision et supplément fictionnel dans les Salons

    15h50 : Pause

    16h10
    Franziska SICK, université de Kassel
    Paysages et portraits visionnaires dans les Salons de Diderot

    16h50
    Bruno Nassim ABOUDRAR, université de Paris III-Sorbonne nouvelle
    Effets de cadre et de cadrage

    20h00 : Dîner en ville


    Samedi 26 janvier 2008
    Perception et savoirs faire
    9h00
    Marian HOBSON, Queen Mary, University of London
    « Faire que tout perde ou gagne proportionnellement » : Diderot et la proportion

    9h40
    Peter BEXTE, Institut d’études en communication, FH de Potsdam
    Le paradoxe de la perception. Au Salon avec des lunettes

    10h20 : Pause

    10h40
    Benoît TANE, université de Toulouse-Le Mirail
    La gravure dans les Salons : un art « en creux » ?

    11h20
    Guido REUTER, université Heinrich-Heine de Düsseldorf
    « Vous revoilà donc, grand magicien que vous êtes …. » Les pensées de Diderot sur l’art et la nature dans les tableaux de Jean Siméon Chardin

    12h Déjeuner


    Informations pratiques, contact, présentations des communications sur Utpictura18 :
    http://galatea.univ-tlse2.fr/pictura/UtpicturaServeur/ColloqueDiderot.php

     

    Responsable : S. Lojkine
    http://www.fabula.org/actualites/article21404.php
  • Catégories : Gracq Julien

    Julien GRACQ à Saint-Florent-le-Vieil, Nantes, Paris…

    7e36c90520670c317bc721b31f59787f.jpgLe jeudi 17 janvier 2008.
    "Après tout, si la littérature n’est pas pour le lecteur un répertoire de femmes fatales et de créatures de perdition, elle ne vaut pas qu’on s’en occupe."
    En lisant, en écrivant, José Corti, 1980.

    Entre "le plus grand écrivain français vivant" (ce n’est plus le cas depuis le 22 décembre 2007) et "l’ermite de Saint-Florent-le-Vieil" [1], les clichés vont bon train pour figer en une image la figure de Julien Gracq - auteur à la plume complexe il est vrai. Lui qui disait, justement [2] : "Tout ce qui est biographie n’est important que si l’oeuvre l’admet au départ, si elle est consonante avec son expérience. Tout le reste est rejeté" [3].

    Né en 1910 à Saint-Florent-le-Vieil, Louis Poirier va à l’école du village. Il découvre Jules Verne en édition de poche (mode d’édition qu’il refusera toujours pour lui-même, pour des raisons que nous interprêtons mal peut-être, mais qui semblent liées à l’effort demandé au lecteur pour aller vers l’oeuvre). Il devient en 1921 interne au lycée Clemenceau à Nantes, quittant la maison familiale avec une difficulté que l’on imagine. Il se réfugie dans Dumas, Poe, Nerval, Stendhal.

    Le voilà à Paris en 1928, pensionnaire au lycée Henri IV. Alain est son professeur de philosophie. Puis l’Ecole normale rue d’Ulm, à partir de 1930, où il étudie la géographie et se lie avec Henri Queffélec qui lui fait aimer la Bretagne.

    Nantes le revoit comme soldat (pour son service militaire) puis comme professeur d’histoire. Il enseigne à Quimper en 1937. Son premier roman édité est Au Château d’Argol, publié cette année-là par José Corti auquel il restera fidèle. 150 exemplaires vendus. Il a choisi Gracq pour la façon dont le nom résonne, et Julien pour Julien Sorel.
    Il se lie en 1939 avec un de ses lecteurs, André Breton, dont la Nadja l’avait impressionné en 1932. Gracq fait un bout de chemin avec les surréalistes, mais pas trop car il se méfie des mouvements et des partis.

