Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Catégories : Des femmes comme je les aime

Une voix sous le voile

Zeina" est le pseudonyme d'une jeune femme née dans une banlieue française qui a été contrainte de porter le voile intégral, et dont le témoignage a été recueilli par la journaliste Djénane Kareh Tager. Zeina connaît d'abord un parcours ordinaire : elle grandit au sein d'une famille musulmane traditionnelle, va à l'école puis, plus tard, trouve un travail. Enfin, elle tombe amoureuse et se marie avec un coreligionnaire.

Mais, quelques mois après la naissance de son premier enfant, le mari devient de plus en plus exigeant sur sa tenue vestimentaire. Le ton se durcit, et celui-ci se radicalise. Zeina doit alors quitter le travail, qui lui assurait une certaine autonomie, et se consacrer exclusivement à son nouveau foyer : "Ton paradis est sous les pieds de ton mari", ressasse son époux.

Pour ne pas mourir sous les coups d'un mari violent, étouffée sous le voile, elle s'échappe, aidée par une voisine, en emmenant son enfant. De foyers sociaux en bouts de trottoir, elle errera à la recherche d'une vie décente et libre. Avec l'aide d'un oncle, considéré comme un "mécréant" par le reste de la famille, Zeina finira par retrouver un emploi.

Dans le contexte actuel, cet ouvrage veut aider à éclairer un débat difficile. Ecrit à la première personne, il constitue un témoignage à vif. Car c'est bien une descente aux enfers qui est décrite. Quand Zeina pratique sa religion, c'est dans un état d'asservissement, par peur plutôt que par conviction. Conditionnée par une éducation religieuse et parentale oppressante, elle ne choisit pas : elle obéit. Elle aime pourtant rappeler un verset du Coran selon lequel "il n'y a pas de contrainte en religion".

Pour Zeina, le port quotidien du niqab relève de la meurtrissure intime. Le voile joue un rôle-clé dans un processus de déshumanisation, dit-elle. Ce bout de tissu devient une sorte de doublure fantomatique, vidée de sa substance charnelle : "Je ne me suis jamais regardée dans un miroir quand j'étais revêtue du niqab, je ne me suis jamais vue en fantôme", écrit-elle.

Qu'il couvre simplement les cheveux (le hidjab), le corps à l'exception du visage (le jilbab) ou qu'il dérobe la femme au regard masculin (le niqab), le voile lui apparaît non plus comme le garant d'une "pureté" et d'une "perfection" mais comme une asphyxie morale et physique.

"J'ai espéré que quelques lavages viendraient à bout de cette résistance, à bout de cette noirceur, mais les jours qui ont suivi m'ont vite détrompée : ce tissu était condamné à rester aussi raide qu'une cage, aussi raide que la mort." Elle se résignera silencieusement aux interdictions et aux coups, jusqu'à disparaître intimement : "En moi, il n'y avait plus rien. J'étais devenue rien."

C'est dire si ce récit singulier apporte une contribution utile au débat en cours sur le voile intégral. Paradoxalement, Zeina ne se prononce nullement pour l'interdiction de celui-ci. La conséquence serait la réclusion des femmes. De même ne condamne-t-elle pas l'islam, mais l'interprétation fallacieuse que certains en font.

Dans une lettre adressée "à (s)es soeurs musulmanes", elle évoque sa véritable conception de l'islam : le refus de l'ostentation, au profit de la sincérité. L'ouvrage signale ainsi les dérives d'une religion, tout en ouvrant sur la possibilité d'en trouver une pratique à la fois plus juste et plus modérée.


 

Sous mon niqab, Zeina avec Djénane Kareh Tager, Plon, 154 p., 14,90 €

 

Ambre Viaud

http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/06/25/une-voix-sous-le-voile_1378673_3260.html

Les commentaires sont fermés.