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Catégories : La cuisine

Chaud de vin !

TU MITONNESTu mitonnes . Tous les jeudis, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd’hui, le breuvage fétiche des fins d’année, en blanc.

 

Par JACKY DURAND

Sur le marché de Noël à Strasbourg, fin novembre. Le vin blanc chaud requiert un riesling ou un pinot. (REUTERS)

Revoilà la grande angoisse, le flip abyssal, l’ultime panique de 2011. Pire que la feuille d’impôt, le chiffre à trouver pour la page expresso de Libération du 2 janvier, le bouchon du dentifrice coincé dans le trou du lavabo. On veut bien sûr parler du réveillon du Nouvel An. Combien de couples se sont défaits, d’amitiés sont allées à vau-l’eau, de grands de ce monde se sont effondrés dans les affres de la préparation de cette foutue Saint-Sylvestre. Comparés à cette galère, Fukushima, la crise grecque ou la conférence de Yalta étaient des sinécures.

Vous en doutez ? Alors évoquons seulement le choix des armes pour le réveillon. Les plus organisés commencent à en débattre dès la Toussaint : la fête, ce sera chez nous ou chez eux ? Au Relais fleuri avec le menu tout en truffes ? Au Barracuda, avec la formule buffet dansant ? Après moult arbitrages, vous avez finalement opté pour une prise de risques maximum : la soirée gibier et cotillons de l’association des chasseurs de Saint-Hilaire-en-Bugey. Manque de pot, votre moitié à qui vous avez fait la surprise, tord du nez sur le sanglier sauce grand veneur et goûte très peu les invitations à jerker des plus fines gâchettes de la commune. C’est d’autant plus regrettable que sur le coup d’une heure du mat, elle veut lever le camp alors que vous vous êtes pris de passion pour une vieille prune et un remix des Martin Circus. Sur le chemin du retour, madame vous fusille alors que vous rêvez de passer votre permis de chasse pour l’asticoter à la chevrotine. Sûr que dans des instants pareils, vous préféreriez traquer l’ours ou taquiner le brochet en solitaire au fin fond de la Yakoutie.

Alors pour éviter ce genre de déconvenues, on a décidé cette fois d’opter pour une formule simple, voire dépouillée : le réveillon vin chaud. On vous voit déjà fourbir les arguments les plus sournois : «Quoi de la vinasse bouillie pour le Nouvel An ? Pourquoi pas une nuit blanc limé pendant que tu y es ?» Alors voici cinq bonnes raisons pour vous convaincre qu’un réveillon vin chaud peut être fort festif et grégaire.

1) Le vin chaud est tout-terrain

Des baraques des marchés de Noël à votre salon, il n’y a qu’un pas pour la préparation du vin chaud. Sortez le grand fait-tout, d’épais gobelets, la compil Claude François, poussez les meubles et vous voilà déjà en train de guincher dans les fragrances de cannelle, d’orange, de riesling, de merlot. Au troisième verre, vous êtes en tricot de peau sur le balcon en train d’implorer Odin et d’affirmer à la voisine d’en face que vous avez le timbre de Barry White ; au quatrième verre, vous tentez péniblement de convaincre votre copain Roro que les roses de Noël dans la jardinière ne sont pas hallucinogènes. Au sixième verre, Roro et vous êtes au bas de l’immeuble en train de localiser les restes de la fusée Soyouz qui a laissé une grande traînée de lumière dans la nuit en même temps que le gyrophare de Police Secours. Du coup, vous improvisez dans votre rue un stand vin chaud pour réchauffer les spationautes esseulés et montez le son avec I feel good de James Brown.

2) Le vin chaud est fédérateur

Les Romains en consommaient déjà, c’est dire s’il vient de loin ce breuvage hivernal que l’on apprécie aussi bien en Scandinavie (glögg en Suède) qu’en Allemagne (Glühwein) et en Angleterre (mulled wine). Lors d’une récente dégustation sur un marché de Noël, nous avons été témoin d’une scène de fraternisation entre une triplette de CRS, dont nous tairons ici le numéro de la compagnie par discrétion, et quelques buveurs fort enthousiastes. Si les policiers se sont abstenus de siroter (l’alcool leur est interdit en dehors des repas et sur la voie publique depuis une circulaire de Pierre Joxe), ils étaient très au fait de la confection du vin chaud, discutant avec force arguments des mérites respectifs du rouge et du blanc. A quand le même débat sur le cannabis ?