    En 1939-1940, la guerre le conduit en Moselle, dans les Flandres et en Hollande, alimentant son imagination en paysages qu’il recréera en fiction. Emprisonné puis libéré, il enseigne à Amiens, Angers, à l’université de Caen à partir de 1941, et au lycée Claude-Bernard à Paris à partir de 1947 et jusqu’à sa retraite en 1970.

    Il quitte Paris pour Saint-Florent en 1990. Son retrait de la vie littéraire mondaine [4] ne signifie pas retrait du "monde fascinant et invivable" [5] dans lequel nous vivons. C’est pour mieux l’entendre, le sentir et le voir en toute liberté que l’écrivain-marcheur se retire dans son village natal.

    Tout près de chez lui, l’hostellerie de la Gabelle - sur les rives de cette Loire où les villages qui la longent étaient autant d’étapes pour les contrebandiers du sel - lui réserve une table et le marchand de journaux reçoit sa visite.

    Sources :
    - www.initiales.org/visuels/pdf/Gracq.pdf
    - www.tierslivre.net/spip/spip.php ?article230

    [1] C’est faux. Gracq était grand voyageur et marcheur, en particulier dans les années 1960 et 1970.

    [2] Entretien avec Michel Mitrani, dans l’émission Un Siècle d’écrivains consacrée à Gracq.

    [3] Cité dans le dossier sur Gracq réalisé en 1997 par le réseau des librairies Initiales, en ligne sur www.initiales.org/Julien-Gracq.html.

    [4] Gracq avait refusé le prix Goncourt en 1951 pour Le rivage des Syrtes, cohérent avec lui-même. Il avait en effet peint un tableau acerbe des moeurs littéraires l’année précédente dans La littérature à l’estomac.

    [5] Préférences, José Corti, 1961.

    http://www.terresdecrivains.com/Julien-GRACQ-a-Saint-Florent-le
  • Catégories : La littérature

    1848 : des écrivains sur les barricades

    Le cabinet de travail de Lamartine (détail)

    af94c0cc4a787c14fd973020fd2f8f88.jpgJ’ai entendu dire aux pauvres : travaillez ! Je n’ai pas vu que cela leur donnât de l’ouvrage quand il n’y en a pas. Plus la propriété est divisée autour de nous, c’est-à-dire plus il y a de gens un peu aisés, plus ceux qui n’ont rien deviennent inutiles, et, on a beau dire, je vois bien que c’est toujours le plus grand nombre. […] Voilà donc où nous en sommes réduits ; c’est à demander ce que nous allons devenir, à des gens qui ne veulent pas nous répondre, et qui trouvent même insolent que nous osions leur faire cette question-là."
    Lettre d’un paysan de la Vallée noire, publiée en octobre 1844 par L’Éclaireur de l’Indre, journal créé par Sand en 1843. Citée par Jean-Denys Phillipe dans Traits pour traits.

    Encore une révolution qui amène un régime impérial ! Après 1789, le premier Empire. Après 1848, le second…

    Et une révolution qui met les écrivains au premier rang : on y voit un Lamartine enfanter la République contre les royalistes et les socialistes ; une George Sand plus socialiste que les socialistes ; Tocqueville, Quinet, Lamennais et Hugo sont élus députés (mais pas Vigny).
    D’autres sont aussi présents, mais plus discrets : Baudelaire [1], fusil à la main le 24 février au carrefour de Buci, essaie d’entraîner quelques hommes dans une expédition punitive contre son beau-père honni, le général Aupick… Son bref élan révolutionnaire lui donnera le temps de créer un journal qui vivra deux numéros…

