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Catégories : Livre

Derviche lover

Par Astrid Eliard
28/10/2010 | Mise à jour : 12:37

Dans Soufi, mon amour, la romancière met en scène sa passion pour le soufisme à travers une histoire d'amour mystique du XIIIe siècle. 

Elif Shafak ne pourrait réduire son écriture à une seule langue, une seule culture. Comme dans sa vie nomade - le déménagement est sa seconde nature -, elle s'oblige, à chaque livre, à changer de fuseau horaire, et à poser, toujours ailleurs, ses valises d'écrivain. Pour cette raison, elle écrit alternativement en turc et en anglais. Dans sa langue maternelle, ses romans sont plus épicés, et son style foisonnant, imagé. En anglais, la romancière se montre moins sentimentale, plus arithmétique. Son nouveau livre tient de la deuxième veine. C'est une œuvre d'architecte, qui laisse l'impression que chaque chapitre a été un peu trop pensé, réfléchi, calculé. Comme si Elif Shafak s'était bridée, et avait refusé de se laisser inonder par l'une des grandes passions de sa vie: le soufisme.

Dans Soufi, mon amour , elle campe une Américaine sans histoire, qui s'ouvre progressivement à un amour nouveau, celui qui fait danser les derviches tourneurs. C'est le récit d'un adultère libérateur, un «doux blasphème», pour reprendre le titre du livre qui bouleverse la vie d'Ella Rubinstein. Ella, qui a longtemps été mère au foyer, vient de commencer un nouveau travail. Elle est lectrice pour une maison d'édition, et chargée d'écrire une note sur un manuscrit intitulé Doux blasphème , un «roman historique et mystique» signé Aziz. Z. Zahara.

 

Madrasas et lupanars 

 

Ce livre raconte l'amour extra­ordinaire qui lia le derviche Shams de Tabriz au poète persan Rûmi, au XIIIe siècle. Ella lit dans cette histoire lointaine des indices sur sa propre vie, sur son mariage mal rafistolé, sa confiance brisée. Si les réactions d'Ella sont attendues - elle tombe amoureuse du manuscrit, de son auteur, du soufisme -, Doux blasphème est une vraie réussite. Avec des mots d'aujourd'hui, Elif Shafak fait revivre la ville de Konya au Moyen Âge, ses madrasas, ses lupanars, ses tavernes proscrites par l'islam. Elle nous montre comment Shams, un derviche marginal qui traîne partout une mauvaise réputation, va faire naître, à la seule force de son amour, l'art du poète Rûmi. Quelques siècles plus tard, c'est au tour d'Ella d'être révélée à elle-même grâce à un soufi.

Soufi, mon amour d'Elif Shafak, traduit de l'anglais (Turquie) par Dominique Letellier, Phébus, 399 p., 22 €.

 

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