3) Le vin chaud décomplexe

C’est bien connu, le vin est un liquide rouge, sauf le matin quand il est blanc. Et ça dérange visiblement : combien de fois avons-nous constaté des regards outragés face à un buveur de sauvignon matinal ; que de reproches pour un muscadet précoce, un riesling de 10 heures… Alors que franchement, il n’y a aucune vergogne à s’offrir un petit-déjeuner au savagnin quand on s’est levé de bonne heure pour le labeur. Avec le vin chaud, point de remontrance. Ses vertus toniques et calorifiantes autorisent sa consommation hivernale dès potron-minet, la difficulté étant ensuite de faire le tour du cadran sans tomber dans le chaudron.

4) Le vin chaud sauve la planète

Si, si et on s’explique : couplés à l’utilisation d’un éthylotest antidémarrage sur votre Trabant, la consommation zélée de vin chaud amènera inévitablement le conducteur à terminer son chemin sur ses deux jambes. Ce qui déjà n’est pas une mauvaise chose pour lui-même car il pourra s’en jeter un petit dernier pour la route. Mais ce sera aussi une sacrée bouffée d’air pur et de silence pour nos centres-villes car le vin chaud à pied pollue moins que l’eau en voiture.

5) Une boisson prémonitoire

Avec près de trois millions de chômeurs pour finir 2011 et une récession annoncée au seuil de 2012, on n’a pas forcément envie de se la jouer grands crus classés et caviar béluga le 31 à minuit. Et puis, on en a soupé du bling-bling hein ? Alors tenons-nous chaud autour d’un verre de vin brûlant et épicé pour le pire et le meilleur de l’année prochaine. Avec, par exemple, la recette de la Tribu des gourmets du vin d’Alsace-Strasbourg qui sublime le vin blanc.

Pour un litre de vin chaud : mettez à chauffer doucement 1 litre de blanc d’Alsace bien sec, comme un riesling ou un pinot blanc. Coupez une orange et un demi-citron en petits morceaux, incorporez-les dans le vin. Ajoutez 3 bâtons de cannelle et 2 étoiles d’anis, ainsi que 10 morceaux de sucre (50 grammes). Mélangez doucement, surtout au début, afin de bien délayer le sucre. Lorsque le vin est bien chaud, rajoutez une bonne cuillère à soupe de miel, de préférence de sapin des Vosges. Mélangez bien pour que le miel s’incorpore entièrement. Couvrez et faites chauffer jusqu’à frémissement (surtout ne pas bouillir), laissez infuser le tout au moins une demi-heure. Réchauffez légèrement avant de servir.

Avec le vin chaud, on pourra déguster des leckerlis, petits gâteaux de fin d’année, originaires de Bâle et confectionnés aussi en Alsace. Voici la recette tirée de Plaisirs gourmands (1), un ouvrage plein de curiosités à cuisiner chez soi. Pour 24 leckerlis, il faut : 450 g de farine ; 450 g de miel ; 180 g d’amandes ; 180 g de sucre ; 80 g d’orange confite ; 8 g de levure à pâtisserie ; une demi-cuillère à café de cannelle en poudre ; une demi-cuillère à café de cardamome en poudre ; une pincée de clous de girofle en poudre ; une pincée de noix de muscade en poudre ; 120 g de sucre glace et 2 cuillères à soupe de liqueur de cerise. Concassez les amandes. Mélangez la farine avec les épices et la levure. Chauffez le miel avec le sucre à feu doux ; ajoutez les amandes, les fruits confits et incorporez la farine. Mélangez, versez cette préparation sur une plaque de four recouverte de papier sulfurisé et nivelez sur une épaisseur de 1 cm. Enfournez à 170 degrés pendant trente minutes. Pendant ce temps, mélangez le sucre glace avec suffisamment de liqueur pour obtenir un glaçage qui ne soit pas trop dense. Retirez la plaque du four et versez des gouttes de glaçage sur le gâteau. Laissez refroidir et découpez en petits rectangles.

(1) «Plaisirs gourmands» de Sigrid Verbert (éd. Milan, 15,90 euros).
 
http://www.liberation.fr/vous/01012380235-chaud-de-vin

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