    "J’ai la haine de la propriété territoriale. Je m’attache tout au plus à la maison et au jardin. Le champ, la plaine, la bruyère, tout ce qui est plat m’assomme, surtout quand ce plat m’appartient, quand je me dis que c’est à moi, que je suis forcée de l’avoir, de le garder, de le faire entourer d’épines et d’en faire sortir le troupeau du pauvre, sous peine d’être pauvre à mon tour […]."
    George Sand, citée par André Maurois, Lélia ou la vie de George Sand.
    Flaubert débarque dans la capitale le 23 février, s’engage dans la garde nationale le lendemain et court les rues avec Maxime du Camp (la conduite de ce dernier, blessé en juin 1848, lui vaudra la désapprobation de Flaubert et la Légion d’honneur), assistant horrifié à la mise à sac du palais des Tuileries et photographiant en esprit des scènes qui feront l’arrière-plan de L’Éducation sentimentale ; Sainte-Beuve se cache – toute cette violence l’effraie ; Dumas est dans la rue, comme dix-huit ans auparavant ; Chateaubriand, c’en est trop, décède le 4 juillet ; Ponson du Terrail est un garde national opposé aux révolutionnaires, etc.
    Jules Verne, lui, arrive après la bataille : en juillet, pour passer des examens de droit. Il observe alors sur les façades les traces des balles et des boulets, en spectateur désabusé et pas vraiment enthousiaste.
    L’humanité qui souffre, ce n’est pas nous, les hommes de lettres ; ce n’est pas moi, qui ne connais (malheureusement pour moi peut-être) ni la faim ni la misère ; ce n’est pas même vous, mon cher poète, qui trouverez dans votre gloire et dans la reconnaissance de vos frères une haute récompense de vos maux personnels ; c’est le peuple, le peuple ignorant, le peuple abandonné, plein de fougueuses passions qu’on excite dans le mauvais sens, ou qu’on refoule, sans respect de cette force que Dieu ne lui a pourtant pas donnée pour rien. George Sand, correspondance, 23 juin 1842.

    La révolution de février 1848 naît d’une grande lassitude, d’un banquet interdit et de coups de feu sur le boulevard des Capucines. Celle de juin 1848, par contre, même si elle ne dure que quatre jours, est un terrible déchargement de colère.

    En 1830, les républicains avaient encore trop frais à l’esprit les excès sanglants de la première République (1792-1804) et préférèrent un Louis-Philippe à une seconde expérience démocratique. En février 1848, ils s’y lancent à la dernière minute, et seulement pour quelques mois, les élections d’avril 1848 – premières élections au suffrage universel direct en France – ramenant à la Chambre une majorité conservatrice qui va paver la voie à l’Empire.

    1847 lance la vogue des « banquets républicains » qui tentent de rompre la grisaille du règne de Louis-Philippe [2]. La situation économique n’est pas florissante et Guizot, chef du gouvernement, se refuse à toute réforme. Le 22 février 1848, un défilé de la Madeleine à Chaillot et un grand banquet doivent clore la série des soixante-dix banquets qui ont eu lieu partout en France. Cette manifestation est interdite par le pouvoir, mais Lamartine déclare qu’il s’y rendra tout de même. Ledru-Rollin, leader républicain et grand animateur de ces banquets, et Louis Blanc, leader socialiste, craignent l’affrontement et se désistent la veille au soir. Mais il est trop tard pour annuler l’événement.

    Des étudiants et des ouvriers se retrouvent donc devant l’église de la Madeleine, sous la pluie, le matin du 22. Un défilé se forme, qui décide de se rendre à la Chambre des députés. Des accrochages se produisent sur les boulevards, au Châtelet, aux Champs-Élysées. Quelques barricades s’élèvent mais la ville reste calme.
    Le 23, le gouvernement déploie l’armée et la garde nationale, qui s’opposera peu aux insurgés. Composée de bourgeois plutôt hostiles au pouvoir, qui n’ont pas le droit de vote, elle penche davantage du côté des républicains modérés.
    Prenant acte du mécontentement populaire manifesté la veille, le roi renvoie Guizot et le remplace par le comte Molé. La foule redescend dans la rue, cette fois pour manifester sa joie. Mais un coup de feu tiré le soir boulevard des Capucines par un soldat déclenche une panique qui fait plusieurs morts.

    "On ne peut ni ne doit admettre la justice des lois qui régissent aujourd’hui la propriété. Je ne crois pas qu’elles puissent être anéanties d’une manière durable et utile par un bouleversement subit et violent. Il est assez démontré que le partage des biens constituerait un état de lutte effroyable et sans issue, si ce n’est l’établissement d’une nouvelle caste de gros propriétaires dévorant les petits, ou une stagnation d’égoïsmes complètement barbares. Ma raison ne peut admettre autre chose qu’une série de modifications successives amenant les hommes, sans contrainte et par la démonstration de leurs propres intérêts, à une solidarité générale dont la forme absolue est encore impossible à définir. […] C’est tout simple : l’homme ne peut que proposer ; c’est l’avenir qui dispose."
    George Sand, Histoire de ma vie.

    Aussitôt, de nouvelles barricades s’élèvent. Il y en aura jusqu’à 1500. Dumas, qui participe depuis 1847 à la campagne des banquets et a assisté à l’hécatombe des Capucines, court revêtir son uniforme de commandant de la garde nationale. Il encourage les manifestants à marcher à nouveau sur le ministère des Affaires étrangères où réside Guizot (situé sur le boulevard des Capucines, entre la rue des Capucines et l’avenue de l’Opéra).

    Louis-Philippe demande au maréchal Bugeaud de mater la rébellion. Au milieu de la journée du 24, une foule s’empare de l’Hôtel de Ville, encouragée par des sociétés secrètes révolutionnaires davantage que par les chefs socialistes (Blanqui et Barbès sont emprisonnés depuis leur tentative d’insurrection en 1839).

    "Les Parisiens ne font jamais de révolution en hiver." Le roi Louis-Philippe, lors des premiers incidents de février 1848.

    Devant le tour que prennent les choses et se souvenant des événements qui, dix-huit ans plus tôt, l’ont porté au pouvoir, le roi abdique en début d’après-midi en faveur de son petit-fils. Mais Lamartine le prend de court. Resté à son domicile du 82 rue de l’Université depuis le 22, il se rend à la Chambre lorsque Louis-Philippe se démet. Député depuis 1833, favorable à la régence en 1842, Lamartine s’interroge, et les députés avec lui : la France est-elle mûre pour la République ? Pour barrer la voie aux socialistes et aux « rouges », il décide de se prononcer avec éclat contre la régence de la duchesse d’Orléans (qui serait à ses yeux « la Fronde du peuple, la Fronde avec l’élément populaire, communiste, socialiste de plus »), pour le suffrage universel et pour la République, et propose aux députés un gouvernement provisoire qui exclut les socialistes. Suivis par une foule de manifestants, Lamartine et le futur gouvernement provisoire gagnent l’Hôtel de Ville. La deuxième République y est proclamée dans la nuit. La foule rassemblée obtient la nomination au gouvernement provisoire de deux nouveaux membres : le socialiste Louis Blanc et un ouvrier, Albert. En sont donc membres : Dupont de l’Eure (président), Lamartine (ministre des Affaires étrangères), Alexandre Marie (Travaux publics), Ledru-Rollin (Intérieur), Louis Garnier-Pagès (Finances), l’astronome François Arago (Marine et Colonies), Ferdinand Flocon (Agriculture et Commerce), Isaac Crémieux (Justice), Armand Marrast, Louis Blanc et Alexandre Albert.

    "Pour la première fois dans mes foyers depuis vendredi 23 ; notre bataillon n’a point cueilli de lauriers. Notre compagnie n’a eu qu’une barricade de 18 pouces de haut à enlever et nous n’avons pas tiré un seul coup de fusil. Cependant un brave officier de la ligne qui nous commandait y a reçu un coup de baïonnette dont il est bien malade. Voilà pour nos exploits."
    Prosper Mérimée. Correspondance. 28 juin 1848.

    La Chambre des Députés est dissoute et il est interdit à celle des Pairs de se réunir. Louis Blanc lance des Ateliers nationaux censés redonner du travail aux chômeurs, mais qui n’auront jamais, dans leur courte vie, les moyens de leur ambition. En effet, les projets de Blanc de créer avec les chômeurs des entreprises contrôlées par l’État ne verront jamais le jour. Les entrepreneurs craignent la concurrence et s’y opposent, ralliant Lamartine (et apparemment Hugo) à leur position.

    Une multitude de journaux et clubs républicains voient alors le jour, touchant un public où les bourgeois se mêlent parfois aux ouvriers. Raspail fonde ainsi le journal et le club L’Ami du peuple. Blanqui et Barbés, libérés, créent le leur.
    Cette période de réconciliation des classes et d’euphorie nationale dure jusqu’en avril.

    Louis Blanc et l’extrême gauche organisent le 16 avril une manifestation pour repousser la date des élections, sans succès. Pour les socialistes, ces élections arrivent trop tôt, sans que le temps ait permis d’éduquer politiquement la population, en particulier en zone rurale. Lamartine lance aussitôt sur la place de l’Hôtel de ville une contre manifestation victorieuse du gouvernement provisoire et de la garde nationale.

    Ces élections de l’Assemblée constituante le 23 avril connaissent un taux de participation de 84% ! C’est la première fois que tous les hommes votent vraiment en France.
    Elles amènent au Palais Bourbon cinq cents républicains modérés (dont Lamartine, Tocqueville, Lamennais, Quinet), trois cents royalistes et cent républicains de gauche (dont Barbès et Blanc, mais pas Blanqui ni Raspail). C’est une chambre qui se méfie des ouvriers parisiens.

    "Depuis soixante ans, la France allait en fait de gouvernements de mal en pis. Napoléon lui avait donné un despotisme oint de suie de poudre, mais scintillant de gloire ; la France lui pardonna. La Restauration lui avait ramené le privilège et les coups de cravache des gentilshommes ; mais elle était franche d’allures et sans hypocrisie ; quelques domestiques fidèles la suivirent sur la terre d’exil. L’infâme gouvernement qui vient de tomber voulut tenter sur la nation l’astuce, l’hypocrisie, la cupidité et toutes les basses passions ; un croc-en-jambe du Peuple a suffi pour le jeter dans la boue."
    Charles Baudelaire. Le Salut public, 27 février 1848.

    Une manifestation ouvrière contre la suppression pressentie des Ateliers nationaux est matée dans la violence à Rouen. La République fait tirer sur le peuple [3].

    En attendant qu’une Constitution ne voie le jour, l’assemblée élit le 10 mai une « Commission exécutive » modérée, composée de Arago, Garnier-Pagès, Marie, Lamartine et Ledru-Rollin. Exit Louis Blanc et Albert. Le symbole est clair.

    Lire la suite de l'article ici:
    http://www.terresdecrivains.com/1848-des-ecrivains-sur-les
  • Catégories : Des lieux

    Joachim du BELLAY à La Turmelière, à Paris et à Liré*

    22 janvier 2008, parTerresdecrivains.com
    (
    http://www.terresdecrivains.com/_Terresdecrivains-com_)

    "S'il est un poète maudit, c'est bien Joachim Du Bellay ! Éternel
    second de la Fortune, aujourd'hui encore la gloire de son ami et rival
    Ronsard éclipse la sienne", écrit Evelyne Bloch-Dano en septembre 2007 dans
    le Magazine littéraire n° 467.

    À quelques kilomètres de Liré, les murs du château de La Turmelière
    disparaissent peu à peu dans la végétation.
    Lire l'article entier
    (
    http://www.terresdecrivains.com/Joachim-du-BELLAY-a-La-Turmeliere)